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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3674/2014

ATA/967/2014 du 05.12.2014 ( EXPLOI ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3674/2014-EXPLOI ATA/967/2014

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 5 décembre 2014

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

Monsieur A______

et

B______
représentés par Me Jérôme Levrat, avocat

 

contre

SERVICE DU COMMERCE



Attendu, en fait, que :

1) Par requête datée du 12 juin 2014 et déposée au guichet du service du commerce (ci-après : Scom) le 25 juin 2014, Monsieur A______, né le ______ 1983, a sollicité une autorisation d’exploiter un café-restaurant.

Il s’agissait d’un changement d’exploitant responsable et de propriétaire du fonds de commerce. La nouvelle enseigne de l’établissement, sis place des C______, serait, à compter du 18 août 2014, « Le D______ ». L’intéressé était employé, à plein temps, de B______ (acronyme de M. A______), société dont le siège se trouvait au E______. Sous « date d’entrée dans l’établissement », le requérant avait mentionné le 16 juin 2014. Le propriétaire du fonds de commerce était Monsieur F______, né en 1951.

2) B______ est inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) depuis le 27 février 2013. Elle a changé ses statuts le 24 juin 2014. Son but consiste en « toutes prestations en matière de publicité, de relations publiques, de communication, d'information, de formation et d'organisation d'événements, de galas, de kermesses, de soirées d'entreprises, de manifestations sportives et de loisirs, de production et distribution de plats cuisinés et boissons, de management et coaching sportif (cf. statuts pour but complet) ». Quatre personnes forment l’administration, dont M. A______ et son beau-père, M. F______. Toutes ont signature collective à deux. Monsieur G______ est administrateur et président, MM. F______ et H______ sont administrateurs et M. A______ en est le directeur.

3) Il ressort de l’extrait du casier judiciaire que M. A______ a dû produire dans le cadre de ladite requête, que celui-ci a fait l’objet de plusieurs condamnations :

- le 21 juin 2006, par le Ministère public du canton de Genève (ci-après : le Ministère public) à cinq jours d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans pour avoir conduit avec un taux d’alcool qualifié, avoir violé les règles de circulation routière et les devoirs en cas d’accident ;

- le 25 juillet 2007, par le Ministère public, à quinze jours-amende à CHF 100.- pour avoir conduit sans permis ou malgré un retrait ;

- le 22 novembre 2007, par le Ministère public, à une peine-pécuniaire de nonante jours-amende à CHF 100.- pour avoir conduit avec un taux d’alcool qualifié, sans permis de conduire ou malgré un retrait, pour délit et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes, du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) ;

- le 11 juillet 2008, par la Ministère public, à une peine-pécuniaire de cent-quatre-vingt jours-amende à CHF 30.- pour avoir conduit avec un taux d’alcool qualifié, gravement violé les règles de la circulation routière, conduit sans permis de conduire ou malgré un retrait, conduit sans permis de circulation ou plaques de contrôle, et pour une contravention à la LStup ;

- le 17 décembre 2010, par le Ministère public du canton du Valais, à une peine privative de liberté de sept mois, avec sursis pendant quatre ans, et une amende de CHF 300.- pour délit à la LStup ;

- le 30 janvier 2014, par le Ministère public du canton du Valais, à une peine privative de liberté de soixante jours, pour avoir mis un véhicule à disposition d’un conducteur sans permis requis.

4) Par courrier du 30 octobre 2014, le service du commerce (ci-après : Scom) a fixé à B______ un délai au 1er décembre 2014 pour désigner un nouvel exploitant à même de satisfaire à toutes les conditions légales et réglementaires. Il faisait référence à un courrier du 22 octobre 2014, par lequel le Scom avait pris la décision de refuser à M. A______ l’autorisation d’exploiter « le D______ ».

L’attention de la société était attirée sur le fait que, sans désignation d’un nouvel exploitant et sans production des pièces demandées dans le délai imparti, le Scom serait contraint d’ordonner la cessation de l’exploitation de l’établissement.

5) Par décision du 6 novembre 2014, le Scom a rejeté la requête du 25 juin 2014 de M. A______.

La délivrance de l’autorisation d’exploiter était notamment soumise à la condition que le requérant offre, par ses antécédents et son comportement, toute garantie pour que l’établissement soit exploité conformément aux dispositions de la loi sur la restauration, le débit de boissons et l’hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH - I 2 21). Cette condition avait été rédigée de façon à permettre une appréciation nuancée de l’honorabilité requise, en fonction du genre d’établissement que le requérant entendait exploiter. Il ressortait en l’espèce du casier judiciaire de l’intéressé qu’il avait été condamné à six reprises pour des violations de la LCR et de la LStup pendant les huit années qui précédaient la requête. Celles-ci n’étaient pas compatibles avec l’obligation de tout exploitant de s’assurer que l’établissement ne trouble pas l’ordre public, celui-ci devant en particulier veiller au maintien de l’ordre dans son établissement, respecter les prescriptions en matière de service de boissons alcooliques en restant attentif à la consommation d’alcool par les clients de l’établissement concerné. Au vu de ses antécédents, qui consistaient en des violations graves et répétées, notamment par le non-respect de décisions de justice (conduite malgré un retrait de permis), le comportement du requérant ne permettait pas de poser un pronostic favorable quant à sa capacité d’exploiter un établissement public de manière conforme à la LRDBH. Le Scom ne pouvait pas considérer que l’intéressé présentait le caractère honorable exigé par la loi pour être mis au bénéfice de l’autorisation sollicitée.

6) Par courrier du 17 novembre 2014, sous la plume d’un avocat, B______ a sollicité une prolongation du délai pour désigner un nouvel exploitant jusqu’à l’entrée en force de la décision du Scom, subsidiairement une prolongation du délai jusqu’au 15 janvier 2014 (recte : 2015).

7) Par courrier du 19 novembre 2014, le Scom a rappelé qu’il avait rendu une décision négative et que l’établissement ne pouvait pas être exploité tant et aussi longtemps que ladite administration n’avait pas délivré une autorisation. Il n’y avait en conséquence aucune raison de prolonger le délai jusqu’à l’entrée en force de la décision. Au vu des circonstances, une prolongation était toutefois accordée jusqu’au 12 décembre 2014.

8) Par acte du 1er décembre 2014, M. A______ et B______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre les décisions des 6 et 19 novembre 2014.

Les conclusions se composaient de seize points.

a. Elles consistaient, sur le fond, principalement, en l’annulation des décisions litigieuses et en octroi de l’autorisation sollicitée. Subsidiairement, l’autorisation sollicitée pouvait être assortie de conditions telles que la présentation au Scom, tous les trois mois, pendant deux ans, d’un extrait à jour du casier judiciaire de M. A______ ou toute autre charge que la chambre de céans estimerait appropriée.

b. Les recourants sollicitaient la restitution de l’effet suspensif pour la décision du 6 novembre 2014.

c. Ils concluaient à des mesures provisionnelles, soit au constat par la chambre administrative de la nullité de la décision du 19 novembre 2014, subsidiairement à la restitution de l’effet suspensif, et à ce qu’il soit dit que M. A______ était provisoirement autorisé à exploiter le café-restaurant concerné. Plus subsidiairement, M. A______ devait être autorisé à exploiter le restaurant jusqu’à droit connu sur le fond de la requête en autorisation. Plus subsidiairement encore, le délai pour désigner un nouvel exploitant devait être repoussé au 15 janvier 2015.

Les frais devaient être mis à la charge du Scom et une indemnité de procédure devait être allouée aux recourants.

d. Les recourants motivaient leur position par le fait que lors du dépôt de sa requête d’autorisation au guichet du Scom, le 25 juin 2014, M. A______ s’était vu « expressément confirmer par un collaborateur du Scom qu’il était autorisé, jusqu’à droit connu sur sa requête, à ouvrir et exploiter le restaurant sous sa nouvelle enseigne ». Il offrait de prouver ce fait par sa propre audition. Ceci avait été consigné par écrit, par le conseil du requérant, le 28 novembre 2014, à l’attention du Scom. À cette occasion, l’avocat avait pris note de la décision subséquente du 19 novembre 2014 mais avait tenu à préciser que son client était au bénéfice de cette autorisation orale. Cette façon de faire correspondait d’ailleurs à une pratique constante du Scom. Des sommes importantes avaient été investies dans ce projet par le beau-père de M. A______. Il était évident que celui-ci n’aurait pas commencé l’exploitation de son restaurant (et que B______ ne l’y aurait pas autorisé), s’il avait eu le moindre doute sur son droit de le faire. En tout état, et même s’il s’avérait par la suite que le renseignement donné par le Scom était erroné, les recourants étaient protégés dans leur bonne foi. Cette autorisation d’exploiter, donnée oralement, était une décision. Cette situation préexistante subsistait et était protégée par l’effet suspensif automatique du présent recours.

La décision subséquente du 19 novembre 2014 était nulle, car incompatible avec l’effet suspensif attaché au recours contre la décision principale du 6 novembre 2014. L’autorité ne pouvait pas exiger la désignation d’un nouvel exploitant tant qu’il n’était pas établi, par une décision ou un arrêt en force, que M. A______ ne pouvait pas être l’exploitant du restaurant « Le D______ ». La chambre administrative devait prononcer des mesures superprovisionnelles. Sans désignation d’un nouvel exploitant, le Scom se sentirait autorisé à fermer le restaurant le 12 décembre 2014. Une telle décision impliquerait pour les recourants un dommage considérable, que la procédure au fond ne pourrait plus réparer. Les recourants ne pouvaient pas prendre le risque que le Scom prenne des mesures drastiques à leur encontre, au motif qu’il ne partageait pas leur interprétation juridique de la situation procédurale. Vu l’urgence, il était important que la chambre administrative confirme, d’ici au 5 décembre 2014, la nullité de la décision du 19 novembre 2014. La désignation d’un nouvel exploitant d’ici au 12 décembre 2014 aurait pour effet d’annihiler les années d’efforts de M. A______ pour se resocialiser et mettre en œuvre son projet longuement mûri. Ne disposant d’aucune formation ou diplôme autre que le certificat de capacité de cafetier, restaurateur et hôtelier, il avait consenti de réels efforts de réinsertion et de formation pour ce projet en termes de stabilisation de sa vie professionnelle et familiale. Il avait traversé une période difficile entre 2006 et 2009, période pendant laquelle il avait subi les condamnations inscrites à son casier judiciaire. Il en était aujourd’hui sorti. Il précisait que toutes les infractions relatives à la LStup ne concernaient que du cannabis. Dès 2010, il avait effectué différents stages, y compris au domaine de I______ (2 février au 31 mai 2010). Il avait obtenu son certificat de cafetier-restaurateur en 2012. Son beau-père, M. F______, à savoir l’époux, depuis 1994, de la mère du requérant, avec lequel celui-là avait grandi, s’était alors dit prêt à le soutenir financièrement. La reprise du commerce « Quelque part » avait été conclue pour CHF 265'000.- et l’entrée dans les locaux du _______, place des C______, prévue pour le 16 juin 2014. Le bistro gourmand « Le D______ » avait ouvert le 5 septembre 2014. Il travaillait autant que possible avec des producteurs locaux et le restaurant connaissait des débuts prometteurs. M. A______ était fiancé depuis peu. Il produisait un certificat médical attestant de la grossesse de sa compagne, l’accouchement étant prévu aux alentours du ______ 2015. La mesure superprovisionnelle était indispensable pour éviter que le recourant ne chute, de façon abrupte, dans une situation périlleuse, tant sur un plan professionnel, que financier et personnel. L’engagement d’un nouvel exploitant impliquerait des frais qui entraveraient sérieusement le développement du projet pour lequel il avait consacré tous ses efforts depuis plusieurs années.

9) Le 4 décembre 2014, le Scom a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif et de mesures provisionnelles.

Il contestait vigoureusement avoir délivré, par oral, une autorisation d’exploiter l’établissement jusqu’à droit connu sur la requête. Le Scom ne délivrait pas d’autorisation orale. Il avait uniquement pour pratique qu’en cas de « changement d’exploitant » d’un établissement déjà autorisé et en activité, il autorisait la continuation de l’exploitation suite à la désignation d’un nouvel exploitant, le temps de pouvoir statuer sur la demande, à condition que les conditions d’autorisation paraissent, prima facie, réalisées. En l’espèce, il ne s’agissait pas d’une continuation d’exploitation, mais d’une nouvelle exploitation. Non seulement les directives à l’attention des collaborateurs étaient très claires, mais la personne du guichet avait immédiatement dû se rendre compte, au vu du casier judiciaire du recourant, que le dossier devrait faire l’objet d’une analyse, par le service juridique, de l’honorabilité de l’intéressé. Il était donc totalement improbable qu’un collaborateur ait pu délivrer la moindre « autorisation » provisoire. Les allégations du recourant étaient d’autant moins crédibles qu’il ne citait pas le nom du collaborateur en question, qu’il n’en sollicitait pas l’audition et qu’il n’avait pas confirmé une telle autorisation par écrit, étant rappelé que toute autorisation du Scom devait être délivrée par écrit, sauf urgence.

Le refus de délivrer une autorisation constituait une décision exécutoire, dès lors que le recours dirigé à son encontre n’avait pas d’effet suspensif. Une telle décision permettait de mettre en oeuvre des moyens d’exécution forcée pour les obligations exigibles qu’elle comportait. Le Scom était ainsi en droit de prononcer sa « décision » du 19 novembre 2014 pour exécuter l’obligation du propriétaire du fonds de commerce de désigner un nouvel exploitant qui remplissent toutes les conditions imposées par la loi pour exploiter le restaurant litigieux dans « l’hypothèse où il entend ouvrir ce dernier ».

10) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif et mesures provisionnelles.

 

 

Considérant, en droit, que :

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est, prima facie, recevable sans qu’il ne soit nécessaire en l’état de trancher d’autres questions de recevabilité (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les décisions sur effet suspensif et sur mesures provisionnelles sont prises par le président de la chambre administrative, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge (art. 7 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 21 décembre 2010).

3) Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 LPA).

Lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA).

4) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/566/2012 du 21 août 2012 consid. 4 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2).

5) L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsogliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, p. 265).

6) a. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

b. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

7) a. Selon la jurisprudence et la doctrine, un effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui porte refus d’une prestation. La fonction de l’effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l’objet du contentieux judiciaire n’existait pas, l’effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant d’être mis au bénéfice d’un régime juridique dont il n’a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344 ; ATA/354/2014 du 14 mai 2014 consid. 4 ; ATA/87/2013 du 18 février 2013; Ulrich HÄFELIN/ Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., 2010, n. 1800 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2010, n. 5. 8. 3. 3 p. 814).

b. Lorsqu’une décision à contenu négatif est portée devant la chambre administrative et que le destinataire de la décision sollicite la restitution de l’effet suspensif, il y a lieu de distinguer entre la situation de celui qui, lorsque la décision intervient, disposait d’un statut légal qui lui était retiré de celui qui ne disposait d’aucun droit. Dans le premier cas, la chambre administrative pourra entrer en matière sur une requête en restitution de l’effet suspensif, aux conditions de l’art. 66 al. 3 LPA, l’acceptation de celle-ci induisant, jusqu’à droit jugé, le maintien des conditions antérieures. Elle ne pourra pas en faire de même dans le deuxième cas, vu le caractère à contenu négatif de la décision administrative contestée. Dans cette dernière hypothèse, seul l’octroi de mesures provisionnelles, aux conditions cependant restrictives de l’art. 21 LPA, est envisageable (ATA/70/2014 du 5 février 2014 consid. 4b ; ATA/603/2011 du 23 septembre 2011 consid. 2 ; ATA/280/2009 du 11 juin 2009 et ATA/278/2009 du 4 juin 2009).

8) L'exploitation de tout établissement régi par la LRDBH est soumise à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter délivrée par le département de la sécurité et de l’économie (art. 4 LRDBH et 1 al. 1 du règlement d’exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons et l’hébergement du 31 août 1988 (RRDBH - I 2 21.01). Le Scom reçoit et instruit les requêtes et délivre les autorisations prévues par la LRDBH (art 1 al. 2 RRDBH). En principe, toutes les décisions sont notifiées par écrit. En cas d’imprévu ou d’urgence, une décision peut être notifiée oralement; dans ce cas, elle doit être confirmée par écrit (art 8 al. 2 RRDBH).

9) En l'espèce, les recourants fondent leur argumentation sur l’existence d’une décision du 25 juin 2014, par laquelle M. A______ aurait été autorisé, oralement, par un collaborateur du Scom, à exploiter le restaurant litigieux.

a. Toutefois, aucune pièce, ni aucune offre de preuve ne vient étayer cette allégation. Celle-ci est de surcroît fermement contestée par le Scom. Les arguments invoqués par celui-ci, notamment le fait qu’un collborateur n’aurait jamais donné une telle assurance au vu de l’extrait du casier judiciaire versé au dossier, est un élément supplémentaire convaincant, prima facie, de l’absence de toute autorisation orale. Enfin, l’ouverture d’un restaurant sans autorisation est contraire à l’art. 4 LRDBH qui veut qu’un établissement ne puisse ouvrir qu’une fois l’autorisation délivrée, celle-ci devant de surcroît être écrite. Dans ces conditions, l’existence d’une autorisation délivrée oralement et valablement par le Scom le 25 juin 2014, lors du dépôt, par l’intéressé, de sa requête en autorisation, doit être, prima facie, niée.

b. Il s’ensuit que le raisonnement des recourants sur la possibilité de continuer à exploiter est erroné. La décision du Scom du 6 novembre 2014 étant une décision négative, l’effet suspensif ne peut être restitué, dès lors que, sous le régime antérieur à la décision, le droit d’exploiter le restaurant « Le D______ » n’existait pas.

c. Les conclusions relatives à la décision du 19 novembre 2014, pour autant qu’elles soient recevables, doivent être rejetées.

En l’absence de toute décision favorable à M. A______ en juin 2014, le Scom était autorisé à exiger de la société la désignation d’un nouvel exploitant, indépendamment de l’aboutissement de la présente procédure. En l’absence d’autorisation valablement délivrée, le restaurant n’a pas le droit d’être ouvert à la clientèle. En l’espèce, il l’est, sans autorisation. C’est donc, à juste titre, que le Scom a fixé un rapide délai pour qu’un nouvel exploitant, répondant aux conditions légales, soit désigné. La nullité de la décision litigieuse n’a pas à être constatée, dès lors que tel n’est, prima facie, pas le cas.

Contrairement à ce que soutiennent les recourants, il n’y a aucune raison de « constater, par voie de mesures provisionnelles, l’existence de l’effet suspensif inhérent au présent recours ». La menace du dommage considérable alléguée est liée au fait que les recourants exploitent d’ores et déjà le restaurant litigieux, prima facie, sans aucune autorisation et de façon illégale. Leur intérêt privé ne peut être privilégié par rapport à l’intérêt public au respect de la législation en vigueur.

Les conclusions plus subsidiaires encore doivent aussi être rejetées, au motif que le recourant ne peut se voir accorder par le biais de mesures provisionnelles un régime juridique dont il n’a jamais bénéficié, en l’occurrence l’autorisation d’exploiter, le maintien d'une situation antérieure illégale n'apparaissant en outre pas comme un intérêt digne d'être protégé et donc prépondérant.

Le Scom n’ayant pas abusé de son pouvoir d’appréciation en fixant un délai, déjà prolongé, au 12 décembre 2014, la prolongation du délai sera refusée, la question de savoir si le document du 19 novembre 2014 est une décision pouvant, en l’état, rester ouverte.

10) Dès lors, la demande de restitution de l'effet suspensif et l’octroi de mesures provisionnelles sera rejetée, et le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

Vu l’art. 66 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ;

vu l’art. 7 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 21 décembre 2010 ;

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête en mesures provisionnelles et restitution de l’effet suspensif ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Jérôme Levrat, avocat des recourants ainsi qu'au service du commerce.

 

 

Le vice-président :

 

 

 

J.-M. Verniory

 

 


 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :