Décisions | Sommaires
ACJC/1390/2025 du 07.10.2025 sur JTPI/7803/2025 ( SML ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
| république et | canton de genève | |
| POUVOIR JUDICIAIRE C/28057/2024 ACJC/1390/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 7 OCTOBRE 2025 | ||
Entre
A______ SA, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 2ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 juin 2025, représentée par Me B______, avocat, ______ [GE],
et
C______ SA, sise ______ [VD], intimée.
A. Par jugement JTPI/7803/2025 du 24 juin 2025, reçu par A______ SA le 9 juillet 2025, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée par C______ SA au commandement de payer, poursuite n° 4______ (ch. 1 du dispositif), condamné A______ SA à payer à sa partie adverse 200 fr. de frais judiciaires (ch. 2) et dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3).
B. a. Le 21 juillet 2025, A______ SA a formé recours contre ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice l'annule et déclare irrecevable la requête formée par sa partie adverse, subsidiairement la rejette, avec suite de frais et dépens.
b. C______ SA a conclu au rejet du recours et a produit des pièces nouvelles.
c. Les parties se sont déterminées dans les délais légaux, persistant dans leurs conclusions.
d. Elles ont été informées le 28 août 2025 de ce que la cause était gardée à juger par la Cour.
C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.
a. C______ SA a notamment comme but social la fourniture de services dans le domaine de la sécurité. Selon le registre du commerce du canton de Vaud, D______ est administrateur de la société et E______ fondé de procuration. Les précités disposent tous les deux d'une signature collective à deux.
b. Le 23 octobre 2024, C______ SA a fait notifier à A______ SA un commandement de payer, poursuite n° 4______, portant sur 969 fr. 30 au titre de "facture n° 5______" (poste n° 1), 323 fr. 10 au titre de "facture n° 6______" (poste n° 2) et 363 fr. 50 au titre de "facture n° 7______" (poste n° 3), le tout avec intérêts à 5% dès le 19 octobre 2023. Opposition a été formée à ce commandement de payer.
c. Le 25 novembre 2024, C______ SA a requis du Tribunal le prononcé de la mainlevée provisoire de cette opposition.
La requête porte une signature illisible et mentionne comme adresse e-mail E______@C______.swiss. Il n'est pas contesté que la signature précitée est celle de E______.
C______ SA a produit les documents suivants :
- Une facture n° n° 5______ du 19 septembre 2023 en 969 fr. 30, qui indique faire suite à deux offres n° 8______ et n° 9______. Ces deux offres, qui figurent au dossier, ne sont pas signées par A______ SA.
- Une facture n° n° 6______ du 19 septembre 2023 en 323 fr. 10, faisant suite à une offre n° 10______. Cette offre, datée du 21 février 2022, porte sur diverses prestations pour un montant de 1'453 fr. 95 et est signée par A______ SA.
- Une facture n° n° 7______ du 19 septembre 2023 en 363 fr. 50, faisant suite à une offre n° 11______. Cette offre, datée du 17 mars 2022, porte sur diverses prestations pour un montant de 969 fr. 30 et est signée par A______ SA.
d. Lors de l'audience du Tribunal du 12 mai 2025, E______, responsable financier, et D______, administrateur, ont représenté C______ SA, laquelle n'a pas modifié les termes de sa requête.
A______ SA a indiqué qu'elle s'opposait à la requête au motif "qu'une grande partie des éléments" n'étaient "pas signés" par ses soins.
A l'issue de l'audience, le Tribunal a imparti aux parties un délai au 22 mai 2025 pour trouver un accord ou solliciter une décision.
1. 1.1 En matière de mainlevée d'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 3 CPC).
Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).
Interjeté dans le délai et selon la forme prévus par la loi, le recours est recevable.
1.2 Les pièces nouvelles déposées par l'intimée sont quant à elles irrecevables, conformément à l'art. 326 al. 2 CPC.
1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (HOHL, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., Berne, 2010, n° 2307).
Le recours est instruit en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC), la preuve des faits allégués devant être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).
2. Le Tribunal a retenu que les deux offres signées, accompagnées des factures produites par l'intimée constituaient des titres de mainlevée provisoire de l'opposition.
La recourante fait valoir que la requête de mainlevée n'est signée que par le seul E______, qui dispose d'une signature collective à deux, de sorte qu'elle est irrecevable. La mainlevée ne pouvait par ailleurs pas être prononcée pour la facture n° 5______, qui faisait référence à des offres non signées par ses soins.
2.1.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (art. 82 al. 1 LP).
Par reconnaissance de dette au sens de l'article 82 al. 1 LP, il faut entendre notamment l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; 136 III 624 consid. 4.2.2; 136 III 627 consid. 2).
Un contrat bilatéral justifie la mainlevée provisoire de l'opposition pour la somme d'argent incombant au poursuivi si les conditions d'exigibilité de la dette sont établies (Veuilet/ Abbet, La mainlevée de l'opposition, 2022, n. 145, ad art. 82 LP).
La mainlevée ne peut être prononcée que s'il y a identité entre la prétention figurant dans le commandement de payer et celle résultant du titre qui est présenté. Si le montant est dû en vertu d'un autre titre que celui indiqué dans le commandement de payer, la mainlevée doit être rejetée en raison du défaut d'identité entre la créance et le titre (Veuilet/ Abbet, op. cit., n. 92, ad art. 82 LP).
2.1.2 Selon l'art. 52 al. 1 CPC, quiconque participe à la procédure doit se conformer aux règles de la bonne foi.
Le principe de la bonne foi en procédure exige qu'une prétendue erreur de procédure fasse l'objet d'une objection immédiate et l'omission de cette objection cause la péremption du droit de soulever le grief. Il n'est pas nécessaire que l'omission d'une objection soit intentionnelle. Ce principe, ainsi que l'interdiction de l'arbitraire s'opposent à ce que des griefs d'ordre formel qui auraient pu être soulevés à un stade antérieur soient invoqués plus tard, une fois l'issue défavorable connue (arrêt du Tribunal fédéral 5A_947/2020 du 4 novembre 2022 consid. 5.5.3 ATF 130 III 66 consid. 4.3; 132 II 485 consid. 4; 134 I 20 consid. 4.3.1).
2.1.3 A teneur de l'art. 32 CO, les droits et les obligations dérivant d'un contrat fait au nom d'une autre personne par un représentant autorisé passent au représenté.
Le système de représentation prévu par le registre du commerce n'exclut pas qu'une société anonyme se fasse représenter selon les règles des art. 32 ss CO (arrêts du Tribunal fédéral 4A_448/2012 du 7 janvier 2013 consid. 2.5; 4A_36/2011 du 15 mars 2011 consid. 2.2.2).
La Cour de justice a ainsi retenu à plusieurs reprises que la teneur du Registre du commerce ne contraignait pas une personne morale à agir exclusivement sous la signature des collaborateurs autorisés pour ce faire (ACJC/1457/2010 du 13 décembre 2010 consid. 2.4; ACJC/1484/1995 du 20 novembre 1995 consid. 3 et ACJC/421/2018 du 9 avril 2018 consid. 3.2).
Selon l'art. 38 al. 1 CO, lorsqu'une personne contracte sans pouvoirs au nom d'un tiers, celui-ci ne devient créancier ou débiteur que s'il ratifie le contrat. Conformément à cette disposition, il peut être remédié à l'absence de procuration par la ratification rétroactive des actes accomplis (arrêt du Tribunal fédéral 5A_460/2017 du 8 août 2017 consid. 3.3).
2.2.1 En l'espèce, contrairement à ce que soutient la recourante, le fait que la requête de mainlevée a été signée par le seul E______ ne rend pas celle-ci irrecevable. En effet, rien n'empêchait l'intimée de conférer à celui-ci le pouvoir de signer seul un tel acte, même si le Registre du commerce indique qu'il ne dispose que d'une signature collective à deux.
A cela s'ajoute que, même à supposer que la requête ait été signée sans pouvoirs, ce qui n'est pas le cas, l'intimée, valablement représentée lors de l'audience du Tribunal, a ratifié le dépôt de l'acte, conformément à l'art. 38 al. 1 CO.
En tout état de cause, la recourante n'a pas soulevé cet argument par-devant le Tribunal. Elle est donc forclose à s'en prévaloir devant la Cour, conformément au principe de la bonne foi ancré à l'art. 52 al. 2 CPC.
2.2.2 Sur le fond, la recourante fait valoir à juste titre que la mainlevée de l'opposition ne peut être prononcée que pour les factures qui sont fondées sur un devis signé par ses soins, soit les factures n° n° 6______ et n° 7______ visées par les postes n° 2 et 3 du commandement de payer.
La mainlevée ne peut par contre pas être prononcée pour le poste n° 1 dudit commandement de payer, puisque celui-ci vise la facture n° n° 5______, pour laquelle aucun devis signé n'a été produit.
La mainlevée de l'opposition est une procédure sur pièces et le fait que les factures n'aient pas été contestées, ou que certaines d'entre elles aient été payées, en tout ou partie, sans réserve n'est pas déterminant dans ce cadre, contrairement à ce que fait valoir l'intimée.
Le chiffre 1 du dispositif du jugement querellé sera dès lors modifié en ce sens que la mainlevée provisoire de l'opposition ne sera prononcée que pour les postes n° 2 et 3 du commandement de payer litigieux.
3. 3.1 Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC). Le tribunal peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le demandeur obtient gain de cause sur le principe de ses conclusions et non sur leur montant, celui-ci étant tributaire de l'appréciation du Tribunal ou difficile à chiffrer ou si des circonstances particulières rendent inéquitable la répartition en fonction du sort de la cause (art. 107 al. 1 let. a et f CPC).
Les frais judiciaires sont fixés et répartis d'office (art. 105 al. 1 CPC).
3.2 En l'espèce, c'est à juste titre que le Tribunal a fixé et réparti d'office les frais judiciaires, contrairement à ce que soutient la recourante.
Compte tenu de l'issue du recours, les frais judiciaires de première et seconde instances, arrêtés respectivement à 200 fr. et 300 fr., seront mis à la charge de la recourante à raison des ¾ (soit 375 fr.) et à celle de l'intimée pour le solde (soit 125 fr.) (art. 48 et 61 OELP; 106 al. 2 CPC).
Ils seront compensés avec les avances fournies par les parties, soit 200 fr. par l'intimée et 300 fr. par la recourante, acquises à l'Etat de Genève (art. 111 CPC, ancienne et nouvelle teneur).
Cette dernière sera dès lors condamnée à verser à l'intimée 75 fr. au titre des frais judiciaires des deux instances.
Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens, compte tenu de l'issue du litige, du fait que l'intimée plaide en personne et du fait que la recourante succombe sur le principe de l'action.
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 21 juillet 2025 par A______ SA contre le jugement JTPI/7803/2025 rendu le 24 juin 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/28057/2024–2 SML.
Au fond :
Annule ce jugement et, statuant à nouveau :
Prononce la mainlevée provisoire de l'opposition formée par A______ SA au commandement de payer, poursuite n° 4______, pour les postes n° 2 et 3.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Met les frais judiciaires des deux instances, arrêtés à 500 fr. au total, et compensés avec les avances versées, acquises à l'Etat de Genève, à la charge de A______ SA à raison des ¾ et à la charge de C______ SA pour le solde.
Condamne A______ SA à verser 75 fr. à C______ SA au titre des frais judiciaires.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.
Siégeant :
Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Laura SESSA, greffière.
| La présidente : Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ |
| La greffière : Laura SESSA |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.