Décisions | Sommaires
ACJC/1360/2025 du 06.10.2025 sur OTPI/104/2025 ( SP ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE C/29891/2024 ACJC/1360/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU LUNDI 6 OCTOBRE 2025 | ||
Entre
Monsieur A______, p.a. [l’agence immobilière] B______, ______ [GE], recourant contre une ordonnance rendue par le Tribunal de première instance de ce canton le 6 février 2025, représenté par Me Laurent STRAWSON, avocat, rue De-Beaumont 3, case postale 24, 1211 Genève 12,
et
Madame C______, domiciliée ______ [GE], intimée.
A. Par ordonnance du 6 février 2025, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a rejeté la requête formée par A______ (ch. 1 du dispositif), arrêté à 1'000 fr. le montant des frais judiciaires et mis ceux-ci à la charge du précité (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).
Cette ordonnance mentionne qu'elle peut être contestée par la voie d'un appel selon les art. 308 ss CPC devant la Cour de justice.
B. a. Par acte déposé à la Cour de justice le 21 février 2025, A______ a formé appel contre cette ordonnance. Il a conclu, avec suite de frais, à son annulation et cela fait, à ce qu'il soit fait interdiction à C______ de passer à pied, en voiture ou par tout autre moyen sur la parcelle n° 1______ de la commune de D______ [GE] et d'y stationner son véhicule, sous la menace de la peine prévue à l'article 292 CP, à ce qu'il soit ordonné à C______ de prendre toutes les mesures utiles visant à la remise en état de ladite parcelle, à ses frais, et à ce qu'il soit autorisé à faire exécuter les travaux visant à la remise en état de la parcelle aux frais, risques et périls de C______.
b. C______ a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation de l'ordonnance attaquée, avec suite de frais.
c. Les parties se sont encore déterminées les 3, 14 et 28 avril 2025, persistant dans leurs conclusions
d. Les parties ont été informées par la Cour le 15 mai 2025 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.
a.a A______ est exécuteur testamentaire dans la succession de feu E______, décédé le ______ 2014.
Les parcelles nos 1_______ et 2______ (anciennement nos 3______ et 4______) de la commune de D______ sont propriété de l'hoirie [de] E______.
a.b F______ est propriétaire de la parcelle adjacente n° 5______, sur laquelle est érigé un chalet.
a.c C______ est locataire depuis le 1er mars 2024 dudit chalet, sis à l'adresse
no. ______, route 6 ______ [code postal] D______, qui lui sert d'habitation principale à teneur du contrat de bail.
b. La parcelle n° 5______ ne dispose d'aucun accès depuis la route, de sorte que la locataire accède à son domicile via la parcelle n° 1______ précitée, que ce soit en voiture ou à pied.
Le contrat de bail ne dit rien quant à l'accès au chalet loué.
c. Par courriel du 13 novembre 2023, un accord relatif à l'octroi d'un droit de passage à bien plaire sur la parcelle n° 1______ a été formalisé entre les époux F______ et les hoirs E______.
Ce passage était déjà utilisé par le passé et ce, depuis plusieurs dizaines d'années.
d. Par courriel du 8 juin 2024, G______ a informé F______ que les hoirs mettaient un terme au droit de passage sur leur parcelle à compter du
15 juin 2024, au motif que F______ avait acquis en janvier 2024 la parcelle
n° 7______ [8_______], laquelle était adjacente aux parcelles nos 1______ et 5______ et disposait d'un accès à la route.
L'hoirie E______ souhaitait pouvoir bénéficier de l'usage des parcelles agricoles nos 1______ et 2______ comme un tout.
e. Par courriel du 24 juin 2024, F______ s'est opposée à cette décision, exposant les différentes raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas l'accepter.
f. Plusieurs échanges de correspondance ont eu lieu entre le conseil de l'hoirie E______ et, respectivement, F______ et C______, lesquels n'ont pas permis de résoudre ce différend.
g. Le 12 décembre 2024, A______ a formé une requête en conciliation à l'encontre de C______ par-devant le Tribunal de première instance tendant à ce qu'il soit fait interdiction à la précitée de passer à pied, en voiture ou par tout autre moyen sur la parcelle n° 1______ de la commune de D______, sous la menace de la peine de l'art. 292 CPC, et à ce qu'il lui soit ordonné de remettre en état ladite parcelle à ses frais, et à ce qu'il soit lui-même autorisé à faire exécuter les travaux de remise en état de cette dernière, aux frais, risques et périls de C______, le tout sous suite de frais.
h. Le 19 décembre 2024, l'exécuteur testamentaire a formé, en parallèle, une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, aux termes de laquelle il a pris de conclusions similaires.
Il a soutenu que les passages quotidiens d'un ou plusieurs véhicules endommageaient considérablement la parcelle n° 1______, laquelle devait impérativement et au plus vite être remise en état.
Il a notamment produit des photographies du terrain prises les 23 novembre et
16 décembre 2024 sur lesquelles on distingue la trace du passage des roues de voitures. Il a également versé à la procédure une attestation de H______, agriculteur exploitant les parcelles nos 1______ et 2______, qui indique que le travail sur ces parcelles était rendu difficile par ce passage, qui les divisait en deux sur la largeur; l'agriculteur précise qu'il entend se lancer dans la culture de céréales dès 2025, laquelle ne serait possible que sur "l'ensemble des terrains en une seule et unique entité".
i. Par ordonnance du 19 décembre 2024, le Tribunal a rejeté la requête sur mesures superprovisionnelles.
j. C______ ne s'est pas déterminée par écrit sur la requête.
k. Par courriel du 5 janvier 2025, C______ a notamment informé A______ qu'elle garait désormais sa voiture à l'entrée du chemin, pour minimiser les passages.
l. Au cours de l'audience qui s'est tenue le 3 février 2025 devant le Tribunal, A______ a persisté dans ses conclusions, qu'il a modifiées en ce sens que l'interdiction à l'endroit de C______ devait également inclure celle de stationner sur la parcelle n° 1______. Il a produit des pièces complémentaires.
C______ a conclu au rejet de la requête. Elle a produit des pièces, notamment des photographies satellite des parcelles à différentes dates, lesquelles laissent apparaître le chemin formé sur la parcelle n° 1______ entre la route 6 ______ et la parcelle n° 5______, en 2012 et en 2021.
C______, qui a relevé qu'elle n'était elle-même que locataire de la maison desservie par l'accès litigieux, a affirmé que l'accès à son domicile n'était possible qu'à travers la parcelle n° 1______, que ce soit à pied ou en voiture, puisqu'une rivière passait derrière le chalet loué.
A______ a contesté ce qui précède, en ajoutant qu'un accès à pied était possible en passant par la parcelle n° 8______ nouvellement acquise par les époux F______.
A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.
m. Dans son ordonnance du 6 février 2025, le Tribunal a relevé qu'un droit de passage (non inscrit au registre foncier) avait été accordé à bien plaire par les hoirs E______, lequel avait toutefois été révoqué par courriel du 8 juin 2024. La prétention au fond visant à faire interdire le passage par la parcelle n° 1______ de la commune de D______ était ainsi vraisemblable.
La requête devait cependant être rejetée faute de vraisemblance de préjudice difficilement réparable et, partant, d'urgence. En effet, A______ exposait que le préjudice résidait dans l'impossibilité, pour H______, d'exploiter les deux parcelles nos 1______ et 2______ comme un tout afin d'y cultiver des céréales. Il se prévalait ainsi non pas d'un préjudice touchant l'hoirie qu'il représentait, mais celui d'un tiers, en la personne de l'exploitant des parcelles dont cette dernière est propriétaire. L'hoirie n'établissait pas que l'agriculteur précité aurait requis
(a fortiori obtenu) une réduction du fermage ou des dommages et intérêts en raison du passage de la citée sur la parcelle n° 1______.
Le passage au travers de la parcelle n° 1______ vers la n° 5______ avait été toléré depuis de nombreuses années, en tous cas depuis 2012, soit bien avant sa formalisation par courriel du 13 novembre 2023. A cela s'ajoutait que l'hoirie E______ avait mis un terme au droit de passage litigieux depuis juin 2024, de sorte que la situation actuelle prévalait depuis plusieurs mois. Une urgence n'était ainsi pas vraisemblable.
Au surplus, une requête (au fond) avait déjà été déposée devant le Tribunal de première instance, devant permettre si besoin au juge saisi de rendre une décision après les mesures d'instruction appropriées.
1. 1.1
1.1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC), lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins
(art. 308 al. 2 CPC).
La valeur litigieuse relative aux restrictions légales à la propriété foncière correspond à l'augmentation de valeur que la cessation des atteintes procurerait au bien-fonds qui les subit, ou, si elle est plus élevée, à la diminution de valeur que la cessation ferait subir au bien-fonds qui cause ces atteintes (voir ATF 45 II 402 consid. 1; arrêts 5A_653/2019 du 28 octobre 2019 consid. 1.1.1.1; 5A_774/2017 du 12 février 2018 consid. 1.2.4 et la référence).
Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, consacré à l'art. 9 in fine Cst., dont le Tribunal fédéral contrôle librement le respect (ATF 147 IV 274 consid. 1.10.1; 138 I 49
consid. 8.3.1). On déduit du principe de la bonne foi que les parties ne doivent subir aucun préjudice en raison d'une indication inexacte des voies de droit
(ATF 138 I 49 consid. 8.3.2). Elles ne doivent pas non plus pâtir d'une réglementation légale des voies de recours peu claire ou contradictoire
(ATF 123 II 231 consid. 8b; arrêts 4A_516/2023 du 8 octobre 2024 consid. 5.2; 4A_573/2021 du 17 mai 2022 consid. 3; voir aussi ATF 144 II 401 consid. 3.1). En application de ces principes, l'autorité de recours traite le recours irrecevable comme un recours d'un autre type s'il en remplit les conditions
(arrêt 4A_516/2023 précité consid. 5.2).
Les indications erronées relatives aux voies de droit sont opposables à tous les tribunaux dans la mesure où elles sont avantageuses pour la partie qui s’en prévaut (art. 52 al. 2 CPC).
1.1.2 En l'espèce, A______ forme un appel contre l'ordonnance entreprise, rappelant la teneur de l'art. 308 al. 1 let. b CPC. Il ne fournit en revanche aucune explication sur la valeur litigieuse minimale de 10'000 fr. qui doit être atteinte selon l'art. 308 al. 2 CPC pour ouvrir la voie de l'appel.
En l'absence d'une quelconque explication quant à la valeur litigieuse qui peut être attribuée au présent litige et au vu des faits résultant de la procédure, il ne peut être retenu que la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. et, par conséquent, que la voie de l'appel est ouverte.
Il doit donc être considéré que seule la voie du recours est ouverte puisqu'elle l'est contre les décisions provisionnelles de première instance qui ne peuvent faire l’objet d’un appel (cf. art. 319 let. a CPC).
Dans la mesure où l'indication erronée de la voie de droit mentionnée par le Tribunal ne doit pas nuire à la partie qui s'y est fiée, l'acte déposé sera converti en recours.
1.2 Le recours a été formé dans le délai utile de dix jours (art. 142 al. 3, 248 let. d et 321 al. 2 CPC) et respecte les exigences de forme prescrites par la loi
(art. 130, 131 et 321 CPC), de sorte qu'il est recevable, dans les limites de ce qui suit.
1.3
1.3.1 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait.
En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503 et les références citées). L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait envisageable, voire préférable (ATF 136 III 552 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_48/2023 du 22 mars 2023 consid. 2.2).
1.3.2 En l'espèce, le recourant se limite à énumérer un certain nombre de faits qu'il voudrait intégrer à l'état de fait du Tribunal. Il n'explique cependant pas en quoi ils auraient été arbitrairement omis ou constatés. Les faits mentionnés ne sont en tout état de cause pas déterminants pour l'issue du litige au regard des conditions requises pour le prononcé des mesures provisionnelles et des considérations qui suivent.
Les conditions auxquelles les faits tels que retenus par le Tribunal peuvent être complétés ou modifiés du fait qu'ils auraient été arbitrairement constatés ne sont donc pas remplies. La Cour se fondera donc sur les faits retenus par le Tribunal.
1.4 Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire
(art. 248 let. d CPC), la cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 131 III 473 consid. 2.3; 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_293/2019 du 29 août 2019 consid. 4.2).
2. Le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu au motif que les pièces produites lors de l'audience du Tribunal du 3 février 2025 ne lui ont pas été transmises, à l'exception du bail à loyer, de sorte que les pièces sur lesquelles le Tribunal s'appuie et les faits retenus en lien avec lesdites pièces devraient être écartés.
2.1 Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable, le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 6 par. 1 CEDH, comprend en particulier le droit, pour une partie à un procès, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, dans la mesure où elle l'estime nécessaire, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur la décision à rendre. Il appartient aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1 et les références).
Le droit d'être entendu étant de nature formelle, sa violation conduit en principe à l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 144 I 11 consid. 5.3; 142 II 218 consid. 2.8.1; 137 I 195 consid. 2.2; 135 I 279 consid. 2.6.1). Le droit d'être entendu n'est toutefois pas une fin en soi; il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire aboutisse à un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 6). Ainsi, lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation de ce droit a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée. Il incombe au recourant d'indiquer quels arguments il aurait fait valoir dans la procédure et en quoi ceux-ci auraient été pertinents (arrêt du Tribunal fédéral 4A_453/2016 du 16 février 2017 consid. 4.2.3). A défaut de cette démonstration, en effet, le renvoi de la cause à l'autorité précédente en raison de cette seule violation constituerait une vaine formalité et conduirait seulement à prolonger inutilement la procédure
(ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_923/2018 du
6 mai 2019 consid. 4.2.1 et les autres références).
2.2 En l'espèce, selon l'ordonnance attaquée, l'intimée a produit lors de l'audience devant le Tribunal du 3 février 2025 des photographies satellites des parcelles, lesquelles laissent apparaître le chemin formé sur la parcelle n° 2______ entre la route 6 ______ [GE] et la parcelle n° 5______ en 2012 et en 2021.
Il ressort du procès-verbal de l'audience qui s'est tenue devant le Tribunal que l'intimée a produit "des pièces", ce que le recourant pouvait donc savoir ne serait-ce qu'à la lecture dudit procès-verbal. Il ne s'est toutefois pas manifesté lors de ladite audience pour signaler qu'il ne recevait pas l'ensemble des pièces produites par l'intimée, ni immédiatement après, alors que le principe de la bonne foi et l'interdiction de l'abus de droit s'opposent à ce que des griefs qui auraient pu être soulevés à un stade antérieur de la procédure soient invoqués ultérieurement, une fois l'issue défavorable connue.
Le recourant n'explique par ailleurs pas quelle influence décisive les faits ressortant des pièces précitées auraient eu sur l'issue du litige et quels arguments il aurait été empêché de faire valoir, le cas échéant devant la Cour, en lien avec lesdites pièces. Il ne sera dès lors pas donné suite à la requête du recourant tendant au retrait des pièces litigieuses de la procédure. Celles-ci ne sont, en tout état de cause, pas déterminantes pour l'issue du litige.
3. Le recourant soutient subir un préjudice difficilement réparable du fait que l'intimée pénètre plusieurs fois par jour sur la parcelle et qu'elle empêche les hoirs de disposer librement de leur droit de propriété et l'exploitant de cultiver la parcelle comme il l'entend. Le préjudice difficilement réparable résulterait également des dégâts causés au terrain résultant des passages sur la parcelle. L'urgence résulterait par ailleurs dans le fait que le trouble se répète quotidiennement et qu'il persiste. L'interdiction de pénétrer sans droit sur la parcelle devait prévaloir sur l'intérêt de l'intimée, qui ne disposait pas d'un droit intangible à stationner, par simple confort, devant chez elle.
3.1
3.1.1 En vertu de l'art. 261 al. 1 CPC, le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable. Le tribunal peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice et notamment prononcer une interdiction (art. 262 let. a CPC).
Rendre vraisemblable signifie qu'il n'est pas nécessaire que le juge soit convaincu de l'exactitude de l'allégué présenté, mais qu'il suffit que, sur la base d'éléments objectifs, le fait en cause soit rendu probable, sans qu'il doive pour autant exclure la possibilité que les faits aient aussi pu se dérouler autrement (ATF 130 III 321 consid. 3.3, JdT 2005 I 618, SJ 2005 I 514; ATF 120 II 393 consid. 4c;
ATF 104 Ia 408).
La vraisemblance requiert plus que de simples allégués: ceux-ci doivent être étayés par des éléments concrets ou des indices et être accompagnés de pièces (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2 et 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_893/2013 du 18 février 2014 consid. 3).
Les mesures provisionnelles servent à accorder à une partie une protection provisoire, jusqu'à ce qu'un jugement définitif soit prononcé ou puisse l'être. Toutefois, elles ne peuvent pas préjuger d'un procès déjà pendant ou à venir dans la cause principale (arrêt du Tribunal fédéral 5A_687/2015 du 20 janvier 2016 consid. 4.3).
Celui qui requiert des mesures provisionnelles doit rendre vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte – ou risque de l'être – et qu'il s'expose de ce fait à un préjudice difficilement réparable (ATF 139 III 86
consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 5D_219/2017 du 24 août 2018 consid. 4.2.2).
Ainsi, le requérant doit rendre vraisemblable que le droit matériel invoqué existe et que le procès a des chances de succès, la mesure provisionnelle ne pouvant être accordée que dans la perspective de l'action au fond qui doit la valider (cf. art. 263 et 268 al. 2 CPC; ATF 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1016/2015 du 15 septembre 2016 consid. 5.3; Bohnet, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 7 ad art. 261 CPC). Il doit en outre rendre vraisemblable une atteinte au droit ou son imminence, sur la base d'éléments objectifs (Bohnet, op. cit., n. 10 ad art. 261 CPC). L'atteinte, tout comme le risque de sa survenance, doit être concrète. En d'autres termes, le requérant doit avoir des raisons sérieuses de craindre la survenance d'une atteinte, un simple risque abstrait n'étant pas suffisant (Jeandin, Mesures provisionnelles en matière civile, in: Les mesures provisionnelles en procédure civile, pénale et administrative, 2015, n° 15, p. 10).
Doit également être rendue vraisemblable l'existence d'un préjudice difficilement réparable, qui peut être de nature patrimoniale ou immatérielle (Message relatif au CPC, FF 2006 p. 6961; Bohnet, op. cit., n. 11 ad art. 261 CPC). Le requérant doit rendre vraisemblable qu'il s'expose, en raison de la durée nécessaire pour rendre une décision définitive, à un préjudice qui ne pourrait pas être entièrement supprimé même si le jugement à intervenir devait lui donner gain de cause. En d'autres termes, il s'agit d'éviter d'être mis devant un fait accompli dont le jugement ne pourrait pas complètement supprimer les effets (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1).
Le risque de préjudice difficilement réparable implique l'urgence (Bohnet,
op. cit., n. 12 ad art. 261 CPC). L'urgence est une notion relative qui comporte des degrés et s'apprécie moins selon des critères objectifs qu'au regard des circonstances. Elle est en principe admise lorsque le demandeur pourrait subir un dommage économique ou immatériel s'il devait attendre qu'une décision au fond soit rendue dans une procédure ordinaire (ATF 116 Ia 446 consid. 2 =
JdT 1992 I 122; Bohnet, op. cit., n. 12 ad art. 261 CPC).
Lorsque les conditions de l'art. 261 CPC sont remplies, le juge doit accorder sa protection immédiate, en ordonnant les mesures provisionnelles nécessaires. La mesure qu'il prononce doit cependant être proportionnée au risque d'atteinte et le choix de la mesure doit tenir compte des intérêts de l'adversaire. La pesée d'intérêts qui s'impose pour toute mesure envisagée prend en compte le droit présumé du requérant à la mesure conservatoire et les conséquences que celle-ci entraînerait pour le requis (ATF 131 III 473 consid. 2.3; Bohnet, op. cit., n. 17
ad art. 261 CPC).
3.1.2 Selon l'article 641 al. 2 CC, le propriétaire d'une chose peut la revendiquer contre quiconque la détient sans droit et repousser toute usurpation.
L'action négatoire prévue par cette disposition permet au propriétaire d'agir lorsque la maîtrise de son bien fait l'objet d'une atteinte illicite autre qu'une dépossession. Le trouble doit être direct, en ce sens que le fonds du demandeur doit être mis directement à contribution. Le fait de pénétrer sur le fonds d'autrui ou d'y stationner constitue par exemple des atteintes directes (Foëx, Commentaire romand, CC II, 2016, n. 36, 41 et 42 ad art. 641 CC).
3.2 En l'espèce, le recourant ne peut tirer aucun argument du fait que, par ses agissements, l'intimée trouble le droit de propriété des hoirs puisque le Tribunal a considéré qu'ils disposaient vraisemblablement d'une prétention au fond. Cette seule circonstance ne suffit toutefois pas pour que soient ordonnées les mesures provisionnelles requises même si, comme le recourant le soutient, le trouble se répète quotidiennement, ce qui ne constitue pas un critère suffisant pour l'octroi de mesures provisionnelles. Le prononcé de mesures provisionnelles répond à des conditions supplémentaires et ne consiste pas simplement en une procédure ordinaire "accélérée" lorsqu'une partie dispose, vraisemblablement, d'une prétention.
Le fait que la parcelle des hoirs serait endommagée ne permet pas de retenir qu'ils subissent un préjudice qui pourrait être qualifié de difficilement réparable dans la mesure où, même s'il fallait retenir que le passage de l'intimée endommage la parcelle, le recourant n'explique pas pourquoi sa remise en état ne pourrait pas intervenir à l'issue de la procédure au fond, que plus difficilement ou que de manière partielle. Le recourant ne peut par ailleurs se prévaloir de l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_826/2022 du 24 février 2023 selon lequel le fait d'être privé de l'usage d'un appartement entraînerait un préjudice difficilement réparable, dans la mesure où, contrairement à cette affaire, les hoirs ne sont pas privés de l'usage de leurs parcelles, seul le passage de l'intimée sur celle-ci étant litigieux.
Le recourant n'explique par ailleurs pas quel préjudice difficilement réparable les hoirs subiraient du fait que le travail de l'agriculteur exploitant les parcelles nos 1______ et 2______ serait rendu plus difficile par le passage qui divise celles-ci en deux sur la largeur. Les explications de l'agriculteur ne rendent, en tout état de cause, pas suffisamment vraisemblable que ce dernier ne pourrait pas exploiter les parcelles en raison du passage du véhicule de l'intimée et de leur "division" et ainsi que la situation présente une quelconque urgence.
Enfin, le recourant a déposé sa requête de mesures provisionnelles six mois après que F______ a exposé, le 24 juin 2024, les raisons pour lesquelles elle estimait que l'autorisation de passer devait être maintenue et donc s'opposait à sa suppression. Cette circonstance permet également de nier la vraisemblance d'une quelconque urgence.
Au vu de ce qui précède, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que les conditions pour le prononcé des mesures provisionnelles requises n'étaient pas réunies. L'ordonnance attaquée sera dès lors confirmée.
4. Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais judicaires de la procédure (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 800 fr. (art. 38 et 26 RTFMC), compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'État de Genève (art 111 al. 1 CPC).
Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimée, qui comparaît en personne et n'a pas exposé avoir entrepris des démarches le justifiant (art. 95 al. 3 let. c CPC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre l'ordonnance OTPI/104/2025 rendue le 6 février 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/29891/2024–S1 SP.
Au fond :
Rejette ce recours.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires à 800 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'État de Genève.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.
Siégeant :
Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.
| La présidente : Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ |
| La greffière : Marie-Pierre GROSJEAN |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminées.