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Décisions | Sommaires

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C/24343/2024

ACJC/1355/2025 du 03.10.2025 sur JTPI/6456/2025 ( SML ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24343/2024 ACJC/1355/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 3 OCTOBRE 2025

 

Entre

A______, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 11ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 16 mai 2025,

et

Monsieur B______, domicilié ______, France, intimé, représenté par Me Mevlon ALIU, avocat, ALIU WANNIER, Avocats, rue Du-Roveray 16, 1207 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/6456/2025 du 16 mai 2025, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a débouté la [banque] A______ de ses conclusions en mainlevée provisoire (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 500 fr., compensés avec l'avance effectuée par la précitée, laissés à sa charge (ch. 2 et 3), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

En substance, il a retenu que A______ n'avait pas rendu vraisemblable que la dénonciation de la cédule hypothécaire avait été valablement notifiée au poursuivi, qui n'avait pas pris connaissance de l'envoi recommandé du
7 mai 2024. De plus, la banque n'avait pas produit ses conditions générales, qui faisaient partie intégrante du contrat de financement.

B. a. Par acte expédié le 13 juin 2025 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement, reçu le 4 juin 2025, concluant à sa réformation en ce sens que soit prononcée la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, à ce que les frais judiciaires arrêtés à 500 fr. ne soient pas compensés avec l'avance opérée par elle, qui devrait lui être restituée, à la condamnation de B______ aux frais judiciaires et à la confirmation du jugement pour le surplus.

b. Par réponse du 10 juillet 2025, B______ a conclu au rejet du recours, à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais et dépens de première et seconde instance.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 22 août 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier du Tribunal.

a. Le 15 novembre 2016, les parties se sont liées par un contrat de financement, aux termes duquel A______ octroyait à B______ "une limite cadre de financement d'un montant maximum de CHF *72'000.00* destinée à englober tous les financements octroyés en vertu du présent contrat".

L'art. 4 stipule ce qui suit: "Les garanties convenues entre la Banque et le Débiteur font l'objet d'un Contrat de garantie(s) séparé (…)".

L'art. 9 a notamment la teneur suivante: "La Banque se réserve le droit de dénoncer en tout temps et avec effet immédiat, un, plusieurs ou tous les financements accordés en vertu du présent Contrat, d'exiger le remboursement immédiat de certaines ou de toutes ses créances (…) lorsque des mesures d'exécution forcée sont prises à l'encontre du Débiteur".

Selon l'art. 14 dudit contrat, les conditions générales de la Banque sont applicables et font partie intégrante du contrat de financement. Le Débiteur confirme les avoir reçues, lues et les accepter.

b. Un contrat de garantie a été signé le même jour entre les parties, selon lequel B______ remettait notamment à la A______ une ou plusieurs cédules hypothécaires d'un montant nominal de 72'000 fr. minimum selon convention de fiducie.

c. Le 5 septembre 2017, les parties ont signé une convention de fiducie, aux termes de laquelle B______ remettait à la Banque une cédule hypothécaire de 72'000 fr. en premier rang, grevant la parcelle 2______ sise sur la commune de C______ [GE].

L'art. 1 de cette convention stipule ce qui suit : "la Banque acquiert la pleine propriété des cédules hypothécaires sur papier et la pleine titularité des cédules hypothécaires de registre faisant l'objet de la présente convention".

Selon l'art. 4, 3ème paragraphe, "la Banque est en droit de dénoncer la (les) cédule(s) hypothécaire(s) créée(s) postérieurement au 31 décembre 2011 pour la fin d'un mois moyennant un préavis de 3 mois (…)".

Les conditions générales de la Banque étaient applicables pour le surplus (art. 12).

d. Le 29 novembre 2017 a été établie une cédule hypothécaire sur papier au porteur N° 3______, d'un montant de 72'000 fr., grevant en premier rang l'immeuble 4______ sis sur la commune de C______, le taux d'intérêt maximal étant de 12%.

e. Par courrier recommandé du 7 mai 2024, faisant référence à un précédent courrier du 9 avril 2024 (non produit) et "compte tenu du séquestre d'un montant de CHF 61'517.45, avec intérêts, sur le feuillet 2______ de la commune de C______", A______ a résilié avec effet immédiat le prêt hypothécaire n° 5______ (en se référant à l'art. 9 du contrat de financement du 15 novembre 2016). Elle a également dénoncé au remboursement intégral dans le délai prévu par la convention de fiducie du 15 novembre 2016, soit pour le 31 août 2024, la cédule hypothécaire au porteur n° 3______.

f. Le 3 septembre 2024, A______ a requis la poursuite en réalisation de gage immobilier de B______, pour la somme de 72'000 fr. avec intérêts à 12% dès le 1er septembre 2024. Sous "autres observations" il était mentionné que la cédule hypothécaire avait été dénoncée au remboursement par courrier du 7 mai 2024 pour le 31 août 2024.

Le 16 septembre 2024, un commandement de payer, poursuite n° 1______, a été notifié à B______. Le titre de la créance était libellé comme suit : "Montant représentant le capital de la cédule hypothécaire au porteur
n° 3______, au montant de CHF 72'000.00, grevant en 1er rang le feuillet n°4______ de la commune de C______".

g. Par requête reçue par le Tribunal le 18 octobre 2024, A______ a conclu au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer précité, sous suite de frais et dépens.

A l'appui de sa requête elle a produit les documents susmentionnés (let. a à f
ci-dessus).

h. Lors de l'audience devant le Tribunal du 10 février 2025, A______ n'était ni présente ni représentée.

B______ a conclu au rejet de la demande, au motif que la convention prévoyait que la cédule hypothécaire devait être résiliée avec un préavis de trois mois pour la fin d'un mois et que la banque n'avait pas prouvé avoir adressé son envoi recommandé du 7 mai 2024. Il n'avait reçu ce courrier envoyé par courrier A que le 27 juin 2024.

A cet égard, il a produit un courrier de la banque du 26 juin 2024, comprenant le courrier recommandé du 7 mai 2024, lequel lui aurait été retourné par la Poste avec la mention "non réclamé".

Sur quoi, le Tribunal a gardé la cause à juger.

 

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

1.2 Interjeté dans le délai et la forme prescrits par la loi, le recours est recevable. Il en va de même de la réponse de l'intimé et des écritures subséquentes des parties.

2. La recourante reproche au Tribunal d'avoir constaté les faits de manière inexacte en retenant qu'elle n'avait pas produit ses conditions générales et n'avait en conséquence pas rendu vraisemblable que la dénonciation de la cédule hypothécaire avait été notifiée valablement. Par ailleurs, le juge aurait violé le droit en omettant la portée juridique d'un recommandé, soit la jurisprudence relative à la théorie de la réception absolue.

2.1.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire de l'opposition (art. 82 al. 1 LP).

Une cédule hypothécaire est une créance personnelle garantie par un gage immobilier (article 842 al. 1 CC) et constitue un titre de mainlevée provisoire (Denys, Cédule hypothécaire et mainlevée, in JT 2008 II 3; Veuillet, La mainlevée provisoire, 2022, n°223 ad article 82 LP).

Lorsqu'une créance est garantie par une cédule hypothécaire, deux créances coexistent, celle incorporée dans la cédule (créance abstraite) et celle résultant du rapport contractuel de base (créance de base) (Denys, op. cit., page 4).

Le créancier doit établir par pièce que la créance abstraite a été valablement dénoncée et qu'elle était exigible lors de la notification du commandement de payer (Veuillet, op, cit., n° 231, ad article 82 LP). Lorsque la créance causale et la créance abstraite coexistent, la créance causale doit également être exigible puisque la cédule hypothécaire a une fonction de garantie de la créance causale et que cette fonction ne saurait déployer d'effets lorsque la créance causale n'est pas exigible. Pour ce faire, il faut se référer aux conditions de dénonciation fixées dans le contrat de prêt, ou dans les conditions générales auxquelles il se réfère. Le poursuivi pourra invoquer l'inexigibilité de la créance causale comme moyen libératoire (Aebi, Poursuite en réalisation de gage et procédure de mainlevée, in JT 2012 II 24, p. 39).

2.1.2 La déclaration formatrice est un acte juridique unilatéral sujet à réception (ATF 109 II 219 = SJ 1984, p. 225; Engel, Traité des obligations en droit suisse, Berne 1997, p. 33). Elle est donc parfaite et produit ses effets dès qu'elle parvient au destinataire (art. 3 al. 2 CO; Engel, op.cit., p. 132).

2.2 En l'espèce, il est constant que la recourante n'a produit aucun document démontrant l'envoi du pli recommandé adressé à l'intimé, contenant la résiliation du contrat de financement et la dénonciation de la cédule hypothécaire. Un suivi des envois de la Poste aurait été pertinent à cet égard. L'intimé conteste avoir reçu l'envoi recommandé ou eu connaissance d'un avis de retrait déposé dans sa boîte aux lettres. Il affirme n'avoir appris la résiliation du contrat et la dénonciation de la cédule hypothécaire qu'à réception du pli simple de la recourante le
27 juin 2024.

Le contrat de financement prévoyait en son article 9 la possibilité de dénoncer le contrat, en tout temps et de manière immédiate, notamment si le débiteur faisait l'objet d'une mesure d'exécution forcée. La convention de fiducie du 5 septembre 2017 prévoyait un délai de dénonciation de trois mois pour la fin d'un mois. Il doit ainsi être considéré que le contrat de financement a été résilié avec effet au
27 juin 2024, mais que la stipulation de l’art. 4, 3ème paragraphe de la convention de fiducie n'a pris effet que le 30 septembre 2024, soit trois mois après la résiliation reçue le 27 juin 2024. Ainsi, la Banque n'a pas rendu vraisemblable qu'au moment de la réquisition de poursuite et de la notification du commandement de payer, soit antérieurement au 30 septembre 2024, sa créance abstraite, résultant de la cédule hypothécaire, était exigible, faute de démonstration de ce que la déclaration formatrice serait parvenue à son destinataire.

Peu importe à cet égard que les conditions générales de la banque aient prévu ou non un mode particulier de notification pour les communications avec ses clients, puisque la preuve par titre d'un envoi recommandé n'a pas été rapportée, comme relevé ci-dessus.

Il résulte de ce qui précède que le recours n'est pas fondé et doit être rejeté.

3. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais de recours, arrêtés à
750 fr. (art. 48, 63 OELP), et compensés avec l'avance opérée, acquise à l'Etat (art. 111 CPC).

Elle sera en outre condamnée à verser à l'intimé la somme de 1'000 fr. à titre de dépens de recours (art. 84, 85, 89 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 13 juin 2025 par la [banque] A______ contre le jugement JTPI/6456/2025 rendu le 16 mai 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/24343/2024-11 SML.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 750 fr., les met à la charge de la [banque] A______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne la [banque] A______ à verser à B______ la somme de 1'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.