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ACJC/1078/2025 du 14.08.2025 sur JTPI/7557/2025 ( SML )
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/16836/2024 ACJC/1078/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU JEUDI 14 AOÛT 2025 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 19 juin 2025, représenté par Me Guglielmo PALUMBO, avocat, HABEAS Avocats Sàrl, rue du Général-Dufour 20, case postale 556, 1211 Genève 4,
et
Monsieur B______, domicilié ______, ROYAUME-UNI, intimé, représenté par Me Nicolas BEGUIN, avocat, Aegis Partners Sàrl, rue du Général-Dufour 20, case postale, 1211 Genève 4.
Attendu, EN FAIT, que par jugement JTPI/7557/2025 du 19 juin 2025, le Tribunal de première instance a rejeté la requête de suspension de la procédure (chiffre 1 du dispositif), prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, pour le chiffre 1 du commandement de payer (ch. 2), prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, n° 1______, pour les chiffres 2 et 3 du commandement de payer (ch. 3), prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer n° 1______, pour le chiffre 4 du commandement de payer, avec suite d'intérêts moratoires à 5% l'an dès le 8 avril 2024 (ch. 4), statué sur les frais et dépens (ch. 5 et 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7);
Que par acte expédié à la Cour le 3 juillet 2025, A______ a formé recours contre ce jugement concluant à son annulation et, cela fait, au rejet de la requête de mainlevée, subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal, le tout sous suite de frais et dépens;
Qu'il a sollicité préalablement l'octroi de l'effet suspensif et la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans la procédure arbitrale SAC 2______-2022 opposant les parties;
Qu'il expose, à l'appui de sa requête d'effet suspensif, que le versement du montant correspondant à la poursuite, de 571'900 fr. avec intérêts, le "propulserait", ainsi que sa famille, dans l'indigence la plus totale, tous ses actifs, y compris le logement familial, faisant l'objet d'un séquestre pénal, dans le cadre d'une procédure pénale ouverte contre lui, outre le fait qu'il fait l'objet de poursuites pour un montant totalisant plusieurs millions de francs;
Qu'il relève ensuite qu'il lui serait particulièrement difficile d'obtenir de la part de l'intimé, domicilié à C______ (Royaume-Uni) un quelconque remboursement des sommes saisies par l'Office des poursuites, ce pays n'étant plus partie, suite au Brexit, à la Convention de Lugano, laquelle permettait la reconnaissance et l'exécution facilitées des jugements suisses au Royaume-Uni;
Qu'enfin, son recours présente des chances de succès, ne serait-ce qu'au motif du défaut de motivation de la décision contestée, outre les autres griefs soulevés;
Que finalement, la requête de suspension de la procédure, qu'il sollicite à titre préalable et qui présente, selon lui, des chances de succès au regard des deux procédures d'ores et déjà suspendues entre les parties jusqu'à l'échéance de la procédure arbitrale les opposant, serait vidée de sa substance si l'effet suspensif n'était pas accordé;
Que la partie intimée a conclu au rejet de la requête d'effet suspensif, relevant que le recourant n'est pas susceptible de subir un préjudice difficilement réparable, la continuation de la poursuite n'étant pas de nature à modifier sa situation patrimoniale, tous ses biens faisant l'objet d'un séquestre pénal; que la saisie provisoire et/ou définitive ne permettrait de toute façon pas à l'intimé de se désintéresser sur les biens du recourant en raison de ce séquestre; que l'intimé dispose cependant d'un intérêt à pouvoir participer à la prochaine série de créanciers saisissants, ce qui serait empêché par l'octroi de l'effet suspensif,
Que l'intimé relève également que le recourant n'a pas formé recours contre le jugement de mainlevée du 8 avril 2024 levant son opposition concernant la créance en capital du prêt du 7 décembre 2016, s'élevant à 1'680'000 fr., de sorte qu'il ne peut prétendre que la créance en intérêts moratoires en rapport à ce prêt, objet de la procédure de recours, lui causerait désormais un préjudice difficilement réparable;
Qu'au surplus, rien ne permet de retenir que le recourant ne pourrait pas obtenir le remboursement de la somme concernée auprès de l'intimé s'il obtenait gain de cause, celui-ci n'étant pas indigent, les coûts supplémentaires engendrés par une procédure au Royaume-Uni, ainsi que la longueur d'une telle procédure, n'étant pas susceptibles de provoquer une situation irréversible;
Qu'au contraire du recourant, il considère que le recours est dénué de chance de succès, la motivation du Tribunal étant suffisante et l'intimé étant au bénéfice de jugements exécutoires et entrés en force s'agissant des créances visées par les ch. 2 à 4, et d'un titre de mainlevée provisoire (contrat de prêt) concernant le chiffre 1 du commandement de payer, le recourant n'étant pas parvenu à rendre vraisemblable sa libération avec la contre-créance qu'il invoque;
Qu'au surplus, les arguments du recourant concernant la nécessité d'obtenir l'octroi de l'effet suspensif en lien avec ses conclusions en suspension de la procédure sont "rocambolesques", étant précisé qu'une suspension est intervenue dans deux autres procédures totalement différentes, soit une demande en paiement et une action en libération de dette;
Considérant, EN DROIT, que le recours ne suspend pas la force jugée et le caractère exécutoire de la décision attaquée (art. 325 al. 1 CPC); que l'instance de recours peut, sur demande, suspendre le caractère exécutoire si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable (art. 325 al. 2 CPC);
Que, saisie d'une demande d'effet suspensif, l'autorité de recours doit faire preuve de retenue et ne modifier la décision de première instance que dans des cas exceptionnels (arrêt du Tribunal fédéral 5A_206/2024 du 7 juin 2024 consid. 3.1.1);
Que la suspension du caractère exécutoire du jugement, prévue par l'art. 325 al. 2 CPC, implique que la partie recourante allègue et établisse la possibilité que la décision querellée lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que celui-ci ne fasse d'emblée aucun doute (ATF 136 IV 92 consid. 4);
Que, de jurisprudence constante, le fait d'être exposé au paiement d'une somme d'argent n'entraîne, en principe, aucun préjudice irréparable, dans la mesure où l'intéressé peut s'acquitter du montant et pourra en obtenir la restitution s'il obtient finalement gain de cause (ATF 138 III 333 consid. 1.3.1 et les références citées, à propos de l'art. 93 al. 1 let. a LTF; arrêts du Tribunal fédéral 5A_708/2013 du 14 mai 2014 consid. 1.1; 5D_52/2010 du 10 mai 2010 consid. 1.1.1 in SJ 2011 I p. 134);
Qu'il appartient donc à la partie recourante de démontrer, qu'à défaut d'effet suspensif, elle est exposée à d'importantes difficultés financières ou qu'elle ne pourra pas obtenir le remboursement du montant payé au cas où elle obtiendrait gain de cause (arrêt du Tribunal fédéral 5A_708/2013 du 14 mai 2014 consid. 1.1);
Que le juge prendra également en considération les chances de succès du recours (ATF 115 Ib 157 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_30/2010 du 25 mars 2020 consid. 2.3);
Qu'en l'espèce, le recourant allègue qu'il serait exposé à d'importantes difficultés financières s'il devait s'acquitter du montant litigieux, et ne pourrait en obtenir facilement le remboursement s'il obtenait gain de cause à l'issue de la procédure devant la Cour, en raison du domicile au Royaume-Uni de l'intimé et des difficultés inhérentes à une procédure plus longue et plus coûteuse dans ce pays;
Que, cependant, au vu du séquestre pénal de l'ensemble des biens du recourant, sa situation financière n'est pas susceptible d'être péjorée par le refus de l'octroi de l'effet suspensif;
Que le fait qu'il ait obtenu une décision favorable de l'assistance juridique relevant qu'il n'avait pas de moyens suffisants n'est pas un argument susceptible de modifier l'appréciation de la Cour sur l'octroi de l'effet suspensif au présent recours, les règles applicables étant différentes;
Qu'au surplus, comme le relève à juste titre l'intimé, les biens éventuellement saisis du recourant ne pourraient, quoi qu'il en soit, être distribués en raison de l'existence du séquestre pénal qui frappe l'ensemble de son patrimoine, de sorte que les arguments du recourant relatif aux difficultés de recouvrement du montant qui serait, par hypothèse, indûment payé à l'intimé, tombent à néant;
Que, quoi qu'il en soit, les inconvénients qu'entrainerait la nécessité de devoir entreprendre une procédure d'exequatur au Royaume-Uni, qui serait par hypothèse plus complexe, plus longue et plus coûteuse, pour recouvrer la somme par hypothèse indue, ne constituent pas un préjudice difficilement réparable;
Qu'en tout état, s'il estime ne pas devoir le montant en question, le recourant peut éviter la continuation de la poursuite en déposant une action en libération de dette;
Qu'éviter au poursuivi de devoir déposer une action en libération de dette ne constitue pas, en lui-même, un motif suffisant pour suspendre l'effet exécutoire attaché à une décision de mainlevée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_578/2016 du 1er septembre 2016, consid. 2.3);
Que si tel était le cas, l'effet suspensif devrait être systématiquement accordé à tout recours formé contre une décision prononçant la mainlevée, ce qui irait à l'encontre du système tel qu'il a été conçu par le législateur, qui n'a pas prévu d'exception au principe selon lequel le recours ne suspend pas le caractère exécutoire de la décision entreprise;
Que les chances de succès du recours ne sont par ailleurs pas évidentes;
Que finalement, l'octroi de l'effet suspensif doit être examiné en relation avec les conclusions au fond, mais non en relation avec les conclusions préalables de suspension de la procédure, comme le soutient à tort le recourant;
Que, ce nonobstant, les chances de succès à cet égard ne sont également pas évidentes, le recourant ayant au surplus toute latitude, s'il dépose une action en libération de dette de solliciter la suspension de ladite procédure, comme il a pu le faire dans le cadre d'une autre procédure opposant les parties, dans l'attente de la sentence arbitrale finale;
Qu'au vu de ce qui précède, la suspension de l'effet exécutoire du jugement litigieux sera par conséquent refusée;
Qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond (art. 104 al. 3 CPC).
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La Chambre civile :
Statuant sur requête de suspension de l'effet exécutoire du jugement entrepris :
Rejette la requête de A______ tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement JTPI/7557/2025 rendu le 19 juin 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/16836/2024-19 SML.
Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond.
Siégeant :
Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente ad interim; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.
La présidente ad interim : Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE |
| La greffière : Mélanie DE RESENDE PEREIRA |
Indication des voies de recours :
La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1) est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure à 30'000 fr.