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ACJC/202/2025 du 10.02.2025 sur JTPI/13338/2024 ( SML ) , CONFIRME
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/14431/2024 ACJC/202/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DULUNDI 10 FEVRIER 2025 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______, France, recourant contre un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 30 octobre 2024, représenté par Me Cyrielle FRIEDRICH, avocate, rue de la Fontaine 7, 1204 Genève,
et
ETAT DE GENEVE, soit pour lui le Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (SCARPA), rue Ardutius-de-Faucigny 2, 1204 Genève, intimé.
A. a. A______, né le ______ 1985, et B______, née le ______ 1989, se sont mariés le ______ 2018 à C______ (France). Ils sont les parents de l'enfant D______, née le ______ 2019 à Genève.
Les époux se sont séparés en juin 2019.
b. Par jugement JTPI/8576/2020 du 30 juin 2020, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a, notamment, attribué la garde de D______ à B______, condamné A______ à verser en mains de cette dernière, à titre de contribution à l'entretien de leur fille, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, 1'400 fr. du 1er octobre 2019 au 30 avril 2020, puis 3'000 fr. dès le 1er mai 2020, sous déduction de 2'400 fr. déjà versés à ce titre, et prononcé la séparation de biens des époux.
Par arrêt ACJC/34/2021 du 12 janvier 2021, la Cour de justice a confirmé ce jugement, sous réserve du montant à déduire des sommes déjà versées pour l'entretien de D______, arrêté à 6'300 fr. (au lieu de 2'400 fr.). Dans son arrêt, la Cour a précisé que les mesures protectrices ordonnées par le Tribunal n'étaient pas devenues sans objet en raison de l'ordonnance rendue par le Juge des affaires familiales français le 27 août 2020 (cf. infra let. c); ces mesures demeuraient ainsi en vigueur à tout le moins pour la période antérieure à l'entrée en force de cette ordonnance, voire au-delà si ladite ordonnance devait ne pas être reconnue en Suisse.
Cet arrêt n'a fait l'objet d'aucun recours.
c. Pendant que la procédure de mesures protectrices suivait son cours à Genève, A______ a déposé, le 11 mars 2020, une demande en divorce devant le Tribunal judiciaire de E______ (France).
Par ordonnance de non-conciliation du 27 août 2020, le Juge aux affaires familiales de E______ a, notamment, autorisé l'époux à assigner l'épouse devant le Tribunal judiciaire aux fins de divorce, fixé la résidence de D______ au domicile de B______ et condamné A______ à payer une contribution à l'entretien de sa fille de 1'000 euros par mois jusqu'à sa majorité, voire au-delà tant que l'enfant poursuivait des études ou était à la charge de ses parents, et dit que cette ordonnance était exécutoire nonobstant appel.
Par ordonnance du 31 août 2023, le Juge aux affaires familiales de E______ a déclaré caduques les mesures provisoires prises selon l'ordonnance de non-conciliation du 27 août 2020, aucun des époux n'ayant assigné l'autre en divorce dans le délai prévu à l'art. 1113 du Code civil français.
d. Le 6 novembre 2023, A______ ne s'acquittant pas de la contribution fixée à l'entretien de D______ par jugement JTPI/8576/2020 du 30 juin 2020, B______ a sollicité l'intervention du Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (SCARPA).
Le 18 décembre 2023, la précitée, agissant au nom de sa fille, a signé une cession de créance aux fins d'encaissement en faveur du SCARPA avec effet au 1er novembre 2023. Depuis lors, elle perçoit les avances de contribution versées par le SCARPA en faveur de D______.
Entre novembre 2023 et mars 2024, A______ a versé un montant total de 5'000 fr. en mains de B______ pour l'entretien de leur fille.
e. Le 2 février 2024, l'épouse a déposé une demande unilatérale en divorce devant le Tribunal. Cette procédure, enregistrée sous le numéro de cause C/1______/2024, est en cours d'instruction.
f. Par pli du 26 mars 2024, le SCARPA a prié A______ de lui verser la somme de 13'000 fr. d'ici le 15 avril 2024, à titre d'arriérés de pension pour les mois de novembre 2023 à mars 2024 et à titre de pension pour le mois d'avril 2024.
Le 23 avril 2024, A______ a répondu que ce montant n'était pas dû. Selon lui, les mesures protectrices ordonnées par le Tribunal dans son jugement du 30 juin 2020 étaient devenues caduques, à l'exception de la séparation de biens, dans la mesure où les époux avaient repris la vie commune au début de l'année 2021. L'ordonnance rendue le 27 août 2020 par le Juge des affaires familiales français était aussi devenue caduque, de sorte qu'il n'existait plus aucune décision judiciaire exécutoire le condamnant à payer une contribution à l'entretien de sa fille.
Le SCARPA a maintenu sa position par pli du 30 avril 2024.
g. Par requête du 30 avril 2024, l'Etat de Genève, soir pour lui le SCARPA, a sollicité du Tribunal qu'il ordonne le séquestre du salaire, ainsi que de l'intégralité du 13ème salaire et/ou de toute autre gratification, bonus et/ou commission versée à A______ par son employeur, sis à Genève, à hauteur de 13'000 fr.
Le même jour, le Tribunal a ordonné le séquestre requis (n° 2______).
h. Le 7 mai 2024, dans le cadre de la cause C/1______/2024, A______ a déposé une requête de mesures superprovisionnelles, concluant à ce que le Tribunal constate que les époux avaient repris la vie commune d'avril à novembre 2021 et, partant, que le jugement JTPI/8576/2020 et l'arrêt ACJC/34/2021 étaient devenus caducs de plein droit.
Le même jour, le Tribunal a rejeté cette requête, au motif notamment que la constatation d'un droit ne pouvait être obtenue que par une action au fond et non par la voie de mesures provisionnelles.
i. Le 24 mai 2024, l'Etat de Genève, soir pour lui le SCARPA, a requis la poursuite de A______, en validation du séquestre n° 2______, pour la somme de 13'000 fr., à titre de pensions alimentaires dues en faveur de D______ selon arrêt de la Cour du 12 janvier 2021, pour la période du 1er novembre 2023 au 30 avril 2024 (18'000 fr. - 5'000 fr. déjà versés).
Le commandement de payer, poursuite n° 3______, a été notifié le 29 mai 2024 à A______ qui a fait opposition le jour même.
j. Par requête du 12 juin 2024, l'Etat de Genève, soit pour lui le SCARPA, a conclu à ce que le Tribunal prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée à ce commandement de payer, sous suite de frais.
Il a produit, notamment, deux courriels de B______ des 2 et 29 mai 2024; dans ces courriels, la précitée contestait avoir repris la vie commune avec son époux en 2021; elle expliquait avoir accepté de "passer des vacances ensemble" pour le bien de D______ et s'être parfois rendue chez son époux en France, notamment les weekends, pour faire des activités avec D______ ou la garder s'il devait s'absenter. Le SCARPA a en outre produit des extraits de la base de données Calvin (registre informatique de l'Office cantonal de la population et des migrations), dont il ressort que B______ est "séparée par jugement" de son époux et vit "mariée seule" à Genève depuis septembre 2019 avec D______ (l'épouse et l'enfant ayant été domiciliées à la rue 4______ no. ______ de septembre 2019 à fin novembre 2023, puis à la rue 5______ no. ______ dès fin novembre 2023).
k. A l'audience du Tribunal du 11 octobre 2024, A______ a conclu au rejet de la requête de mainlevée, sous suite de frais et dépens. Il a fait valoir que le jugement et l'arrêt sur lesquels se fondait le SCARPA étaient devenus caducs de plein droit, dans la mesure où les époux avaient repris la vie commune d'avril à novembre 2021. Il en voulait pour preuve les pièces suivantes, déposées à l'audience :
- des "attestations sur l'honneur" signées par sa mère et d'autres proches;
- un courrier de la Caisse d'allocations familiales (CAF) F______ (France) du 26 juillet 2021 informant B______ qu'elle faisait dorénavant "partie des allocataires" de la CAF;
- la retranscription de nombreux messages échangés par les époux en 2021;
- de nombreux messages WhatsApp échangés par les époux en 2021;
- les relevés de son compte bancaire auprès de G______ de janvier à décembre 2021, dont il ressort qu'il a versé à B______ une "pension" oscillant entre 1'040 fr. et 1'100 fr. pour les mois de janvier, février, avril et décembre 2021.
- un courriel de B______ du 6 décembre 2022 lui demandant de payer sans délai la pension alimentaire de D______ pour les mois de septembre et décembre 2022, soit un montant total de 2'000 euros;
- Des messages WhatsApp des 16 et 30 octobre 2021, dans lesquels B______ indiquait ce qui suit : "Moi maintenant j'ai pris ma décision et c'est hors de question que je continue avec lui. Donc dans la semaine je prépare mes affaires et je retourne à Genève (…) c'est fini avec A______ (…)".
La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.
B. Par jugement JTPI/13338/2024 du 30 octobre 2024, reçu le 1er novembre 2024 par A______, le Tribunal, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 3______ (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 400 fr., compensés avec l'avance versée par la partie requérante et mis à la charge de A______, celui-ci étant condamné à rembourser ce montant à celle-là (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).
Le Tribunal a retenu que le jugement JTPI/8576/2020 du 30 juin 2020, confirmé par l'arrêt ACJC/34/2021 du 12 janvier 2021, valait titre de mainlevée définitive pour la contribution d'entretien en faveur de D______ de novembre 2023 à avril 2024, période durant laquelle seul un montant de 5'000 fr. avait été versé sur les18'000 fr. dus. Le SCARPA était en possession d'une cession de créance en bonne et due forme (art. 165 CO) pour ladite période. Pour s'opposer à la mainlevée, A______ soutenait que les époux auraient formé à nouveau une communauté de vie en 2021, de sorte que les décisions prises sur mesures protectrices seraient désormais caduques. Ces allégations étaient contestées par B______, qui avait expliqué les raisons et la fréquence de ses visites au domicile de son époux. Il n'appartenait pas au juge de la mainlevée de se livrer à des suppositions sur les intentions des époux durant la reprise de la vie commune alléguée par A______, étant relevé que l'épouse avait introduit une procédure de divorce en février 2024. En tout état, vu les circonstances, le rapprochement de quelques mois allégué par l'époux ne pouvait pas constituer une reprise sérieuse et durable de la vie commune, apte à rendre caduques les décisions rendues sur mesures protectrices.
C. a. Par acte déposé le 11 novembre 2024 devant la Cour, A______ a interjeté recours contre ce jugement, concluant à son annulation et, cela fait, au rejet de la requête de mainlevée, sous suite de frais et dépens - ceux-ci devant être fixés à 2'850 fr. pour la première instance et à 1'900 fr. pour la seconde instance.
b. Par arrêt du 18 novembre 2024, la Cour a admis la requête de A______ tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris, dans la mesure où le SCARPA ne s'y était pas opposé, et dit qu'il serait statué sur les frais avec l'arrêt rendu sur le fond.
c. Dans sa réponse du 22 novembre 2024, le SCARPA a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais et dépens.
Il a produit une pièce nouvelle, à savoir un courriel de B______ du 18 novembre 2024.
d. A______ a répliqué spontanément le 26 novembre 2024, persistant dans ses conclusions. Il a allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles, à savoir, notamment, le procès-verbal d'une audience tenue par le Tribunal dans la cause C/1______/2024 le 26 novembre 2024.
e. La cause a été gardée à juger le 20 décembre 2024, ce dont les parties ont été informées le jour même.
1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).
Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.
En l'espèce, interjeté dans le délai et selon la forme prescrits par la loi, le recours est recevable.
1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).
1.3 Le recours étant instruit en procédure sommaire, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 58 al. 1 et 255 let. a a contrario CPC).
1.4 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables devant l'autorité de recours (art. 326 al. 1 CPC).
Les faits nouveaux et les pièces nouvelles dont les parties se prévalent devant la Cour sont dès lors irrecevables.
2. Le recourant reproche au Tribunal d'avoir constaté les faits de manière arbitraire, en "passant sous silence" les pièces produites à l'audience du 11 octobre 2024. Selon lui, il ressortait de ces pièces que les époux avaient repris la vie commune pendant huit mois en 2021, de sorte que les décisions rendues sur mesures protectrices étaient devenues caduques de plein droit.
2.1.1 Le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition (art. 80 al. 1 LP).
Le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription (art. 81 al. 1 LP).
Le juge de la mainlevée définitive examine seulement la force probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle, et non la validité de la créance. Il doit examiner d'office les trois identités – l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre qui lui est présenté – et statuer sur le droit du créancier de poursuivre le débiteur, c'est-à-dire décider si l'opposition doit ou non être maintenue (ATF 140 III 372 consid. 3.1; 139 III 444 consid. 4.1.1). En principe, la mainlevée définitive ne peut être allouée qu'au créancier désigné par le jugement. Cependant, elle peut être aussi accordée au cessionnaire légal ou conventionnel de la créance (arrêt du Tribunal fédéral 5D_195/2013 du 22 janvier 2014 consid. 3.2 et les références citées).
L'extinction de la dette peut intervenir non seulement par paiement, remise de dette, compensation ou accomplissement d'une condition résolutoire, mais aussi en vertu de toute autre cause de droit civil. Il appartient au débiteur d'établir par titre que sa dette est éteinte. A la différence de la mainlevée provisoire (art. 82 al. 2 LP), le poursuivi ne peut se borner à rendre sa libération vraisemblable. Le titre de mainlevée au sens de l'art. 81 al. 1 LP créant la présomption que la dette existe, cette présomption ne peut être renversée que par la preuve stricte du contraire (ATF 136 III 624 consid. 4.2.1; 124 III 501 consid. 3a).
Dans la procédure de mainlevée définitive, le juge n'a ni à revoir ni à interpréter le titre qui lui est soumis. Il ne lui appartient pas davantage de trancher des questions délicates de droit matériel ou pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation joue un rôle important, la décision sur de telles questions étant réservée au juge du fond; il en va de même de la question de savoir si le comportement du créancier constitue un abus de droit et viole les règles de la bonne foi car la réponse à ces questions suppose une analyse de la situation juridique selon le droit matériel (ATF 124 III 501 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 5D_43/2019 du 24 mai 2019 consid. 5.2.1; 5A_416/2019 du 11 octobre 2019 consid. 4.2.1).
2.1.2 En matière de contributions d'entretien périodiques, le débiteur qui estime n'être plus astreint à payer, peut invoquer, selon les cas, des circonstances assez variées : il peut s'agir par exemple du remariage de l'ex-épouse (art. 130 al. 2 CC), de la survenance de la majorité d'un enfant ou de l'interruption de sa formation alors qu'il est majeur (art. 277 CC). Si certaines de ces circonstances sont simples à établir (majorité, remariage), d'autres sont plus complexes à démontrer, surtout dans le cadre de la procédure sommaire, limitée en règle générale à la preuve par titre. Dans de tels cas, le juge de la mainlevée ne doit pas être contraint à élucider des situations compliquées. Il appartient au débiteur de démontrer clairement la survenance de la condition légale résolutoire annihilant les effets du jugement, sauf si cette dernière est reconnue sans réserve par le créancier ou si elle est notoire. A défaut, le juge doit prononcer la mainlevée définitive et renvoyer le débiteur à faire constater son éventuelle libération par la voie de l'art. 85a LP (arrêt du Tribunal fédéral 5P.514/2006 du 13 avril 2007 consid. 3.1 et 3.2; ACJC/1380/2013 du 22 novembre 2013 consid. 6.2.1).
Le débiteur d'entretien peut également se prévaloir d'une décision postérieure entrée en force, d'une transaction judiciaire ou ratifiée par l'autorité de protection de l'enfant (art. 287 al. 2 CC), voire, pour les questions ne concernant pas les enfants, d'une convention ou d'une renonciation sous seing privé (cf. art. 284 al. 2 CPC), supprimant ou modifiant la contribution initialement fixée. Une convention ou une renonciation orale ne peut en revanche être invoquée; il en va a fortiori de même d'une prétendue renonciation tacite, par actes concluants, résultant de l'absence de protestation en cas de non-paiements ou de paiements de montants inférieurs sur une certaine durée (ABBET/VEUILLET, La mainlevée de l'opposition, 2022, n. 21 ad art. 81 LP et les références citées).
2.1.3 Les mesures protectrices de l'union conjugale demeurent en vigueur même au-delà de l'ouverture de la procédure de divorce. Une fois ordonnées, elles ne peuvent être modifiées par le juge des mesures provisionnelles qu'aux conditions de l'art. 179 CC, applicable par renvoi de l'art. 276 al. 1 CPC (ATF 137 III 614 consid. 3.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_436/2020 du 5 février 2021 consid. 4.1).
Selon l'art. 179 al. 2 CC, lorsque les époux reprennent la vie commune, les mesures ordonnées en vue de la vie séparée sont caduques, à l'exception de la séparation de biens et des mesures de protection de l'enfant.
Dès que la condition légale de la reprise de la vie commune est réalisée, le jugement de mesures protectrices cesse de déployer ses effets en matière de contribution d'entretien : il ne vaut plus titre de mainlevée définitive au sens de l'art. 80 LP pour les contributions échues après la reprise de la vie commune (RIEBEN/CHAIX, in CR CC I, 2024, n. 39 ad art. 179 CC et les références citées; ACJC/1380/2013 précité consid. 6.2.1; ACJC/933/2007 du 9 août 2007 consid. 5.3).
En se mariant, les époux s'engagent en principe à vivre ensemble au sens d'une communauté d'habitation. Selon l'art. 162 CC, les époux choisissent ensemble la demeure commune ("eheliche Wohnung"). Toutefois, même si c'est l'hypothèse la plus fréquente, la vie commune ("Zusammenleben") n'implique pas nécessairement que les conjoints habitent au même endroit. Ainsi, dans certaines situations particulières, le plus souvent liées à l'activité professionnelle, les époux choisiront de vivre ensemble dans deux demeures conjugales. Les époux peuvent également être séparés localement sans vivre séparés au sens de l'art. 114 CC – qui autorise chaque conjoint à demander le divorce si les époux ont vécu séparés pendant deux ans au moins –, tant que leur relation intellectuelle et spirituelle est ininterrompue ("solange ihre geistig-seelische Beziehung ununterbrochen ist"). Il est en outre concevable, même si c'est rare, que la vie séparée (volontaire) se déroule à l'intérieur d'une maison ou d'un même appartement, pour autant qu'il n'y ait pas de ménage commun au sens d'une communauté physique, spirituelle et économique. La vie commune peut donc prendre des formes très différentes, la loi n'imposant pas de cadre rigide à cet égard. Ce sont plutôt les époux qui déterminent ensemble ce qu'est la vie commune et comment ils entendent l'organiser (arrêt du Tribunal fédéral 5A_242/2015 du 17 juin 2015 consid. 3.2.3 et les références citées).
Selon le Tribunal fédéral, la vie séparée ("Getrenntleben") implique que les époux ne sont plus liés par une communauté de vie globale, physique, spirituelle et économique. Cela étant, comme relevé supra, la dissolution de la communauté de vie conjugale ne présuppose pas nécessairement que les époux ont cessé de vivre sous le même toit; elle n'est pas non plus automatiquement réalisée lorsque les époux vivent dans des logements séparés. Aussi, dans un cas concret, la notion de vie séparée se définit principalement par opposition à la conception que les époux se font de la vie commune. On retiendra que les époux vivent séparés lorsque leur mode de vie actuel n'est guère comparable avec ce qui, pour eux, caractérise la vie commune. Cette délimitation entre vie commune et vie séparée est également déterminante pour savoir si les époux ont repris la vie commune et cessé de vivre séparément. On admettra que la vie commune a repris lorsque les époux organisent à nouveau leur vie d'une manière conforme à l'idée qu'ils se font de la vie commune ("Das Zusammenleben gilt als wieder aufgenommen, wenn die Ehegatten ihr Leben wieder in der Weise organisieren, die ihrer Vorstellung über ein Zusammenleben entspricht") (arrêt du Tribunal fédéral 5A_242/2015 précité consid. 3.3).
Pour que les conséquences de l'art. 179 al. 2 CC se produisent, la reprise de la vie commune doit être véritable et durable : une simple tentative de quelques jours ou de quelques semaines ne suffit pas. Il en va de même d'une cohabitation provisoire liée à des circonstances économiques. Ainsi, par reprise de la vie commune, on entend une volonté affirmée et concordante des époux de rétablir durablement une véritable communauté de vie (RIEBEN/CHAIX, op. cit., n. 7 ad art. 179 CC et les références citées; FOUNTOULAKIS/SANDOZ, in CR CC I, 2024, n. 8 ad art. 114 CC; ISENRING/KESSLER, in Basler Kommentar, Zivigesetzbuch I, 2022, n. 12 ad art. 179 CC). Le fait que les époux maintiennent quelques contacts purement amicaux ou se fassent des libéralités financières ne suffit pas à admettre une reprise de la vie commune. Le fait qu'ils partent ensemble en vacances ou qu'ils aient des rapports sexuels occasionnels non plus, aussi longtemps qu'ils n'ont pas tous deux l'intention de revivre ensemble (FOUNTOULAKIS/SANDOZ, op. cit., n. 8 ad art. 114 CC).
Dans son arrêt 5A_242/2015 précité, le Tribunal fédéral a retenu que le délai de séparation de l'art. 114 CC n'avait pas été interrompu dans le cas concret, en dépit du fait que les époux passaient de nombreux jours fériés ensemble et s'offraient des cadeaux, que le mari disposait d'effets personnels dans le logement de l'épouse, dont il avait les clés, et où il prenait fréquemment ses repas avec elle et leur fils commun, que les époux avaient eu des relations intimes de façon régulière et qu'ils donnaient l'apparence d'être en couple en présence de tiers. Selon le Tribunal fédéral, le critère déterminant était que les époux - qui, depuis leur séparation, avaient toujours vécu dans deux logements séparés - n'avaient pas manifesté l'intention de vivre à nouveau ensemble dans un même logement et, ainsi, de reprendre la vie commune selon l'image qu'ils s'en faisaient durant le mariage (cf. FOUNTOULAKIS/SANDOZ, op. cit., n. 8a ad art. 114 CC et la note de bas de page 26).
2.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que le jugement de mesures protectrices du 30 juin 2020, confirmé par arrêt du 12 janvier 2021, est un jugement exécutoire au sens de l'art. 80 al. 1 LP, et que l'intimé est le cessionnaire des créances déduites en poursuite, soit les contributions dues à l'entretien de la mineure D______ pour les mois de novembre 2023 à avril 2024. Le recourant soutient en revanche que ce jugement serait devenu caduc dans la mesure où lui-même et son épouse auraient repris la vie commune pendant huit mois en 2021.
Comme l'a retenu le Tribunal, le recourant - qui n'a pas produit une reconnaissance écrite de son épouse confirmant la reprise de la vie commune en 2021, ni un jugement exécutoire constatant sa libération - ne parvient pas à apporter la preuve stricte de la caducité du jugement de mesures protectrices du 30 juin 2020.
Les "attestations sur l'honneur" versées à la procédure n'ont qu'une faible valeur probante. D'une part, ces attestations sont signées par des personnes proches du recourant (sa mère, ses amis) et doivent donc être appréciées avec circonspection. D'autre part, elles se limitent pour l'essentiel à confirmer que les époux et leur fille ont passé du temps ensemble au domicile français du recourant en 2021, pour diverses activités en présence de tiers (repas, apéros, etc.), ce qui ne suffit pas à démontrer que les époux auraient effectivement repris la vie commune. Le courrier de la CAF adressé à l'épouse le 26 juillet 2021 n'est pas non plus déterminant à cet égard. S'il tend certes à confirmer que l'intéressée a résidé en France en 2021, ce courrier ne donne aucune indication sur la durée, les motifs et les circonstances de ce séjour hors de Suisse. Les registres de l'OCPM indiquent quant à eux que l'épouse vit séparée du recourant et qu'elle est domiciliée à Genève avec sa fille depuis la fin de l'année 2019. Les différents messages échangés par les époux en 2021 sont également dénués de force probante. Outre le fait que la plupart de ces messages ont été retranscrits par le recourant, de sorte que la teneur des propos ainsi rapportés est sujette à caution, on ignore tout du contexte global dans lequel se sont inscrits ces échanges. Il en va de même des messages WhatsApp que l'épouse a adressés à un tiers (dont l'identité ne ressort pas des pièces produites) en octobre 2021. Par ailleurs, conformément aux principes rappelés ci-avant, le fait que la pension alimentaire de D______ n'a plus été payée avec régularité par le recourant à partir de l'année 2021 ne saurait faire obstacle au prononcé de la mainlevée.
En définitive, les pièces produites rendent certes vraisemblable que les époux se sont vus régulièrement au domicile du recourant en 2021, qu'ils se sont échangés de nombreux messages d'ordre personnel (voire intime) et que l'épouse a résidé quelque temps en France cette année-là. En revanche, elles n'établissent pas, de manière claire et non équivoque, que les époux auraient décidé de reprendre la vie commune de façon stable et durable au printemps 2021, étant souligné qu'une simple tentative de reprise de la vie commune ne suffit pas à entraîner la caducité des mesures protectrices en application de l'art. 179 al. 2 CC. A cela s'ajoute que, selon la jurisprudence rappelée supra, la question de savoir si les époux ont repris la vie commune dépend de l'ensemble des circonstances du cas concret. Or l'examen de ces circonstances excède la cognition du juge de la mainlevée définitive, qui n'a pas à trancher des questions pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation joue un rôle important.
Le Tribunal a ainsi considéré avec raison que les pièces produites par le recourant ne constituaient pas des titres établissant de façon suffisamment sûre l'avènement de la condition résolutoire entraînant l'extinction de son obligation d'entretien.
Le recourant, qui n'a pas critiqué le montant déduit en poursuite, a donc échoué à apporter la preuve stricte de sa libération.
Infondé, le recours sera entièrement rejeté.
3. Les frais judiciaires de recours, incluant l'émolument de décision sur effet suspensif, seront arrêtés à 600 fr. (art. 48 et 61 OELP), mis à la charge du recourant qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et compensés avec l'avance de frais versée par celui-ci, acquise à l'Etat de Genève à due concurrence (art. 111 al. 1 aCPC, en relation avec l'art. 407f a contrario CPC). Le recourant se verra restituer le solde de son avance en 200 fr.
Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens de recours à l'intimé qui plaide en personne et n'a pas effectué de démarches justifiant leur allocation (art. 95 al. 3 let. c CPC).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 11 novembre 2024 par A______ contre le jugement JTPI/13338/2024 rendu le 30 octobre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/14431/2024-5 SML.
Au fond :
Rejette ce recours.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires de recours à 600 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève à due concurrence.
Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ le solde de son avance en 200 fr.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.
Le président : Laurent RIEBEN |
| La greffière : Marie-Pierre GROSJEAN |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.