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Décisions | Sommaires

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C/704/2024

ACJC/786/2024 du 17.06.2024 sur JTPI/2808/2024 ( SFC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/704/2024 ACJC/786/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 17 JUIN 2024

 

Entre

A______ SARL, sise ______, recourante contre un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 26 février 2024,

et

COMMISSION PARITAIRE B______, sise ______, intimée.

 


EN FAIT

A. a. Par acte déposé devant le Tribunal de première instance le 12 janvier 2024, la COMMISSION PARITAIRE B______ a requis la faillite de A______ SARL, "à concurrence des montants suivants", soit 657 fr. avec intérêts à 5% dès le 22 février 2022 et 101 fr. 30 de frais de poursuite.

Elle a notamment produit avec sa requête un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur la somme de 657 fr. avec intérêts à 5% dès le 22 février 2022, notifié le 31 janvier 2023 à A______ SARL auquel il n'a pas été formé opposition, ainsi qu'une commination de faillite, notifiée à la précitée le 2 octobre 2023.

b. Lors de l'audience devant le Tribunal du 26 février 2024, aucune des parties n'était présente ni représentée.

B. Par jugement du 26 février 2024, le Tribunal a déclaré A______ SARL en état de faillite dès le jour même à 14:15 heures (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 120 fr., compensés ceux-ci avec l'avance fournie par la COMMISSION PARITAIRE B______ (ch. 2) et mis lesdits frais à la charge de A______ SARL, qui était condamnée à les verser à la partie qui en avait fait l'avance (ch. 3).

C. a. Par acte déposé à la Cour de justice le 5 mars 2024, A______ SARL a formé recours contre ce jugement. Elle a conclu à son annulation et au rejet de la requête de faillite. Elle a invoqué avoir payé la dette pour laquelle elle était poursuivie et être solvable.

Elle a joint à son recours une quittance de l'Office des poursuites du 5 mars 2024 selon laquelle elle avait effectué un paiement qui soldait la poursuite n° 1______ qui avait été requise contre elle par la COMMISSION PARITAIRE B______.

Elle a sollicité, préalablement, la suspension des effets juridiques de la faillite. Par arrêt du 11 mars 2024, la Cour a accordé la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris, ainsi que la suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite et ordonné l'inventaire des biens de A______ SARL, lequel a été dressé par l'Office des poursuites le 26 mars 2024.

b. Invitée à déposer les pièces justifiant de sa solvabilité et à se déterminer sur la liste des poursuites en cours et actes de défaut de biens qui était jointe, A______ SARL a adressé à la Cour divers documents comptables au 31 décembre 2023 et au 13 mars 2024, établis par elle, ainsi que deux devis du 8 février 2024 signés par le même client, portant sur des travaux de 36'361 fr. et 21'161 fr. Il ressort des comptes produits que A______ SARL aurait fait un bénéfice de 602 fr. 81 en 2023, pour un chiffre d'affaires de 39'633 fr. 75 et, au 13 mars 2024, une perte de 327 fr. pour un chiffre d'affaires de 2'961 fr.

Elle ne s'est pas déterminée sur la liste des poursuites requises à son encontre et actes de défaut de biens. Il ressort de cette liste qu'elle a fait l'objet de 87 poursuites depuis 2017, dont 57 ont conduit à la délivrance d'actes de défaut de biens pour un montant total de 80'358 fr. Sur ces 87 poursuites, 6 ont été requises par la COMMISSION PARITAIRE B______, 25 par la Caisse genevoise de compensation et 34 par la Confédération suisse, l'Etat de Genève et une par l'institution supplétive LPP. 46 de ces 87 poursuites portent sur un montant inférieur à 1'000 fr. Deux poursuites ayant atteint le stade de la commination de faillite sont mentionnées, en 2022 et 2023. En 2022, une poursuite concernait un montant de 102 fr. 30 et, en 2024, un montant de 105 fr.

c. Par courrier du 24 avril 2024, la COMMISSION PARITAIRE B______ a exposé que A______ SARL s'étant acquittée de sa dette à son égard, elle "renonçait" à la faillite de cette dernière.

d. Les parties ont été informées le 13 mai 2024 par la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 LP).

Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

1.2 Formé selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 143 al. 3, 321 al. 1 et 2 CPC), le recours est recevable en l'espèce.

2. La recourante soutient à l'appui de son recours avoir payé la dette pour laquelle elle était poursuivie et être solvable.

2.1. En vertu de l'art. 174 al. 2 LP, l'autorité de recours peut annuler l'ouverture de la faillite lorsque le débiteur, d'une part, rend vraisemblable sa solvabilité et, d'autre part, établit par titre que la dette, intérêts et frais compris, a été payée (ch. 1) ou que la totalité de la somme à rembourser a été déposée auprès de l'autorité judiciaire supérieure à l'intention du créancier (ch. 2), ou encore que celui-ci a retiré sa réquisition de faillite (ch. 3). Ces deux conditions sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 5A_891/2021 du 28 janvier 2022 consid. 6.1.1; 5A_918/2020 du 26 mars 2021 consid. 2).

La solvabilité, au sens de l'art. 174 al. 2 LP consiste en la capacité du débiteur de disposer de liquidités suffisantes pour payer ses dettes échues et peut aussi être présente si cette capacité fait temporairement défaut, pour autant que des indices d'amélioration de la situation à court terme existent. Si le débiteur doit seulement rendre vraisemblable – et non prouver – sa solvabilité, il ne peut se contenter de simples allégations, mais doit fournir des indices concrets tels que récépissés de paiements, justificatifs des moyens financiers (avoirs en banque, crédit bancaire) à sa disposition, liste des débiteurs, extrait du registre des poursuites, comptes annuels récents, bilan intermédiaire, etc. En plus de ces documents, le poursuivi doit établir qu'aucune requête de faillite dans une poursuite ordinaire ou dans une poursuite pour effets de change n'est pendante contre lui et qu'aucune poursuite exécutoire n'est en cours contre lui. L'extrait du registre des poursuites constitue un document indispensable pour évaluer la solvabilité du failli. La condition selon laquelle le débiteur doit rendre vraisemblable sa solvabilité ne doit pas être soumise à des exigences trop sévères; il suffit que la solvabilité apparaisse plus probable que l'insolvabilité (arrêts du Tribunal fédéral 5A_918/2020 du 26 mars 2021 consid. 4.1; 5A_891/2021 du 28 janvier 2022 consid. 6.1.2 et les références).

L'appréciation de la solvabilité repose sur une impression générale fondée sur les habitudes de paiement du failli. En principe, s'avère insolvable le débiteur qui, par exemple, laisse des comminations de faillite s'accumuler, fait systématiquement opposition et ne paie pas même des montants peu élevés. S'il y a des poursuites ayant atteint le stade de la commination de faillite ou des avis de saisie dans les cas de l'art. 43 LP, le débiteur doit en principe prouver par titre qu'une des hypothèses de l'art. 174 al. 2 ch. 1 à 3 LP s'est réalisée, à moins qu'il ne résulte du dossier la vraisemblance qualifiée de l'existence de disponibilités en liquidité objectivement suffisantes non seulement pour payer ces créances, mais aussi pour faire face aux autres prétentions créancières déjà exigibles. Des difficultés momentanées de trésorerie, même si elles amènent un retard dans le paiement des dettes, ne sont pas à elles seules un indice d'insolvabilité du débiteur, à moins qu'il n'y ait aucun indice important permettant d'admettre une amélioration de sa situation financière et qu'il semble manquer de liquidités pour une période indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 5A_615/2020 du 30 septembre 2020 consid. 3.1; 5A_251/2018 du 31 mai 2018 consid. 4.1).

Le non-paiement de créances de droit public peut constituer un indice de suspension des paiements. Celle-ci peut en effet être admise lorsqu'il est établi que le débiteur a, sur une certaine durée, effectué ses paiements quasi exclusivement en faveur de ses créanciers privés et qu'il a ainsi suspendu ses paiements vis-à-vis d'une certaine catégorie de créanciers, à savoir ceux qui ne peuvent requérir la faillite par la voie ordinaire (art. 43 ch. 1 LP). Le but de la loi n'est en effet pas de permettre à un débiteur d'échapper indéfiniment à la faillite uniquement grâce à la favorisation permanente des créanciers privés au détriment de ceux de droit public (arrêts du Tribunal fédéral 5A_720/2008 du 3 décembre 2008 consid. 4; 5P_412/1999 du 17 décembre 1999 consid. 2b, in SJ 2000 I p. 250 et les références citées).

2.2 En l'espèce, il est établi que la recourante a payé la créance en poursuite dans le délai de recours et que seule la question de la solvabilité est litigieuse.

A cet égard, la recourante fait régulièrement l'objet de poursuites depuis de nombreuses années, parfois pour des montants faibles, voire très faibles. Elle s'est acquittée de certaines d'entre elles, mais a laissé s'accumuler les créances de droit public pour lesquelles sa faillite ne peut être requise. Elle a également fait l'objet de comminations de faillite, encore très récemment, ce qui tend à rendre vraisemblable qu'elle ne dispose d'aucun moyen pour s'acquitter de ses dettes. Il ressort par ailleurs des comptes qu'elle a produits, dont la valeur probante est pourtant limitée, qu'elle ne fait, au mieux, quasiment pas de bénéfice (602 fr. en 2023), voire des pertes (327 fr. en 2024 jusqu'au 13 mars 2024). Enfin, la seule production de deux devis signés ne permet pas de rendre vraisemblable sa solvabilité, la réalisation des travaux concernés et leur paiement n'étant à ce stade aucunement rendue vraisemblable.

En définitive, il convient de considérer que les difficultés financières de la recourante ne sont pas uniquement passagères et qu'il n'y a pas d'indice d'amélioration de sa situation comptable lui permettant, à l'avenir, de s'acquitter des dettes existantes et d'éviter que de nouvelles s'accumulent.

Le recours n'est ainsi pas fondé, de sorte qu'il sera rejeté.

2.3 Compte tenu de l'effet suspensif accordé, la faillite prendra effet à la date du prononcé du présent arrêt (arrêt du Tribunal fédéral 5A_92/2016 du 17 mars 2016 consid. 1.3.2.1).

3. Les frais judiciaires de recours, arrêtés à 220 fr. (art. 52 et 62 OELP), seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimée qui a comparu en personne, a répondu au recours par un simple courrier et n'en a pas réclamé (art. 95 al. 3 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 5 mars 2024 par A______ SARL contre le jugement JTPI/2808/2024 rendu le 26 février 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/704/2024–19 SFC.

Au fond :

Rejette ce recours.

Confirme le jugement querellé, la faillite de A______ SARL prenant effet le 17 juin 2024 à 12 heures.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judicaires de recours à 220 fr., les met à la charge de A______ SARL et les compense avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conditions pécuniaires au sens de la LTF indifférente (art. 74 al 2 let. d LTF)