Décisions | Sommaires
ACJC/365/2024 du 18.03.2024 sur JTPI/1901/2024 ( SML ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/18062/2023 ACJC/365/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU LUNDI 18 MARS 2024 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______, Allemagne, recourant contre un jugement rendu par la 22ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 6 février 2024, représenté par Me Jana BURYSEK, avocate, BT Avocats, rue du Grand-Chêne 6, 1003 Lausanne,
et
B______ SA, sise c/o C______ Sàrl, ______ [GE], intimée, représentée par Me Gérald VIRIEUX, avocat, VISCHER Genève Sàrl, rue du Cloître 2, case postale 3067, 1211 Genève 3.
A. Par jugement JTPI/1901/2024 du 6 février 2024, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a débouté A______ de ses conclusions en mainlevée provisoire (sic) (ch. 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 200 fr., compensés avec l'avance de frais fournie, laissés à la charge du précité (ch. 2 et 3) et a dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4).
En substance, le Tribunal a retenu que le titre de mainlevée sur lequel se fondait la poursuite était un jugement rendu par les autorités allemandes, lequel devait être reconnu et déclaré exécutoire en Suisse à titre incident; seule une photocopie de celui-ci avait été produite, de sorte que les conditions fixées par la Convention de Lugano n'étaient pas respectées. La requête devait en conséquence être rejetée.
B. a. Par acte expédié le 19 février 2024 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Il a conclu à ce que la Cour prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° "1______" (sic) [recte : 2______], sous suite de frais et dépens.
Il s'est plaint d'une appréciation arbitraire des preuves, le caractère définitif et exécutoire des décisions rendues par les autorités allemandes résultant du sceau apposé sur celles-ci par l'Amtsgericht de D______ (Allemagne).
b. Dans sa réponse du 11 mars 2024, B______ SA a conclu à l'admission du recours, le Tribunal ayant commis une erreur en retenant que seules des copies des décisions en cause avaient été déposées, alors qu'il s'agissait de jugements originaux. Les frais et dépens de recours ne pouvaient être mis à sa charge.
c. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 13 mars 2024 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :
a. Par jugement du 29 juillet 2020, le Tribunal de première instance (Amtsgericht) de D______ a condamné B______ SA à verser à A______ les sommes de EUR 899,99 avec intérêts à 5,88% depuis le 1er septembre 2019, et de
EUR 147,56.
Le Tribunal a apposé un sceau sur ledit jugement le 25 novembre 2020, attestant de son caractère définitif et exécutoire.
b. Par jugement du 21 avril 2021, le Tribunal de première instance (Amtsgericht) de D______ a arrêté les frais judiciaires et les dépens liés à la décision précitée, à EUR 129,92 avec intérêts à 5,88% dès le 18 décembre 2020.
Le Tribunal a apposé un sceau le 30 septembre 2021 sur ce jugement, attestant de son caractère définitif et exécutoire.
c. Le 11 août 2023, l'Office cantonal des poursuites, à la requête de A______, a notifié à B______ SA un commandement de payer, poursuite n° 2______, pour les sommes de 899 fr. 99, avec intérêts à 5,88% dès le1er septembre 2019 (poste 1), de 147 fr. 56 (poste 2) et de 129 fr. 92, avec intérêts à 5,88% dès le 18 décembre 2020 (poste 3). Les titres invoqués étaient un jugement et une ordonnance rendus par l'Amtsgericht D______ des 29 juillet 2020 et 21 avril 2021.
Opposition a été formée.
d. Par requête expédiée le 25 août 2023 au Tribunal, A______ a conclu au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer précité, sous suite de frais et dépens. Il a précisé que les jugements originaux et la poursuite en original étaient produits.
e. A l'audience du Tribunal du 4 décembre 2023, A______ a persisté dans ses conclusions.
B______ SA n'était ni présente ni représentée.
La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.
1. 1.1 En matière de mainlevée d'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 3 et 319 let. a CPC).
La décision doit être attaquée dans un délai de dix jours dès sa notification
(art. 321 al. 2 CPC) par un recours écrit et motivé (art. 130 et 131 CPC), adressé à la Cour.
Interjeté dans le délai et les formes prévus par la loi, le recours est, en l'espèce, recevable.
1.2 Dans le cadre d'un recours, l'autorité a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant que les griefs formulés et motivés par le recourant (art. 320 CPC; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010,
n. 2307).
1.3 Le recours étant instruit en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC), la maxime des débats s'applique et la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et 254 CPC). En outre, la maxime de disposition s'applique (art. 58 al. 1 CPC).
2. Le recourant reproche au Tribunal d'avoir violé l'art. 80 LP en ne prononçant pas la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, en retenant qu'il n'avait pas produit les décisions originales sur lesquelles se fondait la poursuite.
2.1.1 Aux termes de l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition. Cette norme englobe tant les jugements suisses que les jugements étrangers
(ATF 146 III 157 consid. 3; 139 III 135 consid. 4.5.1). Toute décision étrangère portant condamnation à payer une somme d'argent ou à constituer des sûretés
(art. 38 al. 1 LP) et exécutable en Suisse selon une convention internationale ou, à défaut, selon la LDIP, constitue un titre de mainlevée définitive. Le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription (art. 81 al. 1 LP; ATF 144 III 360
consid. 3.2.1). Si le jugement a été rendu dans un autre Etat, l'opposant peut en outre faire valoir les moyens prévus par une convention liant cet Etat ou, à défaut d'une telle convention, prévus par la LDIP, à moins qu'un juge suisse n'ait déjà rendu une décision concernant ces moyens (art. 81 al. 3 LP; arrêts du Tribunal fédéral 5A_504/2023 du 8 novembre 2023 consid. 4.1; 5A_528/2022 du
6 février 2023 consid. 3.1 et les références).
2.1.2 La reconnaissance en Suisse des décisions rendues en Allemagne est régie par la CL.
Selon l'art. 33 al. 1 CL, les décisions rendues dans un Etat lié par la Convention sont reconnues dans les autres Etats liés par la Convention, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure. L'art. 38 al. 1 CL prévoit que les décisions exécutoires dans un Etat lié par la Convention sont mises à exécution dans un autre Etat lié par la Convention après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée.
La partie qui invoque la reconnaissance d'une décision doit produire une expédition de celle-ci réunissant les conditions nécessaires à son authenticité ainsi que le certificat visé à l'art. 54 CL, dont le modèle figure à l'annexe V de la Convention (art. 53 CL).
2.2 En l'occurrence, il n'est pas contesté que la CL est applicable. Il résulte par ailleurs de la procédure que le recourant a produit les originaux des décisions rendues par les autorités allemandes, lesquelles comportent un sceau apposé par le Tribunal attestant de leur caractère définitif et exécutoire, ce que l'intimé ne conteste pas. C'est dès lors à tort que le Tribunal a retenu que seules des photocopies desdites décisions avaient été versées. Ces décisions condamnent l'intimée à verser divers montants au recourant, ce que cette dernière ne remet pas non plus en cause.
2.3 Le recours est ainsi fondé. Le jugement sera en conséquence annulé et, la cause étant en état d'être jugée (art. 327 al. 3 let. b CPC), la mainlevée définitive de l'opposition sera prononcée.
3. 3.1 Lorsque l'instance de recours rend une nouvelle décision, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC par analogie; Jeandin, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 9
ad art. 327 CPC).
En l'espèce, la quotité de l'émolument fixée par le premier juge à 200 fr., conformément à l'art. 48 OELP, n'est pas remise en cause, de sorte qu'elle sera confirmée.
Dans la mesure où l'intimée succombe en première instance (art. 106 al. 1 CPC), ces frais seront mis à sa charge, compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Elle sera en conséquence condamnée à verser ce montant au recourant. Dès lors que le recours ne porte pas sur l'absence d'allocation de dépens, cette question ne sera pas revue.
3.2 Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 300 fr. (art. 48 et 61 OELP). Au vu de l'issue du litige, lesdits frais seront laissés à la charge de l'Etat de Genève (art. 107 al. 2 CPC). L'avance de frais sera dès lors restituée au recourant.
Il ne sera pas alloué de dépens de recours.
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 19 février 2024 par A______ contre le jugement JTPI/1901/2024 rendu le 6 février 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/18062/2023-22 SML.
Au fond :
Annule ce jugement.
Cela fait et statuant à nouveau :
Prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 2______.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires de première instance à 200 fr., compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de B______ SA.
Condamne B______ SA à verser 200 fr. à A______.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de première instance.
Arrête les frais judiciaires du recours à 300 fr. et les met à la charge de l'Etat de Genève.
Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer la somme de 300 fr. à A______.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.
Siégeant :
Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.
La présidente : Pauline ERARD |
| La greffière : Mélanie DE RESENDE PEREIRA |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.