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Décisions | Sommaires

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C/12101/2022

ACJC/752/2023 du 07.06.2023 sur JTPI/281/2023 ( SML ) , MODIFIE

Normes : LP.80
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12101/2022 ACJC/752/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 7 JUIN 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, Belgique, recourante contre un jugement rendu par la 14ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 9 janvier 2023, comparant par Me François CANONICA, avocat, Canonica & Associés, Rue François-Bellot 2, 1206 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, Espagne, intimé, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. a. Par arrêt AARP/23/2021 du 2 février 2021, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice a, notamment, déclaré B______ coupable d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 al. 2 CP) et l'a condamné à payer à A______ les sommes de 880'000 USD plus intérêts à 5% dès le 4 janvier 2009, à titre de réparation du dommage matériel, et de 71'244 fr. 50, à titre de frais de défense (54'982 fr. pour la procédure de première instance + 16'262 fr. 50 pour la procédure d'appel).

Par arrêt 6B_309/2021 du 22 octobre 2021, le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par B______ contre cette décision.

b. Par ordonnance du 25 octobre 2021, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur requête d'A______, a prononcé le séquestre de plusieurs œuvres d'art propriété de B______ se trouvant à Genève, à concurrence de 949'494 fr. (contrevaleur de 880'000 USD) et de 71'244 fr. 50, intérêts en sus, en se fondant sur l'arrêt AARP/23/2021 du 2 février 2021 susmentionné (séquestre n° 1______).

Ce séquestre a été exécuté le 1er novembre 2021.

c. Le 6 mai 2022, en validation du séquestre n° 1______, A______ a fait notifier à B______, à son domicile espagnol, un commandement de payer, poursuite n° 2______, portant sur les sommes de 949'494 fr. avec intérêts à 5% dès le 4 janvier 2009 (poste n° 1), 71'244 fr. 50 avec intérêts à 5% dès le 30 juin 2020 (poste n° 2), 6'500 fr. (poste n° 3) et 1'993 fr. 30 (poste n° 4), auquel le précité a formé opposition.

d. Par requête formée le 23 juin 2022 devant le Tribunal, A______ a requis le prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée à ce commandement de payer, sous suite de frais judiciaires et dépens.

e. Par jugement JTPI/281/2023 du 9 janvier 2023, reçu le lendemain par A______, le Tribunal a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par B______ au commandement de payer, poursuite n° 2______, cela uniquement pour le poste n° 1, à hauteur de 805'127 fr. 41 avec intérêts à 5% dès le 2 février 2021, et pour le poste n° 2, à hauteur de 71'244 fr. 50 avec intérêts à 5% dès le 2 février 2021 (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 1'500 fr., compensés avec l'avance effectuée par A______ et mis à la charge de B______, celui-ci étant condamné à les verser à celle-là (ch. 2 et 3), et condamné B______ à verser à A______ 5'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4).

Le Tribunal a considéré, s'agissant du poste n°1 du commandement de payer, que la mainlevée devait être prononcée à concurrence de 805'127 fr. 41, à savoir la contrevaleur de 880'000 USD au taux de change en vigueur à la date du dépôt de la réquisition de poursuite, soit le 9 novembre 2021 (i.e. 1 USD = 0.914918 fr.). Il a par ailleurs retenu que le dies a quo des intérêts pour les postes n° 1 et 2 devait être fixé au 2 février 2021, date du prononcé de l'arrêt AARP/23/2021 par la Chambre pénale d'appel et de révision. Enfin, il n'y avait pas lieu de prononcer la mainlevée de l'opposition pour les postes n° 3 et 4 du commandement de payer, faute de titre de mainlevée s'y rapportant.

f. Par requête du 17 janvier 2023, A______ a sollicité du Tribunal qu'il rectifie son jugement, en ce sens que la mainlevée devait être octroyée, pour le poste n° 1 du commandement de payer, à hauteur de 805'127 fr. 41 avec intérêts à 5% dès le 4 janvier 2009 - comme le prévoyait expressément le dispositif de l'arrêt AARP/23/2021 - et non dès le 2 février 2021, date du prononcé dudit arrêt.

Par jugement JTPI/955/2022 du 19 janvier 2023, le Tribunal a rejeté cette requête.

B. a. Par acte expédié le 20 janvier 2023 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre le chiffre 1 du dispositif de ce jugement, concluant à son annulation en tant qu'il portait sur le dies a quo des intérêts mentionnés au poste n°1 du commandement de payer. Cela fait, il a conclu au prononcé de la mainlevée définitive, pour le poste n°1, à hauteur de 805'127 fr. 41 avec intérêts à 5% dès le 4 janvier 2009, subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants, sous suite de frais et dépens.

b. Par ordonnance du 18 avril 2023, notifiée à B______ à son domicile espagnol le 26 avril 2023, la Cour a imparti au précité un délai de dix jours pour répondre au recours et faire élection de domicile en Suisse pour la notification des actes de procédure (art. 140 CPC), à défaut de quoi la décision finale lui serait notifiée par publication dans la Feuille d'avis officielle du canton de Genève (FAO) (art. 141 al. 1 let. c CPC).

B______ n'a pas répondu au recours, ni élu domicile de notification en Suisse, dans le délai fixé.

c. La cause a été gardée à juger le 22 mai 2023.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b ch. 1 et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique
(art. 251 let. a CPC).

Interjeté dans le délai prescrit et selon la forme requise par la loi (art. 321 al. 1
et 2 CPC), le recours est recevable.

1.2 Dans le cadre d'un recours, l'autorité a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant que les griefs formulés et motivés par le recourant (art. 320 CPC; HOHL, Procédure civile, Tome II, 2ème
éd. 2010, n. 2307).

Le recours étant instruit en procédure sommaire, la maxime des débats s'applique et la preuve des faits allégués doit être apportée par titre (art. 55 al. 1, 255 let. a
a contrario et 254 CPC). Le principe de disposition est applicable (art. 58 al. 1 CPC).

2. La recourante reproche au Tribunal d'avoir prononcé la mainlevée de l'opposition, pour le poste n° 1 du commandement de payer, à concurrence de 805'127 fr. 41 (contrevaleur de 880'000 USD au taux de change en vigueur le 9 novembre 2021), avec intérêts à 5% dès le 2 février 2021, alors qu'il ressort clairement de l'arrêt AARP/23/2021 que le dies a quo des intérêts a été fixé au 4 janvier 2009.

2.1 Aux termes de l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition.

Saisi d'une requête de mainlevée définitive, le juge doit notamment vérifier si la créance en poursuite résulte du document produit (jugement ou titre assimilé). Pour constituer un titre de mainlevée définitive, ce document doit clairement obliger définitivement le débiteur au paiement d'une somme d'argent déterminée. Le juge de la mainlevée doit seulement décider si cette obligation en ressort. Il n'a ni à revoir, ni à interpréter le titre qui lui est soumis (ATF 143 III 564 consid. 4.3 et 4.4 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2021 du 8 novembre 2021 consid. 6.3). Le juge de la mainlevée doit également vérifier d'office la question du caractère exécutoire du jugement, la preuve de celui-ci devant être apportée par le poursuivant (ATF 141 I 97 consid. 7.1; arrêt du Tribunal fédéral 5D_178/2020 du 26 janvier 2021 consid. 4.3.2).

2.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision du 2 février 2021 constitue un titre de mainlevée définitive pour la créance de 880'000 USD - convertie en 805'127 fr. 41 - dont se prévaut la recourante. Il est par ailleurs constant que cette décision est exécutoire, le Tribunal fédéral ayant rejeté le recours de l'intimé par arrêt du 22 octobre 2021 (6B_309/2021).

Par ailleurs, c'est à juste titre que la recourante reproche au premier juge d'avoir fixé le dies a quo des intérêts au 2 février 2021, alors qu'il ressort sans équivoque du titre de mainlevée que les intérêts à 5% sont dus sur cette créance dès le
4 janvier 2009.

Le recours est dès lors fondé.

Par souci de clarté, le chiffre 1 du dispositif du jugement attaqué sera annulé, et il sera statué à nouveau, en ce sens que la mainlevée définitive sera prononcée à concurrence de 805'127 fr. 41 avec intérêts à 5% dès le 4 janvier 2009 (poste n° 1 du commandement de payer) et de 71'244 fr. 50 avec intérêts à 5% dès le
2 février 2021 (poste n° 2).

Pour le surplus, il n'y a pas lieu de revoir la quotité et la répartition des frais et dépens de première instance, qui ont été arrêtées conformément à la loi et ne font l'objet d'aucune critique devant la Cour.

3. 3.1 L'art. 107 al. 2 CPC permet de mettre exceptionnellement les frais judiciaires à la charge du canton lorsqu'ils ne sont pas imputables aux parties ni aux tiers et que l'équité l'exige.

La règlementation de l'art. 107 al. 2 CPC ne laisse en revanche pas de place à la condamnation du canton à verser des dépens à une partie en cas de décision de première instance viciée. Lorsque le recourant obtient gain de cause en raison d'une erreur de procédure du premier juge et que l'intimé ne s'associe pas à la décision attaquée, la juridiction de recours peut cependant, en vertu du large pouvoir d'appréciation que lui confère l'art. 107 al. 1 let. f CPC, libérer l'intimé des dépens et laisser le recourant ayant obtenu gain de cause supporter ses propres frais d'avocat (arrêt du Tribunal fédéral 5A_932/2016 du 24 juillet 2017 consid. 2.2.4, commenté par BASTONS BULLETTI, CPC Online, Newsletter du 5 octobre 2017; ACJC/114/2021 du 27 janvier 2021 consid. 3.1 et 3.2).

3.2 En l'espèce, vu l'issue du litige, les frais judiciaires de recours seront laissés à la charge de l'Etat de Genève (art. 107 al. 2 CPC) et les avances de frais versées par la recourante lui seront restituées.

Il ne sera en revanche pas alloué de dépens à la recourante, l'équité empêchant que ceux-ci soient mis à la charge de l'intimé, qui n'a pas occasionné la procédure de recours ni ne s'est associé au jugement querellé.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 20 janvier 2023 par A______ contre le jugement JTPI/281/2023 rendu le 9 janvier 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/12101/2022-14 SML.

Au fond :

Annule le chiffre 1 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau sur ce point :

Prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 2______, à concurrence de 805'127 fr. 41, avec intérêts à 5% dès le
4 janvier 2009 (poste n° 1), et de 71'244 fr. 50, avec intérêts à 5% dès le 2 février 2021 (poste n° 2).

Confirme le jugement attaqué pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Laisse les frais judiciaires de recours à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 1'500 fr. à A______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 


 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.