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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/10239/2021

ACPR/960/2025 du 19.11.2025 sur OCL/1210/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE CLASSEMENT;PRESCRIPTION
Normes : CPP.319; CP.173; CP.178.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10239/2021 ACPR/960/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 19 novembre 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Romain JORDAN, avocat, MERKT & Associés, rue Général-Dufour 15, case postale, 1211 Genève 4,

recourant,

contre l'ordonnance de classement partielle rendue le 14 août 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 25 août 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 14 août 2025 (OCL/1210/2025), notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a ordonné le classement partiel de la procédure P/10239/2021 à l'égard de B______ s’agissant notamment de la plainte qu'il avait déposée le 12 mai 2021.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance attaquée et au renvoi de la cause au Ministère public afin qu'il engage l'accusation à l'encontre de B______ pour le complexe de faits concerné.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ est associé gérant des sociétés C______ Sàrl (ci-après : C______) et D______ Sàrl et exploitant du restaurant E______ sis rue 1______ no. ______ à Genève.

Entre août 2010 et novembre 2019, B______ a travaillé pour A______ au restaurant E______. Les parties divergent notamment sur le statut, les périodes et les horaires de travail effectués.

b. Après avoir saisi, le 27 juillet 2020, l'instance de conciliation, B______ a déposé, le 27 janvier 2021, auprès du Tribunal des Prud’hommes du canton de Genève (ci-après : TPH) une demande en paiement dirigée contre C______, pour des prétentions s'élevant au total à CHF 804'049.40, faisant état de différents griefs à l'égard de A______. Dans ses allégués concernant la question de la prescription, B______ a indiqué que la situation dans laquelle il s'était trouvé était "à l'évidence constitutive de l'infraction d'usure réprimée par l'article 157 CP".

La demande en paiement a été transmise à C______ par pli recommandé du TPH du 11 février 2021, le courrier produit à l'appui de la plainte pénale de A______ (cf. infra B.c.) portant un tampon humide "reçu le 12 février 2021".

c. A______ a déposé plainte le 12 mai 2021 à l'encontre de B______, dénonçant l'accusation d'usure contenue dans sa demande en paiement laquelle, injustifiée, portait gravement atteinte à son honneur et à celui de ses sociétés. Les faits relevaient de la calomnie puisque leur auteur connaissait la fausseté de ses allégations, adressées à des tiers. Subsidiairement, ils devaient être qualifiés de diffamation.

d. B______ a lui aussi déposé plainte contre A______, par courrier du 27 août 2021, complétée le 22 avril 2022 à la suite du dépôt devant le TPH du mémoire de réponse par C______, notamment pour usure et faux dans les titres. Cette plainte a également été instruite dans la présente procédure. Elle a donné lieu, le 14 août 2025, à une ordonnance de classement partiel (OCL/1211/2025), le Ministère public ayant, notamment, classé la procédure s'agissant de la plainte déposée par B______.

B______ a interjeté recours contre cette ordonnance, recours faisant l'objet d'un arrêt séparé de ce jour (ACPR/959/2025).

e. Au cours de l'instruction, le Ministère public a, notamment, entendu ou fait entendre A______ et B______.

e.a. A______, entendu par la police le 4 juillet 2022 [comme prévenu] puis au Ministère public les 6 décembre 2023 [comme prévenu et partie plaignante] et 22 mars 2025 [comme prévenu], a intégralement contesté les faits que lui reprochait B______.

e.b. Entendu le 5 juillet 2022 par la police en qualité de prévenu, B______ a, en substance, confirmé ses accusations à l'encontre de son ancien employeur. Il a confirmé ses déclarations devant le Ministère public le 6 décembre 2023 [entendu comme prévenu et partie plaignante] puis le 22 mars 2024 [entendu comme plaignant].

C. Dans la décision querellée, le Ministère public a classé les faits visés dans la plainte de A______ du 12 mai 2021.

Les critiques élevées par B______ à son encontre, soit de l'avoir exploité en tant qu’employé de son restaurant E______ et de s'être ainsi rendu coupable d’usure, dépassaient manifestement les critiques d’ordre professionnel, de sorte qu'elles étaient, a priori, de nature à jeter le soupçon d’une conduite contraire à l’honneur et à porter atteinte à sa considération.

Cela étant, proférées dans le cadre d’une demande en paiement adressée au TPH , elles n'avaient été adressées qu'à un cercle extrêmement restreint de destinataires à même de faire la part des choses.

En tout état, au vu du contexte particulier dans lequel les propos litigieux avaient été tenus et dans la mesure où ceux-ci étaient uniquement destinés à un cercle très restreint de personnes, il renonçait à la poursuite, en application de l'art. 52 CP.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public d'avoir procédé à une constatation inexacte des faits. L'autorité intimée avait en effet omis de tenir compte d'un témoignage dont il ressortait pourtant clairement que le comportement reproché à B______ n'était pas isolé mais s'inscrivait dans un "système".

A______ fait également grief au Ministère public d'avoir violé les art. 173 cum 14 CP, ainsi que 52 CP. Les propos tenus, attentatoires à l'honneur, l'avaient certes été dans une procédure judiciaire, mais la nature civile de ladite procédure ne permettait pas d'alléguer de manière inconditionnelle n'importe quels faits, qui plus est qualifiés pénalement. Le but poursuivi ne pouvait avoir été que de donner une impression de véracité à des faits qu'il savait faux. Lui-même avait bénéficié d'une ordonnance de classement, laquelle reconnaissait que les éléments constitutifs de l'infraction d'usure n'étaient pas réunis. En outre, les pièces du dossier démontraient que la fille de B______ avait eu connaissance des propos attentatoires à son honneur de sorte qu'il ne pouvait être retenu que seul un cercle restreint en avait eu connaissance au sein du TPH. Les conséquences des actes du mis en cause ne pouvaient dès lors être considérées comme étant de peu d'importance.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et
5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant se plaint d'une constatation incomplète des faits.

Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1), le grief sera rejeté.

4.             Le recourant conteste l'ordonnance de classement partiel en tant qu'elle vise les faits qu'il a dénoncés dans sa plainte pénale du 12 mai 2021.

4.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public classe la procédure notamment lorsqu’aucun soupçon justifiant une mise en accusation n’est établi (let. a), lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b), lorsqu'il est établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (d), ou encore lorsqu'il peut renoncer à toute poursuite ou à toute sanction en vertu de dispositions légales (let. e).

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2).

4.2. L'art. 14 CP dispose que celui qui agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du code pénal ou d'une autre loi. Dès lors, des déclarations objectivement attentatoires à l'honneur peuvent être justifiées par le devoir d'alléguer des faits dans le cadre d'une procédure (ATF 135 IV 177 consid. 4). La licéité de l'acte est, en tous les cas, subordonnée à la condition qu'il soit proportionné à son but (ATF 107 IV 84 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 6B_960/2017 du 2 mai 2018 consid. 3.2; 6B_507/2017 du 8 septembre 2017 consid. 3.4). Ainsi, tant la partie que son avocat peuvent se prévaloir de l'art. 14 CP à condition de s'être exprimés de bonne foi, de s'être limités à ce qui est nécessaire et pertinent et d'avoir présenté comme telles de simples suppositions (ATF 131 IV 154 consid. 1.3.1; 123 IV 97 consid. 2c/aa; 118 IV 248 consid. 2c et d; 116 IV 211 consid. 4a).

Aux termes de l'art. 52 CP, si la culpabilité de l’auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l’autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.

Selon l’art. 8 al. 1 CPP, le Ministère public et les tribunaux renoncent à toute poursuite pénale lorsque le droit fédéral le prévoit, notamment aux conditions de l'art. 52 CP.

4.3. L'art. 173 ch. 1 CP réprime, sur plainte, le comportement de quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, ou propage une telle accusation ou un tel soupçon.

Pour les délits contre l'honneur, l'action pénale se prescrit par 4 ans (art. 178 al. 1 CP).

Le délai de la prescription de l'action pénale court dès la commission de l'infraction (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 2 ad art. 178).

4.4. En l'espèce, les infractions de calomnie et diffamation dénoncées dans la plainte du recourant, voire la seule diffamation invoquée dans l'acte de recours, auraient été commis par le dépôt, le 27 janvier 2021, de la demande en paiement de son ancien employé devant le TPH.

Dès lors, la prescription de l'action pénale était atteinte lorsque le Ministère public a rendu son ordonnance de classement partiel.

Ainsi, et pour cette raison, la plainte du recourant ne pouvait que faire l'objet d'un classement, un empêchement de procédé étant survenu (art. 329 al. 1 let. d CPP).

L'ordonnance querellée sera donc confirmée, par substitution de motif.

5.             Infondé, le recours doit dès lors être rejeté.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront arrêtés à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à
CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Le communique, pour information, à B______, soit pour lui son conseil.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Catherine GAVIN et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/10239/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00