Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/728/2025 du 10.09.2025 sur ONMMP/3212/2025 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/23226/2024 ACPR/728/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 10 septembre 2025 |
Entre
A______, domicilié ______, agissant en personne,
recourant,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 3 juillet 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 14 juillet 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 3 juillet précédent, notifiée le 5 suivant, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte du 15 juin 2024 et a laissé les frais de la procédure à la charge de l'Etat.
Le recourant indique "souhaite[r] recourir" et demande l'ouverture d'une "procédure pénale".
b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Par lettre datée du 15 juin 2024, mais reçue le 23 septembre suivant par le Ministère public central du canton de Vaud, A______ a déposé plainte (non signée) pour corruption et escroquerie "en association" contre B______, C______, D______, "Monsieur" E______, F______ et G______.
b. Le for de la poursuite a été repris par le Ministère public genevois, à qui ladite plainte a été transmise le 24 septembre 2024 pour raison de compétence.
c. Par courrier du 23 mai 2025, le Ministère public a invité A______ à signer sa plainte et attiré son attention sur le fait qu'elle visait une multitude de personnes, sans qu'il n'ait pris la peine d'expliquer quels étaient les faits qu'il reprochait à chacune d'entre elles et en quoi ces faits pourraient constituer des infractions pénales. Il avait de plus joint une grande quantité de pièces "en vrac", certaines partiellement reproduites, sans indiquer dans quel contexte ces documents avaient été émis et en quoi il entendait se fonder sur eux pour appuyer sa plainte. Un délai au 10 juin 2025 lui a été imparti pour rectifier ces vices.
d. Le 9 juin 2025, A______ a répondu en substance au Ministère public que son frère, H______, et lui-même avaient été victimes d'un complot visant à les spolier de l'ensemble de leur patrimoine sur la commune de I______ [GE]. J______ et K______ avaient orchestré "toute cette escroquerie"; B______, qui gérait leurs biens immobiliers, avait permis les changements de serrures et autres travaux et demandé à leurs locataires de "tout faire" pour trouver un prétexte pour consigner leur loyer; C______ était un ami de B______; le groupe E______ avait effectué des travaux que ni son frère ni lui n'avaient autorisés; "la banque L______ du [quartier de] M______, notamment N______, directeur"; O______, "sous-directeur de cette banque" ainsi que P______ et Q______ – complices ayant les clés de tous leurs biens –, avaient œuvré pour les surveiller et s'assurer de leur faillite; deux avocats de l'étude R______ les avaient trahis, de même que Me G______; Me S______, leur curateur temporaire, avait procédé à des dépenses insensées et dilapidé leur patrimoine financier; Me D______ leur avait fait croire pendant trois ans qu'une plainte avait été déposée; "son ami" T______ était venu chez lui chercher des preuves importantes à son insu et ne lui avait jamais restitué ces documents.
A______ n'a pas retourné au Ministère public sa plainte originale signée.
e. Il ressort de l'arrêt ACPR/168/2025, rendu le 28 février 2025 par la Chambre de céans dans la procédure P/1______/2024, que, par lettre du 20 septembre 2024, le Service de protection de l'adulte (ci-après: SPad) avait informé le Ministère public qu'en sa qualité de curateur de A______, il n'intervenait pas dans les affaires pénales et de ce fait, ne cosignerait pas la plainte pénale [du 25 mars 2024] de l'intéressé, étant précisé que celui-ci avait sa capacité de discernement (let. B.e.). Le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant avait par ailleurs, en annexe à une lettre au Ministère public du 14 novembre 2024, transmis deux ordonnances des 5 avril 2019 et 21 février 2023, la première désignant Me D______ en qualité de co-curateur de représentation de A______ dans les procédures judiciaires et extra-judiciaires liées aux biens immobiliers dont l'intéressé était propriétaire, avec deux intervenantes du SPAd (désignées co-curatrices en matière d'affaires administratives et juridiques à l'exception des tâches susvisées), la seconde libérant Me D______ de ses fonctions de co-curateur (let. B.h.).
C. Dans sa décision querellée, le Ministère public observe que si A______ lui avait adressé un courrier en date du 9 juin 2025, il ne lui avait pas retourné sa plainte originale signée. La question de savoir si ce "procédé" valait ratification de sa plainte initiale pouvait rester ouverte, dès lors qu'il n'y avait pas lieu d'entrer en matière, pour les raisons suivantes.
Son courrier du 9 juin 2025 n'était pas plus explicite que celui du 15 juin 2024. Dans les deux cas, A______ se bornait à dénoncer un vaste complot qui aurait conduit à sa spoliation, sans être en mesure d'en expliquer, même sommairement, les ressorts. Il se bornait à dénoncer une corruption généralisée incluant un grand nombre d'acteurs, y compris les divers avocats qui avaient été en charge de ses intérêts au fil du temps. Il allait jusqu'à se prétendre victime de tentatives d'assassinat, sans fournir la moindre indication sur les circonstances de ces prétendus événements. Dans son courrier du 15 juin 2024, il dénonçait G______ en tant que procureur, alors qu'il ressortait de celui du 9 juin 2025 qu'il visait son activité d'avocat.
Comme indiqué dans le courrier du 23 mai 2025, il n'appartenait pas au Ministère public de reconstituer et de classer les pièces transmises "en vrac". Tout au plus un examen sommaire de ces pièces démontrait-t-il l'étendue des divers litiges que l'intéressé avait entretenus avec plusieurs des personnes qu'il dénonçait, y compris à l'occasion de procès civils.
Aucun indice de commission d'une infraction pénale ne ressortait du dossier (art. 310 al. 1 let. a CPP).
D. a. À l'appui de son recours, A______ explique que le 9 juin 2025 il avait retourné au Ministère public, signés, les deux documents qui lui avaient été transmis pour signature. Afin d'éclaircir les faits en relation avec la spoliation dont son frère et lui avaient été victimes, il joignait une plainte rédigée en mai 2020 par Me D______, mais non déposée par ce dernier, avec les "éléments justificatifs". Il avait tenté de faire au mieux afin de joindre à son précédent courrier "des indices d'une infraction pénale". Il dénonçait effectivement un complot ou une corruption généralisée incluant un grand nombre d'acteurs et disposait "d'indice de preuve" à l'encontre de chacune de ces personnes. Le nombre de preuves était proportionnel à celui des délits ou crimes dont il avait été victime avec son frère durant plusieurs années. Il enverrait ces "prochains jours" des documents donnant un aperçu plus large et plus précis de ces événements et des divers détournements de fonds qui avaient provoqué leur faillite. Il disposait également d'éléments de preuve démontrant qu'on avait voulu l'assassiner, à savoir un enregistrement vidéo dans lequel on l'informait de l'identité des personnes ainsi que de leurs mobiles et "d'autres documents".
Il dépose à l'appui de son recours diverses pièces, non référencées, remontant aux années 2012 à 2020, dont une plainte pénale contre X datée du 7 mai 2020.
b. Le 15 juillet 2025, A______ a spontanément transmis à la Chambre de céans un courrier, y joignant une "ébauche" de plainte pénale rédigée en 2014 mais jamais déposée par son curateur temporaire de l'époque, Me S______, lequel était également visée par la procédure. Il produit également des témoignages écrits de ses locataires de l'époque indiquant selon lui que "Madame B______" leur avait notamment demandé de verser les loyers directement sur "leur compte", ce qui avait provoqué leur faillite.
c. Le 21 août 2022, la Chambre de céans a encore reçu un bref courrier du recourant daté du 18 précédent, accompagné de nombreuses pièces non référencées.
d. Le 22 août 2025, elle a reçu du recourant un lot de pièces non référencées et sans courrier d'accompagnement.
e. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. 1.1. Le recours est recevable en tant qu'il a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
1.2. Si les faits nouveaux sont recevables devant l'instance de recours (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2), tel n'est pas le cas de l'écriture subséquente du 15 juillet 2025 et de la lettre d'accompagnement datée du 18 août 2025, en tant qu'elle ne vise qu'à compléter le recours en mettant en exergue certains éléments du dossier. La motivation d'un recours doit en effet être intégralement contenue dans l'acte lui-même et ne saurait être complétée ultérieurement (ATF 137 II 244 consid. 2.4.2 et 2.4.3; ACPR/378/2025 du 19 mai 2025 consid. 2.4).
1.3. En revanche, les pièces nouvelles produites par le recourant les 15 juillet, 21 et 22 août 2025 sont recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).
2. 2.1. Conformément à l'art. 106 CPP, une partie ne peut valablement accomplir les actes de procédure que si elle a l'exercice des droits civils (al. 1). Dans la négative, elle doit agir par l'intermédiaire de son représentant légal (al. 2). Une personne qui n'a pas l'exercice des droits civils mais qui est capable de discernement peut exercer elle-même ses droits procéduraux de nature strictement personnelle, même contre l'avis de son représentant légal (al. 3).
2.2. Les personnes mineures ou placées sous curatelle de portée générale, mais capables de discernement, peuvent agir seules, ou par l'intermédiaire d'un représentant librement choisi, pour faire valoir les droits relevant de leur personnalité. Elles n'ont pas besoin de l'accord de leur représentant légal, qui ne peut d'ailleurs agir à leur place qu'avec leur consentement au moins tacite (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 14 ad art. 106).
Au rang des droits procéduraux de nature strictement personnelle figure notamment le droit d'interjeter recours (arrêt du Tribunal fédéral 6B_847/2015 du 13 juin 2016 consid. 2.1).
2.3. Selon l'art. 16 CC, toute personne qui n'est pas privée de la faculté d'agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d'ivresse ou d'autres causes semblables est capable de discernement.
2.4. En l'espèce, nonobstant la curatelle dont il fait l'objet, le recourant conserve, aux dires du SPAd, sa capacité de discernement. Au demeurant, ce service a expressément indiqué qu'en sa qualité de curateur du recourant il n'intervenait pas dans les affaires pénales. Le recours déposé par le recourant seul est donc recevable.
3. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
4. 4.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.
Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies, c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale, et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2019, n. 8 ad art. 310).
Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le Procureur doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 9 ad art. 310 ; R. PFISTER-LIECHTI (éd.), La procédure pénale fédérale, Fondation pour la formation continue des juges suisses, Berne 2010, p. 62 ; DCPR/85/2011 du 27 avril 2011).
4.2. À teneur de l'art. 304 al. 1 CPP, la plainte pénale déposée par écrit doit être signée pour être considérée comme valable et permettre l'ouverture d'une poursuite pénale (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 2 ad art. 304).
Lorsque le Ministère public s'aperçoit que l'absence de signature procède d'une inadvertance, il impartit un bref délai à l'auteur de l'omission pour réparer l'informalité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1249/2022 du 6 janvier 2023 consid. 3; cf. aussi ACPR/220/2013 du 22 mai 2013 et les références citées).
4.3. En l'espèce, force est de constater que la plainte pénale du 15 juin 2024, transmise par le Ministère public du canton de Vaud à son homologue genevois, n'était pas signée par le recourant. Bien qu'invité par le Procureur général à réparer ce vice, l'intéressé n'y a pas donné suite dans le délai imparti. Partant, la plainte pénale n'était a priori pas valable, question que le Ministère publie a toutefois laissée ouverte, compte tenu du courrier subséquent, du 9 juin 2025, signé par le recourant.
En tout état, c'est à juste titre que le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur la plainte du recourant du 15 juin 2024. À l'instar du constat de cette autorité, il n'appartient pas à la Chambre de céans d'extraire de la documentation fournie par A______, tant devant le Ministère public que devant elle, les éléments lui permettant de comprendre les reproches pénaux formulés à l'endroit de chacun des mis en cause. Au demeurant, excepté son allégation de tentative d'assassinat, pour laquelle il ne produit aucun élément, en particulier l'enregistrement vidéo dont il dit être en possession, le reste du litige, remontant à de nombreuses années, semble essentiellement, si ce n'est exclusivement de nature civile. Il n'appartient pas aux autorités pénales dans une tel cas de figure d'enquêter pour tendre à démontrer d'éventuelles responsabilités civiles de personnes dont le recourant dit qu'elles auraient causé sa "faillite" ainsi que celle de son frère.
C'est donc à juste titre que le Ministère public a considéré qu'aucun indice de commission d'une infraction pénale ne ressortait du dossier, ce qui demeure également le cas au stade du recours, les pièces produites par le recourant "pêle-mêle" ne conduisant pas à un constat différent.
5. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
6. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), montant qui sera prélevé sur les sûretés.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1000.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente ; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges ; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
P/23226/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 915.00 |
Total | CHF | 1'000.00 |