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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/8312/2023

ACPR/685/2025 du 27.08.2025 ( MP ) , RAYEE

Descripteurs : RETARD INJUSTIFIÉ;REFUS DE STATUER
Normes : Cst; CPP.5

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8312/2023 ACPR/685/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 27 août 2025

 

Entre

A______, domiciliée ______ [VD], agissant en personne,

recourante,

 

pour déni de justice et retard injustifié,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 11 juin 2025, A______ recourt pour déni de justice et violation du principe de la célérité, qu'elle impute au Ministère public.

La recourante conclut au constat desdits déni et violation et à ce qu'un délai de 30 jours soit imparti au Ministère public pour qu'il statue sur sa réquisition de preuve.

b. La recourante a été dispensée de verser les sûretés (art. 383 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. A______ et B______ se sont mariés le ______ 2014. Un enfant est issu de cette union, C______, né le ______ 2014.

a.b. Les époux se sont séparés en mars 2016 et, par jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du 29 juin 2027 (JTPI/8659/2017) – confirmé par arrêt du 14 novembre 2017 (ACJC/1497/2017) et arrêt du Tribunal fédéral 5A_1044/2017 du 15 juin 2018 –, la garde de l'enfant a été confiée à sa mère, B______ étant condamné à verser une contribution d'entretien de CHF 1'300.- par mois pour l'entretien de cette dernière et CHF 6'800.- par mois pour l'enfant.

a.c. Par ordonnance du 29 juin 2022 (OTPI/436/2022), contre laquelle A______ a formé appel, le Tribunal de première instance a annulé la contribution d'entretien de CHF 1'300.- en faveur de celle-ci et réduit celle en faveur de C______ à CHF 4'600.- par mois dès le 1er octobre 2021, puis à CHF 3'500.- par mois dès le 1er octobre 2022.

b. Les 26 septembre 2022, 18, 24 et 27 avril 2023, A______ a déposé plusieurs plaintes auprès du Ministère public d'arrondissement de D______ [VD] (PE22.1______) et du Ministère public genevois (P/8312/2023) contre B______ – la procédure ayant finalement été reprise par le Ministère public genevois – pour violation d'une obligation d'entretien, contrainte, escroquerie et obtention illicite de prestations d'une assurance sociale, ce dernier ayant notamment faussement indiqué, dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, avoir été licencié, ce qui lui avait permis d'obtenir des indemnités indues de la part de la Caisse cantonale genevoise de chômage.

c. Le 16 novembre 2023, A______ a sollicité qu'un ordre de dépôt fût décerné en vue du versement à la procédure de l'intégralité du dossier de B______ auprès de la Caisse cantonale genevoise de chômage.


 

d. Par courrier du 8 avril 2025, A______ a à nouveau requis qu'il fût statué sur sa réquisition de preuve du 16 novembre 2023.

e. Par pli du 19 mai 2025, A______ a transmis deux courriers, un daté du même jour et un autre du 24 mars 2025, dans lesquels elle sollicitait, respectivement, que la procédure fût "accélérée", conformément au principe de la célérité, et réitérait sa réquisition de preuve du 16 novembre 2023.

f. Par courriers du 3 juin 2025, A______ a informé le Ministère public que B______ violait toujours son obligation d'entretien, réitérait sa réquisition de preuve et rappelait qu'au vu de la prochaine acquisition de la prescription pour certaines infractions pénales dénoncées, il convenait d'"accélérer la procédure".

g. Par courrier du 16 juin 2025, le Ministère public a indiqué à B______, qu'au vu des pièces en sa possession, il semblait que ce dernier n'eût pas payé les contributions d'entretien dues et l'invitait à se déterminer sur une éventuelle violation de son obligation d'entretien d'ici au 4 août 2025.

C. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public de ne pas avoir statué sur sa réquisition de preuve, malgré ses relances et ce, durant plus de 18 mois.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. À l'appui de ses observations, il produit un ordre de dépôt auprès de l'Office cantonal de l'emploi du 4 août 2025, donnant suite à la réquisition de preuve de la recourante. Une demande de détermination sur la plainte avait également été envoyée à B______ le 16 juin 2025, ce dernier devant notamment transmettre les informations utiles concernant ses revenus et sa fortune.

c. Dans sa réplique, A______ a pris acte de l'ordre de dépôt. Son recours était ainsi devenu sans objet et elle invitait la Chambre de céans à radier la cause du rôle, les frais devant être laissés à la charge de l'État, dans la mesure où son recours aurait selon toute vraisemblance été admis.

EN DROIT :

1.             Le recours pour déni de justice émane de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à obtenir une décision de l'autorité sollicitée (art. 382 al. 1 CPP). Aucun délai n’est requis (art. 396 al. 2 CPP).

Le recours est dès lors, sous cet angle, recevable.

2.             La recourante reproche au Ministère public un déni de justice et un retard injustifié à statuer pour avoir omis, durant plus de 18 mois, de se déterminer sur sa réquisition de preuve.

2.1.  Les art. 29 al. 1 Cst. féd. et 5 CPP garantissent à toute personne le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable; ils consacrent le principe de la célérité et prohibent le retard injustifié à statuer. L'autorité viole cette garantie lorsqu'elle ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou celui que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable.

2.2.  Le caractère approprié de ce délai s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard notamment à la complexité de l'affaire, à l'enjeu du litige pour l'intéressé, à son comportement ainsi qu'à celui des autorités compétentes (ATF
133 I 270 consid. 3.4.2). Des périodes d'activité intense peuvent compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires. L'on ne saurait reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure (ATF 143 IV 373 consid. 1.3.1) ; lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut. Selon la jurisprudence, apparaît comme une carence choquante une inactivité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction (arrêt du Tribunal fédéral 6B_172/2020 du 28 avril 2020 consid. 5.). Ainsi, seul un manquement particulièrement grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite n'est plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable, pourrait conduire à l'admission de la violation du principe de la célérité (ATF 140 IV 74 consid. 3.2).

2.3.  Il appartient au justiciable d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, par exemple en l'invitant à accélérer la procédure et à statuer à bref délai, s'il veut pouvoir ensuite soulever ce grief devant l'autorité de recours (ATF 130 I 312 consid. 5.2 ; 126 V 244 consid. 2d). Il serait en effet contraire au principe de la bonne foi, qui doit présider aux relations entre organes de l'État et particuliers en vertu de l'art. 5 al. 3 Cst., qu'un justiciable se plaigne d'un déni de justice devant l'autorité de recours, alors qu'il n'a entrepris aucune démarche auprès de l'autorité concernée pour remédier à la situation (ATF 149 II 476 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_4/2023 du 27 février 2023 consid. 2.2).

2.4.  En l'espèce, l'on ne saurait considérer que le délai de plus de vingt mois écoulé entre la première réquisition de preuve du 16 novembre 2023 et l'ordre de dépôt du 4 août 2025, très supérieur aux maximums tolérés par la jurisprudence, puisse être considéré comme acceptable au sens de celle-ci.

Cela étant, la décision du 4 août 2025 rend le recours sans objet.


 

3.             Reste à statuer sur les frais de la procédure de recours.

3.1. Selon l'art. 428 al. 1 CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé.

Lorsqu'un procès devient sans objet ou que les parties cessent d'y avoir un intérêt juridique, par exemple parce que l'autorité intimée rend une nouvelle décision qui, matériellement, va dans le sens des conclusions prises dans le recours, il convient de statuer sur les frais afférents à la procédure engagée en tenant compte de l'état de fait existant avant l'événement mettant fin au litige et de l'issue probable de la procédure (ATF 142 V 551 consid. 8.2; arrêt du Tribunal fédéral 7B_598/2024 du 5 novembre 2024 consid. 11.1).

3.2. En l'occurrence, pour les motifs exposés ci-dessus, le recours aurait selon toute vraisemblance été admis.

Il s'ensuit que les frais de la procédure de recours seront laissés à la charge de l'État.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours sans objet et raye la cause du rôle.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Valérie LAUBER, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Valérie LAUBER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).