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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/59/2025

ACPR/605/2025 du 06.08.2025 ( PSPECI ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : DÉCISION D'EXÉCUTION
Normes : CEDH.5

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/59/2025 ACPR/605/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 6 août 2025

 

Entre

A______, actuellement détenue à la prison de Champ-Dollon, chemin de Champ-Dollon 22, 1241 Puplinge, agissant en personne,

recourante,

 

contre l'ordre d'exécution rendu le 11 juillet 2025 par le Service de la réinsertion et du suivi pénal,

 

et

SERVICE DE LA RÉINSERTION ET DU SUIVI PÉNAL, route des Acacias 82, case postale 1629, route des Acacias 82, 1211 Genève 26,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par actes expédiés les 19 et 21 juillet 2025, à la Chambre de céans et à la Chambre administrative de la Cour de Justice – qui l'a transmis à la Chambre de céans comme objet de sa compétence –, A______ recourt contre l'ordre d'exécution du Service de la réinsertion et du suivi pénal (ci-après: SRSP) du 11 juillet 2025.

La recourante indique "fai[re] recours". Les "dépens" doivent être mis à la charge de l'État et un avocat d'office être nommé.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, née le ______ 1987, fait l'objet d'une curatelle de portée générale, laquelle a été instituée par jugement du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant du 24 mars 2021.

b. Par ordonnance pénale du 10 mars 2023, rendue dans la procédure P/1______/2020, le Ministère public a déclaré A______ coupable de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), de fausse alerte (art. 128bis CP), de dénonciation calomnieuse (art. 303 ch. 1 al. 1 CP), d'injure (art. 177 al. 1 CP) et de voies de fait (art. 126 al. 1 CP), et l'a condamnée à une peine pécuniaire d'ensemble de 180 jours-amende – incluant la peine prononcée dans le cadre d'un précédent jugement dont le sursis était révoqué –, sous déduction de 4 jours de détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de CHF 500.-, laquelle était convertible en une peine privative de liberté de substitution de 5 jours.

c. Par courrier du 23 mars 2023, A______ a formé opposition contre cette ordonnance pénale.

d. Le 26 mai 2023, estimant que les faits étaient établis, d'une part, et que la peine était proportionnée et justifiée, d'autre part, le Ministère public a maintenu son ordonnance pénale et transmis la procédure au Tribunal de police.

e. Par mandat de comparution du 22 septembre 2023 – envoyé tant à A______, c/o B______, rue 2______, [code postal] Genève, qu'à sa curatrice, C______, c/o Service de protection de l'adulte (SPAd), case postale 5011, boulevard Georges-Favon 28, 1211 Genève 11 –, le Tribunal de police l'a citée à comparaître à une audience appointée au 14 décembre 2023.

À teneur du suivi des envois recommandés de la Poste suisse, le pli contenant le mandat de comparution destiné à la curatrice a été distribué le 26 septembre 2023. Quant à celui adressé personnellement à A______, il a été retourné au Tribunal de police, à l'échéance du délai de garde postal, le 3 octobre 2023, avec la mention "non réclamé".

f. Bien que dûment convoquée, A______ n'a pas comparu à l'audience précitée, sans avoir été excusée.

g. Par ordonnance du 14 décembre 2023, le Tribunal de police a constaté son défaut à l'audience de jugement du même jour, dit que son opposition à l'ordonnance pénale du 10 mars 2023 était réputée retirée et que celle-ci était assimilée à un jugement entré en force.

h. Par arrêt ACPR/514/2025 du 3 juillet 2025, la Chambre de céans a déclaré irrecevable, pour cause de tardiveté, le recours formé par A______ contre l'ordonnance du 14 décembre 2023.

i. A______ a recouru auprès du Tribunal fédéral contre cette arrêt. La cause, enregistrée sous la référence 6B_626/2025, y est pendante.

Aucune décision sur effet suspensif n'a été portée à la connaissance de la Chambre de céans par le Tribunal fédéral.

C. Le 11 juillet 2025, le SRSP a émis un ordre d'exécution à teneur duquel A______ exécutait sa peine depuis le 10 juin 2025, tandis que la fin de peine était fixée au 8 décembre 2025.

D. a. À l'appui de son acte de recours adressé à la Chambre de céans, A______, à bien la comprendre, expose que l'ordre d'exécution du 11 juillet 2025 n'avait pas lieu d'être, puisque la procédure P/1______/2020 était pendante devant le "Ministère public". Sa détention était illicite car elle ne pouvait "être imputée une deuxième fois". Cet ordre d'exécution mettait en cause des droits constitutionnels inaliénables, raison pour laquelle son recours était recevable. Il était question d'une application manifestement inexacte des dispositions sur la prescription, d'arbitraire dans la fixation de la date de son incarcération et d'une violation de l'art. 3 CEDH, dans la mesure où l'ordre querellé avait pour effet de la priver de sa liberté. L'ensemble des documents liés à sa condamnation ne lui avait pas été notifiés, soit "l'ordonnance du Service des contraventions rendue 17 janvier 2025".

b. Dans son acte adressé à la Chambre administrative, A______ relève, toujours à bien la comprendre, que l'ordre d'exécution du 11 juillet 2025 remplaçait et annulait celui du 1er juin 2025. Elle avait été acquittée dans le cadre de la procédure P/1______/2020 et libérée. Il y avait violation du principe de l'interdiction de la double poursuite (art. 11 CPP). Dans la mesure où elle était sous curatelle de portée générale, sa curatrice devait s'occuper de ses contraventions. L'ordonnance dudit service du 17 janvier 2025 n'était pas une ordonnance pénale. Sa détention était illicite.

EN DROIT :

1.             Les recours ont été déposés selon la forme prescrite (art. 385 al. 1 CPP), dans le délai de 10 jours prescrit par l'art. 396 al. 1 CPP.

2.             Il a été déposé par une personne placée sous curatelle de portée générale.

2.1.1. Conformément à l'art. 106 CPP, une partie ne peut valablement accomplir les actes de procédure que si elle a l'exercice des droits civils (al. 1). Dans la négative, elle doit agir par l'intermédiaire de son représentant légal (al. 2). Une personne qui n'a pas l'exercice des droits civils mais qui est capable de discernement peut exercer elle-même ses droits procéduraux de nature strictement personnelle, même contre l'avis de son représentant légal (al. 3).

Les personnes mineures ou placées sous curatelle de portée générale, mais capables de discernement, peuvent agir seules, ou par l'intermédiaire d'un représentant librement choisi, pour faire valoir les droits relevant de leur personnalité. Elles n'ont pas besoin de l'accord de leur représentant légal, qui ne peut d'ailleurs agir à leur place qu'avec leur consentement au moins tacite (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 14 ad art. 106).

Au rang des droits procéduraux de nature strictement personnelle figure notamment le droit d'interjeter recours (arrêt du Tribunal fédéral 6B_847/2015 du 13 juin 2016 consid. 2.1).

2.1.2. Selon l'art. 16 CC, toute personne qui n'est pas privée de la faculté d'agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d'ivresse ou d'autres causes semblables est capable de discernement. Cette disposition comporte deux éléments, un élément intellectuel, la capacité d'apprécier le sens, l'opportunité et les effets d'un acte déterminé, et un élément volontaire ou caractériel, la faculté d'agir en fonction de cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté (ATF 124 III 5 consid. 1a).

2.2. En l'espèce, nonobstant la curatelle de portée générale dont elle fait l'objet, la recourante semble conserver une capacité de discernement suffisante pour comprendre les tenants et aboutissants de la procédure pénale, dès lors qu'elle a été en mesure de contester l'ordre d'exécution querellé.

3. 3.1. Selon la doctrine et la jurisprudence de la Chambre de céans, l'ordre d'exécution d'une sanction – soit l'injonction adressée au condamné tendant à la mise en œuvre du prononcé pénal entré en force sans entraîner de modification de sa situation juridique, telle la convocation auprès d'un établissement pour y subir une sanction privative de liberté – ne lésant pas les droits du condamné au-delà de ce qui a été arrêté dans le prononcé pénal, est un acte matériel ("Realakt") dont l'objet n'est pas de produire un effet juridique, mais bien de modifier un état de fait. Un tel ordre d'exécution n'est ainsi pas sujet à recours, faute pour son destinataire de pouvoir faire valoir un intérêt juridique, c'est-à-dire un intérêt actuel et direct à l'annulation ou à la modification de l'injonction (arrêt du Tribunal fédéral 6B_16/2021 du 22 février 2021 consid. 1.3; ACPR/16/2021 du 12 janvier 2021; ACPR/396/2016 du 29 juin 2016; ACPR/443/2014 du 30 septembre 2014).

3.2. Une exception à l'irrecevabilité d'un recours contre un ordre d'exécution d'une sanction doit cependant être admise lorsque cet ordre met en cause des droits constitutionnels inaliénables ou imprescriptibles ou lorsque la décision est frappée de nullité absolue. Peuvent ainsi être critiqués l'application manifestement inexacte des dispositions sur la prescription de la peine, l'arbitraire dans la fixation de la date d'incarcération et la violation de l'art. 3 CEDH ou l'atteinte portée à un droit ou à une liberté reconnus par la CEDH (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2019, n. 35-36 ad art. 439; cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_533/2018 du 6 juin 2018 consid. 1.1 et les références citées).

3.3. Les sanctions doivent être exécutées sans retard une fois l'entrée en force du jugement pénal. Un ajournement est possible lorsque cela est prévu par le droit cantonal, à condition qu'il existe un motif sérieux, comme une incapacité d'ordre médical attestée par un certificat médical ou, pour les peines de courte durée, un motif d'ordre familial (accouchement de la conjointe, par exemple) ou professionnel (travaux de type saisonnier, par exemple) (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 40-41 ad art. 439).

3.4. L'art. 437 al. 3 CPP prévoit que les décisions contre lesquelles aucun moyen de recours n'est recevable selon le CPP entrent en force le jour où elles sont rendues.

À teneur de l'art. 103 al. 2 let. b LTF, le recours en matière pénale a effet suspensif, dans la mesure des conclusions formulées, s'il est dirigé contre une décision qui prononce une peine privative de liberté ferme ou une mesure entraînant une privation de liberté ; l'effet suspensif ne s'étend pas à la décision sur les prétentions civiles.

Cette disposition se conçoit à l'égard de la décision qui prononce une peine privative de liberté ferme ou une mesure entraînant une privation de liberté, mais ne s'applique pas, par la suite, dans le contexte d'un ordre d'exécution (B. CORBOZ et alii, Commentaire de la LTF, Berne 2014, n. 21 ad art. 103).

3.5. Selon l'art. 36 CP, dans la mesure où le condamné ne paie pas la peine pécuniaire et que celle-ci est inexécutable par la voie de la poursuite pour dettes (art. 35 al. 3 CP), la peine pécuniaire fait place à une peine privative de liberté. Un jour-amende correspond à un jour de peine privative de liberté. Le paiement ultérieur de la peine pécuniaire entraîne une réduction proportionnelle de la peine privative de liberté de substitution (al. 1). Si la peine pécuniaire est prononcée par une autorité administrative, un juge doit statuer sur la peine privative de liberté de substitution (al. 2).

3.6. En l'occurrence, le recours est dirigé contre l'ordre d'exécution du 11 juillet 2025, d'une peine privative de liberté de substitution, à la suite de la conversion (art. 36 al. 1 CP) d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende, sous déduction de 4 jours de détention avant jugement, et d'une amende de CHF 500.-, prononcées par le Ministère public le 10 mars 2023, dans le cadre de la procédure P/1______/2020. Par arrêt ACPR/514/2025 du 3 juillet 2025, la Chambre de céans a déclaré irrecevable, pour cause de tardiveté, le recours formé contre l'ordonnance du Tribunal de police du 14 décembre 2023, ayant constaté le défaut de la recourante à l'audience de jugement du même jour, dit que son opposition à l'ordonnance pénale du 10 mars 2023 était réputée retirée et que cette ordonnance pénale était assimilée à un jugement entré en force.

A______ a recouru auprès du Tribunal fédéral contre cet arrêt (cause 6B_626/2025). La procédure en mains de la Chambre de céans ne comporte toutefois aucune ordonnance sur effet suspensif qu'aurait rendue l'instance fédérale et la recourante ne soutient pas avoir requis, ni a fortiori obtenu un tel effet suspensif. Il n'apparait par ailleurs pas que son recours aurait effet suspensif de plein droit, puisque l'art. 103 al. 2 let. b LTF ne s'applique pas dans le contexte d'un ordre d'exécution.

Il n'y a ainsi aucun arbitraire dans la décision du SRSP de mettre en œuvre l'exécution de cette condamnation et la recourante n'explique pas en quoi tel serait le cas, se bornant en effet à paraphraser le passage du Commentaire romand ("…l'application manifestement inexacte des dispositions sur la prescription de la peine, l'arbitraire dans la fixation de la date d'incarcération et la violation de l'art. 3 CEDH ou l'atteinte portée à un droit ou à une liberté reconnus par la CEDH…") (cf. consid. 3.2).

Bien qu'elle se prévale d'une atteinte à sa liberté (art. 5 CEDH), elle n'établit pas la réalisation de l'une des exceptions à l'irrecevabilité du recours évoquées plus haut. Il ne suffit en effet pas d'alléguer que l'ordre d'exécution porterait atteinte au droit à la liberté dont jouit le condamné, puisque toute injonction d'exécuter une peine privative de liberté a précisément pour effet de priver le condamné de sa liberté. En tant que cette atteinte découle spécifiquement de l'art. 1 CP, qui consacre le principe de la légalité des délits et des peines selon l'adage nullum crimen, nulla poena sine lege, elle est conforme à la constitution et à la CEDH.

Le recours est, dès lors, irrecevable.

4.             Vu l'issue du recours, la Chambre de céans pouvait statuer sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

5. La recourante sollicite l'assistance judiciaire pour le recours.

5.1. L'assistance judiciaire ne peut être accordée qu'à la condition que la démarche à entreprendre ne soit pas vouée à l'échec, comme le prévoit l'art. 29 al. 3 Cst. D'après la jurisprudence, un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter (ATF 138 III 217 consid. 2.2.4 p. 218; 129 I 129 consid. 2.2 p. 133 ss).

5.2. En l'espèce, au vu de l'issue du recours, celui-ci était manifestement voué à l'échec, de sorte qu'il n'y pas lieu d'entrer en matière sur la requête.

6.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), pour tenir compte de sa situation financière qui n'apparait pas favorable.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable.

Rejette la demande d'assistance juridique gratuite.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, au Service de la réinsertion et du suivi pénal, et au Ministère public.

Le communique, pour information, au Service de protection de l'adulte et de l'enfant.

Siégeant :

Madame Valérie LAUBER, présidente; Madame Catherine GAVIN et Monsieur
Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Valérie LAUBER

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/59/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

Total

CHF

800.00