Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/587/2025 du 31.07.2025 sur ONMMP/2155/2025 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/5446/2025 ACPR/587/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 31 juillet 2025 |
Entre
A______, domiciliée ______ [VD], agissant en personne,
recourante,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière partielle rendue le 7 mai 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 19 mai 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 7 mai 2025, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte du 25 février 2025.
La recourante conclut à l'annulation de l'ordonnance querellée. Elle a ultérieurement demandé la gratuité de la procédure de recours.
b. Par ordonnance du 26 mai 2025 (OCPR/21/2025), la Direction de la procédure a rejeté la demande de mesures provisionnelles sollicitées.
c. La recourante a été dispensée de verser les sûretés (art. 383 CPP).
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______ a remis pour entreposage ou pour réparation divers distributeurs automatiques, ainsi qu'une porte d'automate, dans les locaux de B______ SÀRL sis à C______ [GE].
À teneur du Registre du commerce genevois, B______ SÀRL, désormais en liquidation, avait pour associée gérante avec signature individuelle D______. Son fils, E______ était apparemment employé de la société.
b. A______ a déposé plainte pour vol "contre inconnu" le 25 février 2025, exposant que les distributeurs, entreposés gratuitement, avaient été déplacés quand "celui-ci" [E______] s'était fait expulser et avait déménagé dans de nouveaux locaux à F______ [GE]. Le 8 février 2024, elle avait encore confié à E______ pour réparation une porte de distributeur appartenant à un client. D______ lui avait "donné l'ordre" de venir récupérer cette porte, qui n'avait jamais été réparée, "au fond d'un parking" ce qui aurait impliqué qu'elle-même loue un fourgon alors que ce n'était pas à elle de la ramener.
Elle avait écrit à E______ pour pouvoir récupérer son matériel et cette porte, en courrier A+ et en courrier recommandé (qu'il n'avait pas retiré). Elle avait dû trouver une solution de remplacement pour la porte, à ses frais, mais avait perdu "du crédit" auprès de son client. Elle avait également tenté en vain de joindre le mis en cause par téléphone. L'intéressé était dangereux, avait des antécédents et avait fait de la prison. Elle demandait qu'une perquisition soit menée, à laquelle elle souhaitait pouvoir venir avec un transporteur pour charger immédiatement le matériel concerné.
Sont produits en annexe à la plainte divers documents dont :
- un devis de réparation d'une porte d'automate, daté du 9 février 2024, adressé à la Société G______, Monsieur H______, portant notamment sur l'"installation de la porte restaurée sur l'automate" et "date de livraison : 3 semaines",
- divers échange de courriels entre la plaignante, un dénommé I______, E______ et D______, dont il ressort que D______ a indiqué dans par mail que la porte serait à disposition "vendredi 4 octobre 2024 sur le parking de K______ à 10heures, au fond du parking côté fleurs",
- copie d'un courrier recommandé adressé le 8 décembre 2024 par A______ à E______, lui impartissant un délai de 10 jours pour lui proposer par écrit quatre dates auxquelles elle pourrait envoyer son transporteur pour retirer les distributeurs automatiques et "autre petit matériel".
c. Le Ministère public a convoqué une audience de conciliation qui n'a pas abouti, le mis en cause ne s'étant pas présenté.
d. Par courrier du 18 avril 2025, la plaignante expose encore avoir été informée par son client H______ que son professionnalisme avait été amplement critiqué ; il importait que l'affaire soit réglée rapidement. Elle avait, comme suggéré par le Ministère public, pris contact avec le conseil de E______, auquel elle avait indiqué qu'elle acceptait de retirer sa plainte à cinq conditions, dont :
- la restitution de l'entier de ses appareils, sans dégâts, c'est-à-dire qu'ils lui soient livrés aux frais du mis en cause, à une date à convenir, elle-même se réservant le droit de demander la présence des forces de l'ordre à son arrivée,
- la restitution de la porte de distributeur qui serait stockée à l'extérieur, "sous la pluie".
e. Sur interpellation du Ministère public, le conseil de E______ a fait savoir par courrier du 2 mai 2025 que l'ensemble des objets visés, stockés dans un entrepôt, étaient "à l'entière disposition" de A______, laquelle pouvait les récupérer "à tout moment". Un éventuel désaccord sur la question des frais était de nature civile.
f. Par courriers du 7 mai 2025, A______ a encore persisté en substance dans les termes de ses précédentes correspondances, demandant que confirmation lui soit donnée que ses appareils pouvaient être chargés sans encombre par le transporteur qu'elle allait mandater et que lui soient proposées trois dates dans un délai d'un mois.
g. Le dossier contient enfin une ordonnance d'ouverture d'instruction du 6 mai 2025, à l'encontre de E______, pour emploi illicite de signes publics au sens de l'art. 28 al. 1 lit. b LPAP.
C. Dans l'ordonnance querellée, se fondant sur le courrier du 2 mai 2025 du conseil de E______, le Ministère public a considéré qu'il n'y avait pas de volonté d'appropriation de la part de ce dernier.
D. a. Dans son recours, A______ considère que le Ministère public ne pouvait se fonder sur les seules allégations du mis en cause, lequel n'avait répondu à aucune de ses sollicitations. L'ordonnance de non-entrée en matière était prématurée, reposant sur de simples allégations sans preuves. Certains de ses biens auraient été perdus lors d'un récent déménagement de B______ SÀRL. Elle n'avait de fait pas pu récupérer son matériel qui était, selon un proche du mis en cause, "au fond d'un local [...] fermé à clefs, et inaccessible". Détenir les biens d'un tiers et ne rien faire pour les lui restituer malgré plusieurs demandes écrites constituait une infraction pénale.
Le refus d'entrée en matière était ainsi infondé.
b. Par écritures spontanées du 28 mai 2025 à la Chambre de céans, au Ministère public, ainsi qu'à E______ et son conseil, A______ se plaint de ce que ses courriers n'étaient pas retirés ou réclamés et pour donner au mis en cause un ultime délai au 16 juin 2025 "pour [la] renseigner", ensuite de quoi elle manderait son transporteur pour qu'il se rende à la dernière adresse où étaient censés être ses biens, frais cas échéant refacturés à E______. Elle indique en outre demander le jour-même une mise en faillite sans poursuite préalable de l'entreprise individuelle J______ – E______.
c. La cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a/b/c CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
Le pli du 28 mai 2025 est, quant à lui, irrecevable, ayant été déposé après l'échéance du délai de recours et sans invitation préalable de la Chambre de céans (art. 390 al. 2 et 3 a contrario CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. La recourante conteste l'ordonnance de non-entrée en matière rendue par le Ministère public.
3.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.
Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies, c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale, et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2019, n. 8 ad art. 310).
Un refus d'entrer en matière n'est possible que lorsque la situation est claire, en fait et en droit. En cas de doutes, ou lorsque l'acte dénoncé a eu des incidences graves (par exemple en présence de lésions corporelles graves), une instruction doit en principe être ouverte, quand bien même elle devrait ultérieurement s'achever par un classement (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1; 137 IV 219 consid. 7; arrêt du Tribunal fédéral 1B_454/2011 du 6 décembre 2011 consid. 3.2).
3.2. Se rend coupable d'abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 1 CP quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, s'approprie une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui a été confiée.
Se rend coupable de vol au sens de l'art. 139 CP quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier.
Il y a appropriation, au sens de ces dispositions, lorsque l'auteur veut, d'une part, la dépossession durable du propriétaire et, d'autre part, qu'il entend s'attribuer la chose, au moins pour un temps ; cette volonté doit se manifester par un comportement objectivement constatable. L'auteur se conduit comme s'il était le propriétaire de la chose, pour la conserver, la consommer ou pour l'aliéner, et ceci en violation de l'accord qui lui a permis d'en acquérir la possession. L'auteur doit avoir la volonté, d'une part, de priver durablement le propriétaire de sa chose, et, d'autre part, de se l'approprier, pour une certaine durée au moins (ATF 129 IV 223 consid. 6.2.1;
121 IV 25 consid. 1c; 118 IV 148 consid. 2a). À titre d'exemple, il y a déjà appropriation dès lors que l'auteur offre à la vente la chose confiée, et non seulement lorsque la chose est effectivement vendue (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER [éds.], Basler Kommentar Strafrecht II : Art. 111-392 StGB, 4e éd., Bâle 2018, n. 104 ad art. 138).
L'auteur doit agir avec intention et dans un dessein d'enrichissement illégitime.
3.3. En l'espèce, la plaignante comme le mis en cause semblent admettre que les appareils ou biens ont été confiés par la première, le second indiquant qu'ils sont à la disposition de la première. La procédure ne permet pas de savoir à quel titre la plaignante a confié les appareils, en particulier si elle en est propriétaire, le devis concernant la porte confiée laissant apparaître que tel n'est pas le cas de cet objet. La question pourra rester ouverte au vu de ce qui suit.
En réalité, le litige qui oppose les parties porte concrètement sur les modalités selon lesquelles les objets en cause doivent être restitués à - ou récupérés par - la plaignante. Il s'agit là d'une problématique purement civile, le dossier ne permettant au demeurant pas de savoir sur quelle base contractuelle ce matériel a été remis au mis en cause et quelles sont par conséquent les obligations de l'une ou de l'autre partie.
En tout état, un tel désaccord, même assorti d'un comportement fuyant du mis en cause, tel qu'allégué par la plaignante, ne suffit pas à retenir l'existence d'une volonté d'appropriation.
Au vu de ces considérations, c'est à juste titre que le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur la plainte de A______.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
5. La recourante demande à être mise au bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours, conformément à l'art. 136 al. 3 CPP.
5.1. Conformément à l'art. 136 al. 1 let. b CPP, sur demande, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire gratuite à la victime, pour lui permettre de faire aboutir sa plainte pénale, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l'action pénale ne paraît pas vouée à l'échec (let. b). L'assistance judiciaire comprend notamment l'exonération des frais de procédure (art. 136 al. 2 let. b CPP).
5.2. En l'occurrence, l'action pénale était d'emblée vouée à l'échec, pour les raisons exposées supra, de sorte que, même si l'indigence était réalisée, la recourante ne remplirait pas les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire dans le cadre de son recours.
6. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours dans la mesure de sa recevabilité.
Rejette la demande d'assistance judiciaire pour la procédure de recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 500.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD, Madame Catherine GAVIN, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
P/5446/2025 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 500.00 |
Total | CHF | 585.00 |