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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/3314/2025

ACPR/586/2025 du 31.07.2025 sur OPMP/314/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;PREUVE ILLICITE;MANDAT DE PERQUISITION;SOUPÇON
Normes : Cst.29; CPP.141; CPP.244

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3314/2025 ACPR/586/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 31 juillet 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Kevin SADDIER, avocat, Saint-Léger Avocats, rue de Saint-Léger 6, case postale 444, 1211 Genève 4,

recourant,

 

contre la décision rendue le 14 avril 2025 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 28 avril 2025, A______ recourt contre la décision du 14 précédent, communiquée par pli simple, à teneur de laquelle le Ministère public a refusé de donner suite à ses demandes visant à constater l'illicéité de la perquisition opérée à son domicile le 6 juin 2023, ainsi que l'inexploitabilité, avec leur retrait de la procédure, des moyens de preuves issus de cette mesure, en particulier ses déclarations en lien avec la présence de B______ dans son logement.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision et réitère ses demandes susmentionnées.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Depuis le début 2021, la police enquête, dans le cadre de la procédure P/1______/2022, sur un réseau de prostitution illégale déployant son activité en Suisse romande principalement, via des annonces érotiques postées en ligne (précisément sur le site www.C______.ch) et mettant en scène des travailleuses du sexe (ci-après aussi, TDS) d'origine chinoise.

Des premières observations ont permis d'identifier un couple à la tête du réseau local, aidé par des tiers s'occupant de "la logistique, notamment de déplacer les TDS, de récupérer l'argent, […] et d'amener des victuailles aux TDS" [rapport de renseignements du 28 mai 2023]".

b. Le 12 décembre 2022, la police a observé ledit couple se rendre avec une travailleuse du sexe – portant le surnom "D______" dans une annonce publiée sur C______.ch – dans un appartement sis rue 2______ no. ______.

c. Le 19 suivant, un dispositif de surveillance a été installé devant l'allée de cet immeuble. À cette occasion, A______ a été vu sortir de ladite allée en compagnie de "D______", avant de l'accompagner dans un bureau de change, puis à la gare Cornavin [rapport de renseignements de la police du 28 mai 2023].

d. Le 2 juin 2023, le Ministère public a ouvert une instruction contre A______ – des chefs de traite d'êtres humains et encouragement à la prostitution notamment – et ordonné la perquisition de son domicile.

Sur place, la police a été mise en présence de l'intéressé, mais également d'un tiers, identifié plus tard comme étant B______, lequel a admis, lors de son audition du 6 suivant, vivre et travailler en Suisse sans autorisation depuis plusieurs années.

e.a. Entendu par la police en qualité de prévenu le 6 juin 2023, A______ a expliqué être un client du site C______.ch, rencontrant des travailleuses du sexe à raison d'une ou deux fois par mois. Le 19 décembre 2022, il avait fait visiter la ville à une prostituée avec qui il avait passé la nuit dans un appartement sis rue 2______ no. ______, avant de l'accompagner à la gare Cornavin. Pour lui, l'intéressée n'était pas forcée à se prostituer.

Concernant B______, il l'hébergeait depuis deux ou trois mois, contre CHF 300.- ou CHF 400.- mensuels. Il ne lui avait pas demandé si ce dernier séjournait en Suisse au bénéfice d'une autorisation.

e.b. A______ a confirmé ses déclarations par-devant le Ministère public le 3 juillet 2023.

f. Par ordonnance pénale et de classement partiel du 10 janvier 2025, le Ministère public a, d'une part, déclaré A______ coupable d'infraction à l'art. 116 al. 1 let. a LEI en ce qui concernait la facilitation du séjour de B______ et, d'autre part, classé la procédure à son égard pour le surplus.

A______ a formé opposition à l'ordonnance pénale.

g. Le 6 février 2025, le Ministère public a disjoint de la P/1______/2022 les faits reprochés à A______, lesquels sont dorénavant instruits sous le présent numéro de cause.

h. Par courrier du 8 avril 2025, A______, sous la plume de son conseil, a sollicité du Ministère public, d'une part, le constat de l'inexploitabilité, et leur retrait de la procédure, de la perquisition de son domicile et de tous les moyens de preuve issus de cette mesure, soit notamment le procès-verbal de son audition du 6 juin 2023, subsidiairement toutes ses déclarations en lien avec la présence de B______ en son logement. D'autre part, il requérait le classement de la procédure.

C. a. Dans sa décision querellée, sous la forme d'un courrier, le Ministère public explique à A______ que le délai de dix jours pour faire recours contre l'ordonnance de perquisition était largement échu. Concernant l'audition à la police du 6 juin 2023, le précité avait confirmé ses déclarations le 3 juillet suivant.

b. Après réception de la décision attaquée, A______ a requis du Ministère public, par courrier du 16 août 2025, le prononcé d'une ordonnance formelle sujette à recours. Faute de quoi, il attaquerait le courrier du 14 avril 2025.

D. a. Dans son recours, A______ fait grief au Ministère public d'avoir motivé sa décision querellée de manière "lapidaire" et trop brève pour lui permettre de faire convenablement valoir ses droits.

Sur le fond, l'ordonnance de perquisition ne reposait sur aucun autre élément au dossier que les observations de la police, consignées dans le rapport de renseignements du 28 mai 2023, qui attestait uniquement qu'il avait accompagné une travailleuse du sexe à la gare. Ces faits ne légitimaient pas des soupçons suffisants pour ordonner une telle mesure de contrainte et celle-ci semblait plutôt avoir été ordonnée "de façon hasardeuse et précipitée". L'enquête avait d'ailleurs révélé qu'il n'entretenait aucun lien avec l'affaire instruite par le Ministère public. La perquisition de son logement était ainsi illicite et les moyens de preuve recueillis étaient, en conséquence, inexploitables. La même conclusion s'imposait dans l'hypothèse "d'un cas d'inexploitabilité relative", dans la mesure où les faits lui étant reprochés ne constituaient pas une infraction suffisamment grave pour autoriser l'exploitation de moyens de preuve administrés de manière illicite. Enfin, la présence de B______ dans son domicile relevait de la découverte fortuite et le Ministère public ne détenait, au moment d'ordonner la perquisition de son logement, aucun indice laissant présumer la réalisation de l'infraction à la LEI en cause.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et émane du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP).

1.2. En refusant le retranchement de pièces prétendument inexploitables du dossier, le Ministère public a rendu une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_485/2021 du 26 novembre 2021 consid. 2.4).

1.3. En tant que les soupçons d'infraction à la LEI contre le recourant découlent de la perquisition du 2 juin 2023, le précité dispose d'un intérêt juridiquement protégé (art. 382 al. 1 CPP; cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2021 du 13 janvier 2022 consid. 3.1 et 3.2 [aucune saisie n'ayant été effectuée]) à faire constater l'illicéité de cette mesure – même s'il n'a pas agi contre l'ordonnance topique – dès lors que l'(in)exploitabilité de ses déclarations en dépend.

Partant, le recours est recevable.


 

2.             Le recourant se plaint d'une motivation insuffisante de la décision querellée.

2.1. Le droit d'être entendu, tel que garanti par les art. 29 al. 2 Cst., 3 al. 2 let. c CPP et 6 par. 1 CEDH implique notamment, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre et l'attaquer utilement s'il y a lieu, et pour que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'est pas tenu de discuter tous les arguments soulevés par les parties, mais peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; arrêt du Tribunal fédéral 6B_136/2024 du 12 mars 2025 consid. 2.1.3 et les références citées).  

2.2. La violation du droit d'être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Toutefois, une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée. Cela étant, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1, arrêt du Tribunal fédéral 7B_482/2024 du 21 mai 2024 consid. 2.2.1).

2.3. En l'occurrence, face aux demandes du recourant, le Ministère public a excipé, pour les refuser implicitement, premièrement, de l'absence de recours contre l'ordonnance de perquisition du 2 juin 2023 et, deuxièmement, du fait que le précité a réitéré, par-devant son autorité, ses déclarations faites à la police, pour les refuser implicitement.

Sans égard au bien-fondé de cette motivation, force est toutefois de constater que le Ministère public a exposé – certes, brièvement – les motifs qui l'ont conduit à rendre la décision querellée, suffisamment en tous cas pour permettre au recourant de les contester. Ce dernier n'avait, en outre, pas besoin d'une décision formelle sujette à recours pour agir, preuve en est qu'il a valablement recouru contre le courrier du 14 avril 2025.

Par conséquent, ce grief sera rejeté.

3.             Le recourant soutient que la perquisition de son domicile était illicite, faute de soupçon suffisant, et que, pour cette raison, les moyens de preuve issus de cette mesure seraient inexploitables.

3.1. Aux termes de l’art. 141 al. 2 CPP, les preuves qui ont été administrées d'une manière illicite par les autorités pénales ne sont pas utilisables, à moins qu’elles soient indispensables pour élucider des infractions graves. Plus l'infraction est grave, plus l'intérêt public à la découverte de la vérité l'emporte sur l'intérêt privé du prévenu à ce que la preuve soit écartée (ATF 147 IV 9 consid. 1.3.1).

3.2. La perquisition (art. 244 CPP) se définit comme la recherche, en tout lieu clos, de moyens de preuve pouvant aider à la manifestation de la vérité (ACPR/155/2025 du 25 février 2025, consid. 2.4.1; Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd. Bâle 2019 n. 8 ad art. 241).

Cette mesure de contrainte ne peut être ordonnée qu'aux conditions posées par l'art. 197 al. 1 CPP, à savoir que: des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b); elle apparaît justifiée au regard de la gravité de cette infraction (let. d); les buts qu'elle poursuit ne peuvent être atteints par d'autres actes moins sévères (let. c). L'autorité statue sous l'angle de la vraisemblance, examinant des prétentions se rapportant à des faits non encore établis (arrêt du Tribunal fédéral 1B_143/2022 du 30 août 2022 consid. 4.1 [rendu en matière de séquestre]; ACPR/383/2025 du 21 mai 2025 consid. 2.2).

Le soupçon est suffisant (cf. art. 197 al. 1 let. b CPP) quand il existe, à teneur du dossier, des indices importants et concrets de la commission d’un acte pénalement répréhensible (ATF 150 IV 239 consid. 3.4).

3.3. En l'espèce, le recourant a été vu, par la police, sortir d'une allée avec une travailleuse du sexe, elle-même aperçue quelques jours plus tôt se rendre dans cet immeuble, accompagnée par le couple suspecté d'être à la tête du réseau de prostitution illégale investigué. Le recourant l'a ensuite accompagnée, notamment jusqu'à la gare Cornavin, de façon similaire à des tiers également observés en train de prendre en charge d'autres prostituées lors de leurs déplacements.

Contrairement à ce que soutient le recourant, de telles circonstances sont susceptibles de faire naître de – forts – soupçons à son encontre, d'être impliqué dans ledit réseau. Il n'était donc ni "hasardeux", ni "précipité" d'ouvrir une instruction contre lui et d'ordonner la perquisition de son domicile. Compte tenu des infractions alors en cause, il ne pouvait pas être d'emblée exclu que des éléments utiles à l'enquête s'y trouvassent, par exemple de l'argent liquide.

Dès lors, rien ne permet de qualifier d'illicite la perquisition du 2 juin 2024 au domicile du recourant, la mesure remplissant toutes les conditions légales pour être ordonnées.

En conséquence, la découverte, même fortuite, dans l'appartement, par la police, de B______, qui a admis être hébergé par le recourant et vivre en Suisse sans permis, et les déclarations subséquentes de l'intéressé à ce sujet, n'apparaissent pas affectée d'un vice initial qui les rendraient inexploitables.

4.             Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait d'emblée être traité sans échange d'écritures, ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et
Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/3314/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

Total

CHF

800.00