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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14691/2025

ACPR/567/2025 du 21.07.2025 sur OMP/15682/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN
Normes : CPP.255.al1bis; LStup.19

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14691/2025 ACPR/567/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 21 juillet 2025

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, représenté par Me B______, avocate,

recourant,

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 27 juin 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 7 juillet 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 27 juin 2025, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant de Côte d'Ivoire, célibataire, sans emploi et déjà connu des services de police, a été contrôlé le 26 juin 2025 à l'avenue 1______ no. ______ à Genève, après qu'il fut monté dans un bus des Transports publics genevois. À la vue de la police, il a commencé à frapper son téléphone portable contre les parties métalliques du bus avant de le jeter à plusieurs reprises par terre, étant précisé que l'usage de la force a été nécessaire afin de le menotter. Lors de son interpellation, le précité était porteur de 12 comprimés de SILDENAFIL [médicament contre les troubles de l'érection, soumis à ordonnance], 10.3 grammes de cocaïne, 44 grammes de haschich (4 ovules), 33 grammes de marijuana, d'une plaquette de haschich d'un poids total de 101 grammes, de CHF 60.- (3 x CHF 20.-) et d'un téléphone portable.

b. Entendu le jour-même par la police, A______ a contesté s'adonner à un trafic de stupéfiants. Les drogues et médicament retrouvés sur lui étaient destinés à sa propre consommation. Il n'avait pas de passeport, seulement un titre de séjour F.

c. Devant le Ministère public, le lendemain, le prénommé a été prévenu de délit à la LStup (art. 19 al. 1 let. d LStup) et de consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup).

L'intéressé a répété être un simple consommateur de drogue.

d. Par ordonnance du même jour, le Ministère public lui a désigné un défenseur d'office.

e. Il a également rendu un avis de prochaine clôture de l'instruction, annonçant qu'il entendait dresser un acte d'accusation et invitant les parties à présenter leurs éventuelles réquisitions de preuves d'ici au 7 juillet 2025.

f. Par ordonnance du 27 juin 2025 toujours, le Tribunal des mesures de contrainte a ordonné la mise en détention provisoire de A______ jusqu’au 26 juillet 2025.

g. À teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse (au 27 juin 2025), A______ a été condamné à Genève à onze reprises entre le 11 octobre 2012 et le 3 mars 2025, pour délits contre la LStup (les 25 juillet 2015, 29 juillet 2015, 2 juin 2017, 7 juin 2018, 19 juin 2019, 24 mars 2023 et 3 mars 2025) mais également pour opposition aux actes de l'autorité, contravention à la LStup, non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée au sens de la LEI et empêchement d'accomplir un acte officiel.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public considère qu'il convient d'établir le profil d'ADN du prévenu, celui-ci ayant déjà été soupçonné par la police d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN (cf. liste des infractions mentionnées dans la Directive A.5, art. 4), étant précisé qu'il avait été condamné à sept reprises pour délits contre la LStup les 25 juillet 2015, 29 juillet 2015, 2 juin 2017, 7 juin 2018, 19 juin 2019, 24 mars 2023 et 3 mars 2025 (art. 255 al. 1bis CPP).

D. a. Dans son recours, A______ expose que son profil d'ADN avait été établi à de très nombreuses reprises, les dernières fois en 2023 et 2024. Or, en cas de condamnation, l'effacement du profil interviendrait 10 ans au minimum après l'entrée en force du jugement, soit ici le 24 mai 2034, étant précisé qu'un nouveau délai de dix ans pouvait être accordé par l'autorité de jugement après l'expiration du délai d'effacement, ce qui conduirait ici à 2044. Il ne voyait pas l'utilité d'établir un profil d'ADN "pour le conserver jusqu'en mai 2044 plutôt que jusqu'en juin 2045". L'analyse systématique de prélèvement d'échantillons d'ADN était proscrite. Il avait par ailleurs le droit d'être protégé contre l'emploi abusif des données qui le concernaient. De plus, des frais en relation avec ces actes inutiles seraient mis à sa charge et à celle du contribuable genevois. À cela s'ajoutait qu'un profil d'ADN n'était sujet à aucun changement au cours de la vie d'un être humain. Le nouvel établissement de son profil d'ADN était ainsi arbitraire et portait atteinte à sa liberté personnelle.

b. À réception, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

2.1. Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).

L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d). 

2.2. Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

2.3. L'établissement d'un profil d'ADN destiné à élucider des crimes ou délits passés/futurs n'est proportionné que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2;
145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).  

2.4. En l'espèce, le recourant a fait l'objet de plusieurs condamnations, dont sept au total pour – en particulier – des délits à la LStup, la dernière fois le 3 mars 2025.

L'établissement de son profil d'ADN a été à nouveau ordonné, par la décision querellée, pour élucider, non pas les infractions en cours d'instruction, mais d'autres actes contraires à l'art. 19 al. 1 LStup, dès lors qu'il avait déjà été condamné pour de tels faits et qu'au moment de son interpellation dans le cadre de la présente procédure, il était soupçonné de s'être (à nouveau) adonné au trafic de stupéfiants, la police ayant découvert sur lui notamment de la cocaïne, du haschich et de la marijuana dans des quantités et des conditionnements peu compatibles avec une simple consommation personnelle.

Il existe ainsi des indices sérieux et concrets de la commission, par le recourant, d'actes punissables en lien avec l'art. 19 al. 1 LStup.

À cela s'ajoute la situation personnelle précaire de l'intéressé qui laisse craindre un ancrage dans la délinquance liée aux stupéfiants et permet de penser qu'il pourrait être impliqué dans d'autres infractions à la LStup encore inconnues des autorités, qui pourraient lui être attribuées si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN à des traces prélevées sur les lieux de leurs commissions.

Les infractions à la LStup susceptibles d'être élucidées revêtent également une certaine gravité eu égard à la santé publique. Il s'agit d'ailleurs d'un des cas expressément listés par la Directive A.5 du Procureur général (cf. n. 4.3) qui, bien que n'ayant pas force de loi, est fondée sur l'art. 255 al. 1bis CPP, lequel autorise l'établissement d'un profil d'ADN pour les infractions passées.

Le recourant soutient qu'ordonner un nouvel établissement de son profil d'ADN alors qu'un tel profil, immuable, avait déjà été établi plusieurs fois par le passé, la dernière fois en 2024, était arbitraire.

La Chambre de céans est toutefois d'avis [cf. notamment, ACPR/400/2025 du 23 mai 2025 consid. 2.3] que dans la mesure où les profils d'ADN sont soumis à effacement après un certain délai [cf. art. 16 de la Loi sur les profils d'ADN; RS 363], il existe un intérêt public prépondérant – quand bien même l'établissement du profil d'ADN aurait déjà été ordonné à une ou plusieurs reprises et son effacement n'interviendrait pas avant de nombreuses années –, à soumettre derechef le prévenu à cette mesure, pour autant que les conditions légales soient à nouveau réalisées, ce qui est le cas en l'espèce. Ce sont d'ailleurs les soupçons de la commission de nouvelles infractions – en l'occurrence un délit à la LStup – qui ont conduit le Ministère public à ordonner à nouveau l'établissement du profil d'ADN du recourant, afin d'en prolonger d'autant la date d'effacement dans les fichiers de la police. Dans la mesure où on se trouve dans une situation dans laquelle l'art. 255 al. 1bis CPP permet d'ordonner un tel établissement, la mesure est légale, et, partant, nullement arbitraire.

Le recourant invoque encore le droit à être protégé contre l'emploi abusif des données qui le concernent (art. 13 al. 2 Cst. féd.). Or, on ne voit pas en quoi le nouvel établissement de son profil d'ADN pourrait constituer un tel emploi abusif, puisqu'il a été ordonné sur la base – légale – de l'art. 255 al. 1bis CPP, dont les conditions sont remplies, comme cela a été retenu ci-dessus. C'est, encore une fois, parce que le recourant a été à nouveau arrêté, en juin 2025, en raison de soupçons de la commission d'un délit contre la LStup – pour lequel il sera renvoyé en jugement – que l'établissement d'un profil d'ADN a été ordonné.

Ainsi, le fait, pour le Ministère public, d'avoir, dans de telles circonstances, ordonné une nouvelle fois l'établissement du profil d'ADN du recourant afin d'en prolonger de plusieurs mois le délai de conservation, n'apparait nullement disproportionné, quand bien-même l'échéance dudit délai n'interviendra que dans dix ou vingt ans.

Le recourant invoque enfin que les frais de ce nouvel établissement de son profil d'ADN allaient être mis à sa charge et à celle du contribuable genevois. Il n'a toutefois pas été condamné à en supporter le coût, et il ne saurait se soustraire à la mesure au prétexte que les frais pourraient incomber au contribuable genevois.

Il s'ensuit que l'ordonnance querellée ne prête pas le flanc à la critique, les réquisits pour le prononcé de l'établissement du profil d'ADN du recourant étant réunis.

3.  Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait d'emblée être traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). L'autorité de recours est en effet tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

5. Il n'y a pas lieu d'indemniser à ce stade (cf. art. 135 al. 2 CPP) le défenseur d'office.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/14691/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00