Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/4389/2025

ACPR/541/2025 du 14.07.2025 sur OMP/4363/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN
Normes : CPP.255.al1bis

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4389/2025 ACPR/541/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 14 juillet 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 18 février 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 27 février 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 18 février 2025, notifiée le jour-même, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de cette ordonnance et à l'octroi de l'assistance judicaire pour la procédure de recours.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 1er juin 2024, à 2h06, sur le quai de Cologny, un radar a constaté, sur un tronçon dont la vitesse était limitée à 60 km/h, un dépassement de vitesse de 60 km/h, marge de sécurité réduite, commis par la personne conduisant le véhicule C______/1______ [marque/modèle], immatriculé au nom de D______.

b. Entendue le 17 septembre 2024 à la police, la précitée a déclaré avoir prêté son véhicule à A______. Celui-ci lui avait indiqué avoir, à son tour, prêté la voiture à la dénommée E______, qui avait commis l’excès de vitesse.

c. A______ a été arrêté par la police, le 18 février 2025.

Il a confirmé avoir dénoncé E______. Confronté aux images prises par l'appareil de mesure – sur lesquelles un homme est au volant –, il a expliqué ne plus avoir de souvenir des faits.

d. Dans son rapport d'arrestation, la police a, compte tenu des antécédents du prévenu, sollicité du Ministère public l'établissement de son profil d'ADN.

e. Le même jour, le Ministère public a prévenu A______ d'infraction à l'art. 90 al. 3 et al. 4 let. c LCR ainsi que de dénonciation calomnieuse (art. 303 ch. 1 al. 1 CP).

L'intéressé, assisté de son conseil d'office, a admis avoir commis l'excès de vitesse en cause. Après s'être rendu compte qu'il avait été "flashé", il s'était procuré le permis de conduire d'un tiers [celui de E______] qu'il ne connaissait pas, et l'avait remis à D______.

Il a été relaxé à l'issue de son audition.

f. S'agissant de sa situation personnelle, A______, ressortissant portugais, né le ______ 2002 est titulaire d'un permis C. Il n'a pas terminé son apprentissage et a exercé différents emplois [comme menuisier, échafaudeur et nettoyeur] avant de bénéficier, depuis janvier 2025, d'un contrat de durée indéterminée auprès de l'institut F______, pour un revenu mensuel de CHF 1'750.-.

g. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse au 4 avril 2025, A______ a été condamné le 20 octobre 2021 par le Tribunal des mineurs, à une peine privative de liberté de 8 mois, avec sursis durant deux ans, pour violation de domicile (commission répétée), tentative de violation de domicile, vol d'usage (commission répétée) et tentative de vol d'usage, dommages à la propriété (avec dommage considérable), conduite sans permis (commission répétée), vol par métier et en bande (commission répétée), dommages à la propriété (commission répétée) et violation grave des règles de la circulation routière.

Il a, en outre, été condamné par le Ministère public les 15 novembre 2021 et 17 janvier 2022, pour diverses infractions à la LCR, ainsi que le 29 mars 2023, pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice et insoumission à une décision de l’autorité.

Toujours selon cet extrait, le prénommé fait, outre la présente procédure, l'objet d'une autre procédure pénale en cours au Tribunal correctionnel, à savoir la P/2______/2024 pour infraction à l'art. 19 LStup.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient, sous l'angle de l'art. 255
al. 1bis CPP, que A______ avait déjà été soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN – se référant à la liste des infractions mentionnées dans la Directive du Ministère public A.5, art. 4 – " celui-ci ayant été condamné le 20 octobre 2021 pour vol et violation de domicile".

D. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir que l'établissement de son profil d'ADN était disproportionné. Le Ministère public se fondait, dans sa décision, sur des infractions commises alors qu'il était mineur [à l'âge de 16/17 ans], pour lesquelles le magistrat instructeur avait "(implicitement) considéré qu'il ne se justifiait pas, à l'époque, d'ordonner l'établissement de [son] profil d'ADN". De plus, il était âgé de seulement 22 ans, était actif professionnellement et n'avait pas commis d'autres infractions contre le patrimoine depuis sa majorité. On ne discernait pas quelle récidive – pour l'avenir – ou quelle commission passée, serait mieux résolue par le profil d'ADN à établir.

b. À réception, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

 

 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2. Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

2.1. Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).

L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d). 

2.2. Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

2.3. L'établissement d'un profil d'ADN destiné à élucider des crimes ou délits passés/futurs n'est proportionné que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2;
145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).

2.4. En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN du recourant a été ordonné pour élucider, non pas les infractions en cours d'instruction, mais d'autres éventuels actes qu'il aurait pu perpétrer par le passé, contraires aux art. 139 et 186 CP, dès lors qu'il avait déjà été soupçonné de la commission de tels faits et même condamné, le
20 octobre 2021, notamment, pour vol par métier et en bande ainsi que pour des violations de domicile.

Il existe ainsi des indices sérieux et concrets, de la commission, par l'intéressé, d'infractions (passées) au patrimoine.

Certes la condamnation précitée porte, notamment, sur des cambriolages commis entre septembre 2019 et janvier 2020, soit alors qu'il était mineur. Ces faits sont toutefois relativement récents et leur caractère répété accentue la crainte que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres vols, en particulier, encore inconnus des autorités, qui pourraient lui être attribués si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN à des traces prélevées sur les lieux de leurs commissions.

Il résulte, en outre, de sa situation personnelle [absence d'emploi fixe jusqu'en décembre 2024] et de son casier judiciaire que, malgré son jeune âge, son parcours a été parsemé de nombreux actes délictueux à la LCR et au patrimoine, étant souligné qu'il a été condamné, dès sa majorité, à trois autres reprises et qu'il fait actuellement l'objet d'une procédure en cours pour infraction à la LStup.

Dans de telles circonstances, qui laissent apparaitre un ancrage dans la délinquance, il ne saurait suffire, comme le fait le recourant, de se prévaloir de ce que l'établissement de son profil d'ADN avait été considéré comme injustifié par le passé, ni d'affirmer qu'il n'a pas commis d'autres infractions spécifiques depuis sa condamnation par le Tribunal des mineurs.

Enfin, les infractions aux art. 139 CP et 186 CP susceptibles d'être élucidées revêtent une certaine gravité. Il s'agit d'ailleurs de deux cas expressément listés par la Directive A.5 du Procureur général (cf. n. 4.3), laquelle est fondée sur l'art. 255 al. 1bis CPP, qui justifie l'établissement d'un profil d'ADN pour les infractions passées.

Partant, la mesure querellée, dont les conditions légales sont réalisées, n'apparaît ni injustifiée ni disproportionnée.

3.             Justifiée, l'ordonnance attaquée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait d'emblée être traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). L'autorité de recours est en effet tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

5.             Il sera statué sur l'indemnité du défenseur d'office à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière:

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/4389/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00