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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7295/2025

ACPR/347/2025 du 08.05.2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN;PESÉE DES INTÉRÊTS;PROPORTIONNALITÉ;ANTÉCÉDENT
Normes : CPP.255.al1; CPP.255.al1bis; CP.139

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7295/2025 ACPR/347/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 8 mai 2025

 

Entre

A______, représentée par Me B______, avocate,

recourante,

 

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 25 mars 2025 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 4 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 25 mars 2025, notifiée le jour même, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

La recourante conclut, sous suite de frais, à l'annulation de cette ordonnance.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, née le ______ 2001, ressortissante algérienne, est prévenue de vol en bande (art. 139 ch. 3 let. b CP), d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI) et de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) pour avoir, à Genève:

-        le 24 mars 2025, pénétré sur le territoire suisse sans être en possession d'un passeport valable indiquant sa nationalité et dans le but d'y commettre des infractions pénales, ainsi qu'y avoir séjourné sans les autorisations nécessaires;

-        le même jour, de concert avec C______, D______ et E______, dérobé dans le bar du magasin F______, un sac à dos appartenant à G______, dans le dessein de se l'approprier et de s'enrichir illégitimement de sa valeur et de son contenu;

-        à des dates que l'instruction devra déterminer, de concert avec C______, D______ et E______, dérobé de nombreux objets de valeur, "notamment" au sein du magasin H______, à savoir "notamment" des bijoux, une montre, des lunettes, des vêtements, des chaussures, des parfums, des écouteurs filaires, ainsi que des sacs et des sacoches, dans le dessein de se les approprier et de s'enrichir illégitimement de leur valeur et de leur contenu.

b. À teneur du rapport d'arrestation du 25 mars 2025, le sac à dos de G______ a été retrouvé dans une voiture, louée au nom de D______, à bord de laquelle se trouvait C______. Ce dernier a pu être interpellé, de même que D______ et A______, qui se tenaient quelques instants plus tôt à proximité immédiate dudit véhicule.

Lors de la fouille de l'automobile, les policiers ont retrouvé une grande quantité de vêtements, des sacs et des valises.

Sur les images de vidéosurveillance du magasin F______, on peut apercevoir C______ et une femme – laquelle n'a pas pu être interpellée – en train de voler un sac à dos.

"Au vu des antécédents des prévenus, notamment pour les vols en bande organisée, en réunion, recel et autres vol", les policiers ont demandé le prélèvement de leur ADN.

c. Entendu par la police le 24 mars 2025, puis par le Ministère public le lendemain, C______ a déclaré qu'ils étaient venus en Suisse pour voler. Ils avaient tous les quatre participé au vol du sac à dos, de même qu'à celui de divers articles retrouvés dans le véhicule, "notamment au magasin H______", dans le but de "peut-être les vendre".

d. Entendu par la police le 25 mars 2025, D______ a expliqué qu'ils se trouvaient tous les quatre, ensemble, au moment du vol du sac à dos. C'était toutefois C______ qui l'avait volé. Il a contesté avoir volé des articles au magasin H______. Lors de son audition par le Ministère public, le lendemain, il a répété qu'ils – "le groupe"– avaient volé le sac à dos, avant de revenir sur ses déclarations et d'affirmer, "après réflexion", que c'était E______ et C______ qui avaient commis ce vol, A______ et lui-même n'y ayant pas participé.

e.a. Entendue par la police le 25 mars 2025, A______ a reconnu avoir volé, le jour même, de concert avec C______, D______ et E______, les objets à l'enseigne de H______ retrouvés dans le véhicule, précisant n'avoir elle-même rien emporté mais s'être trouvée dans le magasin avec ses comparses, lesquels avaient un sac dans lequel ils mettaient les articles soustraits. Elle a contesté avoir participé au vol du sac à dos. Elle ne possédait ni autorisation de séjour, ni document officiel attestant de son identité. Invitée à indiquer si elle avait des antécédents judiciaires, en Suisse ou à l'étranger, elle a répondu avoir déjà été entendue pour vol dans un magasin en France.

e.b. Lors de son audition par le Ministère public, le même jour, elle a indiqué avoir vu C______, D______ et E______ soustraire des vêtements dans le magasin H______, contestant toutefois avoir participé au vol. S'agissant du vol dont elle avait été soupçonnée en France, elle a précisé avoir été "innocentée" au terme d'une enquête.

f.a. Selon l'extrait du casier judiciaire français de C______, ce dernier a été condamné à treize reprises, entre 2012 et 2023, notamment pour vol, vol aggravé par deux circonstances, vol en réunion et recel de bien provenant d'un vol.

f.b. Il ressort de l'extrait de son casier judiciaire français que D______ a été condamné à cinq reprises, entre 2017 et 2024, notamment pour recel de bien provenant d'un vol, vol dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt et vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé par une autre circonstance.

f.c. À teneur des extraits de ses casiers judiciaires suisse et français, A______ n'a pas d'antécédents judiciaires.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public ordonne l'établissement du profil d'ADN de A______ au motif que "l'infraction porte sur un crime ou un délit susceptible d'être élucidé au moyen de l'ADN (cf liste des infractions mentionnées dans la directive A.5, art. 4)".

D. a. Dans son recours, A______ allègue une violation de l'art. 255 al. 1 CPP et de la directive A.5 du Procureur général. L'établissement de son profil d'ADN – qui n'avait de sens que s'il pouvait être comparé à du matériel génétique prélevé sur les lieux de l'infraction ou sur les objets produits de l'infraction ou ayant permis de la commettre – était inutile et ne permettrait pas d'élucider l'infraction sur laquelle portait la procédure. Les objets dérobés l'avaient été dans des lieux à haute fréquentation, de sorte que les prélèvements étaient dénués de pertinence. Compte tenu de la nature des infractions, la mise en évidence de matériel génétique exploitable sur ces objets serait extrêmement complexe et peu probante. L'enquête devait déterminer si ces objets avaient réellement été soustraits à leurs propriétaires et comment ils s'étaient retrouvés dans le véhicule, ce que l'ADN ne permettrait pas d'élucider. Enfin, quand bien même son ADN serait retrouvé sur les lieux de l'infraction ou les objets précités, cela ne permettrait pas pour autant de l'incriminer.

À cela s'ajoutait que les infractions qui lui étaient reprochées – et au demeurant contestées – ne figuraient pas sur la liste de celles "susceptibles d'être élucidées par l'établissement d'un profil ADN" selon l'art. 4 de la Directive A.5. Le Procureur ne donnait d'ailleurs aucune autre motivation relative à la nécessité et à la proportionnalité d'une telle mesure, les autres motifs génériques ayant été maintenus, sans être désignés comme "applicables" avec les indications "à compléter" ou "à motiver". Aucun autre motif – que ceux invoqués par le Ministère public – ne permettait enfin de justifier la décision querellée.

b. Dans ses observations, le Ministère public explique avoir ordonné l'établissement du profil d'ADN de A______ au motif que les infractions reprochées à cette dernière – à savoir le vol du sac à dos de G______ et des autres objets découverts dans le coffre du véhicule – étaient susceptibles d'être élucidées au moyen de l'ADN. L'instruction avait révélé que, parmi les objets découverts dans le coffre de la voiture, figuraient des articles déclarés volés par les magasins I______, J______ et H______, lesquels avaient déposé plainte les 3, 4 et 17 avril 2025. L'établissement du profil d'ADN de A______ permettrait de comparer son matériel génétique avec celui existant sur lesdits objets. Peu importait que l'infraction de vol ne fût pas mentionnée dans la liste de l'art. 4 de la Directive A5, celle-ci n'étant qu'exemplative et non exhaustive. Cette disposition prévoyait que l'établissement d'un profil d'ADN se justifiait, d'une part, lorsque la police avait prélevé des traces biologiques susceptibles d'être comparées avec un profil d'ADN et, d'autre part, pour les besoins de l'enquête que la police avait exposés dans son rapport. Or, tel était précisément le cas, dans la mesure où des traces biologiques pourraient être prélevées sur les objets dérobés et être comparées avec le profil d'ADN de la recourante, d'une part, et où les besoins de l'enquête – la recourante contestant "très partiellement avoir participé aux vols" –, le justifiaient, d'autre part.

À l'appui de ses observations, le Ministère public a produit une copie du procès-verbal de l'audience de confrontation s'étant tenue le 23 avril 2025.

c. La recourante réplique et persiste. L'ordonnance querellée violait son droit d'être entendue, le Ministère public s'étant borné à indiquer un motif générique, sans mentionner précisément les infractions qui lui étaient reprochées, ni motivé de façon individualisée en quoi la mesure contestée permettrait d'élucider lesdites infractions, et sans comporter de motivation s'agissant du respect du principe de la proportionnalité. Une telle violation ne pouvait être réparée devant la Chambre de céans, sauf à la priver du double degré de juridiction au niveau cantonal. L'ordonnance querellée violait également l'art. 255 CPP. D'une part, l'instruction avait d'ores et déjà permis de clarifier son implication dans les faits visés par la présente procédure, qu'il s'agisse des vols commis dans les magasins H______, F______, I______ ou J______. D'autre part, il était probable que son matériel génétique se trouvât sur les objets retrouvés dans le coffre du véhicule, puisqu'elle avait voyagé à bord de celui-ci depuis la France, de sorte que les prélèvements génétiques ne seraient pas probants. Enfin, la simple possibilité théorique que des traces pussent être prélevées ne suffisait pas, le Ministère public ne soutenant pas avoir ordonné des prélèvements de matériel génétique sur les objets volés.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. S'agissant du grief de la violation du droit d'être entendu soulevé par la recourante pour la première fois dans le cadre de sa réplique, il est irrecevable, étant rappelé que la motivation doit être présentée dans l'acte lui-même, avant l'expiration du délai fixé à l'art. 396 al. 1 CPP (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 3 ad art. 385).

2.2. Ce grief serait-il recevable, qu'il devrait quoi qu'il en soit être rejeté, pour les motifs qui suivent.

2.3. La garantie du droit d'être entendu, déduite de l'art. 29 al. 2 Cst., impose à l'autorité de motiver ses décisions, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 136 I 229 consid. 5.2; 135 I 265 consid. 4.3; 126 I 97 consid. 2b). Il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs fondant sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause; l'autorité peut se limiter à ne discuter que les moyens pertinents, sauf être tenue de répondre à tous les arguments qui lui sont présentés (ATF 129 I 232 consid. 3.2; 126 I 97 consid. 2b; 124 II 146 consid. 2a;
124 V 180 consid. 1a).

Ce manquement peut toutefois être réparé devant la juridiction supérieure qui dispose d'un plein pouvoir d'examen, pour autant que l'autorité intimée ait justifié et expliqué sa décision dans un mémoire de réponse et que le recourant ait eu la possibilité de s'exprimer sur ces points dans une écriture complémentaire (ATF 125 I 209 consid. 9a p. 219). La Haute cour admet également la réparation d'une violation du droit d'être entendu, y compris en présence d'un vice grave, lorsqu'un renvoi à l'instance inférieure constituerait une vaine formalité, respectivement aboutirait à un allongement inutile de la procédure, incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 145 I 167 consid. 4.4).

2.4. En l'espèce, le Ministère public a indiqué, dans son ordonnance querellée, ordonner l'établissement du profil d'ADN de A______ au motif que "l'infraction port[ait] sur un crime ou un délit susceptible d'être élucidé au moyen de l'ADN (cf liste des infractions mentionnées dans la directive A.5, art. 4)". Bien que sommaire, cette motivation est suffisante, l'argumentation développée par la recourante dans son écriture de recours démontrant qu'elle a parfaitement compris le sens de l'ordonnance querellée. En tout état de cause, même à admettre une violation du droit d'être entendu, celle-ci aurait été réparée dans la procédure de recours. En effet, le Ministère public a fourni des indications supplémentaires – singulièrement quant aux raisons l'ayant conduit à ordonner l'établissement du profil d'ADN de la recourante – dans ses observations, cette dernière ayant pu faire valoir ses objections, dans le cadre de sa réplique, devant la Chambre de céans, qui dispose d'une pleine cognition, en fait et en droit. À cela s'ajoute qu'un renvoi de la cause au Ministère public constituerait une vaine formalité, au vu des raisons qui seront exposées ci-après.

Ces considérations scellent le sort de ce grief.

3.             La recourante considère que les conditions pour établir et exploiter son profil d'ADN ne seraient pas réalisées.

3.1.       Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).

L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d).

3.2.       Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

3.3.       L'établissement d'un profil d'ADN destiné à élucider des crimes ou délits passés/futurs n'est proportionné que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2; 
145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).

3.4.       À teneur des art. 4.1. à 4.3 de la Directive A.5 du Procureur général sur la gestion et la conservation des données signalétiques et des profils d'ADN, lorsque la police a procédé au prélèvement d'un échantillon d'ADN, le procureur en charge de la procédure pénale ordonne l'établissement d'un profil d'ADN (art. 4.1.), en cas d'infraction(s) sur laquelle (lesquelles) porte la procédure (art. 255 al. 1 CPP), lorsque (i) ladite procédure porte sur une liste déterminée d'infractions – le vol (art. 139 CP) n'en faisant pas partie –, (ii) la police a prélevé des traces biologiques susceptibles d'être comparées avec un profil d'ADN et (iii) l'établissement d'un profil d'ADN se justifie pour les besoins de l'enquête que la police a exposés dans son rapport (art. 4.2); en cas d'infraction(s) passée(s) (art. 255 al. 1 bis CPP), lorsque (i) le prévenu a déjà été soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN – notamment un vol (art. 139 CP) –, (ii) le prévenu a été interpellé en flagrant délit de cambriolage, de brigandage ou d'incendie intentionnel; (iii) le prévenu est soupçonné d'avoir commis une infraction de nature sérielle (art. 4.3).

3.5.       En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN de la recourante a été ordonné par le Ministère public afin d'élucider une (des) infraction(s) en cours d'instruction.

Il sera à cet égard rappelé que l'instruction en cours porte plus particulièrement sur un vol en bande, lequel ne se limite pas – comme cela ressort très clairement de l'emploi du terme "notamment" dans la description des charges pesant contre la recourante et des explications fournies par le Procureur dans le cadre de ses observations – au vol du sac à dos de G______ et de divers articles au sein du magasin H______, mais englobe également d'autres vols que les quatre prévenus sont soupçonnés d'avoir commis depuis leur arrivée en Suisse, plusieurs autres objets ayant été retrouvés dans le véhicule.

Certes, le Procureur n'a coché aucune des cases figurant dans la rubrique "infraction(s) passée(s) (art. 255 al. 1bis CPP)". Ce nonobstant, il ressort de la lecture en parallèle de l'ordonnance querellée et de l'ordonnance d'ouverture d'instruction qu'en cochant celle intitulée "l'infraction porte sur un crime ou un délit susceptible d'être élucidé au moyen de l'ADN", le Procureur entendait permettre – ce qu'il a d'ailleurs confirmé dans le cadre de ses observations – l'exploitation de l'ADN de la recourante aux fins d'élucider d'autres vols susceptibles d'avoir le cas échéant été commis par les quatre comparses, plus particulièrement ceux en lien avec les autres objets retrouvés dans le véhicule, étant précisé qu'il pourrait s'agir, outre ceux commis dans les magasins H______, F______, I______ ou J______, de vols perpétrés dans d'autres enseignes encore.

À cet égard, il existe des indices sérieux et concrets de la commission, par les prévenus, d'autres vols depuis leur arrivée en Suisse. Deux d'entre eux – C______ et D______ – ont été condamnés à réitérées reprises en France, notamment pour vol, parfois avec circonstance aggravante. Quant à la recourante, si elle n'a certes jamais été condamnée, que ce soit en Suisse ou en France, elle a, selon ses dires, déjà été soupçonnée par la police française d'avoir commis un vol. À cela s'ajoute que C______ a déclaré, lors d'une de ses auditions, qu'ils étaient venus en Suisse pour voler et qu'ils avaient tous les quatre participé au vol du sac à dos de G______ et de divers articles retrouvés dans le véhicule. Il sera à cet égard précisé que, lors de la fouille du véhicule, les policiers ont retrouvé, outre les objets précités, une grande quantité de vêtements, des sacs et des valises, soit autant d'objets susceptibles d'avoir été volés par l'un/et ou l'autre des quatre individus.

Les infractions susceptibles d'être élucidées revêtent une certaine gravité puisque l'instruction porte sur un vol en bande, soit l'un des cas aggravés de l'art. 139 CP. Peu importe que cette infraction ne figure pas dans la liste des infractions mentionnées à l'art. 4.2 de la Directive A.5, et ce pour deux raisons. D'une part, l'art. 4.2 permet l'établissement d'un profil d'ADN, non seulement en présence d'une des infractions spécifiquement listées, mais également lorsque "l'établissement d'un profil d'ADN se justifie pour les besoins de l'enquête que la police a exposés dans son rapport", ce qui est précisément le cas en l'espèce, les policiers ayant expressément indiqué dans leur rapport solliciter le prélèvement de l'ADN "au vu des antécédents des prévenus, notamment pour les vols en bande organisée, en réunion, recel et autres vol". Que seuls deux des prévenus aient des antécédents judiciaires n'y change rien. D'autre part, le motif avancé par le Procureur pour justifier l'établissement du profil d'ADN de la recourante, soit la nécessité d'élucider les infractions en cours d'instruction, se recoupe avec l'hypothèse visée par l'art. 255 al. 1bis CPP, étant à cet égard précisé que des vols portant sur certains des articles retrouvés dans le véhicule, bien que suspectés au vu de la provenance douteuse desdits objets, n'avaient potentiellement pas encore été portés à la connaissance des autorités au moment du prononcé de l'ordonnance querellée. Or, la Directive retient, en pareille hypothèse, la possibilité d'ordonner l'établissement d'un profil d'ADN lorsque le prévenu a déjà été soupçonné d'avoir commis un vol, ce qui est le cas en l'espèce, la recourante étant soupçonnée à tout le moins d'avoir volé ou participé au vol du sac à dos de G______ le 24 mars 2025, de même que lorsque le prévenu est soupçonné d'avoir commis une infraction de nature sérielle, ce qui est également le cas in casu.

Au vu de ces considérations, l'acte entrepris – qui repose sur une base légale, est proportionné et dicté par un intérêt public – se justifie pour les besoins de l'enquête visant à circonscrire le rôle et l'implication de la recourante, non seulement s'agissant du vol du sac à dos de G______ et des articles H______, mais également d'autres vols susceptibles de concerner les autres objets retrouvés dans le véhicule, lesquels pourraient provenir non seulement des magasins H______, F______, I______ ou J______, mais d'autres enseignes encore. Le prélèvement de l'ADN de la recourante est enfin une mesure impliquant une atteinte légère à ses droits personnels, proportionnée par rapport à l'infraction grave – un crime – dont elle est soupçonnée.

Compte tenu de ce qui précède, les autres arguments avancés par la recourante ne sont pas pertinents ici et devront, le cas échéant, être soulevés devant l'autorité de jugement.

Par conséquent, le recours doit être rejeté.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixée en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

6.             L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à
CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Valérie LAUBER et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/7295/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00