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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/16603/2024

ACPR/171/2025 du 28.02.2025 sur OMP/18085/2024 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.132.al1.letb

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16603/2024 ACPR/171/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 28 février 2025

 

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 29 août 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 9 septembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 29 août précédent, notifiée le lendemain, à teneur de laquelle le Ministère public a refusé de lui désigner un défenseur d'office.

Il conclut à l'annulation de cette décision, son actuel conseil de choix devant être nommé pour l'assister dans la présente cause.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. A______, ressortissant nigérian né le ______ 2000, a été interpellé par la police le 14 juillet 2024, à Genève (P/16603/2024).

Entendu par cette autorité – en anglais, langue dans laquelle il s'exprime –, il a reconnu avoir, la veille, pénétré sur le territoire suisse alors qu’il était démuni des pièce d'identité et autorisation nécessaires ainsi qu'avoir consommé un joint de marijuana. Il a précisé résider en France et être sans revenu, ni fortune.

a.b. Par ordonnance pénale du 15 juillet suivant, le Ministère public l’a déclaré coupable d'infractions aux art. 115 al. 1 let. a LEI ainsi que 19a LStup, et condamné, pour la première de celles-ci, à 60 jours-amende, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, ainsi que, pour la seconde, à une contravention de CHF 100.-.

b. Le 15 juillet 2024 également, A______ a fait l’objet d’une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée d’un an.

c.a. Le 17 du même mois, le prénommé a derechef été interpellé par la police genevoise (P/16926/2024).

Il a été mis en prévention, le lendemain, des chefs d'infractions aux art. 115 al. 1 let. a LEI, 119 LEI (pour avoir violé l’interdiction sus-évoquée) et 286 CP (les agents ayant dû le poursuivre pour procéder à son arrestation). Il a contesté tout acte pénalement répréhensible, exposant, avec l'aide d'un interprète, les motifs pour lesquels il avait agi de la sorte.

c.b. Par ordonnance pénale du 18 du même mois, le Procureur l’a déclaré coupable de ces trois infractions et, faisant application de l'art. 49 al. 1 CP, l'a condamné à une peine privative de liberté de nonante jours, sous déduction d'un jour de détention avant jugement.

d. Le 25 juillet 2024, A______ a formé opposition aux deux ordonnances pénales susvisées, sous la plume de Me B______.

Il a requis que cet avocat soit nommé d’office pour défendre ses intérêts.

e. Le 29 août 2024, le Ministère public a joint les procédures P/16926/2024 et P/16603/2024 sous ce dernier numéro de cause.

C. Dans sa décision déférée, le Procureur a considéré que le prévenu pouvait se défendre efficacement seul, le dossier ne présentant pas de difficultés particulières sous l'angle des faits et/ou du droit.

D. a. À l'appui de son recours, A______ estime que les réquisits de l’art. 132 al. 1 let. b CPP sont réunis. Il n’était pas en mesure de saisir les tenants et aboutissants de la présente affaire – qui présentait, sur le plan objectif, une certaine gravité –, faute d’être francophone, de maîtriser suffisamment l'anglais et de disposer, dans son entourage, d’une personne capable de l'aider à comprendre "les différents courriers du Ministère public". À cela s'ajoutait qu'il était indigent.

b. Le 23 janvier 2025, la Chambre de céans a versé au dossier de la procédure de recours un extrait actualisé du casier judiciaire du prévenu.

Il en ressort que ce dernier a été condamné, par ordonnance pénale du 6 août 2024 (P/1______/2024), pour des faits survenus la veille, constitutifs d'infractions aux art. 115 al. 1 let. a et 119 LEI, à une peine privative de liberté de nonante jours, prononcé qui est définitif.

c. Invité à se déterminer sur le recours et sur cet extrait, le Ministère public persiste dans les termes de sa décision, ajoutant que A______ serait en mesure, le moment venu, de plaider seul ses arguments devant le juge du fond.

d. Nanti dudit extrait et des observations du Procureur, le précité n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP; Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand du Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 15, 19ème tiret, ad art. 393), et émaner du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP) qui a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à se prévaloir d'une violation de l'art. 132 CPP (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant estime que les conditions d'octroi d'une défense d'office sont réalisées.

2.1. L'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à une telle défense à deux conditions.

2.1.1. Premièrement, la sauvegarde des intérêts du prévenu justifie l’assistance d’un avocat.

Ainsi en va-t-il quand la cause n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu, seul, ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP).

i. Une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque l'intéressé est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de cent vingt jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).

ii. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés particulières, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et/ou sur des considérations subjectives, fondées sur l'aptitude effective du requérant à mener seul la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 7B_893/2023 du 26 mars 2024 consid. 2.2).

Le Tribunal fédéral cite, au nombre des critères permettant de retenir une complexité d'ordre juridique, l'application des règles sur le concours (art. 49 CP). En effet, les subtilités y relatives ne sont pas simples à comprendre pour une personne non juriste, cela quel que soit le type de concours envisagé, simultané (art. 49 al. 1 CP : arrêts du Tribunal fédéral 7B_893/2023 précité, consid. 2.5 et 1B_276/2022 du 23 septembre 2022 consid. 3.2) ou rétrospectif (art. 49 al. 2 CP : arrêt du Tribunal fédéral 1B_360/2020 du 4 septembre 2020 consid. 2.4).

2.1.2. Secondement, le prévenu doit être indigent.

2.2.1. En l'espèce, le seuil de gravité fixé à l'art. 132 al. 3 CPP est atteint, le prévenu encourant, aux termes des prononcés des 15 et 18 juillet 2024, une sanction de cent cinquante unités pénales (i.e. soixante jours-amende cum nonante jours d'emprisonnement).

La cause ne revêt cependant, sous l’angle de l'éventuelle culpabilité de l’intéressé, aucune difficulté particulière. En effet, les charges qui lui sont imputées sont simples, respectivement circonscrites, et les infractions applicables faciles à appréhender, y compris pour une personne sans formation juridique. Le recourant a, du reste, été en mesure de s'exprimer clairement sur ces aspects – en anglais, avec l'assistance d'un policier parlant cette langue ou d'un interprète –, qu'il a admis pour certains et contestés, de manière précise et détaillée, pour d'autres.

La situation se présente, en revanche, différemment sur le volet de la peine.

Ainsi, le Ministère public a condamné le prévenu, dans l’ordonnance pénale du 18 juillet 2024, à une peine privative de liberté de nonante jours pour la commission de trois infractions, dont celle à l’art. 286 CP, passible de trente jours-amende au plus. Cette application, erronée, de l’art. 49 al. 1 CP était de nature à justifier le concours d’un avocat pour former opposition à cette ordonnance.

De plus, à supposer que le recourant soit reconnu coupable des faits visés dans les décisions des 15 et 18 juillet 2024, la question du prononcé d'une peine complémentaire (art. 49 al. 2 CP) se poserait alors pour les délits visés par l'ordonnance pénale du 6 août 2024. Cette question revêtant un caractère technique, l'on ne saurait attendre du prévenu qu'il se détermine, seul, devant un juge, sur les spécificités d’un (éventuel) concours rétrospectif.

Il s'ensuit que la procédure revêt une certaine complexité sur le plan juridique.

2.2.2. S’agissant de l’impécuniosité (alléguée) du recourant, le Ministère public ne la remet pas en cause. Il n’y a donc pas lieu d’examiner plus avant cette condition.

2.3. À cette aune, les réquisits de l'art. 132 al. 1 let. b CPP sont réunis.

Le recours doit donc être admis et la décision déférée annulée.

Me B______ sera désigné comme défenseur d'office du prévenu, avec effet au 25 juillet 2024, jour du dépôt de la requête (arrêt du Tribunal fédéral 7B_235/2024 du 23 août 2024 consid. 3.2.2).

3. 3.1. Les frais de la procédure de recours seront laissés à la charge de l'État (art. 20 RAJ).

3.2. L'indemnité du défenseur d'office nouvellement désigné sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet le recours et annule, en conséquence, l'ordonnance querellée.

Désigne Me B______ comme défenseur d'office de A______, avec effet au 25 juillet 2024.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).