Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/955/2024 du 18.12.2024 sur ONMMP/4914/2024 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/13439/2023 ACPR/955/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 18 décembre 2024 |
Entre
A______, domiciliée ______ [GE], agissant en personne
recourante
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 7 novembre 2024 par le Ministère public
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé
EN FAIT :
A. a. Par acte posté le 21 novembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 7 précédent, notifiée le 11 novembre 2024, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur ses plaintes des 19 juin et 25 août 2023 contre les époux B______ et C______.
La recourante conclut à l'annulation de cette ordonnance, au rétablissement de la procédure et à la reprise du cours de celle-ci.
b. Elle a versé les sûretés en CHF 1’000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______ habite avec sa sœur dans le même immeuble que B______ et C______, à D______, au-dessous d’eux. Elle est conflit avec ces derniers.
b. A______ a déposé plainte pénale contre eux le 19 juin 2023, joignant notamment les lettres circonstanciées qu’elle avait rédigées à leur attention et qui relatent des doléances diverses. Parmi la correspondance qu’elle a aussi produite, une lettre de la gérance immobilière, du 26 janvier 2023, lui reproche, par suite d’une plainte non spécifiée, un comportement « quelque peu intrusif » dans la vie de ses voisins : contrôle de personnes dans la cage d’escalier, coups sur le chauffage central lorsque du bruit l’importunerait et entreposage de déchets dans l’entrée de l’immeuble ou son garage ; il n’y est pas question des époux B______/C______. Par ailleurs, dans une lettre qu’il lui avait écrite le 24 avril [2023], B______ lui exprime des excuses, conteste s’être tourné vers la gérance immobilière et émet le souhait de continuer à vivre dans une bonne ambiance et dans la sérénité ; A______ en a accusé réception le 5 mai suivant, reprochant à B______ un nombre de mariages « hollywoodien » ainsi qu’une paternité « à 72 ans », et contestant, sous menace d’une plainte en diffamation et calomnie, que la femme du prénommé eût été victime de racisme de sa part, mais plutôt de son « rejet ».
c. Le 25 août 2023, A______, se constituant « partie civile », a déposé une seconde plainte pénale contre B______ et C______, renvoyant aux doléances (annexées) qu’elle leur avait communiquées par écrit le jour même, par suite d’une altercation survenue le 15 précédent. Après qu’elle eut donné des « coups de balai au plafond », ce soir-là, en raison du bruit que faisait le bébé du couple, vers 20h.15, C______ était descendue pour protester d’un ton vif qu’il n’était pas encore 21h., se déchaînant de fureur et l’injuriant. Elle avait riposté à la cantonade, ironiquement : « il paraît que c’est sa culture africaine », car B______ avait donné pareille explication dans la lettre du 24 avril 2023. Elle avait deux témoins de ces faits, une voisine de palier et une voisine du rez-de-chaussée. L’incident avait rebondi le 18 août 2023 dans la cage d’escalier, où les époux B______/C______ et la voisine de palier « faisaient consensus » à ce sujet, estimant qu’elle se mêlait des affaires des autres. Elle avait interpellé le Secrétariat d’État aux Migrations pour obtenir « un sursis probatoire » à la naturalisation de C______.
d. Entendus par la police, les époux B______/C______ ont contesté tous les reproches émis par A______, sans nier que leurs relations avec elle s’étaient dégradées au fil du temps en raison du bruit qu’elle leur reprochait. C______ a précisé que, le 15 août 2023, ses enfants n’étaient pas là ; qu’elle était occupée par du télé-travail ; et que les deux voisines pourraient attester qu’elle n’avait pas insulté A______, mais que celle-ci lui avait lancé : « On n’est pas en Afrique, ici ».
e. Les deux voisines ont été entendues, affirmant chacune ne pas se souvenir si C______ avait injurié A______. L’une des voisines a déclaré avoir entendu celle-ci tenir à celle-là des propos qu’elle avait jugés racistes, sans pouvoir en restituer les termes ; l’autre voisine avait entendu : « C’est ça, l’Afrique ? »
f. La sœur de A______, dont le nom figure en tête du recours mais qui ne l’a pas signé, n’a pas été entendue. Le dossier ne permet pas de savoir si la police fut, à un moment ou à un autre, requise dans l’immeuble.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que la prévention d’aucune infraction commise par B______ et C______ n’a pu être établie et conseille aux protagonistes d’entrer en médiation.
D. a. À l’appui de son recours, A______, après avoir tracé l’historique de ses relations avec B______ et C______, observe que ceux-ci n’avaient jamais contesté la teneur d’aucune des lettres qu’elle leur adressait, voire lui avaient présenté des excuses écrites. Ils avaient donc implicitement avoué ce qu’elle leur reprochait. La situation, invivable, n’était pas du ressort d’une médiation. Seule, la menace d’un « gros bâton (…) aux potentielles frappes judiciaires » serait respectée. La voisine de palier avait menti éhontément à la police, commettant par là un faux témoignage après subornation par les époux B______/C______. L’autre voisine cherchait à la déstabiliser et à la pousser à l’altercation.
Elle demande à être entendue par le Ministère public.
Elle produit un pli, sans signature manuscrite, que « E______ » lui a envoyé le 21 août 2023, dans laquelle celle-ci explique avoir découvert quelques jours auparavant les lettres qui avaient été envoyées à son mari au printemps précédent. Selon ce pli, A______ serait la seule personne à « râler » dans l’immeuble et se serait bel et bien exclamée, le 15 août 2023, « on n’est pas en Afrique, ici ».
b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger.
EN DROIT :
1. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 1, 91 al. 1 et 3, 384 let. b, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 310 al. 2, 322 al. 2 et 393 al. 1 let. a CPP) et émane de la plaignante, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP). La mention de la sœur de celle-ci dans l’en-tête du recours est sans portée.
2. Le recours ne peut porter que sur les accusations préalablement soumises au Ministère public et sur lesquelles celui-ci a statué dans l’ordonnance attaquée. Aussi est-ce en vain que la recourante s’en prend à la déposition d’une des voisines à la police, qui serait empreinte d’un faux témoignage instigué par B______ et C______. Il en va de même de la référence à des événements de 2022.
3. La recourante estime que la procédure contre les personnes précitées devrait se poursuivre. En d’autres termes, elle estime implicitement que le dossier révélerait des charges suffisantes contre elles ou, à tout le moins, des possibilités pertinentes d’établir ces soupçons en vue de la sanction judiciaire qu’elle réclame.
3.1. Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_488/2021 et 6B_496/2021 du 22 décembre 2021 consid. 5.3 ; 6B_212/2020 du 21 avril 2021 consid. 2.2 ; 6B_196/2020 du 14 octobre 2020
3.2. Se rend coupable d'injure (art. 177 al. 1 CP) quiconque, par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, attaque autrui dans son honneur. L’infraction se poursuit sur plainte. Si l’auteur allègue un fait attentatoire à l’honneur en s’adressant à un tiers, il commet une diffamation (art. 173 CP) ou une calomnie (art. 174 CP). Ces infractions se poursuivent elles aussi sur plainte, c’est-à-dire dans les trois mois suivant la connaissance des faits et de leur auteur (art. 31 CP). Si celui-ci s’adresse directement au lésé, il se rend coupable d’injure, y compris lorsqu'un tiers entend l’allégation sans que l’auteur ne l’ait voulu, pas même au stade du dol éventuel (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 11 ad art. 177). L'injure peut consister dans la formulation d'un jugement de valeur offensant, mettant en doute l'honnêteté, la loyauté ou la moralité d'une personne de manière à la rendre méprisable en tant qu'être humain ou entité juridique, ou celui d'une injure formelle, lorsque l'auteur a, en une forme répréhensible, témoigné de son mépris à l'égard de la personne visée et l'a attaquée dans le sentiment qu'elle a de sa propre dignité. La marque de mépris doit revêtir une certaine gravité, excédant ce qui est acceptable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1052/2023 du 4 mars 2024 consid. 1.1
3.3. En l'espèce, le premier complexe de faits dénoncé par la recourante ne permet pas clairement d’établir que celle-ci aurait déposé plainte dans les trois mois qui suivaient. La lettre de la gérance immobilière (26 janvier 2023) remonte à plus de trois mois avant que la recourante ne saisisse le Ministère public (19 juin 2023). On ne voit de toute façon que cette lettre répercuterait des atteintes à l’honneur commises par les époux mis en cause, puisque le nom de ceux-ci n’y apparaît pas ; la référence toute générale de la gérance à une « plainte » ne suffit pas.
Quant aux excuses écrites de l’époux visé, qui nie à cette occasion s’être plaint de la recourante auprès de la gérance, elles ne comportent pas de terme offensant. La recourante n’en pointe aucun, d’ailleurs. Quoi qu’il en soit, on ne saurait fonder une prévention pénale suffisante sur la prémisse que ces excuses reviendraient à admettre en bloc et tacitement la véracité des accusations qui en sont à l’origine, d’autant moins que ces excuses portent de manière toute générale sur les « différends » qui opposent les protagonistes, sans allusion à des paroles.
La seconde plainte pénale (25 août 2023) paraît avoir été déposée en temps utile, les faits s’étant produits dix jours auparavant et la lettre (produite avec le recours) de l’épouse mise en cause (21 août 2023) se référant in fine à des propos de la recourante devant témoins le 15 août 2023. Cela étant, les déclarations desdits témoins tendent à corroborer ces paroles-là, mais non pas celles prêtées par la recourante à l’épouse, puisque les témoins ne se rappellent pas les termes que celle-ci a utilisés. Un état d’agitation, avec ou sans éclats de voix, de ladite épouse n’y change rien.
Dans ces circonstances, une audition de la recourante et/ou sa confrontation à un, voire deux témoins dont les souvenirs ne seront pas plus frais dix-huit mois plus tard apparaissent inutiles. Il en irait probablement de même avec la sœur de la recourante, dont l’audition n’est de toute manière pas demandée.
Ainsi, il n’y a pas de raison de rouvrir la procédure.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
5. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 1’000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours dans la mesure de sa recevabilité.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1’000.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Ministère public.
Siégeant :
Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; M. Xavier VALDES TOP, greffier.
Le greffier : Xavier VALDES TOP |
| Le président : Christian COQUOZ |
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Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/13439/2023 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 915.00 |
Total | CHF | 1’000.00 |