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Décisions | Chambre pénale de recours

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PG/628/2022

ACPR/923/2024 du 09.12.2024 sur OMP/18024/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : RÉCUSATION;POLICE;RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL)
Normes : CPP.59.al1.leta; LOJ.128; CPP.56.letf; CPP.60

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PG/628/2022 et PG/668/2022 ACPR/923/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 9 décembre 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______ et Me C______, avocats,

D______, représenté par Me E______,

recourants,

contre les ordonnances rendues le 28 août 2024 par le Collège composé du Procureur général et des Premiers procureurs,

et

LE COLLEGE COMPOSÉ DU PROCUREUR GÉNÉRAL ET DES PREMIERS PROCUREURS, p.a. Ministère public, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 9 septembre 2024, A______ recourt contre la décision du 28 août 2024, notifiée le lendemain, dans la procédure PG/628/2022, par laquelle le Collège composé du Procureur général et des Premiers procureurs – organe compétent en application des articles 59 al. 1 let. a CPP et 9 du Règlement du Ministère public (RMinPub – E 2 05.40 ; ci-après, le Collège) – a déclaré irrecevable sa demande de récusation du 9 novembre 2022.

Il conclut à l'annulation de la décision querellée, à l'admission de sa requête et à la récusation de l'ensemble des membres de la police judiciaire ayant participé aux écoutes actives de ses conversations avec ses conseils, en particulier les inspecteurs F______ et G______, ainsi qu'à l'annulation de tous les actes exécutés par les personnes récusées ou pour lesquelles l'existence d'un motif de récusation aura été constaté.

b. Par acte expédié le 9 septembre 2024, D______ recourt contre la décision du 28 août 2024, notifiée le lendemain, dans la procédure PG/668/2022, par laquelle ce même Collège a déclaré irrecevable sa demande de récusation du 14 novembre 2022.

Il conclut à l'annulation de la décision querellée, à l'admission de sa requête et à la récusation des [vingt] inspecteurs – dont il liste les noms – de la Brigade financière de la police (ci-après, la Brigade financière), parmi lesquels F______ et G______; à la récusation de "l'ensemble des collègues […] de l'inspecteur de la brigade financière en charge de l'analyse des données litigieuses, soit en particulier de l'inspecteur F______, avec effet rétroactif à tout le moins au 6 mars 2014 dans la P/1______/2013 [et les procédures annexes]"; et à l'annulation de l'intégralité des actes de la procédure auxquels avait participé l'ensemble des membres de la Brigade financière dans le cadre des procédures P/1______/2013 et annexes.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. En 2013, le Ministère public a ouvert une procédure pénale P/1______/2013 notamment contre A______ et D______ – pour abus de confiance, escroquerie, atteinte astucieuse aux intérêts d'autrui, gestion déloyale et faux dans les titres –, laquelle a été instruite par la Procureure H______ (ci-après, également la Procureure ou la magistrate).

À cette époque, A______ était assisté de Me C______, et D______ de Me I______.

b.i. Le 6 mars 2014, H______ a ordonné l'écoute active des raccordements téléphoniques utilisés par A______ et D______. La procédure portant le numéro P/2______/2014 a été ouverte à cette fin. La mesure, validée par le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC), a été levée le 5 juin 2014.

Le même jour, elle a, par mandat d'acte d'enquête (ci-après aussi dénommé "fiche verte"), prié la cheffe de la police de bien vouloir "charger l'inspecteur F______ et ses collègues de la Brigade financière" de recueillir les écoutes téléphoniques ordonnées sur les raccordements des prévenus et d'exploiter toute information pertinente.

ii. Par fiche intitulée "feuille d'accompagnement de document(s)", du 11 juin 2014 (ci-après, la feuille d'accompagnement du 11 juin 2014), l'inspecteur F______, de la Brigade financière, a retourné à la Procureure son mandat d'acte d'enquête du 6 mars 2014 avec la mention suivante : "Suite au tél. de ce jour avec la Magistrate, fiche verte en retour suite au peu de pertinence des conversations, notamment celles qui ne revêtent d'aucun secret professionnel". Aucun rapport de police n'était joint.

iii. Les DVD contenant l'archivage définitif de cette surveillance téléphonique n'ont été transmis que le 4 juillet 2019 par la Brigade financière au Ministère public, qui les a versés à la procédure P/2______/2014. Il ne ressort pas du dossier que la Procureure aurait transmis une copie de ces écoutes aux prévenus.

c. Par jugement du 25 octobre 2021 rendu dans la procédure P/1______/2013, le Tribunal correctionnel a déclaré A______ coupable d'escroquerie par métier, instigation à gestion déloyale qualifiée, gestion déloyale qualifiée, faux dans les titres et soustraction d'objets mis sous mains de l'autorité. D______ a quant à lui été déclaré coupable d'escroquerie par métier, instigation à gestion déloyale qualifiée, gestion déloyale qualifiée, contrainte, tentative de contrainte et faux dans les titres.

d. Par suite de l'appel formé par les prévenus, l'audience devant la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice (ci-après, la Chambre pénale d'appel et de révision) a été fixée au 7 novembre 2022.

e. Quelques jours avant cette audience, A______ et D______ ont requis la production de l'intégralité de la procédure P/2______/2014. Ils se sont ainsi vu remettre, chacun, une clé USB contenant une copie des écoutes téléphoniques ordonnées en 2014.

f. Dans les jours suivants, ils ont informé la Chambre pénale d'appel et de révision que les fichiers reçus contenaient une centaine de conversations entre eux-mêmes et leurs avocats, dont une partie avait fait l'objet de transcriptions par des auteurs inconnus (police ou Ministère public, selon eux).

g. Les 5 et 7 novembre 2022, A______ et D______ ont requis la récusation de la Procureure.

h. À l'audience du 7 novembre 2022, la Chambre pénale d'appel et de révision a ouvert les débats, avant de les ajourner. La procédure est toujours pendante devant cette juridiction.

i. Le 1er janvier 2023, H______ a pris ses nouvelles fonctions de juge au Tribunal civil.

j.a. Par arrêt du 15 mars 2023 (ACPR/191/2023), la Chambre de céans a prononcé la récusation de la magistrate précitée, dans les procédures P/1______/2013 et P/2______/2014.

La Chambre de céans a retenu que rien au dossier ne contredisait la Procureure, lorsqu'elle affirmait ne pas avoir ordonné les transcriptions, ni avoir su que les conversations avaient été transcrites. La présence des transcriptions établissait seulement que le contenu de certaines des conversations couvertes par le secret professionnel de l'avocat avaient non seulement été écoutées par la police, mais que la personne qui les avait écoutées avait jugé utile d'en établir un résumé. La formulation de la feuille d'accompagnement du 11 juin 2014 laissait peu de doutes sur le fait que la police avait effectivement écouté les conversations entre les prévenus et leurs avocats respectifs. Dès cet instant, il était du devoir de la magistrate, laquelle était garante de la protection du secret professionnel, conformément à l'art. 271 al. 3 CPP, de veiller à ce que les conversations des prévenus avec leur(s) avocat(s) soient immédiatement effacées, ce qui n'avait pas été le cas (consid. 6.3.4.). En outre, elle n'avait pas informé D______ – qui en avait préalablement fait la demande – que la procédure P/2______/2014 avait été complétée du résultat de la surveillance secrète de 2014, ne respectant ainsi pas son droit d'accès au dossier.

La succession de manquements en lien avec la protection du secret professionnel de l'avocat, dont la magistrate était garante, constituait une violation grave de ses devoirs, au détriment des deux prévenus. En n'entreprenant pas à temps les démarches nécessaires à l'effacement des conversations téléphoniques couvertes par le secret de l'avocat, puis, à réception des supports contenant ces conversations, en ne mettant pas en œuvre la procédure permettant de les trier afin qu'elles ne figurent pas au dossier, la Procureure avait créé une apparence de prévention, au sens de l'art. 56 let. f CPP. Par ces manquements répétés, les conversations couvertes par le secret professionnel de l'avocat avaient été versées au dossier de la procédure P/2______/2014, faisant naître un doute légitime, dans l'esprit des prévenus, qu'elles avaient été exploitées dans la procédure P/1______/2013 (consid. 6.3.7).

Toutefois, si A______ et D______ voyaient là la preuve que la magistrate les aurait exploitées dans la procédure P/1______/2013, tel n'était pas le cas. On ne pouvait conclure de la seule présence, sur les DVD, de conversations couvertes par le secret professionnel de l'avocat, l'exploitation de celles-ci dans la procédure dirigée contre les précités. Les exemples cités par les prévenus ne faisaient pas naître de doute à cet égard et les éléments au dossier tendaient plutôt à démontrer le contraire, à savoir que les auditions des prévenus après le 6 mars 2014 et la perquisition du 14 mars 2014 avaient été prévues avant, et que les questions posées après le 6 mars 2014 avaient été abordées avant le branchement des écoutes ou figuraient déjà au dossier ; ces questions n'étaient donc pas inédites (consid. 6.3.7.).

j.b. La Chambre de céans a, en revanche, rejeté la demande d'annulation des actes de la procédure (consid. 7.7.). Le fait que la procureure eût dû savoir, en juin 2014, qu'un inspecteur de la brigade financière avait écouté les conversations couvertes par le secret professionnel de l'avocat ne constituait, à lui seul, pas le motif de la récusation, laquelle résultait, comme dit ci-dessus, de l'accumulation de graves manquements.

L'instruction était, quoi qu'il en soit, terminée depuis le renvoi en jugement des prévenus, en novembre 2020, et un jugement en première instance avait été rendu le 25 octobre 2021. On ne se trouvait ainsi plus dans la situation dans laquelle un acte d'enquête pouvait être annulé et répété par un nouveau procureur. Un tribunal avait pris connaissance du dossier et, de manière indépendante, rendu son verdict. La cause était désormais en appel et on ne voyait pas ce qui empêcherait les requérants de soulever devant l'autorité d'appel l'éventuelle inexploitabilité de moyens de preuve au regard de l'art. 141 CPP et/ou de remettre en cause leur appréciation par le Tribunal correctionnel. D'ailleurs, les requérants avaient manifesté qu'ils ne souhaitaient pas l'annulation de la surveillance secrète de 2014, puisqu'ils avaient annoncé à la Chambre pénale d'appel et de révision vouloir en verser le résultat au dossier et exploiter, à leur décharge, les conversations non couvertes par le secret professionnel de l'avocat. Seules les conversations entre les prévenus et leurs avocats devaient donc être retirées du dossier et détruites, démarche qui ne relevait pas d'une annulation d'actes de la procédure au sens de l'art. 60 al. 1 CPP, mais d'une procédure de tri. Or, le TMC semblait déjà être saisi d'une demande de scellés.

Partant, les conditions d'une annulation des actes de la procédure, selon l'art. 60 CPP, n'étaient pas remplies.

j.c. Les recours interjetés contre cet arrêt par A______ et D______ sont toujours pendants devant le Tribunal fédéral (7B_212/2023 et 7B_227/2023).

k. Parallèlement, le 9 novembre 2022, A______ a requis du Ministère public l'identification des inspecteurs de la police judiciaire "et autres fonctionnaires" ayant participé aux écoutes litigieuses ; cela fait, la récusation "rétroactive de l'ensemble des membres de la police judiciaire [ainsi] identifiés" ; la récusation rétroactive de "la brigade financière […] dans son intégralité" ; le constat de l'existence d'un motif de récusation ; l'annulation de tous les actes exécutés par les personnes dont la récusation serait ordonnée ou pour lesquelles l'existence d'un motif de récusation aurait été constatée.

Cette demande a été enregistrée sous le numéro de procédure PG/628/2022.

l.a. De son côté, D______ a requis, le 9 novembre 2022, auprès du Conseil supérieur de la magistrature – qui l'a transmis au Ministère public –, la désignation d'un procureur extraordinaire et l'attribution à ce dernier de la procédure de récusation contre "tout membre […] de la brigade financière".

l.b. Le 14 novembre 2022, il a, en sus, demandé directement au Ministère public la récusation, avec effet rétroactif au 6 mars 2014, de "tout membre, soit inspecteur en particulier, de la brigade financière ayant participé aux agissements dénoncés", ainsi que l'annulation des actes de la procédure.

Cette demande de récusation a été enregistrée sous le numéro de procédure PG/668/2022.

m. Par lettre du 5 décembre 2022, le Procureur général a informé chacun des prévenus que leurs demandes de récusation de policiers seraient traitées par l'autorité compétente, à savoir le Collège institué par l'art. 9 RMinPub. Constatant que les demandes ne mentionnaient aucun policier en particulier, et l'art. 59 al. 1 CPP prévoyant que le litige était tranché sans administration supplémentaire de preuves, un délai au 23 décembre 2022 leur a été imparti pour éventuellement "compléter [leur] demande ou former toute observation complémentaire sur ce point".

n. A______ et D______, qui souhaitaient la nomination d'un procureur extraordinaire pour statuer sur leurs requêtes, au sens de l'art. 82A LOJ, ont formé recours, le 19 décembre 2023, contre cette lettre. Après deux arrêts d'irrecevabilité rendus le 23 décembre 2022 par la Chambre de céans (ACPR/906/2022 et ACPR/907/2022) et un arrêt du Tribunal fédéral du 17 mai 2023 (1B_40/2023) invitant l'autorité cantonale à examiner dans quelle mesure le recours constituerait, en réalité, une demande de récusation contre le Collège, la Chambre de céans a, en substance, partiellement admis la requête de A______ en tant qu'elle visait le Premier procureur J______ en sa qualité de membre du Collège, et rejeté, respectivement déclaré irrecevable, les autres requêtes (ACPR/899/2023 et ACPR/900/2023 du 15 novembre 2023).

o. En sus des démarches sus-énumérées, D______ et A______ ont déposé plainte pénale, en novembre 2022, pour abus d'autorité, contre la Procureure et contre les policiers soupçonnés d'avoir écouté et retranscrit les conversations entre eux-mêmes et leurs avocats. La cause, conduite par un Procureur extraordinaire au sens de l'art l'art. 82A LOJ, a été enregistrée sous le numéro de procédure P/3______/2022. La requête de récusation visant ce magistrat a été rejetée par arrêt du 17 juin 2024 de la Chambre de céans (ACPR/458/2024) et le recours formé contre cette décision est actuellement pendant devant le Tribunal fédéral (7B/887/2024).

p. Répondant à l'invite du 5 décembre 2022 du Procureur général (cf. B.m. supra), A______ et D______ ont fait valoir leurs observations, le 23 décembre 2022.

i. A______ a précisé que des incertitudes demeuraient, à ce stade, quant à "l'étendue de la participation des inspecteurs de la brigade financière aux agissements dénoncés". De la consultation, le 18 novembre 2022, de la procédure P/2______/2014, il ressortait que "l'inspecteur F______ et ses collègues de la brigade financière" avaient été chargés par le Ministère public, par mandat d'actes d'enquête du 6 mars 2014, de recueillir et exploiter toutes informations pertinentes sur les écoutes téléphoniques ordonnées. La participation de F______ aux écoutes illicites était par ailleurs attestée par la feuille d'accompagnement du 11 juin 2014. Quant à l'inspecteur G______, il avait été chargé, par mandat du 12 septembre 2018, avec ses collègues, de communiquer à la Procureure les numéros d'appel de son avocat [celui de A______] en lien avec la surveillance du raccordement.

Il persistait donc dans les termes et conclusions de sa demande de récusation visant F______ et G______, ainsi que des policiers de la Brigade financière in corpore.

ii. D______ a exposé n'avoir d'autre choix que de viser l'ensemble des membres de la Brigade financière, car ils "s'interchangeaient". Il ne pouvait ainsi être exclu que les policiers échangeaient les informations entre eux. D'ailleurs, l'auteur des transcriptions ne les avait pas réalisées "pour soi-même", mais pour un collègue et pour l'autorité qui avait ordonné d'y procéder. L'inspecteur F______ était chargé d'analyser les données, puisque dans son mandat d'acte d'enquête du 6 mars 2014, la Procureure invitait "l'inspecteur F______ et ses collègues" à recueillir les écoutes ordonnées et à exploiter les informations pertinentes. L'inspecteur G______ avait quant à lui été chargé, avec ses collègues, de communiquer à la Procureure les numéros d'appels de l'avocat de A______. Il avait donc participé au traitement des mesures d'instruction ordonnées dans le cadre de la P/2______/2014.

D______ liste ensuite les dix-huit autres noms d'inspecteurs membres de la Brigade financière, estimant qu'ils avaient participé aux enquêtes ordonnées par le Ministère public. Partant, la requête de récusation visait l'ensemble de la brigade, puisque les tâches y avaient été distribuées entre ses différents membres.

q. Le 5 janvier 2023, répondant au Procureur général qui s'enquérait de la situation professionnelle de l'inspecteur F______, la cheffe de la police a répondu que l'intéressé avait quitté la police le 1er mars 2022 pour prendre sa retraite anticipée.

C. Dans ses décisions querellées, au contenu similaire, l'autorité précédente a retenu que si les requêtes de récusation étaient recevables sous l'angle du délai pour agir, elles ne l'étaient pas s'agissant de la désignation de la ou des personne(s) visée(s). Aucun nom de policier n'était mentionné dans les requêtes, qui tendaient à la récusation de l'ensemble de la Brigade financière. Après avoir été interpellés, A______ a précisé que sa requête visait à tout le moins les inspecteurs F______ et G______, et D______ a énuméré, quant à lui, une vingtaine de policiers. Or, une demande de récusation "en bloc" était irrecevable. L'exception visée par la jurisprudence concernait des autorités judiciaires collégiales, à l'effectif nécessairement restreint, pour lesquelles des motifs de récusation avaient été rendus vraisemblables pour chacun de leurs membres. Ce n'était pas le cas en l'espèce, où une brigade entière était visée, sans aucune limite de temps, ce qui revenait à demander la récusation d'un nombre indéterminé de policiers, dont la plupart n'avait jamais eu le moindre lien avec la procédure litigieuse. Si la jurisprudence du Tribunal fédéral permettait, malgré le texte clair de la loi, de procéder à des actes d'instruction, l'autorité de récusation ne saurait identifier elle-même les personnes visées par la demande, une telle enquête approfondie n'ayant pas sa place dans le cadre d'une procédure de récusation. En outre, la conclusion constatatoire de A______ était irrecevable.

Les demandes de récusation de policiers désignés nominativement, figurant dans les observations du 23 décembre 2022, étaient tardives, en tant qu'elles étaient formées près de deux mois après la prise de connaissance des enregistrements litigieux. Les requérants ne pouvaient, au motif que le Ministère public les avait invités à compléter leur requête visant "en bloc" les membres d'une autorité, former de nouvelles demandes de récusation contre des policiers dont ils avaient déjà connaissance des noms lors du dépôt de la demande initiale. Les demandes étaient, sous cet aspect également, irrecevables.

La solution n'aurait pas été différente si la demande de récusation avait d'emblée été dirigée contre l'inspecteur F______, puisque ce dernier avait quitté la police et n'était pas susceptible d'intervenir à nouveau dans la procédure. Une demande de récusation le visant ne pourrait en effet avoir un objet que si l'annulation d'actes entrait en ligne de compte. Or, l'instruction de la procédure P/1______/2013 avait pris fin et un jugement de première instance avait été rendu. La cause était désormais en appel et les requérants pouvaient soulever devant l'autorité d'appel l'éventuelle inexploitabilité de moyens de preuve et/ou remettre en cause l'appréciation qu'en avait faite le Tribunal correctionnel. Partant, même si la récusation de F______ avait d'emblée été requise, elle aurait été sans objet, et, partant, irrecevable.

Aucun motif de récusation ne pouvait être retenu à l'égard des autres policiers cités pour la première fois dans les observations du 23 décembre 2022, notamment G______. Cet inspecteur avait été chargé par la Procureure de travaux préparatoires visant à la destruction des conversations entre A______ et son avocat. Le traitement de ce mandat d'actes d'enquête n'était pas de nature à faire naître une quelconque apparence de prévention. Les autres policiers étaient cités pour avoir participé à des actes d'enquête aux côtés de F______, sans autre précision. Aucune cause de récusation ne résultait de cette seule participation. Eût-elle été recevable, que la demande de récusation visant G______ et les autres policiers aurait ainsi dû être rejetée.

D. a. Dans son recours, A______ soutient qu'en tant que sa conclusion constatatoire s'additionnait aux autres conclusions formatrices, elle n'était pas irrecevable. Le complément, du 23 décembre 2022, déposé dans le délai accordé à cet effet par la direction de la procédure, n'était nullement tardif.

Au moment du dépôt de sa requête, en novembre 2022, il ignorait l'identité des inspecteurs ayant procédé aux écoutes litigieuses et à leur transcription. Il ressortait de la documentation de la procédure, qu'outre les inspecteurs F______ et G______, l'ensemble des policiers de la brigade financière avait participé aux actes dénoncés, puisque les mandats d'enquête étaient adressés tant aux deux inspecteurs susmentionnés qu'à leurs collègues. Aucun document relatif à la répartition des tâches au sein de la Brigade n'avait été versé à la procédure. Seul le Ministère public avait les moyens techniques d'identifier les auteurs des actes prohibés, de sorte qu'il incombait à la direction de la procédure de circonscrire le cercle des personnes étant intervenues. L'autorité ne pouvait faire l'économie d'une instruction sur ces éléments pertinents et nécessaires à "l'administration de la réalité du motif de récusation", car il en allait du respect de son droit d'être entendu. À défaut de pouvoir identifier les personnes concernées, il ne pouvait que former une demande de récusation "en bloc", laquelle ne saurait être écartée puisqu'il lui était impossible d'identifier lui-même les auteurs. Le contraire violait son droit d'être entendu, consacrait un déni de justice et contrevenait au principe même régissant l'art. 56 CPP. Il ne pouvait en effet être admis que la cause d'un justiciable soit instruite par une autorité dont tout ou partie des membres, indéterminables, se livrait à des agissements violant le droit à un procès équitable.

Dans la mesure où il concluait à l'annulation des actes de la procédure, le Ministère public ne pouvait faire l'économie d'une décision au fond, quand bien même l'inspecteur F______ avait entretemps pris sa retraite, ce qui n'était pas le cas de l'inspecteur G______. L'annulation des actes de la procédure n'était pas une option. Elle intervenait de manière automatique, sur demande d'une partie ; elle ne pouvait donc être refusée. Un procès n'était pas équitable lorsque le juge était amené à statuer sur des documents qui, sans que ce dernier le sache, avaient été entrepris par un membre partial de l'autorité pénale. L'intervention subséquente d'un (autre) magistrat ou d'un membre de l'autorité impartiaux n'avait pas d'effet guérisseur sur les actes réalisés par la personne récusée. Il était ainsi sans pertinence qu'un jugement de première instance ait été rendu dans la procédure P/1______/2013. Le Ministère public ne pouvait déclarer irrecevable sa demande de récusation si celle-ci pouvait, même potentiellement, permettre l'annulation d'actes en application de l'art. 60 CPP.

Sur le fond, il résultait du contenu de la feuille d'accompagnement du 11 juin 2014, que l'inspecteur F______ connaissait le caractère confidentiel des conversations écoutées. L'inspecteur G______ avait, pour sa part, été chargé, en 2018, de communiquer à la Procureure les numéros d'appels de l'avocat. Ils avaient donc été amenés à écouter et, parfois, à transcrire des conversations entre lui-même et son avocat. Or, il était du devoir des inspecteurs de veiller à la protection du secret professionnel. Les procédés utilisés, illicites, qui violaient la loi de la procédure pénale et le droit à un procès équitable, comportaient, par essence, un motif de récusation au sens de l'art. 56 let. f CPP. L'écoute de conversations couvertes par le secret de l'avocat, et leur transcription, faisaient naître un doute légitime sur l'exploitation desdites écoutes.

L'inspecteur F______ devait donc être récusé, pour ce motif, dès le 11 juin 2014. Quant à l'inspecteur G______, outre sa "possible" implication dans les écoutes de mars à juin 2014, il avait aidé la magistrate récusée à procéder à leur destruction, sans saisir le TMC. Une telle participation devait conduire à sa récusation.

b. À l'appui de son recours, D______ conteste l'irrecevabilité de sa requête. Le Ministère public violait l'interdiction de l'abus de droit en retenant que "l'échange" du 23 décembre 2022 serait tardif, et donc irrecevable. La demande de récusation de l'entier de la brigade financière était également recevable, car il ne s'agissait pas d'une récusation "en bloc". Les membres étaient distinctement visés, car ils étaient soupçonnés d'avoir écouté et transcrit les conversations litigieuses. D'ailleurs, dans l'arrêt ayant récusé la Procureure, les inspecteurs de la Brigade financière ayant participé aux agissements dénoncés étaient indistinctement visés sous les qualificatifs de "police judiciaire", "la police" ou "Brigade financière". Que sa requête visât un nombre considérable de policiers n'affectait en rien sa recevabilité, tant elle demeurait ciblée sur les inspecteurs dont le comportement était dénoncé, "qu'ils soient cent ou deux". L'art. 59 al. 1 CPP n'excluait pas l'administration des preuves, le Ministère public ayant d'ailleurs fait usage de ce droit en interpellant la commandante de la police pour obtenir des renseignements sur l'inspecteur F______. La demande de récusation visant ce dernier était recevable et les actes de procédure auxquels il avait participé, ainsi que ses collègues, devaient être annulés, que les inspecteurs interviennent encore, ou non, dans la procédure. Qu'un tribunal ait pris connaissance du dossier et rendu un verdict n'y changeait rien ; l'art. 60 al. 2 CPP, dont l'application était impérative ex lege, n'avait pas à être vidé de sa substance. L'acte d'accusation rédigé par la magistrate récusée constituait le cœur des débats. Menés par un procureur partial sur la base, pour partie, de l'exploitation de conversations soumises au secret professionnel de l'avocat, les débats avaient été "contaminés".

Au surplus, la récusation était fondée, pour les mêmes motifs que ceux retenus pour la récusation de la Procureure. Il était en effet établi que les inspecteurs de la Brigade financière avaient sciemment écouté et transcrit des conversations soumises au secret professionnel de l'avocat, dans le but de les exploiter. Ce comportement violait l'art. 271 al. 3 CPP et trahissait une apparence de partialité. L'existence d'un motif de récusation au sens de l'art. 56 let. f CPP était ainsi établi.

c. À réception des recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Aux termes de l’art. 59 al. 1 let. a CPP (nouvelle teneur au 1er janvier 2024), lorsqu’un motif de récusation au sens de l’art. 56 let. a ou f CPP est invoqué ou qu’une personne exerçant une fonction au sein d’une autorité pénale s’oppose à la demande de récusation d’une partie qui se fonde sur l’un des motifs énumérés à l’art. 56 let. b à e CPP, le litige est tranché sans administration supplémentaire de preuves par le ministère public, lorsque la police est concernée.

Depuis la révision du CPP, le 1er janvier 2024, la décision en matière de récusation n’est plus considérée comme définitive (suppression du terme "définitivement" ; cf. Message concernant la modification du code de procédure pénale, FF 2019 6351, 6378).

Il s’ensuit que la décision du Ministère public en matière de récusation d’un membre de la police, y compris sur les conséquences d’une éventuelle violation des dispositions sur la récusation au sens de l’art. 60 CPP, est sujette à recours auprès de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice (art. 393 al. 1 let. a CPP ; art. 128 al. 2 let. a LOJ).

1.2. Interjetés selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), par les prévenus (art. 104 al. 1 let. a CPP), ayant la qualité pour agir et un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP), les recours sont recevables.

2. En tant qu'ils ont trait au même complexe de faits et visent les mêmes inspecteurs de police, il se justifie de joindre les deux recours, sur lesquels la Chambre de céans statuera par un seul et même arrêt.

3. Le recourant A______ reproche à l'autorité intimée d'avoir déclaré irrecevable sa conclusion visant au constat de l'existence d'un motif de récusation.

À l'instar de l'autorité précédente, il sera confirmé qu'il n'y a pas de place pour des conclusions constatatoires là où des conclusions formatrices sont possibles (ACPR/94/2022 consid. 3 et les références). Partant, les conclusions du recourant A______ visant à faire constater l'existence d'un motif de récusation sont irrecevables.

4. Les recourants reprochent au Collège d'avoir déclaré irrecevables leurs demandes de récusation de l'entier de la Brigade financière.

4.1. En principe, une requête tendant à la récusation "en bloc" de l'ensemble des membres d'une autorité appelée à statuer est irrecevable, à moins que des motifs de récusation concrets et individuels soient exposés dans la requête à l'encontre de chacun des membres (ATF 129 III 445 consid. 4.2.2 p. 464 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_249/2015 du 29 septembre 2015 consid. 5.1 et les arrêts cités; 1B_418/2014 du 15 mai 2015 consid. 4.5 et les références citées).

Une demande de récusation "en bloc" sans indication de motifs propres à chaque membre peut, dans certains cas, néanmoins être considérée comme dirigée contre ceux-ci individuellement, à charge toutefois pour le requérant de motiver dûment sa démarche sur ce point (arrêt du Tribunal fédéral 1B_418/2014 précité).

4.2. En l'espèce, les recourants exposent que chacun des inspecteurs de la Brigade financière serait récusable, au motif que les actes d'enquête de la Procureure étaient destinés à l'inspecteur F______ "et ses collègues". Cette explication ne suffit toutefois pas à impliquer, individuellement, faute de motifs propres à chacun, les policiers ayant, au moment des faits litigieux, appartenu à la Brigade. Par ailleurs, les conditions permettant exceptionnellement, selon la jurisprudence sus-rappelée, de récuser "en bloc" les membres d'une autorité ne sont pas réalisées ici, les soupçons énoncés par les recourants ne prenant naissance que dans l'appartenance, générale, des inspecteurs à la Brigade financière, ce qui est insuffisant. Partant, les requêtes sont irrecevables en tant qu'elles visent l'entier de cette Brigade.

5.             Les recourants reprochent à l'autorité intimée d'avoir retenu que leurs demandes étaient irrecevables s'agissant des personnes visées.

Les requêtes en récusation des 9 – respectivement 14 – novembre 2022 ne visaient pas un ou des inspecteur(s) en particulier(s), mais "tout membre" de la Brigade financière ce qui, comme il a été vu ci-dessus, n'est pas recevable. Toutefois, l'autorité intimée, "constatant que les demandes ne mentionnaient aucun policier en particulier", a accordé aux recourants un délai pour "compléter [leur] demande". Les recourants ont ainsi, dans leur réponse, précisé que les inspecteurs F______ et G______ étaient visés en premier lieu.

On ne saurait dès lors, sauf à violer le principe de la bonne foi (art. 3 al. 2 let a CPP), considérer que les recourants ont tardivement énoncé les noms des deux inspecteurs susmentionnés. Si le Collège estimait que la requête, en tant qu'elle visait la Brigade "en bloc", était irrecevable, il aurait dû le constater d'emblée. Dans la mesure où l'autorité intimée a invité les recourants à "compléter" leurs requêtes sur ce point, elle ne pouvait ensuite déclarer ce complément irrecevable, quand bien même le nom des deux inspecteurs leur était déjà connu lors du dépôt de leur requête.

Les requêtes en récusation complétées ne sont donc pas tardives, et sont, partant, recevables.

En revanche, la liste d'inspecteurs fournie par D______ dans sa réponse du 23 décembre 2022 est irrecevable, pour les motifs exposés au considérant précédent, les soupçons visant ce groupe d'inspecteurs n'étant pas suffisamment précis et constituant une récusation "en bloc".

6.             Les recourants reprochent à l'autorité intimée d'avoir retenu que leurs demandes de récusation visant l'inspecteur F______ étaient sans objet, donc irrecevables.

6.1. Lorsque la personne visée par une demande de récusation quitte ses fonctions dans l'intervalle, le requérant conserve un intérêt juridiquement protégé à voir trancher sa demande, si le magistrat concerné pourrait être amené à continuer à s'occuper de la procédure (cf. ACPR/191/2023 précité, consid. 3) ou si des actes accomplis pourraient être annulés ou répétés (art. 60 al. 1 CPP ; ACPR/186/2019 du 6 mars 2019 consid. 1 in fine).

6.2. Toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est récusable pour l'un des motifs prévus aux art. 56 let. a à e CPP. Elle l'est également, selon l'art. 56 let. f CPP, lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention.

Si les art. 56 let. b à e CPP s'appliquent de manière similaire à celle prévalant pour les membres des autorités judiciaires, une appréciation différenciée peut s'imposer s'agissant de l'application de la clause générale posée à l'art. 56 let. f CPP. En effet, la différence de fonction existant entre une autorité judiciaire (art. 13 CPP) et un membre d'une autorité de poursuite pénale (art. 12 CPP) ne peut pas être ignorée. Les exigences de réserve, d'impartialité et d'indépendance prévalant pour la première catégorie peuvent donc ne pas être les mêmes s'agissant de la seconde (arrêt 1B_398/2019 du 26 novembre 2019 consid. 2.1.1 et les arrêts cités). La jurisprudence a ainsi reconnu que, durant la phase d'instruction, le ministère public peut être amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête; tout en disposant, dans le cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste cependant tenu à un devoir de réserve et doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une autre (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2; 138 IV 142 consid. 2.2.1).

En ce qui concerne la police, il n'y a lieu de se distancer de ces principes que dans la mesure où la direction de la procédure et les obligations en découlant ne lui incombent pas (cf. art. 61 let. a CPP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_398/2019 du 26 novembre 2019 consid. 2.1.1).

6.3. Les parties à une procédure ont le droit d'exiger la récusation d'un policier dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un doute sur son impartialité. Cette garantie tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause puissent influencer une appréciation en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective de l'enquêteur est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale de sa part. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3; 143 IV 69 consid. 3.2).

6.4. Selon la jurisprudence, des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs de la personne en cause, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que cette dernière est prévenue ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre. La procédure de récusation n'a donc pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure (ATF 143 IV 69 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_497/2021 du 24 février 2022 consid. 3.1.2).

6.5. En l'occurrence, l'inspecteur F______, qui a pris sa retraite en 2022, n'est pas susceptible d'intervenir à nouveau dans la procédure, de sorte que la demande en récusation n'avait plus d'objet en tant qu'elle aurait eu pour effet, en cas d'admission, d'écarter le policier des enquêtes ou de la procédure judiciaire. La récusation est en effet prononcée pour l'avenir (cf. Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., 2019, n. 1 ad art. 60 et ACPR/191/2023 consid. 7.3.). Dans l'arrêt ACPR/186/2019 sus-référencé, la requête de récusation visant une procureure ayant quitté sa charge, conservait un objet car la cause était toujours instruite par le Ministère public, ce qui aurait pu, si la demande était admise, conduire à la désignation d'un nouveau magistrat et à l'annulation des actes accomplis par la procureure concernée. Dans le cas présent, l'éventuelle récusation du policier, alors que la procédure a été jugée, n'aurait pas cet effet.

En tout état de cause, la récusation de la Procureure ne suffit pas à conduire à celle de l'inspecteur. La Chambre de céans a retenu, dans son arrêt du 15 mars 2023, que rien au dossier ne contredisait la Procureure, lorsqu'elle affirmait ne pas avoir ordonné les transcriptions, ni avoir su que les conversations avaient été transcrites. L'on ne pouvait pas non plus conclure de la seule présence, sur les DVD, de conversations couvertes par le secret professionnel de l'avocat, que celles-ci auraient été exploitées dans la procédure. Les exemples cités par les prévenus ne faisaient pas naître de doute à cet égard et les éléments au dossier tendaient plutôt à démontrer le contraire. La récusation de la Procureure a été prononcée en raison de l'accumulation de graves manquements liés au fait qu'elle n'avait pas effectué les démarches nécessaires à l'effacement des conversations téléphoniques couvertes par le secret de l'avocat ni, à réception, trié celles-ci afin qu'elles ne figurent pas au dossier, ni n'avait communiqué à l'avocat de l'un des prévenus – qui en avait fait la demande – le résultat de la surveillance secrète (cf. B.j.a. supra). Or, les actes ou omissions reprochés à la magistrate, alors direction de la procédure, ne sauraient être imputés à l'inspecteur de police précité, voire à tout autre policier. Partant, la récusation de la Procureure ne conduit pas, ipso facto, à celle du policier chargé de l'enquête au sein de la Brigade financière, ni à celle de tout autre policier qui aurait participé à l'enquête.

Quoi qu'il en soit, la récusation de la Procureure n'a pas conduit à l'annulation des actes de la procédure (cf. B.j.b. supra), pour les raisons qui peuvent intégralement être reprises ici, mutatis mutandis. En effet, on ne se trouve plus dans la situation dans laquelle un acte d'enquête pourrait être annulé et répété par un nouveau procureur. Le Tribunal correctionnel a rendu son verdict et la cause est désormais pendante en appel.

Le recourant A______ soutient qu'un procès ne serait pas équitable lorsque "le juge est amené à statuer sur des documents qui, sans que ce dernier le sache, avaient été entrepris par un membre partial de l'autorité pénale" et que l'intervention subséquente d'un (autre) magistrat n'aurait pas d'effet guérisseur sur les actes réalisés par la personne récusée. Le recourant D______ soutient quant à lui que "l'acte d'accusation est au cœur des débats", estimant ainsi que son procès devrait être annulé. On ne voit toutefois pas ce qui empêcherait les recourants de soulever devant l'autorité d'appel l'éventuelle inexploitabilité, au regard de l'art. 141 CPP, de tout éventuel moyen de preuve découlant des écoutes litigieuses et/ou de remettre en cause leur appréciation par le Tribunal correctionnel, dont la probité n'a jamais été remise en question. La découverte, en appel, d'éléments du dossier pénal supposément viciés peut donner lieu à une demande de mise à l'écart des documents/éléments concernés. Cette démarche n'a rien à voir avec une demande de récusation et d'annulation des actes au sens de l'art. 60 al. 1 CPP, qui ne trouve pas application ici. C'est d'autant plus vrai que l'acte d'accusation n'émane pas des policiers.

Partant, la décision entreprise n'est pas critiquable dans son résultat, ce qui dispensait l'autorité intimée de demander une prise de position de l'inspecteur concerné (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_196/2023 du 27 avril 2023 consid. 4 et les arrêts cités). Il n'y avait pas non plus à "circonscrire le cercle des personnes étant intervenues" dans les écoutes litigieuses.

7.             A______ soutient encore que l'inspecteur G______, en tant qu'il avait aidé la magistrate récusée, à partir de 2018, à procéder à la destruction des écoutes litigieuses, sans saisir le TMC, serait récusable.

Force est toutefois de rappeler que l'effacement des conversations téléphoniques entre un prévenu et son avocat est prévue par la loi. Le fait qu'un inspecteur assiste un magistrat dans cette tâche ne saurait faire naître aucune prévention à son égard, même si le recourant prête à l'inspecteur concerné des erreurs dans l'exécution de ce travail. Une simple erreur – une omission ici – de procédure ne suffit en effet pas à fonder le soupçon d'une inimitié personnelle de l'inspecteur à l'égard du recourant.

Le grief est infondé. L'autorité intimée était dès lors dispensée de demander une prise de position de l'inspecteur concerné.

8.             Les recours sont donc rejetés, le cas échéant par substitution de motif pour ce qui a trait à la recevabilité des demandes de récusation complétées (cf. consid. 5 supra).

9.             Compte tenu de l'issue du recours, la Chambre de céans pouvait statuer sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

10.         Les recourants, qui voient leurs recours rejetés, seront condamnés aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 2'000.-, soit CHF 1'000.- chacun (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 let. b du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

11.         Pour les mêmes raisons, ils n'ont pas droit à une indemnité pour leurs frais de défense (art. 429 al. 1 CPP).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Joint les recours.

Les rejette.

Condamne A______ et D______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 2'000.-, soit CHF 1'000.- par recourant.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants, soit pour eux leurs conseils respectifs, et à l'autorité intimée.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Xavier VALDES TOP, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES TOP

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PG/628/2022 et PG/668/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'905.00

Total

CHF

2'000.00