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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7712/2022

ACPR/704/2024 du 30.09.2024 sur OCL/870/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SOUPÇON;ILLICÉITÉ;PROPORTIONNALITÉ
Normes : CPP.319; CP.14

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7712/2022 ACPR/704/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 30 septembre 2024

 

Entre

A______, domicilié aux Etablissements [pénitentiaires] de B______, ______, agissant en personne,

recourant

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 19 juin 2024 par le Ministère public

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé

 


EN FAIT :

A. a. Par actes expédiés les 1er et 2 juillet 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 19 juin 2024, notifiée le 24 suivant, par laquelle le Ministère public a ordonné le classement de sa plainte contre des agents de détention de C______.

Le recourant conclut à ce que la Chambre de céans statue en sa faveur et le laisse visionner l’intégralité d’une séquence filmant son retour menotté en cellule, le 24 mars 2022.

Il demande un conseil juridique d’office.

b. Il a payé les sûretés, en CHF 1'000.-, qui lui étaient demandées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.             Le 24 mars 2022, vers 1h., A______, de retour à l’établissement pénitentiaire fermé C______ après une consultation avortée aux HUG, a été passé au magnétomètre, fouillé, puis menotté, mains par-devant, avant d’être raccompagné en cellule sous prise d’escorte par deux agents de détention. Il s’est plaint bruyamment que le menottage était trop serré, joignant autant que faire se pouvait le geste à la parole. Un agent lui a saisi les menottes pendant son cheminement vers un ascenseur, où il a été maintenu dans un coin avec l’aide d’un second agent. Une fois en cellule, il a été désentravé.

b.             Le 27 mars 2022, A______ a déposé plainte pénale pour traitement inhumain et dégradant.

c.              Le 29 suivant, les HUG ont établi un rapport avec photographies, à teneur duquel les poignet et pouce droits de A______ étaient atteints de fourmillements, le pouce ayant une force de préhension diminuée pour cause de douleur et tuméfaction, et la face palmaire du poignet montrant un hématome. Des douleurs, érythèmes ou hématomes sur d’autres parties du corps étaient signalés, sans photographies.

d.             Le 7 avril 2022, L’Inspection générale des services (ci-après, IGS), saisie par le Ministère public, a livré deux rapports documentés. Le retour en cellule de A______ avait donné lieu à un rapport d’incident, rédigé dans l’heure, à teneur duquel : l’intéressé s’était montré virulent et insultant lors de la pose des menottes ; il avait ensuite « tourné » lui-même ses poignets, resserrant par-là les entraves ; il avait été évalué décompensé par le médecin d’unité ; et des images, sans autre précision, avaient été sauvegardées.

L’IGS a produit une lettre de A______ au directeur de C______, datée du 1er avril 2022, visant à faire préserver les images vidéo de l’établissement ; la réponse du directeur, du 5 avril 2022 (pour qui les lésions constatées, après visionnement des images « de vidéosurveillance », étaient dues à la résistance opposée par l’intéressé pendant le transfert vers sa cellule, le dossier restant cependant conservé temporairement pour le cas d’une plainte pénale) ; la directive interne sur l’utilisation des menottes (prescrite « en fonction de la situation, soit dans le dos, soit devant ») ; et l’analyse, illustrée, des images enregistrées sur la caméra corporelle (« bodycam ») d’un agent de détention.

L’IGS a versé un DVD gravé avec les images de cet appareil, sans se prononcer sur l’existence d’éventuelles autres enregistrements d’images.

Il ressort toutefois de messages électroniques, qu’elle a versés au dossier, du directeur de l’établissement que celui-ci a reçu le 4 avril 2022 la lettre envoyée par A______, qu’à cette date-là, plus aucune image « du site » n’était disponible en raison de « l’écrasement » des données après sept jours, mais qu’en revanche il avait pu visionner les images de la caméra corporelle.

L’IGS a produit le journal des événements de la police, dont il ressort qu’à son arrivée aux HUG, A______ n’avait pas voulu se laisser menotter par l’agent de sécurité venu à sa rencontre et avait demandé, sans se laisser examiner ou soigner, son retour à C______.

e.              L’avocat d’alors de A______ a eu accès au dossier, qui comportait les deux rapports de l’IGS, le 18 septembre 2023.

f.               Sur interpellation du Ministère public, A______, qui n’était plus assisté d’un avocat, a, notamment, demandé l’audition des gardiens concernés et la preuve par (le visionnement des images de) la caméra corporelle qu’il aurait retourné lui-même les menottes. Il précisait que, pendant son convoyage de retour des HUG, il n’avait pas été menotté par les transporteurs. Il a ultérieurement demandé la désignation d’un conseil d’office.

C. a. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient qu'après avoir été signalé par le personnel de convoyage, à l’occasion de son retour depuis les HUG, comme agité et non coopérant, A______, calme et non menotté, s’était laissé inspecter au magnétomètre, puis fouiller. Lorsqu’il avait été requis de le faire, A______ s’était soumis au menottage, tout en en demandant la raison. Puis, il s’était plaint que l’entrave était mal placée et trop serrée. Après que le gardien concerné lui eut fait remarquer qu’il se les était lui-même resserrées, A______ avait lancé une insulte et évoqué des maltraitances. Il avait alors été ramené, vociférant et rétif, en cellule sous prise d’escorte. Une fois désentravé, en cellule, il avait continué de hurler.

Ses érythèmes et hématomes étaient compatibles avec le menottage, lequel n’était pas trop serré ; ses autres marques s’expliquaient par la virulence de ses réactions. Ainsi, toutes ces atteintes étaient couvertes par la mission des agents de détention impliqués.

Tout abus d'autorité était exclu, au vu du comportement réfractaire de A______, comportement qui avait légitimé sa reconduite en cellule sous prise d’escorte.

Nulle preuve supplémentaire n’était à administrer. Celles requises par A______ étaient déjà versées au dossier ou n’avaient pas de pertinence.

b. Simultanément, le Ministère public a rendu une décision refusant de mettre A______ au bénéfice de l’assistance judiciaire gratuite.

D. a. À l'appui de son recours, A______ demande à la Chambre de céans de vérifier la conformité formelle et matérielle de l’ordonnance attaquée. Il reprend ses réquisitions de preuve. Il soutient n’avoir pas été examiné par la psychiatre de son unité, la nuit des faits, mais par un autre médecin ; son rapport eût dû être versé au dossier. Il se plaint de n’avoir pu visionner les images disponibles ; la direction de C______ avait eu intérêt à effacer, ou à ne pas sauvegarder d’office, les images vidéo sur site – qu’elle avait cependant pu visionner – au profit de celles de la « body cam », car la preuve que ses pouces avaient été tordus par les agents de détention disparaissait ainsi à tout jamais.

Il reproche à l’auteur du rapport d’incident de n’avoir pas été présent lors de la fouille et du menottage. Alléguer qu’il se serait lui-même resserré les menottes en gesticulant était « puéril », car il n’était pas si maladroit que cela. Les images tirées de la « body cam » ne montraient pas que l’espace d’un doigt, comme requis par les directives applicables, lui avait été laissé entre chaque menotte et chaque poignet. Il ne s’était jamais plaint de pareil traitement auparavant.

Les conditions devant présider à une non-entrée en matière n’avaient pas été respectées. Seul le visionnement complet de « l’enregistrement vidéo » établirait la vérité.

Le principe de célérité n’avait pas été respecté, non plus, puisqu’il n’avait jamais été entendu et que la décision attaquée avait été rendue plus de deux ans après les faits.

L’égalité des armes et sa détention imposaient la désignation d’un avocat pour le défendre.

b. À réception, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 1, 384 let b, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

3.             Le recourant se plaint d’une violation du principe de célérité. À tort. Sa plainte a été transmise à l’IGS trois semaines après réception. L’IGS a rendu un premier rapport le 10 août 2022, puis, après que le Ministère public lui eut demandé de terminer l’enquête un second, le 21 novembre 2022 (avec l’analyse des images de la caméra corporelle). Le recourant a ensuite demandé la prolongation du délai qui lui avait été imparti, le 13 janvier 2023, pour présenter ses réquisitions de preuve. Une phase de clarification s’en est suivie, pendant l’année 2023 et le début de l’année 2024, que ce soit au sujet de la production d’un rapport médical par le recourant ou au sujet d’une déclaration de celui-ci dans une autre procédure qui eût pu être interprétée comme un retrait de plainte.

Il est vrai que cette phase-là paraît avoir duré, mais l’hypothèse d’un retrait de plainte résultait apparemment d’une déclaration du recourant faite le 17 octobre 2023, qu’il n’a lui-même éclaircie qu’au mois de février 2024.

Ce déroulement, pris dans son ensemble et compte tenu de temps morts d’une durée acceptable (cf. ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3 ; la Chambre de céans acceptant des intervalles de quatre à six mois, ACPR/171/2024 du 11 mars 2024 consid. 4.2), n’a pas montré que l’autorité d’instruction n’était pas en mesure de traiter avec célérité la plainte du recourant, lequel, constitué partie plaignante, n’était pas privé de liberté à C______ pour les besoins de celles-ci (cf. art. 5 al. 2 CPP) et n’est pas intervenu auprès du Ministère public ou de l’autorité de recours pour qu’il soit fait diligence (cf. ATF 130 I 312 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_372/2024 du 12 juin 2024 consid. 2.2.1).

4.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir classé sa plainte s'agissant des voies de fait et de l'abus d'autorité.

4.1.       Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a), lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b) ou lorsque des faits justificatifs empêchent de retenir une infraction contre le prévenu (let. c).

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage « in dubio pro duriore ». Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les références citées).

4.2.       Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 134 IV 189 consid. 1.2 ; ATF 119 IV 25 consid. 2a ; 117 IV 14 consid. 2a). En revanche, un hématome – qui résulte de la rupture de vaisseaux sanguins et laisse normalement des traces pendant plusieurs jours – constitue en principe une lésion corporelle simple, au sens de l’art. 123 CP (ATF 119 IV 25 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1405/2017 du 10 juillet 2018 consid. 2.1 in fine). Il en va de même de blessures, meurtrissures, écorchures ou griffures, sauf si elles n’ont pas eu d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1283/2018 du 14 février 2019 consid. 2.1).

4.3.       L'art. 312 CP réprime les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, auront abusé des pouvoirs de leur charge.

Cette disposition protège, d'une part, l'intérêt de l'État à disposer de fonctionnaires loyaux qui utilisent les pouvoirs qui leur ont été conférés en ayant conscience de leur devoir et, d'autre part, l'intérêt des citoyens à ne pas être exposés à un déploiement de puissance étatique incontrôlé et arbitraire. L'incrimination pénale doit être interprétée restrictivement, compte tenu de la formule très générale qui définit l'acte litigieux. L'auteur n'abuse ainsi de son autorité que lorsqu'il use de manière illicite des pouvoirs qu'il détient de sa charge, c'est-à-dire lorsqu'il décide ou contraint en vertu de sa charge officielle dans un cas où il ne lui était pas permis de le faire. L'infraction peut aussi être réalisée lorsque l'auteur poursuit un but légitime, mais recourt pour l'atteindre à des moyens disproportionnés (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa et b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1351/2017 du 18 avril 2018 consid. 4.2).

4.3.1. Aux termes de l'art. 14 CP, quiconque agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du présent code ou d'une autre loi. En ce qui concerne le devoir de fonction, c'est le droit cantonal qui détermine, pour les agents publics cantonaux, s'il existe un devoir de fonction et quelle en est l'étendue (ATF 121 IV 207 consid. 2a).

4.3.2. L'art. 200 CPP précise que la force ne peut être utilisée qu'en dernier recours pour exécuter les mesures de contrainte; l'intervention doit être conforme au principe de la proportionnalité.

En effet, la justice ne peut se contenter de la bonne volonté des intéressés pour faire exécuter les mesures de contrainte. Lorsque le fait d'ordonner une telle mesure n'est pas suffisant pour assurer le résultat voulu, la justice doit, à certaines conditions, pouvoir recourir à la force. L'art. 200 CPP fait ainsi office de base légale à l'exécution des mesures de contrainte par la force (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 2 et 3 ad art. 200).

4.4.       En l’espèce, il doit être constaté, à titre liminaire, que, si le recourant déplore qu’aucune autre image que celles tirées de la caméra corporelle ne soit plus disponible, la chronologie montre que cette situation n’apparaît pas due à des actes intentionnels de la direction ou du personnel de C______.

Certes, le recourant a déposé plainte rapidement après les faits, dans un temps encore compatible avec la durée, apparemment fixée à sept jours, durant laquelle sont conservées les images de vidéosurveillance prises au sein de l’établissement. Cela étant, sa plainte, du 27 mars 2022, demandant la saisie des enregistrements vidéo relatifs aux événements, a été envoyée directement au Ministère public ; il s’est tourné vers le directeur de C______ le 1er avril 2022, lui demandant de saisir aussi les enregistrements vidéo « à toutes fins utiles à une enquête en bonne et due forme » ; le directeur lui a répondu à réception, le 5 avril 2022, qu’il lui était loisible de déposer plainte pénale et que, à cette fin, le dossier complet, comportant ces enregistrements, que lui-même avait visionnés, était temporairement « gardé ». Or, le directeur n’a pas pu visionner d’autres images que celles de la caméra corporelle de son collaborateur – comme il l’indique du reste clairement dans un message du 4 avril 2022 –, puisque celles des caméras du « site », c’est-à-dire du bâtiment, étaient déjà « écrasées » ce jour-là, c’est-à-dire indisponibles. Au demeurant, l’enregistrement sur la « bodycam » a été effectivement préservé pour les besoins de l’enquête.

Peu importe, par conséquent, que, le 7 avril 2022, le défenseur d’alors du recourant soit intervenu auprès du Ministère public pour s’assurer que les enregistrements fussent mis en sûreté : à cette date, les images encore disponibles étaient déjà en sûreté – et ont pu être analysées par l’IGS –. Qui mieux est, l’avocat du recourant a pu y avoir accès lorsqu’il a consulté le dossier, le 18 septembre 2023.

4.5.       Reste, par conséquent, à examiner si le dossier, et notamment les images, soutiennent les accusations du recourant ou si un interrogatoire des agents de détention impliqués s’impose, puisque l’IGS n’a procédé à aucune audition.

Il est vrai que ces images ne montrent nul état d’agitation ou de non-coopération du recourant à son arrivée dans le périmètre sécurisé de C______. Il descend du véhicule pénitentiaire, les mains libres (mais les chevilles entravées). Son passage au magnétomètre et sa fouille corporelle se sont déroulés sans problème, et nul ne prétend le contraire.

En réalité, les choses se sont dégradées après qu’un agent de détention lui a passé les menottes.

Les investigations de l’IGS ne permettent pas de comprendre pourquoi pareille entrave était rendue nécessaire.

Toutefois, si l’on se reporte au rapport d’incident, qui relate les informations reçues à C______ avant l’arrivée du recourant, celui-ci s’était montré non coopérant et agité. Peu importe à cet égard que, comme il le prétend, le recourant a été ce nonobstant laissé libre de tout lien aux mains – mais non aux chevilles – pendant le trajet depuis l’hôpital. Dans la mesure où la formulation de la directive interne applicable laisse une marge d’appréciation à l’agent de détention, il paraît difficile de reprocher à ce dernier, nanti des informations qui précèdent, d’avoir choisi de menotter, les mains par-devant, le recourant, d’autant plus que celui-ci n’était alors, et pour cause, plus entravé aux chevilles. Un menottage après l’arrivée en milieu privatif de liberté, mais limité au temps du retour en cellule, aidait à assurer un cheminement prompt et sûr au sein de l’établissement. Peu importe si l’agent savait, en sus, que (comme le relate le journal des événements de la police) le recourant avait précisément refusé de se laisser menotter aux HUG : lorsqu’il a été prié de dégager, et présenter, ses poignets, il n’a nullement regimbé.

Il est en revanche constant que, sur ces entrefaites, il s’est plaint du serrage trop étroit des entraves. Il prétend que la directive de ménager l’espace d’un doigt entre le poignet et la menotte a été ignorée. Les images n’autorisent aucune conclusion probante sur ce point. Le rapport d’incident relate que le recourant aurait lui-même « tourné » ses poignets, augmentant la constriction. Les images n’autorisent aucune conclusion probante sur ce point, non plus. Contrairement à ce que prétend le recourant à cet égard, les photographies extraites par l’IGS (rapport du 21 novembre 2022 p. 10) tendent en revanche à montrer que, sur le trajet menant à sa cellule et avant de gagner l’ascenseur, il aurait exercé une traction sur ses menottes ou un allongement des avant-bras à travers elle. Toutefois, l’essentiel de ses paroles, bruyantes, voire vociférantes, consistait à invectiver les agents en raison du menottage en tant que tel, non à se plaindre de douleurs dues à un serrage excessif ou inapproprié. Par ailleurs, le recourant ne nie pas vraiment avoir adopté une attitude oppositionnelle peu après avoir été menotté, ce qui ne saurait surprendre, puisqu’il avait déjà manifesté pareil comportement aux HUG. Dès lors, le fait qu’un des agents l’escortant ait saisi ses menottes pour le guider ou le diriger – ce qui pourrait avoir contribué, avec ses mouvements précédents, à endolorir ses pouce et poignet droits – apparaît proportionné à la situation. Il en va de même avec son placement et son maintien contraints dans un coin de l’ascenseur, car les gestes accomplis pour ce faire n’apparaissent pas empreints de brutalité, et en tout cas pas révélateurs d’un traitement inhumain et dégradant ni d’une volonté d’avilir le recourant. Enfin, la façon dont il a été libéré des menottes à travers le guichet de la porte de cellule échappe à toute critique.

En conséquence, il apparaît que l'intervention des agents de détention s'est limitée à ramener le recourant, menotté et sous prise d’escorte, jusqu’à sa cellule, sans qu’un serrage excessif ou inapproprié des menottes ni aucune violence ne soient discernables. Ces actes, autorisés par la loi, n'étant pas punissables (art. 14 CP), il n'existe pas de prévention pénale suffisante de lésions corporelles ou de voies de fait.

4.6. Le recourant invoque également un abus d'autorité, mais les faits constatés ne révèlent pas d'acte par lequel un ou l’autre des agents de détention intervenus aurait abusé des pouvoirs qui lui étaient conférés. Compte tenu de la situation et de la résistance opposée par le recourant, ils ont dû recourir à une mesure de contrainte, consistant à le saisir par les poignets, puis à le pousser, mais sans le projeter, dans un coin de l’ascenseur, pour pouvoir le ramener en cellule. Que ces gestes aient causé ou aggravé le serrage étroit dont se plaignait le recourant ne saurait leur être reproché, puisqu’ils étaient rendus nécessaires par l'attitude de celui-ci.

4.7. Aucun acte d'instruction supplémentaire ne parait susceptible de modifier le raisonnement qui précède. En particulier, l'on ne voit pas ce qu'une nouvelle analyse de la vidéo préservée, déjà visionnée par l'IGS, corps spécialisé en matière d'investigations relatives aux interventions policières, apporterait, ni même un visionnement par le recourant personnellement. Les photographies extraites, auxquelles le recourant a eu accès (puisqu’une copie du dossier lui a été directement envoyée le 6 mars 2023), établissent suffisamment les faits, et le DVD dont elles proviennent faisait partie des pièces ultérieurement mises à disposition de son avocat. L’audition des agents n’apporterait selon toute vraisemblance aucun élément que le dossier, tel qu’il a été constitué, ne mettrait pas déjà en évidence, même si ces agents étaient confrontés au recourant et aux images de la caméra corporelle. L’audition du médecin d’unité de C______ apporterait, peut-être, un éclairage sur l’état psychique du recourant après qu’il a ré-occupé sa cellule, mais non sur ses faits et gestes pendant qu’il y était amené.

5.             L'ordonnance querellée s’avère justifiée, et le recours doit être rejeté.

6.             Il n’y a ainsi nulle raison de nommer un avocat d’office au recourant, puisque son action, tant au pénal qu’au civil, était vouée à l’échec. On observera, au demeurant, que le recourant a déposé plainte personnellement, de façon intelligible et complète ; qu’il a par la suite été assisté successivement, mais brièvement, par deux avocats, sans former recours lorsque le Ministère public a refusé séparément de lui accorder l’assistance judiciaire ; et, enfin, que la teneur de son acte de recours ne laisse déceler aucune difficulté à s’exprimer sur les questions déterminantes de fait et de droit.

7.             Le recourant, qui n’a pas gain de cause, supportera par conséquent les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Rejette la demande d’assistance judiciaire.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/7712/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00