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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/26795/2022

ACPR/651/2024 du 03.09.2024 sur ONMMP/2916/2024 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 08.10.2024, 7B_1067/2024
Normes : CPP.31ss; CPP.310.al1.letb; CP.146; CP.3; CP.8

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/26795/2022 ACPR/651/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 3 septembre 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 28 juin 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 10 juillet 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 28 juin 2024, notifiée le 2 juillet suivant, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant conclut à l'annulation de ladite ordonnance et au renvoi du dossier au Ministère public pour instruction.

b. Il sollicite l'assistance judiciaire.

c. Il a été dispensé de verser des sûretés (art. 383 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 8 avril 2023, C______ a déposé plainte pénale contre D______, née le ______ 1975, et A______. Dans le cadre de la succession de feu son époux, E______, elle avait été victime d'une tentative d'escroquerie en sa qualité de représentante de l'hoirie et à titre personnel. Elle s'était fait notifier, le 20 juin 2022, une requête d'arbitrage par laquelle une certaine D______ réclamait d'importants montants, en application de fausses conventions, pour un montant de l'ordre de USD 80'000'000.-.

A______ avait apparemment transmis aux avocats de D______ les documents ayant servi à la rédaction de la requête d'arbitrage. Les paiements des montants indûment réclamés devaient être transférés sur son compte bancaire, à Hong Kong.

b. A______ et D______ ont été entendus par la police le 4 juillet 2023 comme prévenus. Ils ont contesté les faits.

c.a. La Brigade financière, dans une synthèse de ces auditions (cf. rapport de renseignements du 5 juillet 2023), est parvenue à la conclusion que l'audition de A______ avait surtout permis de comprendre qu'en réalité son épouse, D______ lui faisait miroiter un remboursement sur les prétendus frais de santé qu'il payait pour elle, grâce au prétendu accord qu'elle avait passé avec la famille [de] C______ [étant précisé que D______ aurait affirmé à A______ avoir été fiancée entre ses 16 et 19 ans à un certain F______, petit-fils caché du baron G______, décédé en 1994]. Sa situation financière, devenue précaire à cause des multiples paiements qu'il lui avait faits, avait motivé la demande d'arbitrage. Une fois informé par l'avocat de C______, Me H______, que tout était faux, il avait entrepris les démarches et découvert que les "témoins" figurant sur les différentes conventions n'avaient en réalité jamais signé ces documents. Il avait aussi découvert que le bijou que son épouse prétendait vouloir vendre n'avait pas de valeur.

C'était à ce moment que D______ avait développé un narratif selon lequel elle aurait elle-même été victime des agissements de feu E______. Face à l'insistance de A______ – qui n'avait jusqu'alors jamais vu une seule facture de soins, se contentant de payer ce qui lui était demandé par son épouse sur un compte à son nom – cette dernière lui avait montré une facture datant de 2015 pour des soins à l'Hôpital I______ de Zurich. Cette facture, qui avait été présentée à la police, mais que A______ avait refusé de joindre à sa déclaration, et dont l'authenticité n'était donc pas vérifiée, indiquait qu'une partie du paiement avait été faite par carte de crédit par un certain "M. J______ [nom]". A______ semblait convaincu par le récit de son épouse et pensait qu'il s'agissait d'une manigance organisée par la famille [de] C______ pour ne pas respecter ses engagements envers D______.

c.b. Il ressort encore dudit rapport que la Brigade financière a procédé à diverses autres investigations.

L'Office Cantonal de la Population et des Migrations (ci-après, OCPM) n'avait jamais enregistré dans sa base de données de F______. La filiation de G______ indiquait qu'il n'avait eu qu'un seul enfant, E______, lequel avait eu quatre filles, et aucun garçon, toutes nées après 1994 (année du décès du prétendu F______), de sorte qu'aucune d'elles n'aurait pu être la mère de l'homme avec qui D______ prétendait avoir été fiancée entre 1992 et 1994. F______ ne semblait donc pas avoir existé, ce qui était corroboré par des recherches sur Internet, ainsi qu'auprès des archives cantonales.

Au sujet des personnes ayant prétendument été témoins de la signature des fausses conventions dénoncées par C______:

·      J______ ne vivait ni n'avait vécu au no. ______, chemin 1______, à K______ [GE], où résidait, depuis 1970, L______ qui avait indiqué que le nom de J______ lui était inconnu. Les recherches dans les bases de données genevoises et fédérales n'avaient pas permis de trouver trace d'un J______ en Suisse.

·      s'agissant de M______ "no. ______ Avenue 2______, N______ [code postal], USA", il existait à cette adresse un cabinet d'avocats, O______ sur le site Internet il apparaissait comme avocat associé à la retraite.

·      La police n'avait trouvé aucune correspondance pour P______ "no. ______, rue 3______, [code postal] Q______, FR", qui pouvait être l'une des adresses de la banque G______ à Q______ [France].

·         ni pour R______ " no. ______, rue 4______, S______, ZAF", censée résider en Afrique du Sud.

Quant aux diverses adresses courriels utilisées, au vu des éléments recueillis que la police détaillait, le caractère fallacieux des échanges de D______ et A______ avec C______ semblait avéré.

d. A______ et D______ se sont longuement exprimés devant le Ministère public les 21 décembre 2023 et 14 mars 2024.

e. Le 17 juin 2024, A______ a déposé une plainte pénale au Ministère public contre inconnu pour escroquerie (art. 146 CP).

En substance, les points suivants ressortent de la plainte et de ses annexes :

Il avait rencontré D______, de nationalité allemande, en février 1997. Ils s'étaient mariés en 2001 et avaient vécu à Tokyo, Singapour, Londres et Hong Kong. Depuis leur séparation en 2010, il était resté à Hong Kong tandis que D______ vivait en Angleterre.

Durant leur vie commune, D______ lui avait confié qu'elle avait fréquenté, entre ses 16 et 19 ans, un certain F______, le petit-fils caché du baron G______. Celui-là était décédé en 1994 et l'avait désignée comme héritière. Elle avait toutefois refusé la succession et la famille [de] C______ s'était alors engagée à prendre en charge ses frais médicaux. Elle avait reçu en don, respectivement en legs de G______, une bague sertie d'un diamant bleu et, en 2001, par l'intermédiaire de "Me T______", une bague sertie d'un diamant blanc.

D______ souffrait d'importants problèmes de santé et se rendait fréquemment à l'hôpital. En 2009, elle avait restitué la bague sertie du diamant blanc à E______ – fils de G______ – en échange de la prise en charge de ses frais médicaux à l'Hôpital U______ à V______ [Angleterre], de même que de ses frais d'assurance. Ses contacts avec E______ et son assistant, un certain J______, avaient pour objectif la prise en charge de ses traitements médicaux à la [clinique] W______, dans l'État du X______ (États unis d'Amérique; ci-après USA), ainsi que le processus de vente de la bague au diamant bleu.

D______ avait été traitée, entre 2009 et 2022 dans divers hôpitaux et cliniques au Royaume-Uni, aux USA, en Afrique du Sud, à Zurich, et en Allemagne. Entre 1997 et 2008, la quasi-totalité de ses traitements médicaux avait été assumée par une assurance, via un montage financier mis en place par la famille [de] C______, sauf en 1999 et 2008 (transplantation de rétine qui n'était pas couverte par l'assurance), où D______ avait sollicité son aide. Entre 2010 et 2022, il avait ainsi participé à la prise en charge des traitements de celle-ci:

·      en versant environ USD 180'000.- sur le compte bancaire de celle-ci auprès de [la banque] Y______ (Royaume-Uni) à la fin 2010, pour un traitement expérimental à la [clinique] W______ (à X______, USA);

·      en versant environ USD 85'000.- le 24 mai 2011, sur ce même compte bancaire, depuis son compte ouvert également auprès de Y______ (Hong-Kong);

·      plus tard en 2011, en versant environ USD 180'000.- pour un autre traitement expérimental à la [clinique] W______;

·      le 18 avril 2012, via son frère Z______, par un transfert de USD 165'000.- depuis son compte auprès de [la banque] AA_____ (USA) sur le compte de D______ ouvert auprès de Y______, pour un traitement à la [clinique] W______;

·      le 31 octobre 2012, en versant GBP 59'500.- depuis son compte auprès de Y______ sur le compte de D______ auprès de Y______;

·      le 20 février 2013, via son frère, par un transfert de USD 200'000.- depuis son compte auprès de AA_____ (USA) sur le compte de D______ auprès de Y______;

·      le 28 janvier 2014, par un transfert de GBP 54'000.- selon ces mêmes modalités;

·      de même encore le 24 novembre 2014, à hauteur de USD 114'155.-;

·      en septembre 2015, par l'assurance maladie fournie par son employeur, qui avait financé à hauteur de CHF 7'240.- le traitement de D______ à l'Hôpital I______ de Zurich;

·      le 23 décembre 2015, en versant USD 103'000.- depuis son compte auprès de Y______, sur le compte de AB_____ ouvert auprès de AA_____ (USA), afin de payer la pose du pacemaker;

·      le 23 décembre 2015 encore, en versant USD 273'000.- depuis son compte Y______ en faveur de celui de D______ auprès de Y______;

·      le 24 décembre 2016, en versant USD 120'000.- selon ces mêmes modalités;

·      en octobre et novembre 2018, par deux virements d'un total de USD 172'000.- depuis ses comptes auprès de Y______, respectivement auprès de [la banque] AC_____ (Singapour), sur le compte de D______ auprès de Y______ (UK), pour sa transplantation cardiaque;

·      le 3 mai 2019, par le virement de USD 192'039.70 depuis son compte ouvert auprès de AC_____ (Singapour) sur le compte de D______ auprès de Y______;

·      entre 2020 et 2022, à hauteur d'une somme totale de USD 50'000.-, au moyen de la carte de débit qu'il lui avait donnée, liée à son compte Y______, qu'elle avait utilisée pour régler ses dépenses de vie et ses frais médicaux.

Il avait procédé à ces versements, de USD 1'957'000.- et GBP 59'500.- au total, avec l'assurance d'un remboursement par E______, selon des conventions que celui-ci avait signées en faveur de D______, en novembre 2016, septembre 2019, et avril 2020, La dernière de ces conventions prévoyait un paiement forfaitaire de USD 80'000'000.- en faveur de son épouse.

E______ était décédé en janvier 2021. Comme lui-même et D______ n'avaient pas pu obtenir l'exécution de cette convention, ils avaient, le 8 juin 2022, ouvert à Genève une procédure d'arbitrage contre C______ et l'hoirie de E______.

En juin 2022, lui-même avait été informé par son avocat et celui de la famille [de] C______ que la signature de E______ figurant sur les trois conventions précitées était fausse; F______ n'avait jamais existé; la famille [de] C______ n'avait jamais entendu parler de D______; J______, P______, AD_____ et T______ [divers protagonistes apparaissant dans le schéma mis en place par D______, selon ce qui lui est reproché], n'avaient jamais existé. Il avait donc contacté certains témoins qui lui avaient répondu que les conventions ne comportaient pas leur signature. Le 27 juin 2022, un bijoutier à Genève avait authentifié le diamant bleu sur la bague comme faux.

Lui-même avait pris connaissance, des évènements et des échanges de D______ avec la famille [de] C______ et son entourage, aux travers des communications de D______, de ses transferts de courriels, d'appels, ainsi que de messages WhatsApp, Telegram ou SMS. Ce n'était qu'en 2019 qu'il avait été inclus dans une partie des échanges. Il n'avait jamais rencontré les personnes citées dans sa plainte.

Entre autres actes d'enquête, il sollicitait notamment que le Ministère public charge la Brigade financière d'identifier nombre de personnes, afin de déterminer leur rôle dans les événements qu'il dénonçait.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a retenu que, durant toute la période visée par la plainte, A______ était domicilié à Hong Kong et D______ l'aurait été successivement au Royaume-Uni, aux USA, en Afrique du sud et en Allemagne. Par ailleurs, l'appauvrissement de A______ était intervenu à Hong Kong et Singapour, où se trouvaient les valeurs patrimoniales transférées sur les comptes bancaires de D______ au Royaume-Uni, lieu de l'enrichissement. L'endroit de survenance de l'erreur était a priori le domicile de A______ à Hong Kong. D______ avait agi dans ses divers lieux de résidence à l'étranger précités.

Il n'existait donc aucun lien de rattachement entre les faits dénoncés et la Suisse. Il était certes mentionné un séjour hospitalier à Zurich, mais le plaignant ne prétendait pas avoir subi un dommage à ce titre, puisque c'était son assurance qui avait couvert les frais médicaux en question. Quant aux autres personnes mentionnées dans la plainte, il n'existait, pour certains, aucune preuve de leur implication (feu E______ et C______), et, pour d'autres, aucune preuve de leur existence (J______; P______, AD_____, T______), de sorte qu'il n'était pas nécessaire d'analyser le lieu où ces personnes pourraient avoir participé à l'infraction alléguée d'escroquerie.

Ainsi, dans la mesure où l'auteur présumé n'avait pas agi en Suisse et où aucun des éléments constitutifs de l'infraction n'y était intervenu, il n'y avait pas dans ce pays de compétence à raison du lieu (art. 31 ss CPP).

D. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir que le Ministère public avait fait preuve, si ce n'était d'une complaisance à l'égard de certaines parties à la procédure, d'une indolence manifeste en retenant qu'il n'existait aucune preuve de l'implication de certaines des personnes mentionnées dans sa plainte, et pour d'autres de leur existence. Il avait manqué à ses obligations telles qu'imposées par l'art. 6 al. 1 CPP et violé l'art. 10 al. 1 CPP.

L'affaire dénoncée était d'une complexité particulière, s'étendait sur une période pénale de plus de 10 ans, portait sur un dommage de près de CHF 2'000'000.-, présentait un caractère transnational et relevait de la cybercriminalité.

Le Ministère public n'avait même pas daigné solliciter un rapport de police visant à l'identification des personnes. Or à ce stade, leur existence apparaissait tout aussi plausible que leur inexistence.

AD_____ avait apparemment fait usage d'un fournisseur de services de messagerie en ligne basé en Suisse, dans le canton d'Argovie et J______ à [code postal] AE_____ [GE]. D______ avait adressé un coli à P______, au siège français de la banque G______, à Q______, qui avait été distribué.

Contrairement aux allégations de C______ dans sa plainte du 19 décembre 2022, E______ n'était pas le fils unique de G______. AF_____ était en effet issue d'une relation extraconjugale et avait été reconnue par de G______. Elle était domiciliée en France et aurait eu un fils.

De très nombreux courriels lui avaient été transférés ou envoyés directement depuis l'adresse "______.com", courriels qui avaient tous contribué à construire "l'édifice de mensonges utiles à le duper". Le nom de domaine "______.com" avait bien été utilisé par la société familiale G______ HOLDING SA lorsqu'elle portait le nom de AG_____ HOLDING SA. Les serveurs vers lesquels ce nom de domaine redirigeait étaient situés en Suisse et leur adresse IP à Genève.

b. Le Ministère public conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours.

Le recourant n'avait pas la qualité de partie plaignante ou d'intérêt juridiquement protégé. Sa plainte pénale ne respectait pas les exigences du droit fédéral quant à son contenu, en particulier l'usage, à l'excès, du conditionnel et de formulations ambiguës.

Il n'avait pas allégué dans sa plainte qu'une infraction aurait été commise en Suisse ou que le résultat s'y serait produit. L'inexistence de AD_____, AH_____, P______ et F______ était évidente et aucun élément du dossier ne permettait de retenir que celles qui se seraient fait passer pour elles auraient agi depuis la Suisse.

Le recourant semblait désormais reconnaître que les courriels envoyés depuis l'adresse ______.com n'avaient pas été envoyés par E______. La présence du serveur en Suisse n'était pas pertinente pour déterminer le lieu de commission de l'infraction.

c. Dans sa réplique, A______ relève que ni la loi ni la jurisprudence du Tribunal fédéral prévoyaient que l'inconditionnalité de la volonté du plaignant devait s'étendre aux faits qu'il portait à la connaissance de l'autorité. Il avait fait part de sa volonté claire et inconditionnelle qu'une procédure pénale soit ouverte pour instruire les faits constitutifs de l'infraction dont il avait été victime. Le Ministère public faisait preuve de mauvaise foi et d'opportunisme en venant remettre en question sa qualité de partie et la validité de sa plainte seulement au stade de la réponse à son recours.

Les éléments avancés par le Ministère public pour conclure à l'inexistence apparente de nombreux protagonistes de cette affaire ne faisaient que renforcer son idée selon laquelle il avait été victime d'une tromperie à grande échelle, ce qui devait inciter cette autorité à faire la lumière sur ce qui s'était réellement passé. En outre, rien dans le dossier ne permettait d'établir l'absence manifeste d'éléments constitutifs en Suisse. Le Ministère public devait donc pousser son instruction jusqu'à ce que l'absence manifeste d'éléments constitutifs en Suisse, tel qu'exigé par la jurisprudence, soit établie.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

1.2. Le Ministère public conclut à son irrecevabilité, faute pour le recourant d'avoir la qualité de partie plaignante ou d'intérêt juridiquement protégé.

1.3. Revêt la qualité de partie, le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure comme demandeur au civil ou au pénal (art. 104 al. 1 let. b et 118 al. 1 CPP). Le lésé est celui dont les droits sont directement touchés par une infraction (art. 115 al. 1 CPP).

1.4. En l'espèce, le recours émane du plaignant, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), étant relevé que cette qualité de partie plaignante ne fait pas l'objet du recours, circonscrit à l'ordonnance de non-entrée en matière, qui n'en dit mot, pas plus que la validité de sa plainte.

1.5. La question de la qualité pour agir du recourant, sous l'angle d'un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP), se pose. Soit en effet le recourant s'est fait gruger par son épouse, de sorte qu'il aurait un tel intérêt, vu le préjudice financier qu'il allègue sous la forme de divers versements faits en faveur de l'intéressée. Il ne la met toutefois en cause ni dans sa plainte, ni dans son recours. Soit c'est son épouse qui se serait fait gruger par la famille [de] C______ ou des personnes de son entourage, de sorte que lui-même ne l'aurait été qu'indirectement, de sorte que son recours serait irrecevable.

Cette question souffrira de demeurer indécise vu ce qui suit.

2.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.

2.1.       A teneur de l'art. 310 al. 1 let. b CPP, le ministère public rend une ordonnance de non-entrée en matière en cas d'empêchement de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP).

Si l'une des conditions d'exercice de l'action publique fait défaut – ce qui doit être examiné d'office et à tous les stades de la procédure –, la poursuite pénale ne peut être engagée, ou, si elle a été déclenchée, elle doit s'arrêter. L'autorité doit clore le procès par une décision procédurale, notamment une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement (art. 310 al. 1 let. b et 319 al. 1 let. d CPP; G. PIQUEREZ / A. MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3e édition, 2011, p. 537 n. 1553 et 1555).

2.2.       L'incompétence des autorités pénales suisses à raison du lieu est constitutive d'un empêchement définitif de procéder au sens de l'art. 310 al. 1 let. b CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1355/2018 du 29 février 2019 consid. 4.5.1; 6B_127/2013 du 3 septembre 2013 consid. 4; ACPR/488/2014 du 31 octobre 2014 consid. 2.1).

2.3. Aux termes de l'art. 3 al. 1 CP, le Code pénal suisse est applicable à quiconque commet un crime ou un délit en Suisse. Cette disposition reprend le principe de base applicable en droit pénal international qui est celui de la territorialité, en vertu duquel les auteurs d'infractions sont soumis à la juridiction du pays où elles ont été commises (ATF 121 IV 145 consid. 2b/bb p. 148 et l'arrêt cité; arrêt du Tribunal fédéral 6B_21/2009 du 19 mai 2009 consid. 1.1.).

2.3.1. Un crime ou un délit est réputé commis tant au lieu où l'auteur a agi ou aurait dû agir qu'au lieu où le résultat s'est produit (art. 8 al. 1 CP). Le lieu où l'auteur a agi ou aurait dû agir est le lieu où il a réalisé l'un des éléments constitutifs de l'infraction. Il suffit qu'il réalise une partie – voire un seul – des actes constitutifs sur le territoire suisse; le lieu où il décide de commettre l'infraction ou le lieu où il réalise les actes préparatoires (non punissables) ne sont toutefois pas pertinents (ATF 144 IV 265 consid 2.7.2 p. 275; 141 IV 205 consid. 5.2 p. 209 s.).

2.3.2. S'agissant de délits commis par le biais d'internet, le lieu de l'acte, et ainsi le for, est localisé au lieu où se trouve l'auteur au moment d'effectuer les manipulations nécessaires à la diffusion ou au stockage des contenus illicites, mais non au lieu de situation du serveur sur lequel ces derniers seraient téléchargés, qui n'entre, en principe, pas en ligne de compte (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, Bâle 2017, n. 17 ad art. 8 et les références citées).

2.4. La nécessité de prévenir les conflits de compétence négatifs dans les rapports internationaux justifie d'admettre la compétence des autorités pénales suisses, même en l'absence de lien étroit avec la Suisse (ATF 141 IV 205 consid. 5.2 p. 209 s. et les références; 133 IV 171 consid. 6.3 p. 177; arrêt du Tribunal fédéral 6B_659/2014 du 22 décembre 2017 consid. 6.3.1).

2.5.1. En matière d'escroquerie (art. 146 CP), le Tribunal fédéral a considéré que cette infraction était un délit matériel à double résultat : le premier était constitué par l'appauvrissement de la victime, le second par l'enrichissement, dont seul le dessein – à l'exclusion de la réalisation – était un élément constitutif de l'infraction. Selon la jurisprudence, il n'y a pas de raison de considérer qu'il y aurait une opposition entre la notion de résultat recherché par l'auteur et celle de résultat au sens de l'art. 7 aCP (équivalant à l'art. 8 CP), cela sous prétexte que le législateur n'a pas fait dépendre formellement la réalisation de l'escroquerie de la réalisation effective de l'enrichissement voulu par l'auteur. Dès lors, le lieu où devait se produire le résultat recherché par l'auteur (où il s'est peut-être, suivant le cas, produit) doit également être considéré comme le lieu du résultat au sens de l'art. 8 CP (ATF 109 IV 1 consid. 3c p. 3 ss).

2.5.2. À côté du lieu d'appauvrissement de la victime ou de celui de l'enrichissement de l'auteur figurent également le lieu de survenance de l'erreur, soit celui où la dupe est amenée à se forger une représentation erronée de la situation de fait (A. DYENS, Territorialité et ubiquité en droit pénal international suisse, Bâle 2014, p. 282), et le lieu où se trouve l'auteur au moment où il réalise la tromperie astucieuse (arrêt du Tribunal fédéral 6B_635/2018 du 24 octobre 2018 consid. 2.1.3).

2.6. En l'espèce, le recourant affirme dans sa plainte avoir, en juin 2022, par son avocat et par l'avocat de la famille [de] C______, appris, dans le cadre d'une procédure en arbitrage ouverte le 8 juin 2022 à Genève: que les conventions prétendument conclues entre 2016 et 2020 entre feu E______ et son épouse comportaient une fausse signature de celui-ci; que F______, avec lequel son épouse lui avait dit être fiancée au début des années 1990, décédé en 1994, supposé fils illégitime de feu G______, n'avait jamais existé; que la famille [de] C______ n'avait jamais entendu parler de son épouse, D______, et que J______, P______ et AD_____ n'avaient jamais existé. Il dit avoir sur ce contacté "certains témoins" censés avoir contresigné les conventions conclues entre D______ et E______, lesquels lui avaient répondu qu'elles ne comportaient pas leur signature véritable. Le 27 juin 2022, il apprenait que la bague en diamant bleu – que son épouse avait prétendu avoir reçue en legs de feu G______, au demeurant à une date inconnue, et apparemment en possession du recourant, puisqu'il a pu la soumettre pour expertise à un bijoutier – était sertie d'une fausse pierre. Il ne s'est pourtant pas manifesté auprès des autorités de poursuite pénale suisses, alors même qu'il indique avoir versé USD 1'957'000.- et GBP 59'500.- en faveur de son épouse, sur la base de l'assurance de se les voir rembourser par la famille [de] C______.

C______ a en revanche déposé plainte pénale à Genève le 8 avril 2023, pour tentative d'escroquerie, en lien avec la notification, à Genève, de la requête d'arbitrage le 20 juin 2022 par laquelle D______ lui réclamait environ USD 80'000'000.- sur la base de fausses conventions prétendument signées par son époux, feu E______.

Ce point de rattachement avec la Suisse, vu le for arbitral soit disant fixé à Genève par les conventions en cause, a conduit la police et le Ministère public à effectuer divers actes d'enquête, dont l'audition du recourant et de son épouse, comme prévenus de tentative d'escroquerie. Ce n'est qu'après une audition à la police et deux audiences devant le Ministère public, dont la dernière le 14 mars 2024, où le recourant a été confronté à son épouse, que ce dernier a déposé la plainte qui fait l'objet de l'ordonnance de non-entrée en matière querellée.

Le Ministère public a conclu, sur la base des documents figurant à la procédure et des indications même du prévenu, qu'aucun point de rattachement pour l'infraction dénoncée par le plaignant n'existait à ce stade avec la Suisse.

Il doit être suivi, étant précisé que ceci ne remet pas en cause la poursuite de la procédure ouverte à la suite de la plainte déposée par C______.

Ainsi, le recourant ne remet pas en cause le fait que, durant toute la période visée par la plainte, il était domicilié à Hong Kong et D______, successivement au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Afrique du sud et en Allemagne. Son appauvrissement est intervenu à Hong Kong et Singapour, où ont été débitées les valeurs patrimoniales transférées sur les comptes bancaires de D______ au Royaume-Uni, qui est donc le lieu de l'enrichissement. Le recourant ne soutient pas que l'endroit de survenance de l'erreur fût à son domicile à Hong Kong, et en tout état pas que ce fût la Suisse. Quant à D______, qui a obtenu de conséquents montants de la part du recourant pour le remboursement de soins médicaux qu'elle n'a en l'état pu étayer, il n'y a aucun élément au dossier laissant penser qu'elle se serait trouvée en Suisse lorsqu'elle lui demandait des fonds, mais bien plutôt dans ses divers lieux de résidence à l'étranger précités. Il ressort de la plainte du recourant qu'elle s'est en définitive trouvée une seule fois en Suisse, soit durant l'été 2015, à l'Hôpital I______ de Zurich. Le recourant ne prétend toutefois pas avoir subi un dommage à ce titre, ni pendant ce laps de temps, puisque c'était l'assurance maladie de "son" employeur qui s'était acquitté de frais à hauteur de CHF 7'240.- pour couvrir les frais médicaux de son épouse.

Il n'existe donc aucun lien de rattachement entre les faits dénoncés et la Suisse. Le Ministère public et la police, contrairement à ce que soutient le recourant, ont procédé aux actes d'enquête nécessaires pour arriver à ce constat, fût-ce à la suite de la plainte déposée par C______. Le dossier ne contient aucune preuve de l'implication de feu E______ et C______ dans "l'édifice de mensonges utiles à le duper" que le recourant dénonce. On ne discerne au demeurant pas quel profit ceux-là auraient retiré de la supercherie, dans la mesure où seule D______ a bénéficié des montants versés par le recourant, que ce soit pour des soins ou pour assurer son train de vie. Contrairement à ce que soutient encore le recourant, la police a procédé à toutes les démarches utiles, en fonction des éléments du dossier, en lien avec l'existence et la localisation de personnes qui auraient participé à l'escroquerie dénoncée par le recourant et dont les noms apparaissent sur des conventions apparemment fausses et dans nombre de courriels dont le recourant a eu connaissance pour la plupart par l'intermédiaire de son épouse. Il ressort de l'enquête – qui ne souffre d'aucune critique – que la police a en particulier investigué dans la mesure nécessaire pour conclure que soit ces personnes n'ont pas existé, ce qui apparait être le cas de feu F______, soit, selon la version du recourant et de son épouse, elles se seraient fait passer pour d'autres. En tout état, cela ne suffit pas à fonder un lien de rattachement avec la Suisse.

Tant le recourant que D______ sont les plus à mêmes de démontrer ce qu'ils allèguent. Il ressort déjà de la procédure que diverses adresses mail ont été créées pour les besoins de la cause. Comme justement retenu par le Ministère public, il n'est pas nécessaire d'analyser les serveurs et/ou adresses IP qui pourraient se trouver en Suisse, dans la mesure où, faute d'auteur agissant effectivement depuis ce pays, un lieu de commission en Suisse ne pouvait pas être retenu.

Ainsi, dans la mesure où il n'apparait pas que le ou les auteurs présumés de l'escroquerie dénoncée par le recourant auraient agi en Suisse et où aucun des éléments constitutifs de l'infraction n'y est intervenu, c'est à juste titre que le Ministère public a retenu qu'il n'y avait pas dans ce pays de compétence à raison du lieu (art. 31 ss CPP) et a refusé d'entrer en matière.

Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

3.             Infondé, le recours sera rejeté.

4. Le recourant sollicite l'assistance judiciaire pour la procédure de recours, conformément à l'art. 136 al. 3 CPP entré en vigueur le 1er janvier 2024.

4.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle ne dispose pas des ressources suffisantes et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. a), à la victime, pour lui permettre de faire aboutir sa plainte pénale, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l’action pénale ne paraît pas vouée à l’échec (let. b).

4.2. En l'occurrence, l'indigence du recourant ne saurait être considérée comme établie, quand bien même un avocat lui a été nommé d'office comme prévenu et il n'a pas été astreint au versement de sûretés (art. 383 al. 1 CPP).

En tout état, son recours, vu ce qui précède, était dénué de chances de succès, de sorte que les conditions pour l'octroi de l'assistance judiciaire ne sont pas remplies.

5. Le recourant qui succombe, supportera les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4), fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Rejette la demande d'assistance judiciaire gratuite.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/26795/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

-

CHF

Total

CHF

1'000.00