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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/27123/2022

ACPR/604/2024 du 19.08.2024 sur ONMMP/2183/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SOUPÇON;E-MAIL;SAUVEGARDE DU SECRET;CONTRAT DE TRAVAIL
Normes : CPP.310; CP.320; CP.321

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/27123/2022 ACPR/604/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 19 août 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Romain JORDAN, avocat, Merkt & Associés, rue Général-Dufour 15, case postale, 1211 Genève 4,

recourant

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 21 mai 2024 par le Ministère public

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 3 juin 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 21 mai précédent, notifiée le 23 suivant, par laquelle le Ministère public a renoncé à entrer en matière sur sa plainte du 11 novembre 2022.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et à l'ouverture d'une instruction pour calomnie, subsidiairement diffamation et injure, avec des actes d'instruction qu'il énumère.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 900.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ travaillait pour l'association B______ (ci-après: B______) en qualité de responsable du secrétariat, avant d'être licencié le 13 août 2021.

b. Le 11 novembre 2022, A______ a déposé plainte contre C______, D______, E______ et F______, membres du comité, des chefs de calomnie, subsidiairement diffamation voire injure, et violation de secrets privés.

Le 11 juin 2022, B______ avait tenu son assemblée générale, à laquelle il avait été empêché d'assister et de participer. Le 8 novembre suivant, il avait reçu le bulletin publié par l'association, dans lequel se trouvait un compte rendu verbatim des déclarations de C______ en ouverture d’assemblée, devant toute les personnes présentes.

Les propos tenus le dépeignaient faussement comme un "ancien employé mécontent qui userait de manœuvres et de ruses […] pour perturber la bonne marche de l'association pour des motifs infondés, et dans le but d'en tirer personnellement un avantage". C______ l'accusait également d'avoir eu un "comportement inapproprié" vis-à-vis de collègues, ayant nécessité son licenciement, et d'avoir "violé le secret de fonction", soit d'avoir commis une infraction pénale. Dans son discours, le précité avait également divulgué le contenu d'un courriel qui ne lui [C______] était pas destiné.

Sa plainte visait également les signataires et/ou les responsables du bulletin dans lequel était diffusé le compte rendu.

c. Les déclarations de C______ mises en exergue dans la plainte sont les suivantes:

- "En 2021, notre Assemblée générale s'est tenue à Genève. Et, contrairement à ce qui s'était passé pendant 38 années, le déroulement de celle-ci ne s'est pas fait dans la sérénité habituelle. On peut même aller jusqu'à affirmer que cette manifestation fut chaotique. […] En cause, la composition du nouveau comité" ;

- "Trois personnes sont alors intervenues, directement ou indirectement, pour contester la composition de ce comité, à savoir Messieurs A______, [G______ et H______]" ;

- "Chers membres, vous avez le droit, en toute transparence, de connaître les raisons pour lesquelles ces personnes se sont opposées à la nomination des membres de ce comité. Pour commencer, A______. En septembre 2019, nous avons engagé A______ comme responsable de notre administration. Rapidement, nous avons dû gérer des situations conflictuelles impliquant ce dernier et d'autres membres de l'équipe. […] En août 2021, les coprésidents reçoivent une lettre signée par l'ensemble de nos collaboratrices et collaborateurs qui nous disent être épuisés par le comportement inapproprié de A______ et qu'ils ne peuvent plus continuer à travailler dans de telles conditions" ;

- "L'audit n'ayant pas abouti à des pistes concrètes permettant d'espérer une amélioration rapide de la situation du secrétariat, dans l'urgence et vu la gravité de cette situation, toujours en août, le comité décide de mettre fin au contrat de travail le liant à A______ […]. Dès ce jour, A______ a rejoint le groupe de soutien à [H______]. Leur objectif commun : démettre les coprésidents de leur fonction, ceux-ci étant considérés responsables de l'exclusion de A______ et du fait que [H______] n'a pas été soutenu dans sa procédure judiciaire. A______ espère peut-être récupérer sa place de travail de cette manière" ;

- […] depuis le départ de A______, le secrétariat a retrouvé un fonctionnement serein, ce qui démontre qu'il s'agissait de la seule solution praticable" ;

- "Sachez encore et enfin que le 12 mai nous parvenait un mail de [H______] dont nous n'étions pas les destinataires. Ce dernier était adressé à cinq personnes : à notre grand étonnement à deux médecins actifs au sein de B______, à une amie de [H______], qui fut en son temps membre du comité de B______, à [G______] et A______" ;

- "Dans ce message, intitulé je cite « Recherche de candidats pour le comité », [H______] informait ses amis qu'il avait sollicité deux personnes […] pour rejoindre notre comité et que malheureusement, les deux avaient décliné sa proposition. Dans la foulée, l'amie en question répondait à ces personnes, qu'elle regrettait que malgré l'entregent de [H______], il n'ait pas réussi à les convaincre de se présenter ce jour devant vous. Elle disait aussi qu'elle estimait qu'il était (je cite): « probablement illusoire de penser que nous pourrions renouveler le comité actuel dans sa totalité. Deux ou trois nouvelles têtes pourraient déjà apporter un autre esprit. Continue. Continuez, on a encore le temps » (fin de la citation)";

"[Dès] ce jour, nous avons ainsi la preuve indubitable des deux faits suivants: A______, en sous-main, a bien informé [H______ et G______] de faits en lien avec le fonctionnement de B______ qui violent le secret de fonction auquel il est cependant toujours lié après son licenciement. Quant à [G______], il fait bien partie des personnes qui désirent, sinon renverser le comité dans son intégralité, du moins se « débarrasser » des coprésidents et à terme, comme il a eu l'occasion de le dire devant témoins, d'accéder à la présidence de B______".

d. Entendu par la police, C______ a confirmé que le bulletin de l'association retranscrivait correctement ses propos, avérés, lors de l'assemblée générale de juin 2022. A______ avait été licencié le 13 août 2021 et, depuis lors, avait intenté de multiples procédures judiciaires et déposé de nombreuses plaintes contre B______. Le courriel du 12 mai 2022 avait été adressé à A______ (à l'adresse électronique A______@B______-ch") après son licenciement, de sorte que le secrétariat l'avait ouvert, lu et transmis aux présidents de l'association.

e. Le Ministère public a versé au dossier la procédure P/1______/2022, dans le cadre de laquelle A______ a déposé plainte contre ses anciens subordonnés du secrétariat de B______, pour une lettre prétendue attentatoire à son honneur. S’y trouvent : le contrat de travail de A______ (pièce n° 1), qui le soumet (art. 12) au "secret professionnel" et habilite l’employeur à effectuer des contrôles sur l’utilisation d’internet et du courrier électronique (art. 11) ; ainsi que la lettre de licenciement (pièce n° 3), qui lui rappelle que ce secret perdurait au-delà de la cessation d’activité.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que les propos de C______ présentaient A______, d'une part, comme une personne n'ayant pas eu les qualités humaines et professionnelles requises pour occuper le poste qui était le sien et, d'autre part, comme ayant œuvré, après son licenciement, à la destitution du comité. Ces critiques n'étaient pas attentatoires à l'honneur de A______, car elles ne faisaient pas passer l'intéressé pour une personne méprisable au sens du droit pénal. Les participants à l'assemblée générale n'ignoraient pas que A______ n'était pas soumis au secret de fonction et pouvaient donc comprendre que C______ reprochait au précité d'avoir enfreint ses obligations contractuelles, découlant de son contrat de travail. De telles accusations ne constituaient pas une atteinte à l'honneur. Enfin, il n'était pas établi que la messagerie électronique de A______ était protégée par un mot de passe. Dès lors qu'il n'était plus employé de B______ depuis plusieurs mois, l'association pouvait prendre connaissance du courriel du 12 mai 2022, lequel n'était de toute manière pas confidentiel.

D. a. Dans son recours, A______ estime que les propos tenus par C______ laissaient penser qu'il avait adopté un comportement inapproprié en tant que chef du secrétariat et que son départ y avait ramené la sérénité. Cette description suggérait qu'il avait "maltraité" le personnel, ce qu'il contestait intégralement. Les critiques de C______ allaient donc au-delà de simples remarques sur ses qualités humaines et professionnelles. Les expressions utilisées par le précité, comme "en sous-main" et "débarrasser", le dépeignaient comme une personne méprisable, désireuse d’obtenir la démission des présidents de l'association par des moyens détournés. En outre, le Ministère public n'avait pas tenu compte des activités sensibles de l'association, lesquelles commandaient une discrétion toute particulière. Le fait de l'accuser d'avoir violé son secret de "fonction" atteignait dès lors une gravité suffisante, au sens du droit pénal, et laissait également entendre qu'il était indigne de confiance. Enfin, l'autorité intimée ne pouvait retenir que sa messagerie électronique n'était pas protégée par un mot de passe sans l'avoir entendu à ce sujet. Il sollicitait ainsi son audition, la tenue d'une audience de confrontation, une audition complémentaire de C______ et celles de D______, E______ et F______.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant conteste la non-entrée en matière prononcée à la suite de sa plainte.

2.1.       À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, une ordonnance de non-entrée en matière est immédiatement rendue s’il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs d’une infraction ou les conditions à l’ouverture de l’action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1).

2.2.1. Se rend coupable de diffamation au sens de l'art. 173 CP quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération et quiconque propage une telle accusation ou un tel soupçon (ch. 1).

Le prévenu n'encourra aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies (art. 173 ch. 2 CP); il ne sera cependant pas admis à faire ces preuves s’il s’est exprimé sans motif suffisant et a agi principalement pour dire du mal d’autrui (art. 173 ch. 3 CP).

2.2.2. Le ministère public est admis, selon les circonstances, à rendre une ordonnance de non-entrée en matière, de classement ou une ordonnance pénale lorsqu'une infraction de diffamation (art. 173 CP) est en cause. Toute compétence décisionnelle ne lui est pas non plus déniée lorsque les éléments constitutifs de l'infraction semblent réunis (art. 173 ch. 1 CP). En effet, le fait qu'un tribunal de première instance dispose des compétences, le cas échéant, pour administrer les preuves libératoires qui peuvent découler de l'admission de ce droit n'exclut pas toute administration préalable. Un tel raisonnement serait contraire au principe d'économie de procédure puisqu'il tendrait à imposer un renvoi en jugement dans tous les cas où les conditions de l'art. 173 ch. 1 CP paraissent réalisées. Or, un premier examen sommaire, notamment de la plainte ou des mesures d'instruction, peut suffire pour considérer que les chances d'un acquittement apparaissent manifestement supérieures à la probabilité d'une condamnation. Dans de telles situations, le ministère public, dans le cadre des compétences juridictionnelles que le législateur lui a attribuées, doit pouvoir rendre une décision (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1047/2019 du 15 janvier 2020 consid. 3.1 et les références citées). 

2.2.3. La calomnie est une forme qualifiée de diffamation (art. 173 CP), dont elle se distingue en cela que les allégations attentatoires à l'honneur sont fausses, que l'auteur doit avoir eu connaissance de la fausseté de ses allégations et qu'il n'y a dès lors pas de place pour les preuves libératoires prévues dans le cas de la diffamation (cf. art. 173 ch. 2 CP ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1040/2022 du 23 août 2023 consid. 3.1.1et 6B_1215/2020 du 22 avril 2021 consid. 3.1).

2.2.4. Se rend coupable d'injure au sens de l'art. 177 CP quiconque attaque autrui dans son honneur par la parole, l’écriture, l’image, le geste ou par des voies de fait.

2.3.1. L'honneur protégé par ces dispositions est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'homme. Tel est le cas lorsqu'on évoque une infraction pénale ou un comportement clairement réprouvé par les conceptions morales généralement admises (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.2). La réputation relative à l'activité professionnelle ou au rôle joué dans la communauté n'est pas pénalement protégée. Il en va ainsi des critiques qui visent comme tels la personne de métier, l'artiste ou le politicien, même si elles sont de nature à blesser et à discréditer (ATF 119 IV 44 consid. 2a; ATF 105 IV 194 consid. 2a).

2.3.2. Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut se fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon la signification qu'un destinataire non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.3).

2.4. L'art. 179 CP réprime, sur plainte, quiconque, sans en avoir le droit, ouvre un pli ou colis fermé pour prendre connaissance de son contenu ou quiconque, ayant pris connaissance de certains faits en ouvrant un pli ou colis fermé qui ne lui est pas destiné, divulgue ces faits ou en tire profit.

2.5. En l'espèce, le recourant plaide selon trois axes pour soutenir le caractère attentatoire à l'honneur du discours tenu par le mis en cause lors de l'assemblée générale du 11 juin 2022 : les allégations d'un comportement "inapproprié" de sa part au sein du secrétariat ; sa participation à de prétendues intrigues pour destituer la présidence de l'association ; et les accusations d’avoir violé le "secret de fonction".

Pour les deux premiers, la teneur des déclarations du mis en cause ne saurait tomber sous le coup des art. 173 ss CP.

Sur les problèmes liés au secrétariat, le précité est resté évasif, parlant d'une lettre des anciens subordonnés du recourant qui s’affirmaient "épuisés" par le "comportement inapproprié" de ce dernier. Ces assertions, sans autre détail, ne permettaient pas à un tiers non averti – et même pas, en l'occurrence, aux participants à l'assemblée générale – de soupçonner la nature du comportement en question, et notamment pas d’en inférer un caractère pénalement qualifié. Les termes utilisés ne constituent pas un reproche univoque contre le recourant ni une atteinte à l'honneur de celui-ci. Ils renvoient à son attitude dans l’exercice de ses tâches contractuelles et à la réaction des membres du secrétariat dont il avait la responsabilité, autrement dit à un contexte purement professionnel.

Ne sont pas non plus attentatoires à l’honneur les explications du mis en cause sur de prétendus agissements "en sous-main" du recourant, qui auraient visé à contribuer à "se débarrasser" des co-présidents de l'association. Les termes utilisés peuvent, certes, dépeindre l'intéressé comme un intriguant, mais en tout cas pas comme une personne méprisable au sens du droit pénal. Au surplus, ce passage du discours s’inscrivait dans le cadre de la vie de l’association, en particulier la composition et la formation du comité, puisque le locuteur entendait, expressément, revenir sur des événements survenus à ce sujet lors de la précédente assemblée générale et exposer les derniers développements depuis lors.

L'accusation de violation du "secret de fonction" succède immédiatement à la partie du discours où le mis en cause affirme disposer de "la preuve indubitable" de ce qu'il venait d’avancer, à savoir le courriel du 12 mai 2022. Le contenu de ce message, dont le recourant est le premier destinataire – alors qu’à cette date-là il n’était plus employé par l’association et que son auteur [H______] avait quitté le comité à l’assemblée générale précédente –, montre que le mis en cause ne doutait pas – et n’avait pas de raison de douter – de l’exactitude de ses allégations, à savoir que ledit message prouvait que le recourant ne s’était pas tenu au secret auquel il était encore astreint malgré son licenciement, pour avoir entretenu des contacts avec une personne extérieure au comité qui cherchait à recruter des candidatures pour rejoindre cet organe de l’association. En tenant compte des explications données au début de l’allocution et de la teneur du courriel – lu peu auparavant à l'assemblée –, on comprend que le mis en cause reprochait au recourant d'avoir divulgué des informations sur "le fonctionnement de l'association", en lien avec le système d'élection du comité et deux candidats en lice lors de l’assemblée générale de 2021 (cf. pièce n° 1 jointe à la plainte).

Peu importe que le recourant n’ait pas été soumis, dans le cadre de son emploi, au secret de fonction protégé par l'art. 320 CP. Il restait tenu par une obligation de confidentialité, telle qu’elle s’exprime à l’art. 12 de son contrat de travail. Peu importe aussi que cette disposition contractuelle utilise la notion de secret "professionnel" dans un sens qui ne semble pas exactement celui des titulaires énumérés à l’art. 321 CP.

Malgré cette terminologie et indépendamment du caractère sensible des activités statutaires (que le recourant n’étaye pas), il apparaît que le mis en cause reprochait à celui-ci, non pas d'avoir enfreint une disposition pénale, mais de n'avoir pas respecté le devoir de confidentialité auquel le soumettait son contrat de travail encore après la cessation des rapports contractuels, ce qui est du reste le contenu de la lettre de résiliation.

Même si tel devait être le cas, le mis en cause pourrait se prévaloir de preuves libératoires. Non seulement il avait des raisons suffisantes de tenir ses déclarations pour vraies, puisqu'il voyait dans le courriel du 12 mai 2022 la "preuve indubitable" de ses assertions, mais sa qualité de membre du comité de l'association – et même de coprésident – lui conférait un intérêt légitime et suffisant, si ce n’est le devoir légal (cf. art. 64 al. 1 et 69 al. 1 CC), d’informer les membres réunis en assemblée générale sur un point important de la vie de l’association, ne serait-ce qu’au vu du contexte conflictuel qui semble avoir plané sur l’assemblée générale précédente, en 2021.

En définitive, les faits dénoncés ne réalisent pas les conditions des infractions protégeant l'honneur.

2.6. Reste la violation de secrets privés.

Nul n'est besoin de trancher la controverse de savoir si un courriel tombe dans le champ d'application de l'art. 179 CP (cf. A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017).

Le message en cause a été envoyé sur la boîte électronique professionnelle du recourant près de dix mois après son licenciement. Ce dernier n'a jamais allégué – ni démontré – avoir, à l'époque, l'usage exclusif de cet outil informatique, mis à disposition par son employeur. Il n'est également pas établi que cette boîte électronique eût été protégée par un mot de passe. Enfin, le contrat autorisait l’employeur à opérer des vérifications sur les diverses connexions internet à disposition du recourant. Par surcroît, au vu du temps écoulé depuis la fin des rapports de travail, il est raisonnable de considérer que l'adresse électronique au nom du recourant était (re)devenue librement accessible à l'association, laquelle pouvait prendre connaissance du courriel du 12 mai 2022.

Là aussi, les conditions de l'infraction en cause ne sont pas réunies.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère infondé, pouvait être d'emblée traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente ; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges ; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/27123/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00