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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/26729/2023

ACPR/529/2024 du 19.07.2024 sur ONMMP/2395/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;SOUPÇON;DOMMAGES À LA PROPRIÉTÉ(DROIT PÉNAL);LÉSION CORPORELLE SIMPLE;VIOLATION DE DOMICILE
Normes : CPP.310; CP.123; CP.144; CP.186

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/26729/2023 ACPR/529/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 19 juillet 2024

 

Entre

A______, représentée par Me Mirolub VOUTOV, avocat, de Candolle Avocats, place des Eaux-Vives 3, 1207 Genève,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 31 mai 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 13 juin 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 31 mai précédent, notifiée le 3 juin suivant, par laquelle le Ministère public a renoncé à entrer en matière sur ses plaintes.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et à l'ouverture d'une instruction. Elle sollicite également d'être mise au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite.

b. La recourante a été dispensée de verser les sûretés (art. 383 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 6 décembre 2023, A______, née le ______ 1963, a déposé plainte contre "inconnu" des chefs de dommages à la propriété et violation de domicile, étant précisé qu'elle entretenait "de forts soupçons à l'encontre des habitants de la bâtisse" où elle réside, et plus particulièrement contre B______, C______ et D______.

En substance, elle avait découvert, le 29 septembre 2023, qu'un intrus était entré chez elle pour poser un dispositif, soit un morceau de tresse d'isolation, l'empêchant de fermer sa porte palière. Par la suite, d'autres détériorations avaient été causées sur la barre métallique de sécurité de ladite porte.

b. Le 16 janvier 2024, elle a complété sa plainte.

Plusieurs parties de son corps (tibias, mollets) affichaient des "imprégnations noirâtres", causées par des "intrus" entrés chez elle durant son sommeil. Ces personnes lui avaient également causé des hématomes, plaies et autres lésions, dont certaines punctiformes, "résultant possiblement d'injonctions". L'utilisation d'un gaz soporifique semblait nécessaire pour la commission des infractions. Le ou les auteur(s) avai(en)t endommagé, par "usure superficielle", plusieurs de ses biens personnels et imprégné des (sous-)vêtements avec des substances causant des lésions corporelles. Elle avait encore constaté des dégâts sur les "installations de l'appartement" (bouilleur électrique, plancher, conduites) et sur l'appartement lui-même (mur du couloir).

c. Le 6 février 2024, A______ a avisé le Ministère public de "faits nouveaux" constitutifs, selon elle, de nouvelles violations de son domicile et de dommages à la propriété.

d. En annexe à ses plaintes, A______ a produit une myriade de photographies:

- de parties de son corps, montrant diverses lésions superficielles, rougeurs ou autres marques de la peau;

- d'objets ou vêtements (par exemple: chaussures, gants en latex, pantalons, chargeurs de téléphone) présentant des altérations variées;

- d'installations de son appartement ou de l'immeuble (par exemple: tuyauterie, parquet en bois, murs) marqués par la vétusté, l'usage ou encore l'humidité.

Elle a également fourni des attestations médicales, faisant état de "lésions difficilement explicables", dont certaines pouvaient "évoquer une intervention extérieure".

e. Entendus par la police, D______ et B______ ont contesté les faits.

Le premier a expliqué que A______ avait "blindé" sa porte d'entrée et, probablement, installé elle-même la tresse d'isolation pour se protéger du froid. Le second a estimé qu'elle avait des "problèmes psychologiques", avec une "profonde haine envers tout le monde".

f. La police a, le 19 janvier 2024, transmis au Service de protection de l'adulte (ci-après: SPAd) et au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: TPAE) un rapport concernant A______.

À teneur de ce document, une intervention avait eu lieu dans l'appartement de la précitée le 19 décembre 2023, au cours de laquelle l'intéressée avait expliqué utiliser sa gazinière pour chauffer son logement, accumulant de la sorte le dioxyde de carbone, ce qui pouvait s'avérer dangereux. Elle avait, en outre, tenu des propos "farfelus" et son domicile présentait un état "de vétusté et d'insalubrité important".

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public constate le caractère contradictoire des versions données par les parties et l'absence d'élément de preuve objectif, permettant d'en corroborer l'une plutôt que l'autre. Rien ne permettait dès lors de retenir que les infractions dénoncées avaient eu lieu et, dans l'affirmative, qu'elles auraient été commises par un tiers.

D. a. Dans son recours, A______ soutient avoir suffisamment décrit les faits pour des infractions pénales "facilement identifiables" et fourni les preuves de leur existence. Avec ces "indices concrets de la commission d'infractions", il appartenait au Ministère public d'instruire la cause. Il fallait la confronter à D______ et B______ pour clarifier certains points, notamment pour savoir comment le premier pouvait prétendre, sans être entré chez elle, qu'elle avait "blindé" sa porte. En outre, les faits dénoncés ne consacraient pas sa "version", puisque cela supposait une "interprétation". Or, ses déclarations reposaient sur des éléments de preuve et le Ministère public avait ainsi abusé de son pouvoir d'appréciation. Enfin, la personne venue réparer, à la fin de l'été 2023, sa porte palière aurait pu être entendue comme témoin et l'assistance d'un chien et des prélèvements ADN étaient susceptibles d'identifier le ou les auteur(s).

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante reproche au Ministère public de n'être pas entré en matière sur ses plaintes.

2.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé.  Les indices relatifs à la commission d'une infraction impliquant l'ouverture d'une instruction doivent être importants et de nature concrète. De simples rumeurs ou de simples suppositions ne suffisent pas. Le soupçon initial doit au contraire reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_488/2021 du 22 décembre 2021 consid. 5.3; 6B_212/2020 du 21 avril 2021 consid. 2.2; 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1).

2.2.1. Aux termes de l'art. 123 al. 1 CP est punissable quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé, tels que des blessures, meurtrissures, hématomes, écorchures ou des griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (ATF 132 IV 189 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_652/2023 du 11 décembre 2023 consid. 1.1.4).

2.2.2. L’art. 144 ch. 1 CP réprime le comportement de quiconque endommage, détruit ou met hors d'usage une chose, soit appartenant à autrui, soit frappée d'un droit d'usage ou d'usufruit au bénéfice d'autrui.

2.2.3. Se rend coupable de violation de domicile quiconque, d’une manière illicite et contre la volonté de l’ayant droit, pénètre dans une maison, dans une habitation, dans un local fermé faisant partie d’une maison, dans un espace, cour ou jardin clos et attenant à une maison, ou dans un chantier, ou y demeure au mépris de l’injonction de sortir à lui adressée par un ayant droit (art. 186 CP).

2.3. En l'espèce, les accusations de la recourante, et les pièces produites à leur appui, ne fondent pas le début d'un soupçon de réalisation d'une infraction pénale.

Une multitude des dégâts ou lésions – superficiels – qu'elle cherche à mettre en exergue au travers de ses plaintes peuvent s'expliquer de manière naturelle. D'autant que selon le rapport transmis au SPAd et au TPAE, son appartement présente, de base, un état d'insalubrité important et qu'elle avait pour habitude d'utiliser la gazinière pour chauffer son logement.

En outre, aucun élément concret ne permet de conclure de manière sérieuse à une intervention d'un tiers, ni à une présence étrangère dans l'appartement de la recourante à l'insu de celle-ci. Les certificats médicaux produits ne font qu'évoquer une telle possibilité sans être affirmatifs, certitude que le médecin signataire, compte tenu des circonstances et des lésions en question, ne pourrait de toute manière pas acquérir sur la base des seules déclarations de sa patiente.

Quoiqu'il en soit, la recourante a fait part, dans sa plainte déposée contre "inconnu", de ses "forts soupçons" à l'encontre des mis en cause, sans jamais fournir la moindre explication ou justification qui permettrait de les fonder. En d'autres termes, ses accusations reposent sur ses seules convictions, qu'elle n'a pas étayées. Il n'y a donc aucune raison d'envisager, à ce stade, que les mis en cause seraient à l'origine des faits dénoncés, étant précisé qu'ils ont intégralement contesté ces accusations.

En définitive, le dossier n'offre aucune assise pour identifier d'hypothétiques auteurs, ni même pour retenir la commission d'une infraction.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait d'emblée être traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             La recourante sollicite l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours.

4.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle ne dispose pas des ressources suffisantes et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. a), à la victime, pour lui permettre de faire aboutir sa plainte pénale, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l’action pénale ne paraît pas vouée à l’échec (let. b). L'assistance judiciaire comprend, notamment, l'exonération des frais de procédure (art. 136 al. 2 let. b CPP).

4.2. La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. L'assistance judiciaire peut être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée (par exemple en raison du dépôt tardif de la plainte ou d'une infraction ne protégeant pas les intérêts privés) ou si la procédure pénale est vouée à l'échec, notamment lorsqu'une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement doit être rendue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_49/2019 du 20 mai 2019 consid. 3.1).

4.3. En l'occurrence, sans même examiner la question de l'indigence, force est de retenir que le recours était voué à l'échec pour les motifs exposés plus haut, de sorte que les conditions pour l'octroi de l'assistance judiciaire ne sont pas remplies.

La demande sera, partant, rejetée.

5.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 400.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

Le refus d'octroi de l'assistance juridique gratuite est, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance judiciaire gratuite.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 400.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/26729/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

315.00

Total

CHF

400.00