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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19826/2023

ACPR/510/2024 du 12.07.2024 sur ONMMP/1989/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SOUPÇON;REDDITION DE COMPTES;SUBSIDIARITÉ
Normes : CPP.310

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19826/2023 ACPR/510/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 12 juillet 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Jörn-Albert BOSTELMANN et Me Grégoire MANGEAT, avocats, et faisant élection de domicile en l'Étude Mangeat Avocats Sàrl, rue de Chantepoulet 1, case postale, 1211 Genève 1,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 8 mai 2024 par le Ministère public

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 23 mai 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 8 mai 2024, notifiée le 13 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur ses plaintes des 13 septembre, 8 et 28 novembre 2023 contre B______.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision et à l’injonction au Ministère public de l’entendre, ainsi que quatre autres personnes, et de requérir du Ministère public du canton de Berne la copie d’une procédure visant B______.

b. Il a versé les sûretés, en CHF 2'000.-, qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.        Entre mai 1998 et octobre 2022, A______ a confié à B______, par le truchement de mandats signés en faveur des sociétés C______ SA, D______ SA et E______ SA qui ont employé successivement celui-ci, la gestion de comptes qu’il détenait auprès des banques F______ et G______, à Genève.

b.        En juillet 1998, un peu plus de six millions d’actions H______ SA ont été déposées pour lui chez F______. En mai 2000, son compte [ouvert auprès de la banque] G______ a reçu 738'000 actions H______ SA, provenant d’une banque à I______ [France]. L’ensemble de ces titres pesaient 5 %, voire 5,7 % du capital social de la société.

c.         Dès l’année 2001, de nombreuses transactions (vente, achat, transferts) sont intervenues. Les ventes ont été principalement passées sur le compte G______, avec les bonifications correspondantes inscrites au crédit.

d.        Le 10 mai 2013, A______ a été entendu, en qualité de témoin affirme-t-il, dans le cadre d’une information pénale ouverte à I______ pour délit d’initié et manipulation de cours, à l’occasion d’une prise de participation par des tiers (à l’insu d’actionnaires principaux et de dirigeants de la société) dans le capital de H______ SA, à l’automne 2010, et à laquelle lui-même n’avait pas vu d’ « objection » [pièce PP 100'015]. Selon une demande en justice formée à Genève par B______, en 2016, A______ avait même agi avec « bienveillance » et été un « allié » dans l’opération (pièce PP 1'000'207, 1'000'244).

Les juges s’intéressaient à savoir s’il était encore à cette époque propriétaire direct ou indirect de ses actions [pièce PP 100'011]. Selon A______, cette procédure pénale aurait fini par être classée [pièce PP 100'014].

e.         Il résulte du rapport d’une fiduciaire mandatée par A______ que ses ventes de titres entre janvier 2008 et octobre 2010 lui avaient rapporté une plus-value de quelque EUR 53'700'000.- [pièce PP 1'000'287]. Ces opérations ont attiré l’attention de l’Autorité française de surveillance des marchés financiers (AMF), qui, en 2011, a requis et obtenu de la FINMA – contre l’opposition de A______ [pièce PP 1'000'646] – l’assistance administrative au sujet de mouvements intervenus entre 2008 et 2010 sur des comptes dont il était l’ayant droit économique.

f.          En 2016, A______ a à nouveau été convoqué, en qualité de témoin [pièce PP 1'000'184], chez le juge d’instruction parisien, saisi d’une plainte de H______ SA pour faux et usage de faux commis en France et en Suisse. Selon lui, les soupçons portaient sur les attestations de titres et cartons de vote qu’il avait signés à l’instigation de B______. Celui-ci lui aurait déconseillé de comparaître et aurait été mis en examen.

g.        Le 5 septembre 2022, A______ a transféré chez [la banque] J______ toutes ses valeurs déposées chez F______. Le mois suivant, il a mis un terme à tous les pouvoirs qu’il avait conférés à B______.

h.        Par avocat, il a ensuite cherché à établir sa situation patrimoniale, telle qu’il l’avait confiée au prénommé, en vue d’organiser sa succession. E______ SA (anciennement société en nom collectif A______ & B______, pièce PP 1'000'748) lui a répondu qu’elle n’exerçait plus aucun mandat en sa faveur et l’a invité à s’adresser directement aux banques concernées, tout en restant disposée à fournir (et semble avoir fourni) les renseignements et pièces qu’elle détenait encore.

i.          Au mois de septembre 2023, puis encore en novembre 2023, A______, produisant de multiples pièces dans un ordre disparate, a déposé trois plaintes pénales visant principalement B______ et l’administrateur de E______ SA :

-          Selon la première plainte, il n’avait pas pu obtenir de renseignements de leur part, nonobstant les art. 400 ss. CO, ce qui le laissait supposer que des actes intentionnels avaient été commis à son détriment et avaient lésé sa fortune, pour l’essentiel composée de ses titres H______ SA. Il attendait de B______ qu’il préservât ceux-ci, « sauf à effectuer des opérations de rachat/vente selon les cours de bourse » [pièce 100'003]. Les actes de B______, qui « ne voulait ni ne pouvait » lui restituer ces actions, d’une valeur à ce jour de 9 milliards d’euros, avaient commencé en 2001 ; ils formaient un délit continu, constitutif de « l’affaire du siècle au sens large ». Sont ainsi visées quatorze infractions distinctes [l’une est répétée], dont la gestion déloyale et le faux dans les titres.

-          Selon la deuxième plainte, il conviendrait de s’intéresser à une fondation en Valais dont il était le président et dont B______ venait de quitter le conseil, ainsi qu’à deux prêts [pièces PP 100'125 à 100'128] que B______ lui avait versés sur son compte [ouvert auprès de la banque] J______, en mars 2022. Sur le premier point, la constitution de la fondation soulevait des « interrogations » sur E______ SA en matière de gestion, commissions et frais. Sur le second, B______ avait prélevé les fonds prêtés dans une hoirie dont celui-ci était l’exécuteur testamentaire. Il conviendrait aussi de s’intéresser à des fonds spéculatifs [« hedge funds »] dans lesquels B______ avait investi à partir du compte J______ et qui étaient les seuls « résidus » actuels de sa fortune.

-          Selon la troisième plainte, d’autres fonds spéculatifs avaient été découverts ; comme aucun n’était enregistré dans aucune base de données répertoriant ce type d’instruments financiers, il pourrait s’agir de placements privés « avec des codes Isin » [numéro d’identification international unique attribué à chaque valeur et à chaque organisme de placements collectifs en valeurs mobilières], à rechercher par l’enquête. Selon toute vraisemblance, ces placements n’avaient aucune contrepartie. Au demeurant, ils avaient été développés ou promus par un collègue de B______ chez D______ SA, et cette personne semblait avoir déjà eu maille à partir avec la justice genevoise.

j.          Le 6 mai 2024, le Ministère public a versé au dossier des extraits du Registre du commerce concernant C______ SA, D______ SA, E______ SA et la fondation valaisanne.

Le surlendemain, il a rendu la décision attaquée.

C. Dans celle-ci, le Ministère public se prononce sur les art. 158 et 251 CP. Il estime que A______ n’avait pas précisément décrit les avoirs confiés à B______, respectivement à E______ SA, ni quels documents l’auraient abusé. Ainsi, A______ n’était parvenu à attester du transfert en Suisse que de 1,8 million de titres H______ SA, et non des quelque 6 millions qu’il alléguait dans sa plainte, sans avoir donné de détail sur les avoirs, titres et fonds qu’il prétendait disparus. Comme titulaire des relations créditées, il pouvait vérifier à tout instant les opérations passées, voire résilier les mandats de gestion. La violation d’un devoir général de restituer ou de rendre des comptes n’équivalait pas à la violation de devoirs de gestion, au sens du droit pénal. Le litige était de nature civile.

Quant au faux dans les titres, A______ n’avait désigné aucun document qui pût revêtir la qualité de titre, avait au demeurant, de son propre aveu, signé de nombreux blancs-seings et n’alléguait pas avoir été contraint ou astucieusement trompé dans la signature des documents qui lui étaient présentés.

Ses réquisitions de preuve, à caractère exploratoire, n’avaient pas à être suivies, sauf à se prêter à une reddition de comptes.

D. a. À l’appui de son recours, complété par une trentaine de pièces, A______ se défend de n’avoir pas, ou d’avoir insuffisamment, décrit les faits dont il s’estime victime. C’étaient les plus de 6 millions d’actions H______ SA au porteur confiées à B______ qui constituaient sa fortune ; il avait commencé par en déposer en Suisse environ 1,8 million, en 1998, puis en avait hérité 235'000, en 2004, et, enfin, avait bénéficié d’un triplement de leur nombre par suite d’une décision de l’assemblée générale de H______ SA, en 2006 [trois actions nouvelles échangées contre chaque action ancienne annulée]. À ce jour, il n’en détenait plus aucune et n’avait pas pu s’en apercevoir, puisque B______ recevait toute la correspondance bancaire. Sa perte avoisinait 12 milliards d’euros, au cours du jour.

La décision attaquée ne se prononçait pas sur les deuxième et troisième plaintes pénales. Or, il se retrouvait maintenant débiteur personnel de deux prêts, et le créancier, au nom de qui avait agi B______, avait déposé plainte pénale contre celui-ci dans le canton de Berne. Quant aux investissements dans des fonds spéculatifs, ils étaient « circulaires, non transparents » et « en lien avec B______ et D______ SA », puisque leur gestionnaire avait travaillé dans cette société en même temps que B______, entre 2001 et 2006.

La « gigantesque escroquerie » dont il avait été victime était indécelable pour le commun des mortels.

Âgé de 81 ans, il avait même été dénoncé, mais en vain, par B______ à l’Autorité de protection de l’adulte de son lieu de résidence.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al.1, 384 al. 1 let. et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 310 al. 2, 322 al. 2 et 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             À titre liminaire, il faut concéder au recourant que la décision du Ministère public n’a, en réalité, traité que la première de ses trois plaintes pénales.

Peu importe, cependant : le recourant n’invoque pas de violation de son droit d’être entendu et, pour les raisons développées plus bas, l’absence, dans la décision querellée, de toute motivation sur les accusations relatives aux fonds spéculatifs n’implique exceptionnellement pas – alors qu’elle l’aurait dû (parmi d’autres : ACPR/349/2024) – l’annulation, d’office et d’emblée, de la décision attaquée et le renvoi de la cause au Ministère public.

3.             Le recourant se plaint d’une escroquerie de grande ampleur, mais ne consacre aucune motivation de son recours aux éléments constitutifs de l’art. 146 CP, pas plus qu’à ceux des treize autres infractions qu’il visait forfaitairement dans l’en-tête de sa (première) plainte pénale. Au vu du contexte général de l’affaire, seule la gestion déloyale (art. 158 ch. 1, al. 1 et 3, CP) peut entrer en considération, comme l’a retenu le Ministère public, quand bien même le recourant, qui plaide avec le concours d’un mandataire professionnellement qualifié, se borne à affirmer sommairement que le mis en cause aurait « géré de manière déloyale [s]a fortune ».

4.             En revanche, le faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) ne sera pas examiné, faute de grief (art. 385 al. 1 let. b CPP). Au demeurant, ni dans ses plaintes ni dans son acte de recours, le recourant n’a désigné ni produit les blancs-seings qu’il aurait signés et dont le contenu n’aurait pas correspondu à sa volonté.

5.             Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Le ministère public ne peut pas rendre une ordonnance de non-entrée en matière (art. 310 CPP) après avoir ouvert une instruction. Une telle ordonnance doit ainsi être rendue à réception de la plainte et ceci, avant qu'il ne soit procédé à de plus amples actes d'enquête et qu'une instruction soit ouverte, sous réserve de quelques opérations simples de la part du ministère public au préalable (L. MOREILLON / A. PAREIN‑REYMOND, Petit commentaire CPP, Bâle 2016, n. 4 ad art. 310; arrêt du Tribunal fédéral 1B_368/2012 du 13 mai 2013 consid. 3.2.). Lorsqu'il agit ainsi, le ministère public n'ouvre pas d'instruction, et l'enquête se poursuit ou est engagée dans le cadre de l'investigation policière (art. 306 CPP ; A. KUHN/ Y. JEANNERET/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 22 ad art. 309). La loi n'exclut l'ouverture que dans les cas où le dossier ne contient aucun élément concret et où l'enquête s'apparenterait à une « fishing expedition », soit la recherche indéterminée de moyens de preuve, ou lorsqu'il existe uniquement des rumeurs floues ou des hypothèses. Le ministère public dispose ainsi d'un très large pouvoir d'appréciation pour estimer qu'il existe des soupçons justifiant l'ouverture d'une instruction (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 8 ad art. 309 et les références).

6.             Dans sa première plainte pénale, prolixe et dont l’exposé en fait ne s’avère pas d’une grande clarté, le recourant faisait valoir, en bref, avoir été totalement spolié par son gérant de fortune des actions H______ SA qu’il avait fait transférer sur des comptes bancaires en Suisse et qui constituaient l’essentiel de sa fortune.

6.1.       L’art. 158 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui, en vertu de la loi, d’un mandat officiel ou d’un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d’autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu’ils soient lésés (al. 1). La peine sera aggravée si l’auteur a agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (al. 3).

6.2.       L’infraction ne peut être commise que par une personne qui revêt la qualité de gérant. Selon la jurisprudence, il s'agit d'une personne à qui incombe, de fait ou formellement, la responsabilité d'administrer un complexe patrimonial non négligeable dans l'intérêt d'autrui (ATF 129 IV 124 consid. 3.1). Le gérant de fortune constitue un exemple typique de gérant au sens de l'art. 158 CP (ATF 120 IV 190 consid. 2b).

6.3.       Pour qu'il y ait gestion déloyale, il faut que le gérant ait violé une obligation liée à la gestion confiée (ATF 123 IV 17 consid. 3c). Le comportement délictueux consiste à violer le devoir de gestion ou de sauvegarde. Pour dire s'il y a violation, il faut déterminer concrètement le contenu du devoir imposé au gérant. Cette question s'examine au regard des rapports juridiques qui lient le gérant au titulaire des intérêts pécuniaires qu'il administre, compte tenu des dispositions légales ou contractuelles applicables (arrêts du Tribunal fédéral 6B_223/2010 du 13 janvier 2011 consid. 3.3.2 ; 6B_446/2010 du 14 janvier 2010 consid. 8.4.1).

6.4.       L'infraction de gestion déloyale n'est enfin consommée que s'il y a eu un dommage patrimonial, qui peut se traduire non seulement par une diminution de l'actif, une augmentation de passif, une non-augmentation de l'actif ou une non-diminution du passif, mais aussi par une mise en danger de celui-ci telle qu'elle a pour effet d'en diminuer la valeur du point de vue économique (ATF 129 IV 124 consid. 3.1). En matière de gestion de fortune, le dommage est calculé en confrontant le résultat du portefeuille administré en violation du mandat avec celui d'un portefeuille hypothétique constitué et géré conformément au contrat et pendant la même période (ATF 144 III 155 consid. 2.2.2). Cette méthode permet, en effet, de prendre en considération, à l'avantage du gérant fautif, la perte que le mandant aurait probablement subie aussi avec un gérant consciencieux, par l'effet d'une baisse généralisée des cours dans la période en cause (arrêt du Tribunal fédéral 4C.158/2006 du 10 novembre 2006 consid. 4), ce qui se justifie car une perte de ce genre ne se trouve pas en lien de causalité avec l'exécution défectueuse du contrat (arrêt du Tribunal fédéral 4A_481/2012 du 14 décembre 2012 consid. 3).

En toute hypothèse, l'infraction de gestion déloyale requiert l'intention, qui doit porter sur tous les éléments constitutifs (qualité de gérant, violation du devoir de gestion et dommage). Le dol éventuel suffit (ATF 129 IV 125 consid. 3.1; 123 IV 17 consid. 3e), mais doit être strictement caractérisé (ATF 123 IV 17 consid. 3e).

6.5.       Il n'est pas contesté en l'espèce que les parties ont été liées par un contrat de gestion de fortune, auquel s'appliquent les règles du mandat, à tout le moins en ce qui concerne les devoirs et la responsabilité du gérant (art. 398 al. 2 CO ; ATF
124 III 155 consid. 2b).

Cela étant, les accusations du recourant sont presque entièrement fondées sur un prétendu silence de son gérant à le renseigner au sujet de l’évolution de son patrimoine en Suisse. Ce faisant, il méconnaît la portée des pouvoirs qu’il a conférés aux sociétés de gestion de fortune qu’il a mandatées (et qui agissaient par la personne mise en cause). Ces pouvoirs sont aussi explicites qu’étendus, et le recourant ne prétend pas ne pas en avoir compris la portée lorsqu’il les a signés ou avoir été trompé sur celle-ci. Or, ils laissaient à la discrétion du gérant les choix de fructification de son patrimoine.

Que le recourant ait fait aveuglément confiance à son interlocuteur pour la concrétisation des opérations de gestion ne saurait être l’indice d’une déloyauté du mandataire mis en cause. Comme le relève la décision attaquée, on ne voit pas qui (ni ce qui) empêchait le recourant de s’intéresser à l’évolution de son patrimoine, puisqu’il restait titulaire de toutes les relations bancaires en Suisse auxquelles il avait permis au gérant d’accéder ; à vrai dire, le recourant ne prétend nullement avoir été privé d’informations pendant la durée de ses relations avec le gérant de fortune, mais uniquement à partir du moment où il a chargé un avocat de se renseigner aux fins d’établir l’état de sa fortune dans une perspective successorale. Il importe donc peu que la correspondance bancaire ne lui ait pas été remise au fur et à mesure des opérations dont il a fourni le détail avec ses plaintes. Au demeurant, la dernière société mandatée n’a pas manqué de lui rappeler qu’il pouvait – et ferait mieux – de se tourner directement vers les banques, tout en se montrant disposée à lui fournir ce qu’elle pouvait.

Quant au préjudice très élevé qu’il invoque, le recourant le fonde sur deux postulats, l’un étant la dissipation totale, à son insu, des quelque 5 % du capital de H______ SA dont il était le détenteur en 1998 et l’autre, l’évaluation de ces actions au jour de sa première plainte, en 2023 (évaluation inférieure d’un tiers au montant qu’il allègue dans le recours, sans qu’il ne s’explique de pareille plus-value).

Il se contente d’avancer que le gérant visé ne pourrait ni ne voudrait lui restituer ses actions, alors qu’il l’avait autorisé à réaliser avec elles « des opérations de rachat/vente selon les cours de bourse » et qu’il produit nombre de pièces montrant des ventes/achats lui ayant procuré de substantielles plus-values, notamment entre janvier 2008 et octobre 2010, période précédant l’entrée dans H______ SA d’investisseurs contre lesquels il n’avait eu aucune « objection ». Il affirme, de même, que le gérant refuserait de lui rendre des comptes à ce sujet, alors qu’il fournit les pièces susmentionnées (et notamment le rapport de la fiduciaire, en 2018), qui comportent ou confirment l’inscription des bonifications correspondant aux opérations exécutées. Il ne prétend même pas que les soupçons de délits d’initié qui ont conduit l’AMF à se pencher sur le sort des titres qu’il détenait en Suisse résulteraient d’une déloyauté du gérant ; au contraire, il s’est opposé – en 2022 encore (cf. pièce PP 1'000'648) – à toute coopération avec l’autorité étrangère à ce sujet. À en croire les allégations du gérant dans sa demande en justice de 2016, il aurait plutôt été un allié bienveillant de celui-ci dans l’échafaudage de l’opération ayant suscité la curiosité de l’autorité boursière.

Aucun des éléments qui précèdent n’est démenti par la multitude de relevés de comptes ou placements, de bien-trouvés (signés par le recourant), d’instructions (souvent signées par le recourant), de rapports de visite, de correspondance interpellative, etc., dont le recourant semble vouloir le dépouillement par l’autorité pénale, sous prétexte que le gérant ferait indument la sourde oreille à ses demandes depuis 2022.

Or, si le recourant attendait du Ministère public l’ouverture d’une instruction, il lui incombait, tout au contraire, de rendre vraisemblables des indices de gestion déloyale (art. 309 al. 1 let. a CPP).

On ne voit pas quelle investigation serait susceptible d’infirmer ce qui précède, sauf à demander au Ministère public de se livrer à une recherche indéterminée de moyens de preuve, ce qui ne serait pas admissible (ACPR/403/2024 du 30 mai 2024 consid. 3.2.1 et la référence).

Dans la même optique, on ne voit pas en quoi les prêts accordés au recourant en 2022 – et qu’il a signés de sa main, en qualité d’emprunteur (pièces PP 100'126, 100'128) – seraient l’indice d’une gestion déloyale à son détriment, plutôt qu’à l’hoirie dont ils proviendraient. Il s’ensuit que l’existence d’une éventuelle procédure pénale en cours contre le gérant dans le canton de Berne, à l’initiative de l’hoirie, n’a pas de pertinence pour juger des accusations du recourant à Genève.

La même réponse doit être apportée à l’investissement dans des fonds spéculatifs prétendus douteux. En effet, même si l’initiateur présumé de ces placements s’était apparemment trouvé au sein de la même société que le gérant susvisé – mais il y a plus de dix-huit ans – et/ou même si ce concepteur avait eu à s’expliquer devant une autorité pénale pour d’autres faits, le recourant ne fait, par-là, qu’insinuer une possible connivence entre ces deux personnes, sans fournir d’indice de l’implication du gérant dans les investissements spéculatifs et/ou dans une affaire pénale dont on ignore les détails. Le recourant procède ici par amalgame de faits épars et par supputations.

Partant, la décision du Ministère public ne viole ni l’art. 310 CPP ni l’art. 158 CP.

7.             Indépendamment des considérations qui précèdent, l’ensemble des griefs soulevés par le recourant ressemble à une action en reddition de comptes. L’expression revient, du reste, à plusieurs reprises dans ses démarches épistolaires et écritures. Cette action s’inscrit typiquement parmi les effets d’une fin de mandat (cf. art. 400 al. 1 CO). Or, une non-entrée en matière s’impose lorsque le litige est de nature purement civile (ATF 137 IV 285 consid. 2.3).

C’est d’autant plus vrai que le Tribunal fédéral n’a, encore récemment, pas rejeté l’application du principe de subsidiarité du droit pénal lorsque des relations contractuelles avaient pré-existé entre les parties (arrêt 6B_20-21/2020 du 31 août 2020 consid. 2.4.), comme ce fut le cas en l’espèce.

Dans un tel contexte, une confrontation des parties et des auditions de témoins non directement liés aux faits pertinents (comme requises dans les conclusions du recours) n’amèneraient rien de plus que ce qui résulte déjà du dossier.

6.             Le recours doit par conséquent être rejeté, et la Chambre de céans pouvait décider d'emblée de le traiter sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

7.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 2'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 2'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son conseil) et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente ; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges ; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/19826/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'915.00

Total

CHF

2'000.00