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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/8138/2018

ACPR/506/2024 du 11.07.2024 sur OMP/24362/2023 ( MP ) , REJETE

Normes : CPP.118; CP.33

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8138/2018 ACPR/506/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 11 juillet 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Nicola MEIER, avocat, HAYAT & MEIER, place du Bourg-de-Four 24, case postale 3504, 1211 Genève 3,

recourant,

contre l'ordonnance en constatation de qualité de partie plaignante rendue le 22 décembre 2023 par le Ministère public,

et

B______, représentée par Me Nicolas CAPT, avocat, AVOCATS SÀRL, cours des Bastions 15, case postale 519, 1211 Genève 12,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 15 janvier 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 22 décembre précédent, notifiée le 3 janvier suivant, par laquelle le Ministère public a constaté que B______ n'a pas retiré sa plainte et dispose de la qualité de partie plaignante.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance, au constat de l'exploitabilité de la convention d'accord signée le 12 novembre 2019, du retrait, par B______, de sa plainte et à l'absence de qualité de partie plaignante de cette dernière.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. À la suite d'une plainte déposée, le 3 mai 2018, par B______ contre son ex-compagnon, A______, le Ministère public a, le lendemain, ouvert une instruction contre le précité pour contrainte sexuelle, mise en danger de la vie d'autrui, lésions corporelles simples, menaces, injure, contrainte, actes d'ordre sexuel avec des enfants et violation du devoir d'assistance et d'éducation.

b. Par courrier du 12 avril 2019, A______, sous la plume de son conseil, avec celui de B______ en copie, a informé le Ministère public de leur intention de "se rapprocher en vue d'une résolution de leur conflit par une solution extrajudiciaire".

c. Le Ministère public a tenu une audience le 15 juillet 2019 en présence des conseils de B______, entretemps mise au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite, et A______.

Le procès-verbal dressé à cette occasion a la teneur suivante: "Nous vous expliquons la transaction que nos mandants souhaiteraient ratifier et prenons note que vous allez nous revenir".

d. Il ressort de l'enveloppe scellée figurant au dossier que les parties ont entamé des discussions en vue d'une procédure simplifiée.

e. Par décision du 20 août 2020, le Ministère public, se référant à son ordonnance du 21 février 2020 (ne figurant pas au dossier), a décidé de reprendre la procédure ordinaire, au vu de "l’échec de la procédure simplifiée".

f. Dans son avis de prochaine clôture du 20 juin 2022, le Ministère public a considéré que l'instruction était achevée et informé les parties de son intention de rédiger prochainement un acte d'accusation.

g. En réponse, A______ a, dans un courrier du 8 août 2022, joint "un nouveau tirage de la convention d'accord signée le 12 novembre 2019" avec B______, "dans la mesure où celle-ci avait été produite dans le cadre de la procédure simplifiée". Sur la base de ladite convention, il convenait de "prendre acte de la volonté non équivoque de retrait de plainte" de B______, et de constater, en conséquence, que celle-ci ne revêtait plus la qualité de partie plaignante et qu'il existait ainsi un empêchement de procéder pour toutes les infractions poursuivies sur plainte.

h. Cette convention, signée par B______ et A______ à C______ [Russie], le 12 novembre 2019 (ci-après: la Convention), stipule notamment les éléments suivants:

- "Le présent accord vise à mettre un terme à la procédure pénale ouverte en Suisse et dans cette perspective, Madame B______ entend retirer la plainte pénale qu'elle a déposé au mois de mai 2018 à l'encontre de A______";

- "Madame B______ n'entend pas maintenir ses déclarations sur ces éléments [violences à caractère sexuel à l'encontre de leur enfant ou en sa présence], lesquelles ont été faites dans le contexte de leur séparation et des violences conjugales reconnues par Monsieur A______";

- "Les parties entendent conjointement, à la suite du retrait de plainte qui sera adressée par Madame B______, intervenir auprès du Ministère public, par l'entremise de leurs Conseils respectifs, afin que la procédure actuellement dirigée à l'encontre de Monsieur A______ puisse être classée en conséquence".

i. À la suite de l'avis de prochaine clôture, B______ a sollicité le versement au dossier de toute main courante ou plainte déposée par elle, en se référant à deux épisodes distincts, antérieurs à la présente procédure. Ces éléments étaient importants, "notamment en cas de remise en question de son témoignage par le prévenu à un stade ultérieur de la procédure". Même si aucune récidive n'était intervenue depuis lors, elle comptait "sur les autorités pénales pour prendre la pleine mesure de la gravité des actes commis par le prévenu à son endroit et celui de leur enfant commun".

j. Par ordonnance du 27 juin 2023, le Ministère public a classé les faits relatifs aux infractions d'injure et de violation du devoir d'assistance et d'éducation et annoncé son intention de renvoyer le prévenu en jugement pour les autres infractions.

k. Par arrêt du 20 octobre 2023 (ACPR/822/2023), la Chambre de céans a constaté, sur recours de A______, un déni de justice du Ministère public, lequel n'avait pas réagi à sa lettre du 8 août 2022 et refusait encore de statuer sur la qualité de partie plaignante de B______, ce qu'il a été enjoint de faire.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public relève qu'il était "exclu qu'une convention établie par des parties dans le cadre d'une procédure simplifiée n'ayant pas abouti [pût] être utilisée par l'une ou l'autre des parties dans le cadre d'une procédure au sein de laquelle la procédure simplifiée a[vait] échoué". Les déclarations des parties dans la perspective d'une procédure simplifiée n'étaient pas exploitables au sens de l'art. 362 al. 4 CPP. Or, il était manifeste que la Convention s'inscrivait dans une telle perspective et la teneur du document laissait entendre que B______ avait uniquement exprimé son intention de retirer sa plainte et revenir sur ses déclarations.

D. a. Dans son recours, A______ fait grief au Ministère public d'avoir constaté de manière erronée les faits dans la mesure où la Convention avait été discutée, établie et signée hors procédure judiciaire. Cet accord devait donc être distingué des démarches initiées en vue d'une procédure simplifiée et restait parfaitement exploitable. Pour le surplus, par la Convention, B______ s'était engagée à retirer sa plainte et réfuter ses accusations de prétendus actes de violences à caractère sexuel contre lui. Le Ministère public ne pouvait dès lors pas considérer que la précitée n'avait pas retiré sa plainte.

b. Dans ses observations, le Ministère public maintient que la Convention s'inscrivait bien dans la perspective d'une procédure simplifiée.

c. Dans ses observations, adressées le 6 février 2024, B______ soutient que la Convention traduisait son "dessein de retirer sa plainte et de revoir ses déclarations, seulement et uniquement à la condition d'un retrait de plainte distinct puis d'une demande conjointe de classement en conséquence à transmettre au Ministère public". Ce dernier avait donc correctement retenu que la Convention n'emportait pas retrait de plainte.

d. Dans sa réplique, A______ soutient que par ses observations, B______ avait confirmé que la Convention s'inscrivait dans le cadre de négociations extrajudiciaires.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été interjeté dans le délai utile, par le prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP).

1.2. L'art. 382 al. 1 CPP soumet la qualité pour recourir à l'existence d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision litigieuse.

1.2.1. Le recourant est tenu d'établir (cf. art. 385 CPP) l'existence d'un tel intérêt, en particulier lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (arrêt du Tribunal fédéral 1B_304/2020 du 3 décembre 2020 consid. 2.1).

1.2.2. Dit intérêt doit être actuel et pratique (arrêt du Tribunal fédéral 1B_304/2020 précité, consid. 2.1).

Dans sa jurisprudence, la Chambre de céans se prononce au cas par cas sur la recevabilité du recours exercé par un prévenu contre l'admission d'une partie plaignante (ACPR/372/2023 du 22 mai 2023 consid. 2.2.2; ACPR/817/2022 du 21 novembre 2022, consid. 2.2.2).

1.3. En l'espèce, le recourant n'expose pas, dans son acte, quel serait son intérêt juridiquement protégé à voir nier la qualité de partie plaignante de l'intimée.

Cela étant, et dans la mesure où le recours s'avère de toute manière infondé pour les motifs développés plus bas, il peut être retenu que le recourant dispose a priori d'un intérêt à agir contre l'ordonnance querellée.

Le recours est donc recevable.

2.             Le recourant soutient que l'intimée aurait retiré sa plainte et, de la sorte, perdu sa qualité de partie plaignante.

2.1. On entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil (art. 118 al. 1 CPP). Une plainte pénale équivaut à une telle déclaration (art. 118 al. 2 CPP).

2.2. L'ayant droit peut retirer sa plainte tant que le jugement de deuxième instance cantonale n'a pas été prononcé (art. 33 al. 1 CP). Les exigences formelles sont réglées à l'art. 304 CPP, à teneur duquel le retrait de la plainte doit être effectué auprès de la police, du ministère public ou de l'autorité pénale compétente en matière de contravention, par écrit ou oralement avec consignation au procès-verbal (al. 1 et 2).

Un retrait de plainte suppose une manifestation de volonté du lésé exprimée de manière non équivoque (ATF 143 IV 104 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1215/2019 du 13 novembre 2019 consid. 5.3).

2.3. La renonciation au statut (procédural) de partie plaignante (art. 120 CPP) ne vaut pas retrait de la plainte. Tant que celle-ci n’a pas été formellement retirée, la procédure pénale doit être poursuivie malgré le désintérêt du lésé (ATF 145 IV 190 consid. 1.5.2). En revanche, une déclaration du lésé indiquant un désintérêt pour la poursuite de l’infraction équivaut à un retrait de plainte (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1215/2019 précité, consid. 5.3; L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 5b ad art. 33).

2.4. En l'espèce, le recourant argue que son ex-compagne aurait retiré sa plainte du 3 mai 2018.

Or, tel n'est pas le cas.

L'objectif déclaré de la Convention est certes de mettre un terme à la procédure pénale et, à cette fin, l'accord stipule que la plaignante "entend retirer [s]a plainte pénale qu'elle a déposé au mois de mai 2018".

Selon la définition du dictionnaire en ligne Larousse, le verbe "entendre" signifie en l'occurrence "vouloir quelque chose, avoir l'intention bien arrêtée de" (https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/entendre/29878). La teneur de la Convention marque certes une volonté, une résolution, de la plaignante de réaliser ultérieurement un acte déterminé (le retrait de sa plainte). Il n'est en revanche pas question d'en conclure qu'elle concrétise déjà, par la même occasion, cette intention. Il en irait tout autrement par exemple si la Convention prévoyait, au présent de l'indicatif, que l'intimée "retire sa plainte".

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la suite de la Convention stipule que les conseils interviendront "à la suite du retrait de plainte qui sera adressée" par l'intimée. Cela confirme que cette dernière devait concrétiser l'intention affichée dans cet accord par un acte, au travers duquel elle exprimerait au Ministère public, sans ambiguïté, le retrait de sa plainte.

Or, un tel acte n'a jamais été remis au Ministère public depuis la production de la Convention et l'échec de la procédure simplifiée. Au contraire, l'intimée a encore récemment sollicité des réquisitions de preuve en réponse à l'avis de prochaine clôture, démontrant son intérêt pour la poursuite de l'instruction et la condamnation du recourant. Même ses observations sur le recours ne disent pas autre chose.

Compte tenu de ce qui précède, il n'est pas établi que l'intimée a retiré sa plainte. Il n'y a donc pas lieu de mettre en doute sa qualité de partie plaignante.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

5.             L'intimée, partie plaignante qui obtient gain de cause, n'a pas sollicité l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours malgré le dépôt de ses observations après l'entrée en vigueur du nouvel art 136 al. 3 CPP, ni conclu à des dépens, de sorte qu'il ne lui en sera pas alloué (art. 433 al. 2 via 436 al. 1 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ et B______, soit pour eux leurs conseils respectifs, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/8138/2018

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

805.00

 

CHF

Total

CHF

900.00