Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/171/2024 du 07.03.2024 sur OTMC/324/2024 ( TMC ) , REFUS
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/16205/2021 ACPR/171/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 7 mars 2024 |
Entre
A______, actuellement détenue à la prison de B______, représentée par
Me Magali BUSER, avocate, Etter & Buser, boulevard Saint-Georges 72, 1205 Genève,
recourante,
contre l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire rendue le 2 février 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,
et
LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 15 février 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 2 précédent, notifiée le 5 suivant, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) a ordonné la prolongation de sa détention provisoire jusqu'au 2 mai 2024.
La recourante conclut, sous suite de frais, à l'annulation de ladite ordonnance et à sa mise en liberté immédiate sous des mesures de substitution, consistant en particulier en l'obligation de se présenter à toutes les audiences fixées, y compris l'audience de jugement, et à verser une caution à déterminer; subsidiairement à ce que la prolongation de la détention provisoire soit prononcée pour une durée de deux mois.
B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
a. A______, née le ______ 1974, sous le coup d'un mandat d'arrêt international délivré le 11 février 2022 par le Ministère public, a été arrêtée le 8 janvier 2023 en Roumanie et extradée à Genève, le 2 février 2023.
b. Son fils, C______ a été condamné le 3 février 2023 par le Tribunal correctionnel, dans le cadre d'une procédure simplifiée, pour traite d'êtres humains par métier et blanchiment d'argent, à une peine privative de liberté de 30 mois avec sursis partiel – dont 15 mois ferme – et à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, avec sursis (P/1______/2022).
Il lui était reproché d'avoir recruté, à tout le moins entre les 26 janvier et 17 août 2021, de concert avec sa mère, des ressortissants bulgares, notamment D______ et E______, afin de les faire mendier pour leur compte et de se faire remettre la totalité de leurs gains alors qu'ils avaient promis le versement d'un pécule à leur retour en Bulgarie, et d'avoir utilisé ces gains pour subvenir à leurs besoins.
c. A______ a été prévenue de traite d'êtres humains par métier (art. 182 al. 1 et 2 CP) et de blanchiment d'argent (art. 305bis al. 1 CP), lors des audiences des 3 février et 8 août 2023.
d. Elle a été placée en détention provisoire le 3 février 2023 par le TMC jusqu'au 2 mai 2023, laquelle a été régulièrement prolongée depuis lors, la dernière fois jusqu’au 2 février 2024.
Sur recours contre l'ordonnance du refus de mise en liberté du TMC du 25 octobre 2023, la Chambre de céans a, par arrêt du 29 novembre 2023 (ACPR/926/2023), confirmé l'existence de charges suffisantes pesant sur A______, ainsi que d'un risque de fuite. Les pièces au dossier permettaient de retenir des soupçons suffisants de la commission, par la précitée, avec son défunt mari, F______, et son fils, C______, de traite d'êtres humains au préjudice des mendiants D______, G______, E______, H______ et I______. Ces soupçons suffisaient à fonder son maintien en détention provisoire, au sens de l'art. 221 al. 1 CPP.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé contre cet arrêt par l'intéressée, soulignant toutefois que si le Ministère public entendait requérir la prolongation de la détention provisoire au-delà du 2 février 2024, il lui appartenait "de détailler plus précisément les faits […] concrètement reprochés à la recourante, en expliquant, à la lumière des éléments ressortant des actes d'enquête dernièrement réalisés, en quoi les soupçons pesant sur l'intéressée [faisaient] apparaître sa future condamnation, le cas échéant à titre de complice, comme une perspective vraisemblable" (arrêt 7B_1000/2023 du 11 janvier 2024).
e. Lors de son audience du 22 février 2024, le Ministère public a précisé les charges pesant à l'encontre de la prévenue, conformément à l’arrêt du Tribunal fédéral.
Il était ainsi reproché à A______ d'avoir :
- à Genève et en France, en 2020, de concert avec son défunt mari, F______, fourni un hébergement de fortune à D______, né le ______ 1971, ressortissant bulgare, dans le but qu'il mendie pour son mari et elle-même, sous leur surveillance et selon leurs instructions, alors qu'elle savait qu'il souffrait de déficiences psychiques importantes et qu'il avait été "loué" par son défunt mari, en Bulgarie, au dénommé "J______" pour qu'il mendie pour eux, et d'avoir tenu des comptes de ses gains journaliers issus de la mendicité, gains qu'ils se sont appropriés en quasi-totalité, ne lui rétrocédant qu'un faible montant et ne subvenant qu'à ses besoins essentiels;
- en Bulgarie, en 2021, après le décès de F______, seule ou de concert avec son fils C______, "acheté" D______ au dénommé "J______" pour qu'il mendie pour leur compte et d'avoir, dans ce même but, de concert avec C______, organisé son transfert à Genève et lui avoir fourni un hébergement de fortune, étant précisé qu'il a effectivement mendié sous leur surveillance et selon leurs instructions, d'avoir tenu des comptes de ses gains journaliers issus de la mendicité, gains qu'ils se sont appropriés en totalité, ne subvenant qu'à ses besoins essentiels;
- entre 2019 et 2020, de concert avec F______, organisé les allers-retours Bulgarie-Genève, de G______, née le ______ 1995, et de lui avoir fourni un hébergement de fortune pour qu'elle mendie pour leur compte, sous leur surveillance et selon leurs instructions, alors qu'elle savait qu'elle présentait d'importantes déficiences psychiques, qu'elle avait été placée en orphelinat et que son défunt mari l'avait recrutée, aux environs de l'année 2013, à K______ [Bulgarie], dans le but de la faire mendier pour leur compte, et de l'avoir, dans ce même but, hébergée à leur domicile à L______, et d'avoir, à Genève, de concert avec son défunt mari, surveillé son activité de mendiante, tenu des comptes des gains journaliers issus de la mendicité, qu'ils se sont appropriés en totalité, ne subvenant qu'à ses besoins essentiels;
- en 2019 et 2020, de concert avec F______ et C______, dans les circonstances susdécrites, hébergé G______ afin qu'elle se prostitue pour eux à L______ [Bulgarie], de lui avoir fourni des clients auprès desquels ils encaissaient eux-mêmes le montant des passes qu'ils se sont appropriés en totalité, ne subvenant qu'à ses besoins essentiels;
- en 2021, après le décès de F______, vraisemblablement de concert avec C______, continué à organisé les allers-retours Bulgarie-Genève de G______, dont elle connaissait le passé et les déficiences psychiques, toujours afin qu'elle mendie pour leur compte et d'avoir, dans ce but, fourni à la précitée un hébergement de fortune à Genève, surveillé son activité de mendiante, tenu des comptes des gains journaliers issus de la mendicité, qu'ils se sont appropriés en totalité, ne subvenant qu'à ses besoins essentiels;
- en 2021, en Bulgarie, de concert avec C______, recruté E______, né le ______ 1985, qu'elle savait être sans épouse ni enfants et n'avoir qu'un très faible revenu et dont elle connaissait les déficiences psychiques, afin qu'il mendie pour leur compte et, de concert avec son fils, organisé son transfert à Genève où celui-ci lui a fourni un hébergement de fortune, surveillant son activité de mendicité et lui prenant tous ses gains pour en bénéficier tous les deux, étant précisé que C______ n'a subvenu qu'aux besoins essentiels de E______ durant son séjour à Genève;
- en 2019 et 2020, de concert avec F______, organisé les voyages Bulgarie-Genève de I______, alors qu'elle savait qu'il était vulnérable psychiquement et qu'il avait été "acheté" par son défunt mari, en Bulgarie, au dénommé "J______" dans le but qu'il mendie pour eux, et d'avoir, toujours de concert avec son défunt mari, fourni un hébergement de fortune à I______ à Genève et à Annemasse, surveillé son activité de mendicité et récolté ses gains journaliers qu'ils se sont appropriés en totalité, ne subvenant qu'à ses besoins essentiels;
- en 2019, en Bulgarie, de concert avec F______, recruté dans des circonstances inconnues, H______, dont elle connaissait la vulnérabilité financière et savait qu'elle était battue par son mari, pour qu'elle mendie pour leur compte et, dans ce but, toujours de concert avec son défunt mari, organisé son transfert à Genève, où elle a mendié sous leur surveillance et selon leurs instructions, étant précisé qu'elle leur a remis à tout le moins la moitié de ses gains, sans contrepartie;
- entre 2019 et 2021, à Genève, de concert avec F______ et C______, selon les périodes, tantôt acheminé physiquement en Bulgarie les gains des mendiants qui travaillaient pour leur compte, tantôt les avoir envoyés à différents destinataires en Bulgarie par le biais d'agences de transfert, et d'avoir utilisé cet argent en Bulgarie pour elle-même et les membres de sa famille, notamment pour financer les travaux de leur maison, empêchant de la sorte la découverte de la provenance de ces fonds et leur confiscation.
Le Ministère public a ajouté que le rôle de co-auteur de la prévenue se fondait sur les déclarations concordantes notamment de D______, I______ et M______. En outre, dans les cas où elle n'avait pas elle-même recruté les mendiants, elle était soupçonnée d'avoir, par la suite, agi de concert avec son défunt mari, pour les transférer à Genève et les héberger dans le but qu'ils mendient pour leur compte.
f. A______ a admis avoir fait venir, à Genève, G______, qui mendiait avec elle et lui remettait ses gains car elle s'occupait d'elle. Elle contestait les faits pour le surplus, mettant en cause son fils pour avoir fait mendier D______ et E______ ainsi que son défunt mari pour avoir eu des mendiants (notamment I______ et D______) qui travaillaient pour lui. Elle alléguait, en outre, que son défunt mari se montrait violent envers elle et gérait seul ses affaires, dans lesquelles elle n'avait aucune responsabilité.
g. A______ est ressortissante bulgare, issue de la communauté rom. Elle est veuve, mère de cinq enfants, tous majeurs, et sans aucune attache avec la Suisse. Elle habite en Bulgarie avec G______ et son fils. Ses quatre filles vivent en Allemagne. Elle est propriétaire de plusieurs maisons dans son pays, se disant toutefois démunie de moyens de subsistance et soutenue financièrement par ses filles.
Aucune inscription ne figure à son casier judiciaire suisse.
C. Dans son ordonnance querellée, le TMC retient que les charges – graves – demeurent suffisantes pour justifier la prolongation de la détention provisoire de A______. Le risque de fuite restait élevé et était renforcé par la peine menace et concrètement encourue ainsi que par la perspective d'une expulsion de Suisse. Le risque de collusion persistait, sous forme de pressions, voire de représailles, au vu des dénégations de la prévenue et des déclarations contradictoires et fluctuantes des parties, M______ ayant déclaré avoir fait l'objet de menaces concernant son intégrité physique, voire sa vie, en raison de son témoignage, et I______ indiquant également craindre pour la sienne. Le risque de réitération restait tangible, nonobstant l'absence d'antécédents, en raison de la durée des agissements par métier reprochés au préjudice de plusieurs personnes. Toute mesure de substitution était insuffisante, notamment le versement d'une caution de CHF 10'000.- ne pouvait suffire à réduire un risque de fuite aussi important. Quand bien même la prévenue était détenue depuis le 8 janvier 2023, soit depuis près de 13 mois, le principe de la proportionnalité demeurait respecté, compte tenu des faits reprochés à la recourante et de la peine-menace des infractions retenues.
D. a. À l'appui de son recours, A______ reproche au TMC d'avoir retenu à tort l'existence de charges suffisantes, alors que le Ministère public avait omis de les préciser dans sa demande de prolongation de la détention – malgré les instructions du Tribunal fédéral dans son arrêt du 11 février 2024 –, de sorte qu'elle devait être libérée. S'agissant de la période pénale précédant le décès de son mari, seule une complicité pouvait, tout au plus, lui être reprochée. M______ avait relevé, comme les autres personnes interrogées, qu'elle "n'avait pas son mot à dire dans les affaires de son époux". Elle n'avait aucune responsabilité en lien avec D______ [qui avait un arrangement avec C______ et qui était d'accord de mendier, n'ayant d'ailleurs pas voulu déposer plainte contre elle] et E______ [dont la venue en Suisse avait été organisée entre sa sœur [à lui] et C______]. G______ faisait partie de la famille et ne l'avait pas mise en cause. En outre, lors de son audition du 10 octobre 2023 en Bulgarie, cette dernière a contesté s'être livrée à la prostitution et avoir été "achetée". Quant à I______, il avait commencé par accuser d'autres personnes avant de l'impliquer. Enfin, les charges concernant H______ n'étaient plus suffisantes, dès lors qu'elle l'avait mise hors de cause lors de son audition du 11 octobre 2023. La prolongation de sa détention n'était ainsi pas justifiée et devenait disproportionnée, étant précisé qu'elle dépasserait la peine ferme subie pas son fils, alors que la question de la complicité ne s'était pas du tout posée pour lui.
b. Le TMC s'en tient à sa décision, sans autre remarque.
c. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Il avait donné suite aux instructions du Tribunal fédéral, non pas dans sa demande de prolongation de la détention provisoire mais lors de l'audience du 22 février 2024, en présence de A______. Il considérait que les auditions des mendiants I______ et D______, ainsi que des fils et neveu de la recourante, respectivement C______ et M______, permettaient de retenir que celle-ci avait agi en tant que co-auteur et non pas comme complice, étant souligné que les déclarations de H______ devaient être considérées avec retenue. L'administration des preuves n'était pas encore terminée. La traduction du solde des pièces de la commission rogatoire [portant notamment sur la situation de fortune de la recourante en Bulgarie] devait être prochainement remise, tout comme le relevé des contrôles de police en lien avec les mendiants concernés, la précitée et son défunt mari ainsi que la liste des voyages effectués par celui-ci. L'audience finale devait permettre de faire "le tri" entre les faits susceptibles, le cas échéant, d'être classés et ceux pour lesquels la prévenue serait renvoyée en jugement.
d. La recourante réplique et persiste dans ses conclusions.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La recourante fait valoir l'absence de charges suffisantes pour justifier la prolongation de sa détention provisoire.
2.1. À teneur de l'art. 221 al. 1 première phrase CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit. En d'autres termes, pour qu'une personne soit placée en détention préventive, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, c'est-à-dire des raisons plausibles de la soupçonner d'avoir commis une infraction. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).
2.2. En l'espèce, la recourante perd de vue qu'il n'appartient pas au juge de la détention d'examiner en détail l'ensemble des faits, pas plus que de procéder à une appréciation complète des éléments à charge et à décharge, étant rappelé que selon la jurisprudence précitée, c'est au juge du fond, et non à celui de la détention, qu'il incombera, cas échéant, d'apprécier la culpabilité de la recourante, ainsi que la valeur probante des différentes déclarations et témoignages.
La Chambre de céans a déjà retenu l'existence de charges suffisantes, au sens de l'art. 221 al. 1 CPP, contre la recourante, s'agissant de l'exploitation de plusieurs mendiants, de concert avec son défunt mari ou son fils C______. Ces charges ont été confirmées par le Tribunal fédéral, dans son arrêt du 11 janvier 2024, avec la réserve que les faits concrètement reprochés devaient être précisés à la suite des derniers actes d'enquête, ce qu'a fait le Ministère public le 22 février 2024 après avoir confronté la recourante aux témoignages recueillis en Bulgarie. Dans la décision attaquée, le premier juge a passé méthodiquement en revue les éléments de fait – y compris les auditions recueillies en Bulgarie – démontrant que, même si certaines déclarations [celles de G______ et H______] sont favorables à la recourante, l'ensemble des charges pesant contre elle restent suffisantes pour justifier son maintien en détention provisoire.
Il peut ainsi y être renvoyé sans autre analyse (ATF 123 I 31 consid. 2c p. 34; arrêt du Tribunal fédéral 1B_378/2019 du 19 août 2019 consid. 2 et les références).
Il est vrai que le Tribunal fédéral soulève l'éventuelle application de la complicité, sans autre précision. Ce grief n'a toutefois pas à être abordé plus en détail par le juge de la détention. Il faut, mais il suffit, que des charges précises et concordantes d'un crime ou d'un délit soient réunies. Tel est le cas, en l'occurrence.
À vrai dire, la recourante se livre à une relecture et à une interprétation personnelle du dossier comme si elle s'exprimait devant une autorité de jugement, attendant, mais à tort, de l'autorité de recours qu'elle empiète sur la compétence du juge du fond.
Le grief d'insuffisance des charges sera donc rejeté.
3. L'existence d'un risque de fuite a déjà été retenu par la Chambre de céans (cf. ACPR/926/2023 susmentionné), tout comme l'absence de mesure de substitution de nature à le pallier, de sorte qu'il peut être renvoyé à la précédente motivation faute d'élément nouveau intervenu depuis lors (ATF 114 Ia 281 consid. 4c p. 285 ;
103 Ia 407 consid. 3a p. 409 s.; arrêts 1B_149/2010 du 1er juin 2010 consid. 1.3 ; 1B_22/2009 du 16 février 2009 consid. 2.1).
L'admission de ce risque dispense d'examiner ce qu'il en serait des risques de collusion et de réitération.
4. La recourante semble invoquer une violation du principe de la célérité.
4.1. L'art. 29 al. 1 Cst. dispose que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.
À teneur de l'art. 5 al. 1 CPP, les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié. Lorsque le prévenu est détenu, la procédure est conduite en priorité (art. 5 al. 2 CPP).
Le grief de violation du principe de la célérité ne doit être examiné, lors du contrôle judiciaire de la détention, que pour autant que le retard dans la procédure soit propre à mettre en cause la légalité de la détention provisoire et donc à justifier un élargissement. N'importe quel retard n'est cependant pas suffisant. Il doit s'agir d'un manquement particulièrement grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite n'est plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable (ATF 140 IV 74 consid. 3.2 p. 80; 137 IV 118 consid. 2.1 p. 120;
137 IV 92 consid. 3.1 p. 96 et les arrêts cités). La diligence consacrée à une instruction pénale ne s'apprécie pas seulement à l'aune du nombre ou de la fréquence des audiences d'instruction (ACPR/339/2020 du 22 mai 2020 consid. 5.2.; ACPR/196/2018 du 4 avril 2018 consid. 5.2.; ACPR/373/2013 du 7 août 2013 consid. 3.3.). On ne saurait ainsi reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure.
La violation éventuelle du principe de la célérité n'entraîne pas la libération immédiate du détenu lorsque la détention demeure matériellement justifiée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1B_150/2012 du 30 mars 2012 consid. 3.3; 1B_44/2012 consid. 4 et 5).
4.2. En l'occurrence, aucun retard injustifié ni manquement ne saurait être reproché au Ministère public, l'instruction de la cause se déroulant à un rythme soutenu depuis l'arrestation de la recourante, compte tenu de la demande d'entraide adressée à la Bulgarie. Le fait que le Ministère public a précisé les faits reprochés lors de son audience du 22 février 2024, et non pas dans sa demande de prolongation de la détention provisoire, ne viole au demeurant pas le principe de la célérité.
On devrait ensuite pouvoir escompter que le Ministère public décide rapidement de la suite à donner à la présente procédure.
Les principes jurisprudentiels sus-rappelés étant respectés, le grief de la recourante est infondé.
5. La recourante considère que la prolongation de la détention provisoire, pour trois mois, est excessive.
5.1. À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible.
5.2. En l'occurrence, la durée de la détention subie à ce jour, augmentée de la prolongation querellée, n'atteint pas la peine à laquelle la recourante pourrait être condamnée si elle était reconnue coupable de toutes les préventions retenues contre elle, étant souligné que les infractions en cause sont passibles de peines privatives de liberté et que la question d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282 ; 125 I 60 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).
La prolongation de la détention provisoire, pour une durée de trois mois, est nécessaire au Ministère public pour procéder aux derniers actes d'enquête annoncés, décider de la suite à donner à la procédure, voire pour la clôturer par le renvoi en jugement de la recourante.
Il s'ensuit que la prolongation ordonnée ne viole pas le principe de la proportionnalité.
6. Le recours s'avère infondé et doit être rejeté.
7. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante (soit, pour elle, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente, Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges, Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
P/16205/2021 | ÉTAT DE FRAIS |
| ACPR/ |
COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
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- frais postaux | CHF | 10.00 |
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Émoluments généraux (art. 4) | | |
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- délivrance de copies (let. a) | CHF |
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- délivrance de copies (let. b) | CHF |
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- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
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Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
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- décision sur recours (let. c) | CHF | 815.00 |
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| Total | CHF | 900.00 | |||