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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14330/2022

ACPR/42/2023 du 18.01.2023 sur ONMMP/3218/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;INFRACTIONS CONTRE LE PATRIMOINE;SOUSTRACTION DE DONNÉES(ART. 143 CP);ACCÈS INDU À UN SYSTÈME INFORMATIQUE
Normes : CPP.310; CP.143; CP.143bis

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14330/2022 ACPR/42/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 18 janvier 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Vincent TATTINI, avocat, Watt law Sàrl, route de Malagnou 6, case postale 441, 1211 Genève 12,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 20 septembre 2022 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 3 octobre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 20 septembre 2022, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant conclut, à l'annulation de ladite ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public afin qu'il procède à divers actes d'instruction.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 900.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ et B______ se sont mariés en 2009.

Ils vivent séparés depuis le 6 septembre 2021, date du départ de l'époux du domicile familial.

b. Le 4 juillet 2022, A______ a déposé plainte contre son épouse pour infraction à l'art. 143bis CP.

En substance, il lui reprochait d'avoir, à l'aide d'un téléphone portable lui appartenant et laissé dans l'appartement familial, accédé à son "[cloud]" personnel et produit, dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale pendante, deux photographies stockées sur celui-ci. Il n'avait jamais transmis les clichés en question à B______, ni autorisé cette dernière à accéder à ses données personnelles.

Par ailleurs, il avait constaté que, le 1er juillet 2022, le téléphone avait été connecté, avec une localisation au domicile familial, lieu dans lequel il ne vivait plus depuis de nombreux mois.

c. Entendue le 10 août 2022 par la police, B______ a contesté les faits reprochés. Elle n'avait jamais vu le téléphone susmentionné et ne possédait pas le code de déverrouillage. Elle avait trouvé les photographies litigieuses, pour la première, dans un classeur à son domicile et, pour la seconde, dans l'ordinateur familial se trouvant dans son salon et que toute la famille pouvait utiliser. A______ avait également produit la première photographie dans le cadre de la procédure civile en cours.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public considère qu'au vu des déclarations contradictoires des parties et en l'absence d'élément de preuve objectif, la culpabilité de B______ pour soustraction de données (art. 143 CP) ne pouvait être établie, faute de prévention pénale suffisante.

D. a. Dans son recours, A______ relève que les déclarations de B______ n'étaient pas crédibles. Elle n'avait produit aucune preuve les étayant alors que, pour sa part, il avait notamment démontré que son téléphone avait été activé, à "certaines dates", après son départ du domicile familial. C______ avait ainsi certainement manipulé l'appareil car le seul moyen pour qu'il enregistre une activité était de le recharger et de l'allumer.

Dans ces circonstances, le Ministère public aurait dû investiguer d'avantage la question de l'accès indu à l'appareil et procéder à son audition, à la perquisition de l'ordinateur familial connecté à "[cloud] familial" et du classeur contenant la première photographie.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let.  CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. ; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 146 IV 68 consid. 2.1). Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation.

2.2. L'art. 143 CP réprime le comportement de celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait, pour lui-même ou pour un tiers, des données enregistrées, qui ne lui étaient pas destinées et qui étaient spécialement protégées contre tout accès indu de sa part.

2.3. L'art. 143bis CP punit, sur plainte, quiconque s'introduit sans droit, au moyen d'un dispositif de transmission de données, dans un système informatique appartenant à autrui et spécialement protégé contre tout accès de sa part.

2.4. Les dispositions précitées supposent que les données informatiques (art. 143 CP) ou le système informatique (art. 143bis CP) soient spécialement protégés contre tout accès indu.

Le législateur a voulu que le droit pénal ne protège pas indistinctement ce qui appartient à autrui, mais seulement ce qu'autrui a spécialement protégé contre les attaques extérieures. Il faut de manière générale qu'il existe une protection informatique, par exemple : un codage, un cryptage ou un mot de passe (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 13 ad art. 143 et n. 11 ad art. 143bis).

Celui qui outrepasse les limites de son droit de disposer des données ou utilise abusivement des données accessibles, à savoir "l'abus de confiance informatique", n'est pas punissable (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), op. cit., n. 14 ad art. 143).

L'art. 143 CP saisit tout entier l'accès indu traité à l'art. 143bis CP, lequel est partant absorbé (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), op. cit., n. 30 ad art. 143).

2.5. En l'espèce, c'est à juste titre que le Ministère public a considéré que les versions des parties étaient contradictoires.

Cela étant, même à considérer la version du recourant, l'élément constitutif commun aux infractions envisagées, à savoir l'existence d'une protection informatique, n'est pas rempli. En effet, à suivre le recourant, la mise en cause aurait utilisé le téléphone portable lui appartenant pour accéder à son "[cloud]" personnel et prendre les photographies litigieuses. Pour ce faire, il ne prétend à aucun moment qu'elle aurait forcé une quelconque protection. Il explique au contraire que l'accès à son "[cloud]" était possible par le biais dudit téléphone, sans devoir surmonter un quelconque obstacle. Il n'allègue d'ailleurs pas non plus que l'appareil téléphonique serait protégé par une protection, comme un code de verrouillage, qu'elle aurait piratée, voire serait parvenue à forcer d'une manière ou d'une autre.

Ainsi, faute d'une quelconque barrière informatique à franchir pour utiliser l'appareil téléphonique ou accéder à "[cloud]", l'existence d'une infraction aux art. 143 et 143bis CP doit être niée.

Au vu de ce qui précède, les actes d'instruction sollicités n'apparaissent pas propres à apporter un élément complémentaire probant.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/14330/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

Total

CHF

900.00