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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11888/2022

ACPR/748/2022 du 01.11.2022 sur OTDP/1899/2022 ( TDP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : DÉTENTION ILLICITE;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);COMPÉTENCE;DÉTENTION POUR DES MOTIFS DE SÛRETÉ;DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : CPP.221; CPP.431.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11888/2022 ACPR/748/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 1er novembre 2022

 

Entre

 

A______, sans domicile connu, comparant par Me B______, avocat, ______ Genève,

recourante,

 

contre l'ordonnance rendue le 16 septembre 2022 par de la Direction de la procédure du Tribunal de police,

 

et

 

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

 

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 29 septembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 16 septembre 2022, notifiée le 19 suivant, par laquelle la Direction de la procédure du Tribunal de police a refusé sa remise en liberté.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, principalement à l'annulation de cette ordonnance, au constat de l'illicéité de sa détention pour motifs de sûreté à partir du 13 septembre 2022 et à une indemnisation pour détention illicite à hauteur de CHF 1'400.- (intérêts à 5% en sus); subsidiairement au constat de l'illicéité à partir du 15 septembre 2022 et à une indemnisation de CHF 800.- (intérêts à 5% en sus). Elle sollicite également, pour autant que cela soit nécessaire, à bénéficier de l'assistance juridique pour la procédure de recours.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par jugement du 5 septembre 2022, le Tribunal de police a condamné A______, ressortissante serbe, à une peine pécuniaire de 120 jours-amende, avec sursis, et ordonné son expulsion du territoire suisse pour une durée de cinq ans.

Aucune annonce ni déclaration d'appel n'ont été formulées contre ce jugement.

Me B______ intervenait dans la procédure en qualité de défenseur d'office de la précitée.

b. Le même jour, le Tribunal de police a, concomitamment, ordonné le maintien de A______ en détention pour des motifs de sûreté jusqu'au 20 septembre 2022, afin "d'organiser l'exécution de l'expulsion".

c. Le 7 suivant, A______ a demandé sa mise en liberté immédiate.

Les conditions pour son maintien en détention n'étaient plus réunies et il appartenait aux autorités administratives d'exécuter son renvoi et de la placer, dans cette attente, en détention administrative. À cet égard, l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) avait été averti, avant le jugement précité, de sa prochaine mise en liberté.

d. Par ordonnance datée du jour de cette demande, la Direction de la procédure du Tribunal de police a refusé la mise en liberté de A______.

e. Le 13 septembre 2022, l'OCPM a rendu une décision de non-report d'expulsion judiciaire.

Après examen de la situation de A______, aucun obstacle ne s'opposait à son expulsion, laquelle était donc exécutable. La précitée était ainsi tenue de quitter la Suisse dans un délai de 24h dès sa libération par les autorités judiciaires.

f. Le 16 suivant, A______ a réitéré sa demande de mise en liberté.

Son expulsion étant exécutable, seule sa détention pour motifs de sûreté l'empêchait de quitter le territoire suisse tel qu'ordonné par l'OCPM. Elle devait donc être libérée, pour pouvoir exécuter sa mesure d'expulsion.

C. Dans son ordonnance querellée, la Direction de la procédure du Tribunal de police retient que la détention pour motifs de sûreté de A______ avait été ordonnée jusqu'au 20 septembre 2022 pour organiser l'expulsion de celle-ci. Des démarches étaient en cours à cette fin, soit notamment la réservation d'un vol d'avion, les autorités serbes ayant accepté la réadmission de A______. Le maintien en détention ne constituait ainsi pas un obstacle à l'expulsion.

D. Le 19 septembre 2022 – soit trois jours après l'ordonnance querellée –, le Tribunal de police a ordonné la mise en liberté de A______.

E. a. Dans son recours, A______ constate, s'agissant de la recevabilité de son acte, qu'ayant été libérée après le prononcé de l'ordonnance querellée, elle ne disposait a priori pas d'un intérêt actuel à la faire annuler. Cependant, dès lors qu'elle concluait au constat de l'illicéité de la détention prononcée à son encontre et à une indemnisation sur cette base, son intérêt persistait. Même si la Chambre de céans devait ne pas lui allouer une telle indemnisation, il convenait de renoncer à la condition de l'intérêt actuel car, "de par sa nature, les contestations objets du [ ] recours ne [pouvaient] être soumises à une autorité judiciaire" avant de perdre leur actualité. Un maintien en détention pour des motifs de sûreté visant à permettre une expulsion "mais empêchant en réalité l'exécution de ladite expulsion" ne durerait jamais jusqu'au terme d'une procédure de recours. La jurisprudence n'avait enfin pas eu l'occasion de confirmer qu'une telle configuration rendait illicite la détention pour des motifs de sûreté, soit une question de principe qui nécessitait de faire abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel.

S'agissant de la nomination d'office de son conseil, il découlait de la doctrine et de la jurisprudence que le mandat instauré pour la procédure antérieure persistait pour les démarches liées au recours contre l'ordonnance querellée. Dans le cas contraire, elle remplissait les conditions pour bénéficier d'une nouvelle nomination d'office.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans débats ni échange d'écritures.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP). Il émane de la prévenue (art. 104 al. 1 let. a CPP), visée par une décision refusant sa mise en liberté.

1.2.1. L'ordonnance querellée constitue un refus de mis en liberté, rendu par le tribunal de première instance pour garantir l'exécution d'une mesure prononcée, au sens de l'art. 231 al. 1 let. a CPP. La Chambre de céans est compétente pour recevoir le recours contre une décision ordonnant le maintien ou le placement en détention pour des motifs de sûreté consécutive au jugement de première instance (art. 231 al. 1 et 393 al. 1 let. b CPP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_178/2017 du 25 mai 2017 consid. 2.1).

1.2.2. En l'espèce, la première conclusion du recours (annulation de l'ordonnance querellée) n'est pas accompagnée d'une conclusion réformatoire demandant explicitement la mise en liberté de la recourante, et pour cause puisque la recourante avait été libérée dix jours plus tôt. Il s'ensuit qu'au moment du dépôt du recours, la recourante ne disposait déjà plus d'un intérêt actuel à faire annuler la décision querellée, ce qu'elle admet au demeurant.

Partant, le recours est irrecevable sur ce point (art. 382 al. 1 CPP).

1.3. Le reste des conclusions de la recourante vise à faire constater l'illicéité de sa détention pour motifs de sûreté et obtenir une indemnisation sur cette base.

1.3.1. Conformément à l'art. 431 al. 1 CPP, si le prévenu a, de manière illicite, fait l'objet de mesures de contrainte, l'autorité pénale lui alloue une juste indemnité et réparation du tort moral.

En principe, il appartient à l'autorité de jugement de statuer sur l'indemnité (ATF 140 I 246 consid 2.5.1 p. 250; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Code de procédure pénale - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2016, n. 29 ad art. 429 CPP, n. 11 ad art. 431).

Si l'indemnisation de conditions de détention illicites avant jugement peut être fondée sur le droit fédéral (art. 431 CPP), il n'en va pas de même de l'indemnisation relative à des conditions de détention illicites après jugement, qui ne peuvent guère relever que du droit cantonal régissant la responsabilité de l'État. Ainsi, lorsque, après l'entrée en force du jugement pénal, un détenu demande le constat du caractère illicite de ses conditions de détention tant avant qu'en exécution de peine et a déjà obtenu de l'autorité judiciaire d'application des peines et des mesures une décision pour la première période, il n'est pas excessivement formaliste de le renvoyer à agir devant l'autorité administrative compétente selon le droit cantonal pour la seconde période ou à ouvrir action en responsabilité de l'État (ATF 141 IV 349 consid. 4.3 p. 358 ss). 

À Genève, à la suite d'une décision de principe (ACPR/619/2015 du 17 novembre 2015), la Chambre de céans a jugé qu'il convenait de confier à une seule et même autorité, soit l'actuel Département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après: DSPS), le soin de statuer sur lesdites demandes formées après l'entrée en force du jugement, que celles-ci concernent la détention provisoire ou la détention en exécution de peine ou de mesure (ACPR/674/2019 du 3 septembre 2019 consid. 5.2).

1.3.2. En l'espèce, le Tribunal de police a ordonné, le 5 septembre 2022, l'expulsion de la recourante et, concomitamment, l'a placée en détention pour des motifs de sûreté dans l'attente de l'exécution de cette mesure. Aucun appel n'a été formé contre ce jugement, qui est entré en force à l'échéance du délai d'appel.

Que l'on se place avant ou après cette entrée en force, la Chambre de céans n'était – dans les deux cas – pas l'autorité compétente pour connaître des conclusions en constat d'une éventuelle détention illicite, que la recourante fait valoir pour la première fois dans son recours. Ces conclusions auraient dû être formulées auprès du DSPS ou par la voie d'une action en responsabilité de l'État.

Dans la mesure où les conclusions de la recourante ne portent pas sur une décision préalable susceptible d'être contestée devant la Chambre de céans, laquelle revêt la qualité d'autorité de recours (art. 393 al. 1 CPP), elles sont irrecevables.

Puisque cette irrecevabilité découle de l'absence de décision sujette à recours, c'est en vain que la recourante se prévaut d'une prétendue question de principe.

2.             Le recours s'avère ainsi irrecevable, ce qui pouvait être constaté sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5, a contrario, CPP).

3.             La défense d'office prend fin lorsque la procédure arrive à son terme, notamment par une condamnation définitive (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 1 ad art. 134).

Le mandat de Me B______ a ainsi trouvé son terme avec l'entrée en force du jugement du 5 septembre 2022.

3.1. Après la condamnation, le droit de faire appel à un avocat est reconnu mais n'est pas conçu comme la base d'une reconnaissance pour des interventions systématiques d'un défenseur pendant l'application d'une peine ou d'une mesure privative de liberté.

Conformément à l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire gratuite, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès; elle a droit en outre à l'assistance judiciaire gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert (arrêt du Tribunal fédéral 1B_74/2013 du 9 avril 2013 consid. 2.1 avec référence aux ATF 128 I 225 consid. 2.5.2 p. 232 s. = JdT 2006 IV 47; 120 Ia 43 consid. 2a p. 44).

3.2. En l'espèce, eu égard aux développements qui précèdent, le recours, irrecevable, était manifestement voué à l'échec.

La requête d'assistance juridique ne peut dès lors être que rejetée.

4.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 300.- émolument de décision compris (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

Le refus de l'assistance juridique sera, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable.

Rejette la demande d'assistance juridique.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 300.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, au Tribunal de police et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/11888/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

215.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

300.00