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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7180/2020

ACPR/687/2022 du 06.10.2022 sur OPMP/2597/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;ACTION PÉNALE;PLAINTE PÉNALE;MÉNAGE COMMUN;CONCUBINAGE;MENACE(DROIT PÉNAL);CONTRAINTE(DROIT PÉNAL)
Normes : CP.123.al2; CP.126.al2; CP.180; CP.181; CPP.319.al1.letd; CPP.319.al1.leta

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7180/2020 ACPR/687/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 6 octobre 2022

 

Entre

A______, domiciliée ______[GE], comparant par Me B______, avocat, ______ Genève,

recourante

contre l'ordonnance de classement partiel rendue le 11 avril 2022 par le Ministère public,

et

C______, domicilié ______[GE], comparant par Me D______, avocat, ______ Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.

 


EN FAIT :

A. a. Par ordonnance pénale et de classement partiel rendue le 11 avril 2022, le Ministère public a :

·        classé les infractions reprochées à C______ par A______ pour les faits survenus les 16 mars 2019 (lésions corporelles simples [art. 123 CP] ou voies de fait [126 CP]), 19 octobre 2019 (art. 123 ou 126 CP), 3 mars 2020 (menaces [art. 180], voire contrainte [181 CP]) ainsi qu’entre les 4 et 11 mars 2020 (menaces ou contrainte; chiffre 1 du dispositif attaqué);

·        donné acte au précité de ce qu'il renonçait à toute indemnité au sens de l'art. 429 CPP (ch. 2);

·        laissé à la charge de l'État les frais de la procédure afférents au classement (ch. 8); 

·        condamné C______ du chef de lésions corporelles simples pour les blessures occasionnées le 3 mars 2020 (ch. 3 à 5);

·        renvoyé A______ à agir par la voie civile pour faire valoir la réparation de son tort moral (ch. 6);

·        condamné C______ aux frais de la procédure relatifs à l'ordonnance pénale, arrêtés à CHF 510.- (ch. 7), ainsi qu’à verser à la prénommée une indemnité de procédure de CHF 1'600.-, TVA incluse (art. 433 CPP; ch. 9).

b.a. Par acte expédié le 25 avril 2022, A______ recourt contre cette décision, qui lui a été communiquée par pli simple.

Elle conclut, sous suite de frais et dépens : (1) à l’annulation des chiffres 1 à 9 du dispositif précité; (2) à ce que C______ soit "condamn[é]" : pour l’ensemble des infractions classées; du chef de tentative de meurtre, subsidiairement lésions corporelles graves ou mise en danger de la vie d’autrui, s’agissant des blessures du 3 mars 2020; au versement d’une indemnité de CHF 12'000.- à titre de tort moral; au paiement de dépens totalisant CHF  6'690.85 (art. 433 CPP).

b.b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents pour l'issue du litige sont les suivants :

a.a. A______ vit dans un appartement à Genève avec son fils mineur.

a.b. La précitée et C______ ont entretenu une relation amoureuse entre l’été/l’automne 2018 et mi-mai 2020, ponctuée de diverses ruptures, de durées plus ou moins longues.

Chacun a résidé dans son propre logement, sous réserve d’une période de trois mois environ, où le prénommé a vécu au domicile de A______, à savoir du 21 novembre 2018 au 13 février 2019 (selon un document intitulé "[l]es dates" établi par la prénommée).

Cette cohabitation – durant laquelle le couple s’est, d’après A______, régulièrement querellé et C______ l’aurait violentée – n’a pas été officialisée auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM).

b.a. Le 3 mars 2020, une dispute a opposé les prénommés. Le 7 suivant, A______ a contacté la police, souhaitant dénoncer les faits survenus à cette occasion. Les agents ont convoqué les protagonistes pour les entendre 14 mars 2020.

b.b. A______ a déclaré, lors de cette audition, que C______ l’avait, alors qu’elle se trouvait au domicile de ce dernier et qu’ils s’étaient disputés : frappée à plusieurs reprises ("claque[s]" au visage et coups de poing); étranglée au moyen d’un contrôle du cou jusqu’à ce qu’elle perde connaissance, après quoi elle avait chuté et sa tête, heurté le sol; étranglée une seconde fois, alors qu’elle tentait de quitter le logement, geste qui avait aussi entraîné un évanouissement, et menacée avec un couteau. De plus, entre les 4 et 11 mars 2020, le prénommé lui avait envoyé nombre de messages téléphoniques menaçants. Elle déposait plainte pénale pour ces faits.

À l’appui de ses allégués, qu’elle a confirmés par la suite devant le Ministère public, elle a versé un constat médical établi le 9 mars 2020 ainsi que des photographies datées (selon les indications figurant sur le téléphone ayant servi à les prendre) des 4 et 8 du même mois, attestant de diverses lésions physiques.

b.c. Entendu par la police, puis le Ministère public, en qualité de prévenu de lésions corporelles simples, contrainte et menaces, C______ a contesté tout acte pénalement répréhensible. Il n’avait jamais frappé A______. Le 3 mars 2020, cette dernière, qui était devenue agressive, s’était emparée d’un couteau. Il l’avait alors saisie par le bras pour qu'elle lâche cette arme, en vain. Il avait donc dû effectuer un contrôle du cou. Il avait "relâché la pression" immédiatement après que la prénommée avait perdu connaissance; elle était tombée et sa tête avait heurté le sol. A______ s’était évanouie à une unique reprise. Il lui avait effectivement envoyé des messages par la suite, lesquels "parl[aient toutefois] de menace[s] au niveau pénal mais pas contre sa vie".

c.a. Interrogée par le Procureur sur d’autres éventuelles violences physiques, commises avant le mois de mars 2020, A______ a répondu que C______ l’avait frappée à la tête et au visage les 16 mars et 19 octobre 2019.

Pour étayer ses allégués, elle a produit un constat médical établi le 19 octobre 2019 ainsi que des photographies datées (selon les indications figurant sur le téléphone ayant servi à les prendre) des 18 mars et 19 octobre de cette même année, attestant de diverses lésions physiques.

c.b. Le prévenu a nié avoir violenté A______ à la première de ces occasions. Il a reconnu l’avoir frappée à la seconde, pour se défendre, l'intéressée lui ayant "sauté au visage" lors d’une "bagarr[e]". Il a ajouté avoir régulièrement consommé de la cocaïne avec la prénommée.

c.c. A______ n'a pas souhaité répondre aux questions du Ministère public sur ce dernier point.

d. La prénommée a versé au dossier des extraits de messages téléphoniques que C______ lui avait envoyés entre septembre 2019 et mars 2020. Parmi ceux-ci figurent les trois échanges suivants :

·        le 27 septembre 2019, alors que les intéressés devaient se voir le lendemain, le prénommé a insisté pour que A______ l’appelle tout de suite. À cet effet, il lui a notamment dit : "[j]e crois que tu te rend[s] pas compte de ce que je peux te fair[e]"; "[c]rois[-]moi que tu vas regretter"; "c’est pas des menaces c’est un avertissement". La précitée lui a répété plusieurs fois qu’elle ne souhaitait pas le contacter et a, finalement, mis un terme à leur discussion WhatsApp;

·        le 9 mars 2020, C______ lui a écrit : "[a]ppelle[-]moi quand tu peux stp[.] Faut qu’on parle[.] Ecoute j’ai des truc[s] contre toi ! Si tu veux pas que je vois ça à ta famille ou la police [t’as] meilleu[r] temps de m’appeler ! Je veux pas porter plainte[,] je veux pas aller plus loin dans cette guerre";

·        le 11 suivant, il continuait comme suit : "[s]inon ce soir la guerre sera lancée ( )[.] Par exemple j’ai 1 enregistrement o[ù] tu me demande[s] de choper de la coke ! Et de la [k]eta ! Et [où] tu dis que ta mère te s[a]oule[.] Donc si tu veux pas que j’envoie ça au spmi ou à ta mère [.] Réfléchi[s] à ce que tu veux faire à l’avenir[.] Et arrêter cette guerre[.] J’attend[s] un message ou un appe[l] de toi disant que tu veux arrêter tt ces ( ) [c]onnerie[s]".

e. En juillet 2020, A______ a produit un certificat (non daté) de l'Unité interdisciplinaire de médecine et de prévention de la violence (ci-après : IUMPV). Aux dires de sa psychiatre, qui la suit depuis le 11 mars 2020, elle avait évoqué des violences physiques et psychiques à répétition de la part de "son compagnon", lequel aurait voulu contrôler sa vie et la réduire en objet qu’il possédait; elle présentait, du point de vue clinique, des symptômes compatibles avec un état de stress aigu "suite à l’agression".

f.a. Par avis de prochaine clôture du 10 septembre 2021, le Procureur a informé les parties de son intention de rendre [en lien avec les faits du 3 mars 2020] une ordonnance pénale pour les faits constitutifs de lésions corporelles simples et un classement partiel s'agissant des actes de contrainte et menaces allégués.

f.b. À cette suite, A______ a requis que : les infractions aux art. 123 CP (violences physiques infligées en 2019) et 180 CP (messages envoyés en 2019 et 2020), pour lesquelles elle n’avait pas porté plainte, soient poursuivies d’office, celles-ci ayant été commises dans l’année qui avait suivi la fin de son ménage commun avec C______; les réquisits de l’art. 181 CP, infraction réprimée d’office, soient tenus pour réalisés (concernant les messages échangés en 2019 et 2020); les blessures occasionnées le 3 mars 2020 soient qualifiées de tentative de meurtre, subsidiairement de lésions corporelles graves, le prévenu ayant nécessairement voulu/accepté l’un ou l’autre de ces résultats en l’étranglant jusqu’à l’évanouissement; ce dernier soit condamné à l’indemniser aussi bien du tort moral qu’il lui avait infligé que de ses dépens.

C. Dans sa décision de classement partiel déférée, le Ministère public a considéré que l'existence d'un ménage commun entre les parties, au sens des art. 123 al. 2 et 180 al. 2 CP, ne pouvait être retenue, celles-ci ayant vécu ensemble quelques semaines seulement, période au demeurant ponctuée de disputes récurrentes. Il existait donc un empêchement de procéder pour ces infractions (art. 319 al. 1 let. d CPP). En tout état, l’existence de violences physiques (courant 2019) et de menaces (en septembre 2019 et le 3 mars 2020) était insuffisamment établie (art. 319 al. 1 let. a CPP). Rien n’objectivait non plus la commission d'un acte de contrainte lors de la dispute du 3 mars 2020. S’agissant des messages échangés en mars 2020, les conditions de l’art. 181 CP n’étaient pas réalisées, à défaut de menace d'un dommage sérieux, A______ n'ayant pas été effrayée par les propos litigieux (art. 319 al. 1 let. a CPP).

D. Tant la prénommée que le prévenu ont formé opposition à l’ordonnance pénale.

E. a. À l’appui de son recours, A______ affirme avoir reçu le 14 avril 2022 la décision attaquée.

Elle persiste, pour l’essentiel, dans ses requêtes exposées à la lettre B.f.b ci-dessus; concernant les messages que le prévenu lui a adressés en 2019 et 2020, elle limite ses critiques à ceux qui ont été reproduits à la lettre B.d supra, ajoutant qu’il "résult[ait] ( ) du dossier un sentiment de peur et de stress important ( ) chez [elle]". Elle ne revient pas sur les prétendues menaces et/ou contrainte perpétrées lors de l'algarade du 3 mars 2020.

b. Invité à se déterminer, C______ propose, sous la plume de son avocat d'office, le rejet du recours "sous suite de ( ) dépens". Il fait siens les considérants de l'ordonnance entreprise, précisant avoir conservé, durant sa cohabitation avec A______, l’appartement qu’il occupait en 2018, où il retournait régulièrement, notamment lors de disputes.

c. Pour sa part, le Ministère public conclut, à la forme, à l’irrecevabilité de la conclusion n° 2 du recours et, sur le fond, à la confirmation de son ordonnance.

d. A______ réplique et sollicite, à titre subsidiaire, que "les points soulevés" dans cette dernière conclusion soient "renvoyés au Ministère public pour engager l’accusation en ce sens". Elle ajoute que les parties ont fait "ménage commun pour une durée indéterminée".

e. Les intimés n’ont pas dupliqué.

EN DROIT :

1. 1.1. Le recours a été interjeté dans le délai – les réquisits de l'art. 85 al. 2 CPP n'ayant pas été observés – et selon la forme utiles (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP).

1.2. La conclusion visant l'annulation des ch. 1 à 9 du dispositif de l'ordonnance attaquée porte aussi bien sur la décision de classement partiel du 11 avril 2022 (points 1, 2 et 8) que sur l’ordonnance pénale rendue concomitamment (chiffres 3 à 7 et 9).

1.2.1. En tant que le recours vise l'ordonnance de classement, il est dirigé contre une décision sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 322 al. 2 cum 393 al. 1 let. a CPP).

La recourante s’est, de plus, constituée partie plaignante (art. 104 al. 1 let. b CPP) en lien avec les faits classés, expressément pour certains (menaces et contraintes prétendument perpétrées au mois de mars 2020; art. 118 al. 2 CPP) et par actes concluants (arrêt du Tribunal fédéral 6B_170/2019 du 27 mai 2019 consid. 2.2) pour les autres (violences physiques ainsi que messages téléphoniques intervenus courant 2019) – ayant activement participé à la procédure sur ces aspects –.

Elle dispose, en outre, d’un intérêt juridiquement protégé (art. 382 CPP) à voir poursuivre les prétendues infractions commises contre son intégrité physique ainsi que sa liberté (ch. 1 du dispositif attaqué; art. 115 CPP) puis, si elle devait obtenir gain de cause sur le classement, à ce qu’il soit à nouveau statué sur les frais (ch. 8) et indemnités de procédure (ch. 2).

Ce premier volet est donc recevable.

1.2.2. Tel n’est, en revanche, pas le cas de la conclusion visant l'annulation de l'ordonnance pénale, la voie de l’opposition étant seule ouverte pour critiquer celle-ci (art. 354 CPP). Il appartiendra donc à la recourante, qui a formé une telle opposition, de faire valoir ses prétentions dans ce cadre.

1.3.1. La conclusion condamnatoire est également irrecevable, la compétence pour condamner un prévenu sur les plans pénal et civil appartenant exclusivement au juge du fond (art. 126, 351 al. 1 et 433 CPP), voire au Ministère public s'il rend une ordonnance pénale (art. 352 ainsi que 353 al. 1 et 2 CPP).

Quant à la demande de modifier la qualification juridique de l'infraction retenue dans l'ordonnance pénale, elle est aussi irrecevable, devant être examinée dans le cadre de l'opposition formée à dite ordonnance.

1.3.2. Un sort identique doit être réservé à la conclusion subsidiaire formulée dans la réplique (renvoi au Procureur pour mise en accusation), celle-là étant tardive (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP).

Quoi qu’il en soit, la Chambre de céans peut, si elle admet un acte, donner d’office des instructions au Ministère public quant à la suite de la procédure (art. 397 al. 2 CPP).

2. 2.1. La juridiction de recours revoit librement les points de la décision attaqués devant elle (art. 385 al. 1 let. a CPP), les autres aspects, non remis en cause, demeurant tels que fixés par le premier juge (ACPR/231/2022 du 6 avril 2022, consid. 3.3.1; A. KUHN/ Y. JEANNERET/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 385).

2.2. En l’occurrence, la recourante ne conteste pas, dans ses écritures, le classement des infractions aux art. 180 et 181 CP pour les actes commis lors de l'algarade du 3 mars 2020, respectivement pour les propos tenus dans les autres messages téléphoniques que ceux retranscrits à la lettre B.d ci-dessus.

Il ne sera donc pas revenu sur ces aspects.

3. La recourante conteste la réalisation des conditions de l’art. 319 CPP.

3.1. Elle soutient, tout d’abord, que les faits pour lesquels elle n’a pas déposé plainte – à savoir les prétendus blessures et message menaçant intervenus en 2019 – doivent être poursuivis d’office.

3.1.1. Le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu’il est établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action ne sont pas remplies (art. 319 al. 1 let. d CPP). Tel est le cas en l’absence de dépôt d’une plainte pénale requise par le droit matériel (ATF 136 III 502 consid. 6.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_139/2021 du 9 juin 2021 consid. 2).

3.1.2. Les infractions aux art. 123, 126 et 180 CP se poursuivent, soit sur plainte (al. 1), soit d'office si l'auteur est le partenaire de la victime, pour autant qu'ils fassent ménage commun pour une durée indéterminée et que l'atteinte ait été commise durant cette période ou dans l'année qui a suivi la séparation (al. 2).

Cette seconde hypothèse vise une relation de concubinage stable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_757/2020 du 4 novembre 2020 consid 2.2 et 6B_1057/2015 du 25 mai 2016 consid. 1.1), ce par quoi il faut entendre une communauté de vie d'une certaine durée, voire durable, entre deux personnes, qui présente une composante tant spirituelle que corporelle et économique, et qui est parfois désignée comme une communauté de toit, de table et de lit. Si plusieurs années de vie commune sont certes un élément parlant en faveur d’une telle relation, elles ne sont pas à elles seules décisives. Le juge doit procéder dans chaque cas à une appréciation de l'ensemble des circonstances de la vie commune (ATF 138 III 157 consid. 2.3.3; arrêts du Tribunal fédéral 6B_757/2020 et 6B_1057/2015 précités).

3.1.3. En l’espèce, les parties ont emménagé ensemble le 21 novembre 2018, possiblement pour une durée indéterminée – l'absence d'officialisation de leur situation auprès de l’OCPM ne faisant pas obstacle à une telle éventualité –.

La cohabitation ayant été émaillée d’incidents (aux dires de la plaignante), elle a cessé douze semaines plus tard (soit le 13 février 2019).

À défaut, pour les intéressés, d’entretenir des rapports harmonieux, ils n’ont jamais repris la vie commune, malgré le fait qu’ils se sont fréquentés (ponctuellement) jusqu’au mois de mai 2020.

Leur relation n’a donc jamais été stable.

Rien n’atteste non plus d’une véritable communauté de vie entre les parties, celles-ci n’ayant allégué, ni ne s'être soutenues réciproquement (notamment sur le plan financier) durant/après la cohabitation, ni avoir élaboré de quelconque projet d'avenir en commun (mariage, etc.).

L'existence d'un concubinat au sens des art. 123 al 2, 126 al. 2 et 180 al. 2 CP doit donc être niée.

En conséquence, le classement fondé sur l’art. 319 al 1 let. d CPP ne prête pas le flanc à la critique.

3.2. La recourante estime, ensuite, que les messages téléphoniques datés des 9 et 11 mars 2020 (pour lesquels elle a porté plainte) sont constitutifs de menaces et/ou de contrainte, et que celui daté du 27 septembre 2019 (qui n'a pas fait l'objet d'une plainte) viole l’art. 181 CP.

3.2.1. En vertu de l’art. 319 al. 1 let. b CPP, le ministère public classe la procédure lorsque les éléments constitutifs d’une infraction ne sont pas réalisés.

Cette disposition s’interprète à la lumière du principe in dubio pro duriore, selon lequel un classement ne peut être prononcé que quand il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables. Le procureur et l'autorité de recours disposent, à ce sujet, d'un pouvoir d'appréciation (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1).

3.2.2. L'art. 180 al. 1 CP sanctionne celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne.

Pour être qualifiée de grave, la menace doit être objectivement de nature à alarmer la victime; l'on tiendra compte de la réaction d’une personne raisonnable, dotée d'une résistance psychologique normale, face à une situation identique (ATF 122 IV 97 consid. 2b).

Il faut, en outre, que le lésé ait été effectivement effrayé et que le prévenu ait agi intentionnellement, le dol éventuel étant suffisant (arrêt du Tribunal fédéral 6B_593/2016 du 27 avril 2017 consid. 3.1.3).

3.2.3. Se rend coupable de contrainte au sens de l'art. 181 CP, celui qui, notamment en menaçant une personne d'un dommage sérieux, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

Constitue une menace d’un dommage sérieux celle qui est propre à entraver le destinataire dans sa liberté de décision ou d'action (ATF 120 IV 17 consid. 2a/aa). La question doit être tranchée en fonction de critères objectifs, en se plaçant du point de vue d'une personne de sensibilité moyenne (ATF 122 IV 322).

La contrainte est une infraction de résultat; pour qu'elle soit consommée, il faut que la victime, sous l'effet du moyen de contrainte illicite, commence à modifier son comportement, subissant ainsi l'influence voulue par le prévenu (arrêt du Tribunal fédéral 6B_727/2021 du 22 avril 2022 consid. 4.2).

Subjectivement, l’auteur doit agir de façon intentionnelle; le dol éventuel suffit (ATF 120 IV 17 précité, consid. 2c).

3.2.4. In casu, les propos qu’emploie l'intimé dans ses messages des 9 et 11 mars 2020 sont aussi désagréables qu’inappropriés ("j’ai des truc[s] contre toi"; "si tu veux pas que [j'envoie] ça à ta famille ou la police [t’as] meilleu[r] temps de m’appeler; "j’ai 1 enregistrement o[ù] tu me demande[s] de choper de la coke ! Et de la [k]eta ! Et [où] tu dis que ta mère te s[a]oule[.] Donc si tu veux pas que j’envoie ça au spmi ou à ta mère").

Cela étant, au vu des circonstances, ils n’atteignent pas le seuil de gravité requis par les art. 180 et 181 CP. En effet, les parties se trouvaient, à cette époque, dans un important conflit – en lien avec l'algarade du 3 mars précédent, pour laquelle la recourante entendait porter plainte – et l’intimé – qui s’estimait innocent – souhaitait éviter une "guerre", singulièrement sur le plan pénal ("[j]e veux pas porter plainte"; "j’attend[s] un message ou un appe[l] de toi disant que tu veux arrêter tt ces ( ) [c]onnerie[s]"). De plus, la menace de dénonciation à la police/au Service de protection des mineurs n'était guère crédible, puisqu'elle impliquait que l'intimé avouât à ces autorités un comportement illicite, à savoir fournir des stupéfiants à la recourante. Quant à celle du dévoilement à la mère/famille de cette dernière, elle était objectivement impropre à laisser craindre un dommage sérieux.

Du reste, la recourante ne paraît pas avoir été effrayée par ces messages. Ainsi, elle n'a jamais allégué, durant l'instruction, avoir ressenti de la crainte à leur sujet. Ce n'est qu'après que le Ministère public a mis en exergue, dans son ordonnance déférée, l'absence de frayeur, que la recourante a affirmé avoir été apeurée; ses nouvelles déclarations semblent donc être inspirées par les besoins de la cause. Quoi qu'il en soit, rien ne les objective, le diagnostic de stress aigu posé par la psychiatre de l’IUMPV étant consécutif, non aux propos litigieux, mais "à l’agression", i.e. à l’algarade du 3 mars 2020.

Au surplus, la recourante ne prétend pas avoir cédé aux exigences de l’intimé. Elle n’a, en particulier, pas renoncé à porter plainte.

À cette aune, les conditions des art. 180 et 181 CP ne sont pas réalisées.

3.2.5. Concernant la conversation WhatsApp du 27 septembre 2019, les termes qu'y emploie l'intimé pour amener la recourante à l’appeler ("[j]e crois que tu te rend[s] pas compte de ce que je peux te fair[e]"; "[c]rois[-]moi que tu vas regretter"; "c’est pas des menaces c’est un avertissement") sont trop imprécis pour être objectivement de nature à effrayer ou à alarmer un destinataire raisonnable.

À cela s’ajoute que la recourante n’a pas été entravée dans sa liberté d’action lors de cette discussion, puisqu’elle a refusé (à plusieurs reprises) de téléphoner à l'intimé et a, finalement, mis un terme à leurs échanges.

Aussi les éléments constitutifs de l’art. 181 CP ne sont-ils pas réunis, même au stade de la tentative.

3.2.6. Le classement des faits précités se justifie donc.

3.3. En conclusion, le recours se révèle infondé. Il sera, partant, rejeté et la décision entreprise, confirmée.

4. La plaignante, qui succombe (art. 428 al. 1, 1ère et 2ème phrases, CPP), supportera les frais envers l'État, lesquels seront fixés en totalité à CHF 1’000.-, émolument de décision inclus (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

5. La procédure n’étant pas terminée (l’opposition à l’ordonnance pénale devant encore être traitée), il n'y a pas lieu d'indemniser l’avocat d'office de l’intimé (cf. art. 135 al. 2 CPP), qui ne l'a, du reste, pas demandé.

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés déjà versées.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à A______ et C______, soit pour eux leurs conseils respectifs, ainsi qu’au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 


 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

 

 

 

 

P/7180/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

905.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

1'000.00