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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/1959/2022

ACPR/574/2022 du 18.08.2022 sur ONMMP/836/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;ABUS D'AUTORITÉ
Normes : CPP.310; CP.312

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/1959/2022 ACPR/574/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 18 août 2022

 

Entre

A______, domiciliée ______[GE], comparant en personne.

recourante,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 17 mars 2022 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 29 mars 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 17 précédent, notifiée le 21 mars 2022, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 26 janvier 2022.

La recourante conclut, préalablement, à l'octroi de l'assistance judiciaire, principalement, à l'annulation de la décision précitée et à la reprise de l’instruction par le canton de « Berne ou un autre canton alémanique ou italien ».

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ et B______ sont les parents de C______, née en 2011. Séparés depuis 2016, ils s'opposent dans le cadre de diverses procédures civiles et pénales, à Genève et dans le canton de Vaud.

b. D______ est juge au Tribunal pénal du canton de Genève et E______ est procureure au Ministère public du canton de Vaud.

c. Le 19 juin 2020, A______ a déposé plainte contre plusieurs magistrats, parmi lesquels « Madame D______ ou E______ ». Dans sa lettre du 28 juillet 2020 lui demandant de se déterminer sur son éventuelle constitution en qualité de partie plaignante, le Ministère public avait fait référence à la juge genevoise D______. En réponse à cette lettre, A______ avait, d’une part, précisé n’avoir jamais eu affaire à D______ et, d’autre part, affirmé que sa plainte visait la procureure vaudoise E______.

Enregistrée sous le numéro de procédure P/1______/2020, cette plainte a fait l’objet d’une non-entrée en matière le 7 août 2020.

d. Dans une autre procédure, P/2______/2020, dans laquelle A______ est renvoyée en jugement devant le Tribunal de police, D______ a ordonné l’expertise psychiatrique de la prévenue et a posé à l’expert psychiatre – dans le projet de mandat d’expertise du 20 janvier 2022 – la question suivante : « L'acte punissable reproché à la personne concernée est-il en rapport avec son état mental, sa toxicodépendance ou son addiction ? ».

e. Par pli du 26 janvier 2022, A______ a déposé plainte contre D______, d'une part, en son nom propre, pour les infractions de calomnie, atteinte à l'honneur, injure, violation de ses droits fondamentaux, constitutionnels et humains, et d'autre part, au nom de sa fille, pour l'infraction de mise en danger, mise en danger du développement et de l'éducation, violation de ses droits fondamentaux, constitutionnels et humains, « entrave de justice en erreur » et abus d’autorité.

Elle reproche à D______ de refuser de se récuser – alors qu’elle avait été « incluse accidentellement par le MP, mais incluse quand même, à une plainte pénale » –, de lui avoir refusé le changement d’avocat d’office et de l’avoir calomniée en lui prêtant un trouble – qu’aucun médecin n’avait constaté – et une toxicodépendance. Il était inacceptable qu’un juge insulte une personne civile.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a retenu que les faits dénoncés contre D______ ne permettaient pas de mettre en évidence le moindre indice de la commission d'une quelconque infraction pénale (art. 310 al. 1 let. a CPP).

Les griefs exposés dans la plainte avaient déjà été soulevés dans la demande de récusation formée par A______ contre D______, requête qui avait été rejetée par la Chambre de céans (cf. ACPR/838/2021 ; et, ultérieurement, ACPR/216/2022).

Par ailleurs, dans la procédure P/1______/2020, A______ avait, en réponse à la lettre du 28 juillet 2020, confirmé que sa plainte visait, non pas D______, mais bien la procureure vaudoise E______. Le Ministère public avait ainsi rapidement rectifié l’interprétation erronée des termes « Madame D______ ou E______ » et D______ – non visée par la plainte – n’avait pas été informée de l’existence d’une procédure la mentionnant.

D. a. Dans son recours, A______ soutient – à bien la comprendre – que même si le Procureur général avait par erreur pensé que sa plainte avait été formulée contre D______, cette magistrate n’aurait pas dû accepter le dossier, « par souci de partialité ». Elle reproche également à la magistrate d’avoir « joint une ordonnance pénale à un acte d'accusation » et d’avoir refusé de mettre un terme au mandat de son défenseur d’office. Elle persiste par ailleurs à rappeler que la magistrate l’avait insultée en l’accusant de toxicodépendance et de prise de médicaments. Enfin, la magistrate abusait de son pouvoir en utilisant l’argent du contribuable pour « la bâillonner ».

En substance, elle cite l’art. 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’art. 29 Cst. et les art. 3, 4 et 6 CPP, sans autre développement.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             3.1. Selon l'art. 310 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a).

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées), qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, une non-entrée en matière ne peut être prononcée par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'infraction grave (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 ; ATF 137 IV 285 consid. 2.5 p. 288 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_417/2017 du 10 janvier 2018 consid. 2.1.2 ; 6B_185/2016 du 30 novembre 2016 consid. 2.1.2 et les références).

3.2. L’art. 312 CP réprime le comportement des membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, auront abusé des pouvoirs de leur charge.

Cette infraction suppose que l’auteur use illégalement de prérogatives attachées à sa fonction ; ainsi, il décide ou contraint dans un cas où il ne lui était pas permis de le faire (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa et b p. 211; 113 IV 29 consid. 1 p. 30 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_433/2020 du 24 août 2020 consid. 1.2.1). 

3.3. En l’espèce, la recourante reproche au Ministère public de ne pas avoir ouvert une instruction contre D______ pour refus de récusation, refus du remplacement du défenseur d’office, « abus de pouvoir », « insult[e]» et pour avoir joint une ordonnance pénale à un acte d’accusation.

La recourante soutient que la jonction d’une ordonnance pénale à un acte d’accusation violerait la procédure, sans autre développement. Or, lorsque le Ministère public décide de maintenir une ordonnance pénale, celle-ci, transmise au Tribunal pénal, tient lieu d’acte d’accusation (art. 356 al. 1 CPP). Lorsque le juge en est saisi, il peut joindre cet acte d’accusation à d’autres (art. 29 ss CPP). Il n’y a donc pas ici de violation de la loi ni, a fortiori, d’infraction pénale.

S’agissant de la récusation visant D______, cette dernière, à réception de la requête de A______, a procédé conformément à l’art. 58 al. 2 CPP, en exposant les raisons pour lesquelles elle estimait qu’aucun motif n’était réalisé. Ce faisant, elle n’a pas enfreint la loi ni n’a a fortiori commis d’infraction pénale. Il en va de même pour le refus du remplacement du défenseur d’office (art. 133 ss CPP), contre lequel la recourante a déjà formé recours (ACPR/861/2021 du 9 décembre 2021). Ces faits ne sont pas pénalement répréhensibles (art. 1 CPP cum 1 CP).

Pour ce qui a trait à l’atteinte à l’honneur (art. 173 ss CP), on relèvera que la Chambre de céans a déjà retenu que la question posée par D______ à l’expert psychiatre, sous forme interrogative, n’était pas problématique (ACPR/216/2022 du 29 mars 2022). Cette question, inhérente à tout mandat d’expertise quel qu’il soit, ne saurait donc porter atteinte à l’honneur de la recourante.

Concernant le grief « [d’]abus de pouvoir », il ressort de ce qui précède que la magistrate a agi conformément à la loi et n’a donc pas usé illégalement de prérogatives attachées à sa fonction, de sorte qu’on ne saurait retenir une prévention pénale d’abus d’autorité.

Le Ministère public était par conséquent fondé à ne pas entrer en matière sur ces faits.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée, ce qui rend sans objet la demande de « reprise » d’instruction dans un autre canton, pour autant qu’elle ait été recevable.

5.             La recourante sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire en sa faveur.

5.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la Direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b). L'assistance judiciaire comprend, notamment, l'exonération des frais de procédure (art. 136 al. 2 let. b CPP).

La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. L'assistance judiciaire peut donc être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée ou que la procédure pénale est vouée à l'échec (arrêts du Tribunal fédéral 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.1 et 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1. et les références citées).

5.2. En l'occurrence, quand bien même la recourante serait indigente, il a été jugé supra que ses griefs étaient, d'emblée, juridiquement infondés.

La requête d'assistance judiciaire ne peut donc qu'être rejetée.

6.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État fixés en totalité à
CHF 400.-, émolument de décision compris (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

Le refus de l'assistance judiciaire sera, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_215/2018 du 14 juin 2018 consid. 1.2).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Rejette la demande d’assistance judiciaire.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 400.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à A______ et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 


 

P/1959/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

315.00

-

CHF

 

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

400.00