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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/16766/2024

AARP/291/2025 du 12.08.2025 sur JTDP/1421/2024 ( PENAL ) , RENVOYE

Descripteurs : VICE DE FORME;SIGNATURE;DÉCISION DE RENVOI
Normes : LCR.90.al1; LPG.11C.al1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16766/2024 AARP/291/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 12 août 2025

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1421/2024 rendu le 26 novembre 2024 par le Tribunal de police,

 

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, p.a. Nouvel Hôtel de Police, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/1421/2024 du 26 novembre 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de violation simple des règles de la circulation par ordonnances pénales nos 1______, 2______, 3______, 4______, 5______, 6______, 7______, 8______, 9______, 10______, 11______, 12______, 13______, 14______, 15______, 16______, 17______, 18______ et 19______ (art. 90 al. 1 de la Loi fédérale sur la circulation routière [LCR]) et de souillure s'agissant de l'ordonnance pénale n° 20______ (art. 11C al. 1 let. a et c de la Loi pénale genevoise [LPG]), l'a condamné à une amende de CHF 2'000.-, correspondant à une peine privative de liberté de substitution de 20 jours, et au paiement des frais de la procédure, tout en l'acquittant des faits retenus dans les ordonnances pénales nos 21______, 22______, 23______, 24______, 25______, 26______, 27______, 28______, 29______, 30______, 31______, 32______ et 33______.

b. A______ entreprend ce jugement, concluant à son annulation ainsi qu'à celle des ordonnances pénales sur lesquelles il se fonde et, au renvoi de la cause devant le TP pour qu'il statue dans le sens des considérants. Il sollicite une indemnisation pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédures de première instance et d'appel d'un montant total de CHF 2'999.80 (TVA incluse).

c. Le Ministère public (MP) s'en rapporte à justice.

d. Selon les ordonnances pénales nos 1______, 2______, 3______, 4______, 5______, 6______, 7______, 8______, 9______, 10______, 11______, 12______, 13______, 14______, 15______, 16______, 17______, 18______, 19______ et 20______, rendues par le Service des contraventions (SDC), il est reproché à A______, d'avoir à Genève, entre le 19 janvier 2022 et le 10 mars 2022, commis à réitérées reprises de multiples violations simples des règles de la circulation routière au volant de son véhicule de marque C______, gris clair, immatriculé 34______ (France), et d'avoir, à Genève, le 14 février 2002, souillé la place publique en urinant sans droit, comme il ressort des ordonnances mentionnées ci-dessous :

No Contrav.

Date

Heure

Adresse

Type

Amende

Emol.

1

1______

19.01.2022

21:59

Pont du Mont-Blanc / horloge fleurie

Radar

250.00

80.00

2

2______

21.01.2022

09:17

Bld du Pont-d'Arve no ______

Radar

40.00

40.00

3

3______

21.01.2022

15:12

Rue Verdaine

Stationnement interdit

120.00

60.00

4

4______

23.01.2022

22:12

Pont du Mont-Blanc / horloge fleurie

Radar

120.00

60.00

5

5______

25.01.2022

17:01

Rue de Carouge no ______

Utilisation abusive feux clignotants / stationnement interdit

220.00

80.00

6

6______

25.01.2022

14:14

Rue des Rois no _

Parcomètre

40.00

40.00

7

7______

25.01.2022

10:58

Rue du Vieux-Colllège no _____

Stationnement interdit

40.00

40.00

8

8______

25.01.2022

21:45

Rue Verdaine no

Stationnement interdit

120.00

60.00

9

9______

26.01.2022

08:32

Rue Verdaine no

Stationnement interdit

120.00

60.00

10

10______

27.01.2022

14:58

Pont du Mont-Blanc

Radar

40.00

40.00

11

11______

27.02.2022

17:55

Rue Verdaine

Stationnement interdit

120.00

60.00

12

12______

28.01.2022

12:40

Place de Cornavin no ______

Interdiction de s'arrêter

120.00

60.00

13

13______

31.01.2022

09:40

Rue du Vieux-Collègue no ____

Stationnement interdit

40.00

40.00

14

14______

02.02.2022

09:27

Rue Verdaine no

Parcomètre

40.00

40.00

15

15______

03.02.2022

18:15

Rue Verdaine no

Stationnement interdit

120.00

60.00

16

16______

05.02.2022

08:29

Rue Verdaine no

Stationnement interdit

120.00

60.00

17

17______

06.02.2022

07:15

Rue Verdaine no

Stationnement interdit

120.00

60.00

18

18______

08.03.2022

10:13

Avenue de Châtelaine no ___

Radar

40.00

40.00

19

19______

10.03.2022

13:03

Avenue de Châtelaine no ___

Radar

600.00

150.00

20

20______

14.02.2022

15:42

Place de Cornavin

Souillure / Uriner

200.00

80.00


 

B. Les faits retenus par le premier juge, tels qu'ils résultent des ordonnances pénales susvisées, ne sont pas contestés, de sorte qu'il sera renvoyé au jugement entrepris (art. 82 al. 4 du Code de procédure pénale [CPP]), les faits suivants, encore pertinents pour la procédure d'appel, étant pour le surplus mis en évidence :

a. Toutes les ordonnances pénales précitées portent le facsimilé d'une signature manuelle, au-dessus de la mention dactylographiée "la Direction".

b. En temps utile, A______ a systématiquement formé opposition, non motivée, contre ces décisions, sous la plume de son conseil. Le SDC les a maintenues, les ordonnances de maintien ayant été signées à la main, par un juriste du service.

c. Par-devant le TP, A______ a conclu, à titre préjudiciel, par la voix de son conseil, à l'annulation de toutes les ordonnances pénales pour vice de forme ainsi qu'au renvoi de la procédure au SDC. La question préjudicielle a été rejetée par le TP.

Entendu par le TP, le prévenu a reconnu la commission des faits reprochés entre le 19 janvier 2022 et le 10 mars 2022, tout en contestant ceux commis dès le 13 avril 2022.

Au fond, il a conclu à un verdict de culpabilité des infractions commises avant le 13 avril 2022, à la réduction du montant des amendes ainsi que des frais de procédure, et à son acquittement des faits survenus dès le 13 avril 2022, renonçant en tout état à toute indemnisation au sens de l'art. 429 CPP (cf. procès-verbal du TP p. 5).

C. a. La juridiction d'appel a ordonné la procédure écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP).

b. Selon son mémoire d'appel, A______ conclut à l'annulation du jugement ainsi qu'à celle des ordonnances pénales sur lesquelles il se fonde et, au renvoi de la cause au TP pour qu'il statue dans le sens des considérants. Il sollicite une indemnisation pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédures de première instance et d'appel d'un montant total de CHF 2'999.80 (TVA incluse), correspondant à six heures et dix minutes d'activité au tarif horaire de cheffe d'étude de CHF 450.-, dont, notamment, une heure et demie d'activité pour la préparation de l'audience devant le TP, une heure et 20 minutes d'audience TP et une heure et demie d'entretien client le jour de l'audience TP.

c. Invités à présenter leur réponse, le Ministère public et le SDC s'en rapportent à justice et le TP se réfère intégralement à son jugement.

d. Les arguments plaidés seront examinés ci-après en fonction de leur pertinence.


 

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions.

1.2. Conformément à l'art. 129 al. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire (LOJ), lorsque des contraventions font seules l'objet du prononcé attaqué et que l'appel ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, la direction de la procédure de la juridiction d'appel est compétente pour statuer.

1.3. Lorsque seules des contraventions ont fait l'objet de la procédure de première instance, le pouvoir d'examen de l'autorité d'appel est limité à l'arbitraire en ce qui concerne l'établissement des faits, comme le prévoit l'art. 398 al. 4 CPP. L'autorité d'appel ne peut, dans ce cas, procéder à une nouvelle appréciation des preuves ou revoir librement l'état de fait du tribunal de première instance (arrêt du Tribunal fédéral 6B_426/2019 du 31 juillet 2019 in SJ 2020 I 219).

2. 2.1. L'ordonnance pénale contient la signature de la personne qui l'a établie (art. 353 al. 1 let. k CPP).

Lorsque des autorités administratives sont instituées en vue de la poursuite et du jugement des contraventions, elles ont les attributions du ministère public (art. 357 al. 1 CPP).

Les dispositions sur l'ordonnance pénale sont applicables par analogie à la procédure pénale en matière de contraventions (art. 357 al. 2 CPP).

Dans cette hypothèse, les cantons ne peuvent pas prévoir de dispositions de procédure contraires ou complémentaires (ATF 140 IV 192 consid. 1.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1051/2017 du 23 mars 2018 consid. 1.1 et 6B_845/2015 du 12 février 2016 consid. 5.1 [non publié dans l'ATF 142 IV 70]).

2.2. Le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition (art. 356 al. 2 CPP).

Seul le tribunal de première instance est compétent pour statuer sur la validité de ces actes (ATF 142 IV 201 consid. 2 ; 140 IV 192 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_883/2020 du 15 avril 2021 consid. 2.1.2).

Si l'ordonnance pénale n'est pas valable, le tribunal l'annule et renvoie le cas au ministère public en vue d'une nouvelle procédure préliminaire (art. 356 al. 5 CPP).

2.3. Selon l'ATF 148 IV 445 rendu le 22 juin 2022 par le Tribunal fédéral :

- la signature personnelle manuscrite constitue en matière d'ordonnances pénales une exigence de validité formelle érigée dans l'intérêt de la sécurité du droit. Elle permet de connaître l'identité de son auteur, soit la personne qui a prononcé la condamnation et fixé la peine, et de confirmer que l'acte correspond à sa volonté réelle (consid. 1.4.1) ;

- une ordonnance pénale munie d'une signature en facsimilé, et non de la signature manuscrite de son auteur, n'est pas nulle, mais annulable (consid. 1.4.2) ;

- une telle ordonnance pénale doit être annulée par le tribunal et renvoyée à l'autorité de poursuite en vue d'une nouvelle procédure préliminaire, dans la mesure où le prononcé d'une ordonnance pénale valable constitue une condition préalable pour que le tribunal puisse juger l'affaire sur le fond (consid. 1.5.1) ;

- le vice ne peut être guéri par la transmission de l'ordonnance pénale au tribunal si le non-respect des exigences de forme repose sur une pratique établie (consid. 1.5.1).

2.4. Le 4 décembre 2024, le Conseil d'État a adopté le Règlement concernant les modalités de signature des ordonnances pénales rendues par le SDC (RMSOP), lequel est entré en vigueur le 11 décembre suivant. Il prévoit que les ordonnances pénales rendues par le service précité sont munies d'une signature manuscrite ou d'une signature électronique qualifiée (art. 2 RMSOP).

2.5. En l'espèce, les ordonnances pénales rendues par le SDC ne présentent ni l'identité ni la signature de leur auteur, ce qui ne remplit pas les exigences de l'art. 353 al. 1 let. k CPP (cum art. 357 al. 2 CPP). Dès lors, elles sont viciées sur le plan formel.

L'absence de signature résultait d'une pratique établie et appliquée au plus tard jusqu'à l'entrée en vigueur du RMSOP, le 11 décembre 2024, et non d'une inadvertance ponctuelle. Aucune réparation du vice n'est partant envisageable, pas même par le biais des ordonnances de maintien signées par un juriste du service.

Conformément à ce que plaide la défense dans son mémoire d'appel, le vice de forme a pour effet l'annulation des ordonnances pénales litigieuses.

L'appelant a soulevé le moyen à point nommé puisque l'opposition du prévenu ne nécessite pas de motivation (art. 354 al. 2 CPP) et que son conseil l'a plaidé devant le TP sur question préjudicielle, étant rappelé que c'est alors qu'il peut être demandé du juge qu'il tranche un grief portant sur la validité de l'acte d'accusation (art. 339 al. 2 let. a CPP), et partant, sur la validité de l'ordonnance pénale qui en tient lieu.

2.6. En conclusion, le grief formel, invoqué en temps utile, est bien fondé et l'appel doit être admis.

Vu la nature du vice, il n'est pas possible d'y remédier en appel, de sorte que le premier jugement sera annulé et la cause renvoyée au TP pour qu'il annule les ordonnances pénales nos 1______, 2______, 3______, 4______, 5______, 6______, 7______, 8______, 9______, 10______, 11______, 12______, 13______, 14______, 15______, 16______, 17______, 18______, 19______ et 20______, dans le sens des considérants et renvoie la cause au SDC (art. 409 al. 1 et al. 2 CPP).

3. Les frais de la procédure d'appel et ceux de la procédure de première instance seront laissés à la charge de l'État (art. 428 al. 4 CPP).

4. 4.1. La décision sur les frais préjuge en principe de la question de l'indemnisation (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2 ; 137 IV 352 consid. 2.4.2).

4.2. Aucune indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP ne sera allouée pour la procédure préliminaire et de première instance dans la mesure où le prévenu y a formellement renoncé (cf. B.c. § 2 ; procès-verbal du TP p. 5).

4.3. En procédure d'appel, l'appelant a produit des conclusions chiffrées, justificatifs à l'appui. Il lui sera fait droit, sous réserve des réductions suivantes : une heure et demie d'activité pour la préparation de l'audience devant le TP, une heure et 20 minutes d'audience TP et une heure et demie d'entretien client le jour de l'audience TP seront retranchées dans la mesure où ces postes concernent la procédure de première instance auxquels l'appelant avait renoncé à se voir indemniser. Partant, il se verra allouer une indemnité de CHF 891.85, correspondant à une heure et 50 minutes au tarif de CHF 450.-/heure (CHF 825.-) plus l'équivalent de la TVA de 8.1% (CHF 66.85) pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits en procédure d'appel (art. 429 al. 1 let. a et 436 al. 3 CPP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA PRÉSIDENTE
DE LA CHAMBRE PÉNALE D'APPEL ET DE RÉVISION :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1421/2024 rendu le 26 novembre 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/16766/2024.

L'admet.

Annule ce jugement.

Renvoie la cause au Tribunal de police pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Laisse les frais de première instance et d'appel à la charge de l'État (art. 428 al. 4 CPP).

Alloue à A______ une indemnité de CHF 891.85, TVA incluse, pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits en procédure d'appel (art. 429 al. 1 let. a et art. 436 al. 3 CPP).

Notifie le présent arrêt au Tribunal de police et aux parties.

Le communique, pour information, à l'Office cantonal de la population et des migrations et à l'Office cantonal des véhicules.

La greffière :

Ana RIESEN

 

La présidente :

Sara GARBARSKI

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération du 19 mars 2010 (LOAP; RS 173.71), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).