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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/23555/2024

AARP/283/2025 du 04.08.2025 sur JTDP/234/2025 ( PENAL ) , ADMIS

Descripteurs : MENDICITÉ
Normes : LPG.11A.al1.letc.ch2; CPP.428
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23555/2024 AARP/283/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 4 août 2025

 

Entre

A______, domiciliée ______, Roumanie, comparant par Me B______, avocate,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/234/2025 rendu le 3 mars 2025 par le Tribunal de police,

 

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, p.a. Nouvel Hôtel de Police, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1227 Les Acacias,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/234/2025 du 3 mars 2025, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnue coupable d'infraction à l'art. 11A al. 1 let. c de la loi pénale genevoise [LPG] et l'a condamnée à une amende de CHF 100.-, assortie d'une peine privative de liberté de substitution d'un jour, frais de la procédure à sa charge.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son annulation ainsi qu'à celle de l'ordonnance pénale litigieuse pour cause de vice de forme grave en lien avec la signature pré-imprimée, subsidiairement à ce que son acquittement du chef de mendicité soit prononcé, les frais de la procédure devant en tout état de cause être laissés à la charge de l'État, une indemnité équitable devant également lui être accordée pour ses frais de défense.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. En date du 26 mars 2024 à 15h40, A______ se trouvait devant le magasin C______, sis rue 1______ no. ______, [code postal] D______ [GE], en train de mendier, en tendant la main aux personnes entrant et sortant dudit magasin.

b. Observée par la police, laquelle est intervenue pour lui demander de quitter les lieux, la prévenue a été déclarée en contravention sur-le-champ.

c. Un rapport de contravention a été établi le 10 avril 2024, à l'attention du Service des contraventions (SDC), qui ne précise toutefois pas de la distance exacte à laquelle se trouvait A______ lors des faits, se contentant de mentionner "devant le magasin C______".

En outre, le rapport ne précise pas si la prévenue avait fait l'objet d'un avertissement administratif préalable ou si d'autres mesures administratives avaient été prises par le passé.

d. Le SDC a rendu une ordonnance pénale le 2 mai 2024 (n°2______), valant acte d'accusation, à teneur de laquelle il est reproché à A______ d'avoir, dans les circonstances de lieu et de temps précitées, mendié en un lieu proscrit, soit aux abords immédiats d'un magasin, au sens de l'art. 11A al. 1 let. c LPG.

e. Une amende de CHF 100.-, majorée de CHF 60.- d'émolument et assortie d'une peine privative de liberté de substitution d'un jour, a été prononcée à l'encontre de la prévenue, laquelle a formé opposition, sous la plume de son conseil, en date du 7 mai 2024.

f. Par ordonnance du 10 octobre 2024, le SDC a maintenu sa décision, rappelant que la prévenue avait déjà fait l'objet de plusieurs condamnations exécutoires pour des faits similaires et qu'elle devait ainsi savoir que la pratique de la mendicité était interdite dans certaines zones.

g. A______ n'a pas comparu à l'audience tenue par-devant le TP en date du 3 mars 2025, lors de laquelle elle s'est fait représenter par son conseil, qui a conclu à son acquittement au sens de l'art. 8 CEDH et a renoncé à faire valoir une quelconque indemnisation.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné la procédure écrite (art. 406 al. 1 let. c du Code de procédure pénale [CPP].

b. Aux termes de sa déclaration d'appel du 24 mars 2025 et de son mémoire d'appel motivé du 4 juin 2025, l'appelante conclut, principalement, à l'annulation du jugement entrepris, à la constatation de l'annulabilité de l'ordonnance pénale querellée et au renvoi de la cause au TP pour nouvelle décision, subsidiairement, à son acquittement du chef de mendicité. En tout état, elle conclut à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'État et qu'une indemnité équitable pour ses frais de défense lui soit accordée.

c. Invités à présenter leur réponse, le Ministère public (MP), le SDC et le TP s'en rapportent à justice quant à la recevabilité de l'appel ainsi qu'au fond.

d. La cause a été gardée à juger au terme d'un délai de dix jours.

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

1.2. La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions.

1.3. Conformément à l'art. 129 al. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire (LOJ), lorsque des contraventions font seules l'objet du prononcé attaqué et que l'appel ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, la direction de la procédure de la juridiction d'appel est compétente pour statuer.

1.4. Lorsque seules des contraventions ont fait l'objet de la procédure de première instance, le pouvoir d'examen de l'autorité d'appel est limité à l'arbitraire en ce qui concerne l'établissement des faits, comme le prévoit l'art. 398 al. 4 CPP. L'autorité d'appel ne peut, dans ce cas, procéder à une nouvelle appréciation des preuves ou revoir librement l'état de fait du tribunal de première instance (arrêt du Tribunal fédéral 6B_426/2019 du 31 juillet 2019 in SJ 2020 I 219).

2. 2.1. L'art. 11A al. 1 let. c ch. 2 LPG punit quiconque aura mendié aux abords immédiats des entrées et sorties de tout établissement à vocation commerciale, notamment les magasins, hôtels, cafés, restaurants, bars et discothèques.

Cette disposition vise la mendicité, soit précisément le comportement reproché à l'appelante.

2.2. Le Tribunal fédéral a été amené à se prononcer récemment sur la conformité de la législation en cause dans toute une série d'arrêts visant cette forme de mendicité poursuivie dans le canton ; notre Haute autorité a pris une position univoque retenant la problématique au regard du principe de la légalité des délits et des peines, la norme n'étant pas suffisamment précise pour envisager une répression égalitaire des cas d'espèce (cf. par exemple arrêt du Tribunal fédéral 6B_923/2024 du 19 mars 2025 consid. 7.4 à 7.8). Se posait également la question de la violation du principe de proportionnalité ; une sanction pénale, soit une amende pouvant se substituer en une peine privative de liberté d'un jour au moins, ne pouvait entrer en considération que comme ultima ratio après l'échec d'autres mesures, de nature administrative et plus adéquates, à l'instar de l'éloignement par la police (officiellement documentée) hors de la zone d'interdiction lors de la première infraction et l'avertissement administratif sous commination d'une amende en cas de récidive avant le prononcé d'une amende à la troisième occurrence, toutes mesures nécessitant, elles aussi, la mise en place d'un dispositif réglementaire (cf. arrêt du Tribunal fédéral, ibidem, consid. 8.5 et ss) ; le principe de proportionnalité n'était pas respecté lorsque le contrevenant n'avait pas été averti, avant d'être sanctionné (cf. arrêt du Tribunal fédéral, ibidem, consid. 8.5 et ss), ce qui devait conduire à l'annulation de la condamnation ne respectant pas les droits fondamentaux, le vice n'étant pas susceptible d'être guéri, et à l'acquittement (voir aussi ATF 149 I 248 consid. 5.4.6 et ss).

2.3. En l'espèce, à la lecture du rapport de contravention du 10 avril 2024, il n'est pas possible de déterminer où se trouvait précisément l'appelante lorsqu'elle s'est adonnée à la mendicité. Les termes "devant le magasin C______" ne permettent pas de déterminer dans quel périmètre exact l'appelante était postée, à tout le moins ils n'autorisent pas à dire qu'elle se trouvait à moins d'un ou deux mètres de l'entrée de l'établissement concerné. Ces imprécisions empêchent le contrôle de l'application de la norme pénale cantonale et ne permettent pas d'apprécier le respect de l'exigence d'immédiateté des abords posée par la loi.

Pour ce motif déjà, l'appel sera admis et l'acquittement de l'appelante sera prononcé.

Pour le surplus, on ignore – même s'il ressort du dossier que l'appelante avait déjà mendié par le passé et été punie en conséquence – si un avertissement lui a été donné, ce qui n'apparaît pas être le cas, puisqu'elle a été déclarée en contravention sur-le-champ. En conclusion, l'appel doit être admis.

3. 3.1. Selon l'art. 428 al. 1, première phrase, CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé.

3.2. L'entier des frais de la procédure préliminaire, de première instance et d'appel sera laissé à la charge de l'État.

4. 4.1. À teneur de l'art. 429 CPP, le prévenu a droit, s'il est acquitté totalement ou en partie, à une indemnité fixée conformément au tarif des avocats pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (al. 1 let. a). L'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu ; elle peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier (al. 2). Lorsque le prévenu a chargé un défenseur privé de sa défense, celui-ci a un droit exclusif à l'indemnité prévue à l'al. 1, let. a, sous réserve de règlement de compte avec son client (al. 3).

4.2. La décision sur les frais préjuge en principe de la question de l'indemnisation (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2 ; 137 IV 352 consid. 2.4.2). La Cour de justice applique au chef d'étude un tarif horaire maximal de CHF 400.- à CHF 450.- (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1026/2013 du 10 juin 2014 consid. 4.5).

4.3. Le principe d'une indemnité est acquis à l'appelante, vu le sort des frais. Son conseil n'ayant pas présenté de décompte de son activité, il sera statué ex aequo et bono sur la base des actes de procédures effectifs pour la procédure d'appel, étant rappelé qu'il a renoncé à faire valoir une indemnisation devant le premier juge.

4.4. Pour la procédure devant la CPAR, l'activité de rédaction de l'annonce d'appel, de la déclaration et du mémoire d'appel sera indemnisée à hauteur de trois heures, étant précisé que le mémoire d'appel ne contient que cinq pages au total, en comptant la page de garde (une page), la reproduction du dispositif de première instance (quasiment une page) ainsi que les conclusions en appel (une demi-page, laissant quasiment une page vierge).

Ainsi, une indemnité ex aequo et bono de CHF 1'200.- sera allouée à Me B______, correspondant à trois heures d'activité au tarif de CHF 400.-/heure, hors TVA, vu le domicile à l'étranger de l'appelante.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA PRÉSIDENTE
DE LA CHAMBRE PÉNALE D'APPEL ET DE RÉVISION :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/234/2025 rendu le 3 mars 2025 par le Tribunal de police dans la procédure P/23555/2024.

L'admet.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ de l'infraction à l'art. 11A al. 1 let c LPG.

Laisse l'entier des frais de la procédure à la charge de l'État (art. 428 CPP).

Met à la charge de l'État une indemnité ex aequo et bono de CHF 1'200.- (TTC) en faveur de Me B______ pour la couverture de ses honoraires pour la procédure d'appel (art. 429 al. 1 let  a et al. 3 CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Sonia LARDI DEBIEUX

 

La présidente :

Sara GARBARSKI

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération du 19 mars 2010 (LOAP; RS 173.71), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).