Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision
AARP/13/2025 du 16.01.2025 sur OPMP/7744/2024 ( REV )
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE P/17937/2024 AARP/13/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale d'appel et de révision Arrêt du 16 janvier 2025 |
Entre
A______, domicilié ______, FRANCE, comparant par Me Jean-Nicolas ROUD, avocat, rue Cheneau-de-Bourg 3, case postale 6983, 1002 Lausanne,
demandeur en révision,
de l'ordonnance pénale jugement OPMP/7744/2024 rendue le 1er août 2024 par le Ministère public
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,
défendeur en révision.
EN FAIT :
A. a. Selon l'ordonnance pénale OPMP/7744/2024 du 1er août 2024, A______ a été reconnu coupable d'infractions aux art. 95 al. 1 let. b de la loi fédérale sur la circulation routière (LCR) et 115 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) et condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, à CHF 30.- l'unité, frais à sa charge.
b. Il était reproché à A______ d'avoir, le 31 juillet 2024, aux alentours de 14h30, au chemin du Petit-Veyrier, à Veyrier, circulé au volant d'un véhicule automobile, alors qu'il se trouvait sous interdiction générale de circuler en Suisse et au mépris d'une interdiction d'entrée sur le territoire helvétique, selon une décision valablement notifiée le 21 février 2023 et valable jusqu'au 16 février 2027.
Le prévenu a reconnu les faits, expliquant à la police qu'il avait circulé en Suisse afin d'y acheter des cigarettes tout en sachant faire l'objet d'une interdiction d'entrée.
c. Cette ordonnance a été notifiée en audience le 1er août 2024. Elle n'a pas été frappée d'opposition.
B. a. Par courrier du 13 août 2024 adressé au Ministère public (MP), et transmis à la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) le 16 août 2024 pour raison de compétence, A______ demande la révision de cette ordonnance pénale. Il conclut à son acquittement de l'infraction à la LEI, à la diminution de la peine prononcée à assortir d'un sursis, et à la réduction des frais.
Il expose que l'infraction LEI retenue contre lui reposait sur une décision du SEM, contestée avec succès devant le Tribunal administratif fédéral (TAF). Il joint une copie de l'arrêt F-1597/2023 rendu le 10 juin 2024 par le TAF, expédié au conseil du recourant le 12 juin 2024. Il souligne que cet arrêt n'est pas définitif, le recours au TF étant encore pendant.
À teneur de cet arrêt, la décision du SEM (du 17 février 2023, notifiée le 21 février 2023 et comportant un retrait de l'effet suspensif d'un éventuel recours) précisait que l'interdiction d'entrée en Suisse était prononcée pour une durée de cinq ans. Le recours contre cette décision a été interjeté le 22 mars 2023 par le conseil assistant le demandeur dans la présente procédure en révision.
L'effet suspensif au recours a été restitué par le TAF le 13 mars 2024.
Sur le fond, le TAF a partiellement admis le recours dont il était saisi et réformé la décision querellée en ce que l'interdiction d'entrée prendra fin le 16 février 2027, la confirmant pour le surplus.
b. Le MP a conclu au rejet de la demande, laquelle apparaissait comme un moyen de contourner la voie de droit ordinaire. L'arrêt du TAF dont se prévalait le demandeur, daté du 10 juin 2024, aurait dû être invoqué dans le délai légal de l'opposition, lequel avait expiré sans avoir été valablement utilisé.
c. Avisées de ce que la cause serait gardée à juger sous dizaine, les parties n'ont pas réagi.
EN DROIT :
1. 1.1.1. La CPAR est l'autorité compétente en matière de révision (art. 21 al. 1 let. b du code de procédure pénale [CPP] cum art. 130 al. 1 let. a de la Loi d'organisation judiciaire [LOJ]).
1.1.2. La demande en révision en raison de faits ou de moyens de preuve nouveaux n'est soumise à aucun délai (art. 411 al. 2 in fine CPP).
1.2.1. L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d'en demander la révision s’il existe des faits nouveaux antérieurs au prononcé ou de nouveaux moyens de preuve qui sont de nature à motiver l’acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère ou plus sévère du condamné ou encore la condamnation de la personne acquittée.
Les faits ou moyens de preuve invoqués dans la demande de révision doivent être nouveaux et sérieux. Les faits ou moyens de preuve sont inconnus lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit. Ils sont sérieux lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 145 IV 197 consid. 1.1 ; 141 IV 349 consid. 2.2 ; 137 IV 59 consid. 5.1.2 et 5.1.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_688/2020 du 15 octobre 2020 consid. 1.1).
1.2.2. De manière générale, la voie de la révision a un caractère subsidiaire par rapport aux recours ordinaires (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1325/2019 du 30 janvier 2020 consid. 3).
1.2.3. Les conditions d'une révision visant une ordonnance pénale sont restrictives. L'ordonnance pénale est rendue dans le cadre d'une procédure spéciale. Elle a pour spécificité de contraindre le condamné à prendre position. Une absence de réaction de sa part s'interprète comme un acquiescement. Il doit s'opposer dans le délai prévu à cet effet s'il n'adhère pas à sa condamnation, par exemple parce qu'il entend se prévaloir de faits omis qu'il considère comme importants. Le système serait compromis si, une fois le délai d'opposition échu sans avoir été utilisé, le condamné pouvait revenir sur l'acquiescement ainsi donné et demander selon son bon vouloir la révision de l'ordonnance pénale pour des faits qu'il aurait déjà pu faire valoir dans une procédure ordinaire en manifestant son opposition. Il s'ensuit qu'une demande de révision dirigée contre une ordonnance pénale doit être qualifiée d'abusive si elle repose sur des faits que le condamné connaissait initialement, qu'il n'avait aucune raison légitime de taire et qu'il aurait pu révéler dans une procédure ordinaire mise en œuvre par une simple opposition. En revanche, une révision peut entrer en considération à l'égard d'une ordonnance pénale pour des faits et des moyens de preuve importants que le condamné ne connaissait pas au moment du prononcé de l'ordonnance ou dont il ne pouvait pas se prévaloir ou n'avait pas de raisons de se prévaloir à cette époque. L'abus de droit ne sera cependant admis qu'avec retenue. Il s'agit, dans chaque cas d'examiner, au regard des circonstances de l'espèce, si la demande tend à contourner les voies de droit ordinaires (ATF 145 IV 197 consid. 1.1 p. 199).
1.2.4. Selon l'art. 412 CPP, la juridiction d'appel examine préalablement la demande de révision en procédure écrite (al. 1) ; elle n'entre pas en matière si la demande est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé (al. 2).
La procédure de non-entrée en matière, selon cette disposition, est en principe réservée à des vices de nature formelle. La juridiction d'appel peut toutefois refuser d'entrer en matière si les motifs de révision invoqués apparaissent d'emblée non vraisemblables ou mal fondés ou lorsque la demande de révision apparaît abusive. Un tel refus s'impose alors pour des motifs d'économie de procédure, car si la situation est évidente, il n'y a pas de raison que l'autorité requière des déterminations pour ensuite rejeter la demande (arrêt du Tribunal fédéral 6B_206/2024 du 5 juin 2024 consid. 1.1.2).
Le seul fait que la juridiction d'appel invite une partie à se déterminer ne suffit pas à retenir qu'elle est déjà, par ce fait même, entrée en matière. La question décisive demeure celle de savoir si, au vu des motifs de révision invoqués, les conditions pour rendre une décision d'irrecevabilité sont réalisées (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1122/2020 du 6 octobre 2021 consid. 2.3).
1.2.5. Celui qui invoque, à l'appui d'une demande de révision, un moyen de preuve qui existait déjà au moment de la procédure de condamnation et dont il avait connaissance doit justifier de manière détaillée de son abstention de produire le moyen de preuve lors du jugement de condamnation. À défaut, il doit se laisser opposer qu'il a renoncé sans raison valable à le faire, fondant ainsi le soupçon d'un comportement contraire au principe de la bonne foi, voire constitutif d'un abus de droit, excluant qu'il puisse se prévaloir du moyen de preuve invoqué dans la nouvelle procédure (arrêt du Tribunal fédéral 6B_866/2014 du 26 février 2015 consid. 1.2).
2. En l'espèce, la date de réception de l'arrêt du TAF ne ressort pas du dossier, mais il apparaît raisonnable de retenir, comme le fait le MP, qu'elle est antérieure au prononcé de l'OPMP en cause. Il est en tout état établi que la procédure de recours contre la décision d'interdiction d'entrée en Suisse était pendante depuis le 1er avril 2021, que le recourant avait obtenu la restitution de l'effet suspensif à son recours le 13 mars 2024, et qu'il était assisté du conseil qui a ensuite formé, pour lui, la présente demande de révision.
Il apparaît dès lors que le demandeur en révision disposait, dans le délai d'opposition à l'OPMP du 1er août 2024, de tous les éléments nécessaires à contester ladite ordonnance.
Il a laissé s'écouler le délai en question sans agir et ne peut ensuite se servir de la procédure de révision pour y palier.
En conséquence, la demande en révision doit être considérée comme irrecevable de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière.
3. Le demandeur, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Déclare irrecevable la demande de révision formée le 13 août 2024 par A______.
Condamne A______ aux frais de la procédure de révision par CHF 615.-, qui comprennent un émolument de CHF 500.-.
Notifie le présent arrêt aux parties.
La greffière : Lylia BERTSCHY |
| La présidente : Delphine GONSETH |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète
(art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.
| ETAT DE FRAIS |
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| COUR DE JUSTICE |
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Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).
Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision |
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Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c) | CHF | 00.00 |
Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i) | CHF | 40.00 |
Procès-verbal (let. f) | CHF | 00.00 |
Etat de frais | CHF | 75.00 |
Emolument de décision | CHF | 500.00 |
Total des frais de la procédure d'appel : | CHF | 615.00 |