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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/3343/2024

AARP/320/2024 du 11.09.2024 sur JTDP/483/2024 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : CONTRAVENTION;ORDURE MÉNAGÈRE
Normes : LPG.11C.al1; CPP.398; CPP.429.al3
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3343/2024 AARP/320/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 11 septembre 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, Roumanie, comparant par Me B______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/483/2024 rendu le 23 avril 2024 par le Tribunal de police,

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 23 avril 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable d'infraction à l'art. 11C al. 1 let. a et c de la loi pénale genevoise (LPG) et l'a condamné à une amende de CHF 100.- (peine privative de liberté de substitution d'un jour), frais de la procédure, arrêtés à CHF 100.-, et émolument complémentaire de jugement en CHF 600.-, à sa charge.

A______ entreprend ce jugement dans son intégralité, concluant à son acquittement.

b. Selon l'ordonnance pénale du Servie des contraventions (SDC) du 14 avril 2023, il est reproché à A______ d'avoir, le 19 mars 2022 à 6h39, à la rue De-Candolle no. ______, souillé le domaine public par le jet ou l'abandon d'ordures, immondices et autres détritus de toute sorte, notamment des sacs à ordures.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. À teneur du rapport de contravention du 29 mars 2022, lors d'une patrouille effectuée le 19 mars 2022 à 6h39, les agents ont contrôlé A______, qui dormait dans la rue à hauteur du no. ______, rue De-Candolle. Des détritus jonchaient le sol autour de lui, ainsi qu'un matelas et des sacs remplis d'ordure. Après avoir été identifié grâce à son passeport roumain, l'intéressé a été déclaré en contravention sur le champ.

b. Par ordonnance pénale du 14 avril 2022, le SDC a infligé à A______ une amende de CHF 300.-, majorée de CHF 100.- d'émolument, pour souillure du domaine public.

c. Sur opposition de A______, le SDC a maintenu son ordonnance, relevant que l'intéressé ne contestait pas la matérialité des faits, mais uniquement le montant de l'amende, qu'il prétendait disproportionné, eu égard à sa situation financière précaire.

d. A______ ne s'est pas présenté à l'audience fixée par le TP, à laquelle il a été représenté par son avocate.

Celle-ci a fait savoir "que les faits de mendicité tels que décrits [étaient] admis" et qu'elle ne souhaitait pas l'administration de nouvelles preuves.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite.

b. Dans son mémoire d'appel, A______ explique que, lors de son arrestation, il dormait dans un campement avec d'autres personnes et n'avait à aucun moment indiqué que les déchets lui appartenaient. Ne parlant pas français, il n'avait pu communiquer avec les agents à ce propos. Il avait formé opposition sur un formulaire type que lui avait remis [l'association caritative] C______ ; que les faits qui lui étaient reprochés n'y soient pas abordés ne signifiait donc pas qu'il les reconnaissait. Les autres personnes contrôlées avaient d'ailleurs également été amendées, en lien avec le même tas d'ordures, ce que la Chambre d'appel et de révision (CPAR) pourrait constater par une simple vérification auprès du SDC. Aucune photographie des lieux n'avait été prise et aucune confrontation organisée, de sorte que les preuves au dossier étaient insuffisantes et sa condamnation arbitraire.

Il réclame une indemnité en lien avec ses frais d'avocat pour la procédure d'appel correspondant à deux heures d'activité au tarif horaire de CHF 450.-.

c. Dans son mémoire de réponse, le Ministère public (MP) rappelle qu'une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable, mais qu'elle doit être insoutenable, non seulement dans sa motivation, mais également dans son résultat. Or, l'appelant ne démontrait pas en quoi l'appréciation du TP était arbitraire, se contentant de contester les faits retenus, étant relevé qu'il n'avait contesté sa culpabilité ni dans son opposition, ni lors de l'audience devant le premier juge.

d. Le SDC, relevant que les nouvelles allégations étaient irrecevables, conclut au rejet de l'appel.

e. Le TP se réfère intégralement à son jugement.

D. A______ est né le ______ 1963 en Roumanie, pays dont il est originaire. Selon ses dires, il est analphabète, sans profession et sans revenus.

À teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, il a été condamné le 20 août 2014 par le Ministère public vaudois à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à CHF 50.- pour vol.

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du code de procédure pénale [CPP]).

1.2. Conformément à l’art. 129 al. 4 de la loi sur l’organisation judiciaire (LOJ), lorsque des contraventions font seules l’objet du prononcé attaqué et que l’appel ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, la direction de la procédure de la juridiction d’appel est compétente pour statuer.

1.3. En matière contraventionnelle, l’appel ne peut être formé que pour le grief selon lequel le jugement est juridiquement erroné ou l’état de fait établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP). Il s’agit là d’une exception au principe du plein pouvoir de cognition de l’autorité de deuxième instance, qui conduit à qualifier d’appel "restreint" cette voie de droit (arrêt du Tribunal fédéral 1B_768/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.1).

Le pouvoir d'examen de l'autorité d'appel est limité à l'arbitraire en ce qui concerne l'établissement des faits (arrêt du Tribunal fédéral 6B_434/2019 du 5 juillet 2019 consid. 1.1). Il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3).

Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1 ; 143 IV 241 consid. 2.3.1).

2. 2.1. Selon l'art. 11C al. 1 LPG, sera puni de l’amende, celui qui aura jeté ou abandonné des immondices, des liquides sales ou nauséabonds ou tout autre corps de même nature sur la voie publique, dans une promenade publique, contre un édifice jouxtant la voie publique, sur ou contre une installation appartenant ou contiguë à la voie publique (let. a) ou aura, de toute autre manière, souillé le domaine public (let. c).

2.2. En l'occurrence, l'appelant a été contrôlé alors qu'il dormait dans la rue, entouré de déchets, ce qu'il ne conteste pas. Certes, il ne ressort pas du rapport de contravention qu'il aurait été interrogé pour savoir si ceux-ci lui appartenaient. Cela étant, il n'a contesté leur propriété, ni dans son opposition, ni lors de l'audience devant le TP. Or, si, compte tenu de son absence de maîtrise du français, il est compréhensible qu'il n'ait pas fourni d'explication dans le cadre de la première – qui n'a au demeurant pas à être motivée (art. 354 al. 2 CPP) –, tel n'est pas de la seconde, où il était représenté par une avocate au fait des enjeux de la procédure et à même de faire valoir pleinement les arguments de son mandant ou solliciter des actes d'enquêtes, ce qu'elle n'a pas fait.

Dans ces conditions, le TP pouvait, sans arbitraire, tirer des éléments en sa possession la conclusion que l'appelant était à l'origine des déchets qui l'entouraient.

Compte tenu du caractère restrictif de l'appel en matière de contravention, les nouvelles allégations de l'appelant ne sont pas recevables. Il en va de même de ses offres de preuve.

La culpabilité de l'appelant sera, partant, confirmée.

3. L'appelant ne conteste pas, au-delà de l'acquittement plaidé, la quotité de l'amende qui lui a été infligée. Le montant de CHF 100.- arrêté par le premier juge, bien que déjà réduit par rapport à celui fixé par le SDC, apparaît toutefois encore trop élevée au vu de sa situation personnelle et de la jurisprudence de la CPAR en la matière (cf. AARP/277/2024 du 9 août 2024).

Il sera dès lors ramené à CHF 30.-, afin de prendre en compte la faute moyenne de l'appelant et sa situation précaire.

La réduction du montant de l’amende tenant exclusivement à la situation financière de l’appelant, la peine privative de liberté de substitution d’un jour sera confirmée.

L’appel sera admis sur ce point, en application de l’art. 404 al. 2 CPP.

4. L'appelant, qui succombe, supportera la moitié des frais de la procédure d'appel envers l'État, y compris un émolument d'arrêt réduit de CHF 100.- (art. 425 et 428 al. 1 CPP).

Vu la confirmation du verdict de culpabilité, la répartition des frais de première instance n'a pas à être revue, à l'exception de l'émolument complémentaire de jugement, qui sera mis à la charge du condamné à hauteur de CHF 100.- (art. 425 et 428 al. 3 CPP).

5. 5.1. Si ni un acquittement total ou partiel, ni un classement de la procédure, ne sont prononcés, mais que le prévenu obtient gain de cause sur d'autres points, il a droit à une juste indemnité pour ses dépenses (art. 436 al. 2 CPP), notamment celles occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

L'indemnisation des honoraires d'avocat suit le sort des frais dans la même proportion (ATF 137 IV 352).

5.2. Conformément à l'art. 429 al. 3 CPP, lorsque le prévenu a chargé un défenseur privé de sa défense, celui-ci a un droit exclusif à l’indemnité prévue à l’al. 1, let. a, sous réserve de règlement de compte avec son client.

5.3. En l'occurrence, au vu de la situation personnelle de l'appelant, l'assistance d'un avocat pour faire appel était nécessaire et les deux heures facturées par Me B______ au titre de son intervention apparaissent adéquates.

L'appel n'étant que partiellement admis, seule une heure d'activité, au tarif horaire de CHF 450.- sera toutefois indemnisée, hors TVA, vu le domicile à l'étranger de l'appelant.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/483/2024 rendu le 23 avril 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/3343/2024.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable d'infraction à l'art. 11C al. 1 let. a et c LPG.

Condamne A______ à une amende de CHF 30.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution d'un jour.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______ aux frais de la procédure de première instance, arrêtés à CHF 100.- (art. 425 et 426 al. 1 CPP).

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 100.-.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 275.-, y compris un émolument d'arrêt de CHF 100.-.

Met la moitié de ces frais, soit CHF 137.50 à la charge de A______ et laisse le solde à la charge de l'État.

Met à la charge de l'État une indemnité de CHF 450.- TTC en faveur de Me B______, pour l'activité développée dans le cadre de la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

Le président :

Fabrice ROCH

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

 

 

 

 

 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

700.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

100.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

100.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

275.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

975.00