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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/9669/2023

AARP/277/2024 du 09.08.2024 sur JTDP/118/2024 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : MENDICITÉ
Normes : LPG11C
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9669/2023 AARP/277/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 9 août 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______, Roumanie, comparant par Me Dina BAZARBACHI, avocate, BAZARBACHI LAHLOU & ARCHINARD, rue Micheli-du-Crest 4, 1205 Genève,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/118/2024 rendu le 30 janvier 2024 par le Tribunal de police,

 

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 30 janvier 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnue coupable d'infraction à l'art. 11C al. 1 let. a et c de la loi pénale genevoise (LPG) et l’a condamnée à une amende de CHF 100.- (art. 106 CP), assortie d’une peine privative de liberté de substitution d’un jour, et l’a condamnée au paiement des frais de la procédure, arrêtés à CHF 50.- (art. 426 al. 1 CPP).

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement complet.

b. Selon l'ordonnance pénale du Service des contraventions (SDC) du 18 février 2022 il est reproché ce qui suit à A______ :

Souillure du domaine public par le jet ou l’abandon d’ordures, immondices et autres détritus de toute sorte, notamment sac à ordures, le [dimanche] 12 décembre 2021 à 7h11 à la rue 1______ no. ______.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. À teneur du rapport de contravention du 13 décembre 2021, la police a procédé, le 12 décembre 2021, à 07h11, au contrôle de A______, identifiée au moyen de sa carte d'identité roumaine, étant précisé que cette personne dormait dans un campement sauvage à la rue 1______ no. ______, au milieu de déchets et d'immondices. Questionnée à ce sujet, l'intéressée avait déclaré que le tas d'ordures en cause était le sien. Une fois le contrôle achevé, elle a été déclarée en contravention.

b. L’ordonnance pénale susmentionnée a fait l’objet d’une opposition non motivée, déposée en temps utile. Par ordonnance du 4 mai 2023, le Service des contraventions a maintenu l'ordonnance pénale et transmis le dossier au Tribunal de police.

c. A______ ne s'est pas présentée aux débats de première instance ; son Conseil a été autorisée à la représenter.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite.

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions. Les arguments plaidés seront discutés, dans la mesure de leur pertinence, au fil des considérants qui suivent.

c. Le MP et le SDC concluent à la confirmation du jugement entrepris.

D. A______, de nationalité roumaine, est née le ______ 1976. Elle est domiciliée en Roumanie et, selon les explications de son Conseil, elle est très pauvre et n'a pas de moyens de subsistance.

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

1.2. En matière contraventionnelle, l'appel ne peut être formé que pour le grief selon lequel le jugement est juridiquement erroné ou l'état de fait établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP).

Le pouvoir d'examen de l'autorité d'appel est ainsi limité dans l'appréciation des faits à ce qui a été établi de manière arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_362/2012 du 29 octobre 2012 consid. 5.2). Il s'agit là d'une exception au principe du plein pouvoir de cognition de l'autorité de deuxième instance qui conduit à qualifier d'appel « restreint » cette voie de droit (arrêt du Tribunal fédéral 1B_768/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.1).

Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable ; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1 ; 143 IV 241 consid. 2.3.1 ; sur la notion d'arbitraire en matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il est renvoyé à l'ATF 143 IV 500 consid. 1.1).

1.3. Conformément à l'art. 129 al. 4 de la Loi sur l'organisation judiciaire (LOJ), lorsque des contraventions font seules l'objet du prononcé attaqué et que l'appel ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, la magistrate exerçant la direction de la procédure de la juridiction d'appel est compétente pour statuer.

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH, par les art. 32 al. 1 Cst. et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve.

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3).

2.2. Selon l'art. 11C al. 1 LPG, sera puni de l’amende, celui qui aura jeté ou abandonné des immondices, des liquides sales ou nauséabonds ou tout autre corps de même nature sur la voie publique, dans une promenade publique, contre un édifice jouxtant la voie publique, sur ou contre une installation appartenant ou contiguë à la voie publique (let. a) ou aura,, de tout autre manière, souillé le domaine public (let.c).

L'art. 6 du Règlement sur la salubrité et la tranquillité publiques (RSTP) stipule qu'il est interdit de jeter ou d’abandonner sur le domaine public (a) des sachets, bouteilles, canettes et autres emballages de toute sorte, (b) des restes de repas, (c) des journaux et autres imprimés, (d) des débris et autres résidus de toute sorte ou (e) des ordures, immondices et autres détritus de toute sorte.

2.3. L'appelante soutient que les détritus retrouvés le jour des faits ne lui appartenaient pas, que toutes les personnes du campement avaient été condamnées en raison des mêmes ordures et invite la Cour à se renseigner à ce sujet. Elle soutient qu’il est arbitraire de retenir sa culpabilité sans autre instruction. Elle conteste également avoir suffisamment de connaissances du français pour avoir pu s’entretenir avec l’agent verbalisateur. Aucune photo des lieux n'ayant été prise et en l'absence de confrontation, les faits de la présente cause n'avaient pas suffisamment été instruits, de sorte qu'elle devait être acquittée.

2.4. Le pouvoir d'examen de l'autorité d'appel, s'agissant de l'appréciation des faits, est limité à l'arbitraire. Or, en l’espèce, l'appelante n'a pas motivé son opposition, ce qu’elle n’était pas tenue de faire ; elle n’a pas non plus comparu aux débats de première instance ni n’a sollicité d’acte d’instruction, notamment de confrontation avec l'agent verbalisateur, alors qu'il lui eût été loisible de le faire. L’apport d’autres dossiers du SDC ne peut être ordonné dans le cadre de la procédure d'appel, puisqu’aucun acte d’instruction ne peut être mené à ce stade.

Le Tribunal de police s'est fondé sur le rapport de contravention, rédigé le lendemain des faits par un agent assermenté, à l’issue d’une patrouille dans le cadre de laquelle il était accompagné d’un collègue, pour conclure à la culpabilité de l'appelante. Il a retenu que rien ne permettait de douter des constatations policières, qu’il n’était pas d'usage que les forces de l'ordre consacrent du temps à l'établissement d’inventaires et autres cahiers photographiques dans un tel contexte et qu’il n'y avait pas besoin de parler français pour faire comprendre à un tiers que quelque chose nous appartient, dès lors qu'une gestuelle basique permettait de faire passer un tel message à n'importe qui.

Ces constatations ne sont pas sérieusement remises en cause et l'appelante, qui se borne à contester la matérialité de l'infraction, ne développe pas pour quels motifs cette appréciation des faits serait arbitraire.

Le verdict de culpabilité sera confirmé.

3. L'appelante ne conteste pas, au-delà de l'acquittement plaidé, la quotité de l'amende qui lui a été infligée. L'amende de CHF 100.- prononcée par le premier juge apparaît toutefois trop élevée au vu de sa situation personnelle ; son montant sera ramené à CHF 30.- afin de prendre en compte sa faute moyenne et sa situation précaire.

La réduction du montant de l’amende tenant exclusivement à la situation financière de l’appelante, la peine privative de liberté de substitution d’un jour sera confirmée.

L’appel sera admis sur ce point, en application de l’art. 404 al. 2 CPP.

4. L'appelante, qui obtient partiellement gain de cause et se trouve dans une situation personnelle précaire, supportera la moitié des frais de la procédure d'appel envers l'État, y compris un émolument d'arrêt réduit de CHF 100.-, tenant compte de sa situation personnelle (art. 425 et 428 CPP).

Vu la confirmation du verdict de culpabilité, la répartition des frais de la procédure préliminaire et de première instance n'a pas à être revue.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/118/2024 rendu le 30 janvier 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/9669/2023.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable d'infraction à l'art. 11C al. 1 let. a et c LPG.

Condamne A______ à une amende de CHF 30.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution d’un jour.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, arrêtés à CHF 50.- (art. 426 al. 1 CPP).

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 295.-, comprenant un émolument de jugement de CHF 100.-.

Met la moitié de ces frais, soit CHF 147.50 à la charge de A______ et laisse le solde de ces frais à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Linda TAGHARIST

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 


 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

50.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

120.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

100.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

295.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

345.00