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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/8288/2021

AARP/258/2024 du 26.07.2024 sur JTDP/1614/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : FIXATION DE LA PEINE
Normes : LCR.90.al3; LCR.90; CP.47; CP.41; CP.42.al1; CP.42.al4
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8288/2021 AARP/258/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 26 juillet 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [VD], comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1614/2023 rendu le 12 décembre 2023 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/1614/2023 du
12 décembre 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de violation fondamentale des règles de la circulation routière (art. 90 al. 3 et 3ter de la Loi fédérale sur la circulation routière [LCR]) et condamné à une peine privative de liberté de huit mois avec sursis (délai d'épreuve : trois ans) ainsi qu'à une amende de CHF 4'620.- (peine privative de liberté de substitution : 66 jours), frais à sa charge.

a.b. A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant sa condamnation à une peine pécuniaire de 180 jours-amende ainsi qu'à une amende "[tenant] compte de sa situation patrimoniale".

b. Selon l'acte d'accusation du 21 juillet 2023, il est reproché à A______ d'avoir, à Genève, le 6 janvier 2021, à 22h42, sur la route de Malagnou (à proximité du numéro ______), en direction de la rue Ferdinand-Hodler, circulé au volant de son véhicule automobile, à la vitesse de 115 km/h, alors que la vitesse maximale autorisée sur ce tronçon était limitée à 50 km/h, commettant ainsi un dépassement de la vitesse autorisée de 59 km/h, déduction faite la marge de sécurité de 6 km/h.

Il avait agi intentionnellement et ainsi créé un sérieux danger pour la sécurité d'autrui. Il avait accepté de générer un grand risque d'accident de nature à entraîner de graves blessures ou la mort, faits qualifiés d'infraction au sens de l'art. 90 al. 3 et 4 2ème phrase aLCR (dans sa version antérieure au 1er octobre 2023).

B. Dans la mesure où les faits ne sont pas contestés, ils peuvent être résumés comme suit, étant pour le surplus renvoyé au résumé du premier juge, lequel ne prête pas flanc à la critique (art. 82 al. 4 du Code de procédure pénale [CPP]).

a. Dans les conditions précitées (cf. supra A.b 1er paragraphe), A______ a circulé au volant de sa voiture, d'une puissance de 140kW, à la vitesse de 115 km/h, alors que la vitesse maximale autorisée sur ce tronçon de la route de Malagnou était de 50 km/h.

b. Entendu par la police le 19 mars 2021, A______ a déclaré que ce soir-là, il avait invité deux amis de France, dont C______. Ceux-ci étaient arrivés chez lui entre 19h00 et 21h00 avec la voiture du précité. Ils passaient la soirée à la maison et buvaient. C______ avait souhaité faire un tour avec sa voiture, car elle était plus puissante que la sienne. Il lui avait confié le volant, étant précisé que son ami ne consommait pas d'alcool. Ils étaient partis tous les deux vers 21h00, laissant leur ami et sa propre compagne à la maison. Ils avaient roulé plusieurs heures et étaient revenus vers 01h00 du matin. Tout s'était bien passé ; C______ avait conduit tout le long. Durant son séjour en Suisse du 6 au 10 janvier 2021, C______ avait utilisé sa voiture à deux ou trois reprises. Il ne lui semblait pas l'avoir prêtée à quelqu'un d'autre au moment où l'infraction avait été commise.

c. Selon le rapport de renseignements du 30 mars 2021, C______, contacté téléphoniquement la veille, avait confirmé avoir conduit le véhicule de A______ et être l'auteur de l'excès de vitesse. Il vivait à D______ (France), de sorte qu'un déplacement vers Genève pour y être entendu n'était pas envisagé.

d. Le 29 novembre 2021, le Ministère public de Genève (ci-après : MP) a adressé une demande d'entraide au Procureur général du Parquet de E______ [France] afin que C______ soit entendu sur les faits et sa situation personnelle/financière.

e. Par courrier du 25 août 2022 au MP, A______ a expliqué qu'après avoir procédé à des vérifications, il avait réalisé qu'il avait commis une erreur et avait confondu les dates de séjour de son ami. Il était le conducteur au moment des faits et allait chercher sa compagne au travail. Il avait voulu "préserver [s]a situation familiale, sa compagne enceinte et sans moyen de locomotion", de sorte que cela "allait de soi de ne pas avoir commis cela". Il avait été persuadé que la vitesse était limitée à 80 km/h. C'était la première fois qu'il commettait un tel excès de vitesse, alors qu'il était titulaire du permis de conduire depuis plus de dix ans. Il avait pris conscience de la gravité de l'affaire et n'avait à aucun moment voulu enfreindre la loi ou mettre quiconque en danger.

f. Entendu par le MP et le TP, A______ a confirmé la teneur du courrier précité (cf. supra B.e) et admis les faits reprochés.

Il n'avait pas agi volontairement. Il avait pensé que cette route – qu'il n'empruntait pas très souvent, soit environ à une dizaine de reprises lorsqu'il vivait à Genève – était limitée à 80 km/h, et non à 50 km/h. Il s'était focalisé sur la fluidité de la circulation, pas sur la limitation de vitesse. Il circulait ainsi pour aller chercher sa compagne enceinte, qui se sentait mal. Il savait qu'elle ne "simulait" pas et avait choisi d'accélérer vu son état. Sur le moment, il n'avait pas pensé mettre quiconque en danger, étant précisé que c'était le soir, qu'il n'y avait que peu de monde sur la route et que la voie était libre. Il était désormais conscient qu'il n'aurait pas pu s'arrêter si un piéton avait traversé la chaussée et qu'il aurait pu le blesser, voire le tuer, mais tel n'était pas le cas au moment des faits. Il regrettait son excès de vitesse.

Lors des débats de première instance, il a précisé ne pas avoir pour habitude de circuler à cette vitesse. Il rentrait du travail (à F______ [VD]) et avait circulé vite, mais ne pensait pas rouler aussi rapidement. Il avait dû aller chercher sa compagne en urgence car elle avait des maux de ventre. Il n'avait pas senti le danger, hormis le fait qu'il était en excès de vitesse. Il n'avait pas accusé faussement son ami, C______, puisque celui-ci était avec lui ce jour-là et qu'il prêtait facilement son véhicule. Il avait pris conscience de la dangerosité de son comportement et ne recommencerait pas.

Il avait obtenu son permis de conduire en 2010 et ne faisait pas encore l'objet d'un retrait (cf. infra B.g). Il utilisait son véhicule pour ses déplacements professionnels. Il conduisait tous les jours huit à dix kilomètres pour aller à son travail et devait se rendre à Neuchâtel une fois par mois pour la formation de son apprenti. La charge des déplacements de sa famille (enfants et compagne) lui incombait, car son amie, laquelle comptait sur lui, n'avait jamais conduit en Suisse, et presque pas en France.

g. Le Service des automobiles et de la navigation (SAN) du canton de Vaud a suspendu la procédure administrative jusqu'à droit connu dans la présente procédure (cf. courriers à l'attention de la Chambre de céans des 8 février et 9 juillet 2024).

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties (art. 406 al. 2 du Code de procédure pénale [CPP]).

b.a. Selon son mémoire d'appel, A______ conclut au prononcé d'une peine pécuniaire tenant compte de sa situation financière et à ce qu'il soit renoncé au prononcé d'une amende à titre de sanction immédiate.

Au vu des circonstances du cas d'espèce (excès de vitesse commis sur une route dont les deux voies étaient larges, trafic fluide, bonne visibilité, présence de feux de signalisation aux passages piétons), il n'avait pas risqué de causer un accident et avait cru, à tort, que le tronçon était limité à 80 km/h, étant précisé qu'il était ressortissant français et n'avait que rarement emprunté cette route lorsqu'il vivait à Genève.

Il n'était pas nécessaire de lui infliger une peine privative de liberté, le prononcé d'une peine pécuniaire était suffisant. Contrairement à ce qu'avait retenu la première juge, il n'avait pas cédé à un mobile égoïste, mais était allé chercher sa compagne enceinte et souffrant de maux de ventre sur son lieu de travail. Il n'avait de surcroît pas dénoncé son ami de mauvaise foi. Il était jeune et n'avait aucun antécédent. Sa collaboration avait été bonne ; ses regrets étaient sincères et il n'avait plus été impliqué dans un accident depuis les faits. La sanction administrative (retrait du permis de conduire d'une durée d'un à deux ans) suffisait à le dissuader de toute récidive, ce d'autant qu'il utilisait quotidiennement son véhicule (déplacements familiaux ou professionnels). Il fallait tenir compte, dans l'évaluation de sa situation financière, du fait qu'il était désormais au chômage. Le prononcé d'une amende à titre de sanction directe ne se justifiait pas et placerait sa famille dans une situation financière très précaire, ce qui équivalait à lui infliger une peine additionnelle.

b.b. À l'appui de son mémoire, l'appelant produit notamment :

- un courriel de G______ confirmant les missions de sa compagne, H______, au sein [de l'hôpital] I______ du 1er décembre 2020 au 30 avril 2021 à 80%, ainsi qu'une fiche de salaire de janvier 2021 ;

- ses décomptes d'indemnités journalières du chômage de janvier et février 2024 (revenu mensuel net moyen sur les deux mois : CHF 4'086.20) ;

c. Par courrier de réponse, le Ministère public (MP) conclut à la confirmation du jugement entrepris, se rapportant expressément aux considérants de celui-ci.

D. Situation personnelle et antécédents

a. A______ est né le ______ 1991, à D______, en France, pays dont il est ressortissant. Au bénéfice d'un permis B, il vit à F______ avec sa compagne et leurs fils nés les ______ 2021 et ______ 2022.

À l'époque du premier jugement, il travaillait en qualité de coach sportif à F______, emploi pour lequel il était rémunéré CHF 4'600.- nets par mois. Il avait parfois des revenus accessoires (environ CHF 1'400.- par mois) provenant de son travail dans le nettoyage, mais, à suivre ses déclarations par-devant le TP, il n'était plus en mesure d'exercer cette activité depuis plusieurs mois en raison de l'âge de ses enfants.

Depuis janvier 2024, il perçoit des indemnités journalières de l'assurance-chômage, correspondant à un revenu mensuel net moyen de CHF 4'086.20 (cf. supra C.b.b.
2ème tiret). Sa compagne ne travaille pas. Son assurance-maladie s'élève à quelque CHF 350.- par mois. Ses mensualités de leasing à CHF 880.- par mois. Sous la plume de son conseil, il indique, en appel, s'acquitter, en sus, des primes d'assurance-maladie de sa compagne et de ses fils pour un montant total de CHF 350.-, subsides déduits.

Il n'a ni fortune, ni dette.

b. Il est sans antécédent judiciaire.

E. Bien qu'invité à le faire par la Cour de céans dans un délai de 20 jours par courrier du 13 février 2024 (dit délai ayant été prolongé au 25 mars 2024 à la demande de l'appelant), Me B______, défenseur d'office de A______, n'a pas déposé d'état de frais et d'honoraires pour ses diligences durant la procédure d'appel.

Il a été indemnisé pour 7.5 heures d'activité en première instance.

 

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

1.2. La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art.  391 al. 1 CPP).

2. 2.1. L'appelant ne remet pas en cause sa condamnation pour violation fondamentale des règles de la circulation routière, de sorte que seule la peine doit être examinée.

2.2.1. L'infraction à l'art. 90 al. 3 LCR est passible d'une peine privative de liberté d'un à quatre ans. En vigueur depuis le 1er octobre 2023, l'art. 90 al. 3ter prévoit toutefois qu'en cas d'infraction à l'al. 3, l'auteur peut être puni d’une peine privative de liberté de quatre ans au plus ou d'une peine pécuniaire s'il n'a pas été condamné, au cours des dix années précédant les faits, pour un crime ou un délit routier ayant gravement mis en danger la sécurité de tiers ou ayant entraîné des blessures ou la mort de tiers.

2.2.2. L'application du nouveau droit aux faits antérieurs à son entrée en vigueur – acquise à l'appelant – est justifiée par le fait qu'il lui est plus favorable (art. 391 al. 2 CPP ; art. 2 al. 2 CP cum art. 333 CP et art. 102 al. 1 LCR).

2.3.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1, 136 IV 55 consid. 5 et 134 IV 17 consid. 2.1).

2.3.2. Le juge pénal peut tenir compte de sanctions extra-pénales, dont un retrait du permis de conduire, dans la fixation de la peine. Dans un arrêt 6S.22/2007 du 4 mai 2007, le Tribunal fédéral a toutefois confirmé, après avoir constaté le caractère temporaire de la suspension d'une autorisation de pratiquer d'un médecin et l'interruption de la procédure administrative jusqu'à droit jugé au pénal, que le juge pénal pouvait ne pas tenir compte de la sanction administrative, de nature provisoire, dans la fixation de la peine (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6S.22/2007
op.cit. consid. 11.3 ; L. PAREIN, La fixation de la peine, Bâle 2010 p. 158).

2.4. L'art. 41 CP autorise le juge à prononcer une peine privative de liberté à la place d’une peine pécuniaire, en justifiant son choix de manière circonstanciée (al. 2), si une peine privative de liberté paraît justifiée pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (al. 1 let. a) ou s’il y a lieu de craindre qu’une peine pécuniaire ne puisse pas être exécutée (al. 1 let. b).

La peine pécuniaire constitue la sanction principale dans le domaine de la petite et moyenne criminalité, les peines privatives de liberté ne devant être prononcées que lorsque l'État ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Lorsque tant une peine pécuniaire qu'une peine privative de liberté entrent en considération et que toutes deux apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu, conformément au principe de la proportionnalité, d'accorder la priorité à la première, qui porte atteinte au patrimoine de l'intéressé et constitue donc une sanction plus clémente qu'une peine privative de liberté, qui l'atteint dans sa liberté personnelle (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1 ; 134 IV 97 consid. 4.2.2). Le choix de la sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l'adéquation de la peine, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention (ATF 147 IV 241 consid. 3.2 ; 144 IV 313 consid. 1.1.1 ; 137 II 297 consid. 2.3.4). La faute de l'auteur n'est en revanche pas déterminante (ATF 137 II 297 consid. 2.3.4 ; ATF 134 IV 97 consid. 4.2 ;
ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1 ; 6B_420/2017 du 15 novembre 2017 consid. 2.1), pas plus que sa situation économique ou le fait que son insolvabilité apparaisse prévisible
(ATF 134 IV 97 consid. 5.2.3).

2.5. Le juge suspend en règle générale l'exécution d’une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP).

La combinaison prévue par l'art. 42 al. 4 CP se justifie lorsque le sursis peut être octroyé, mais qu'une sanction ferme accompagnant la sanction avec sursis paraît mieux à même d'amener l'auteur à s'amender, notamment pour des motifs de prévention spéciale. Elle doit contribuer, dans l'optique de la prévention tant générale que spéciale, à renforcer le potentiel coercitif de la peine avec sursis, en particulier dans les délits de masse. Cette forme d'admonestation adressée au condamné doit attirer son attention sur le sérieux de la situation en le sensibilisant à ce qui l'attend s'il ne s'amende pas (ATF 146 IV 145 consid. 2.2 ; 134 IV 60 consid. 7.3.1). La combinaison prévue à l'art. 42 al. 4 CP constitue un "sursis qualitativement partiel" (ATF 134 IV 1 consid. 4.5.2).

Si le juge considère qu'une peine privative de liberté est proportionnée à la faute et qu'il désire ajouter, comme le lui autorise l'art. 42 al. 4 CP, une amende, il doit réduire la peine privative de liberté avec sursis en conséquence (ATF 134 IV 53 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_61/2010 du 27 juillet 2010 consid. 5.2), sans pouvoir prononcer une peine inférieure au minimum légal (arrêt du Tribunal fédéral 6B_41/2015 du 29 janvier 2016 consid. 1.5).

2.6. La culpabilité de l'appelant est très importante. Il a roulé en plein centre-ville au volant d'un véhicule qu'il savait puissant à une allure de 115 km/h, sur un tronçon où la vitesse était limitée à 50 km/h. Quoi qu'en dise l'appelant, il ne pouvait que s'apercevoir de ce qu'il ne roulait pas sur une voie rapide, au vu de l'endroit où l'excès de vitesse a été commis (tronçon bordé d'immeubles, d'arrêts de bus, de commerces, présence de feux et de passages piétons…), d'autant plus s'il avait déjà emprunté, comme il l'affirme, cette route à une dizaine de reprises. Même si la circulation était fluide, en circulant à cette allure en pleine ville et de nuit (22h42 au mois de janvier), il a risqué de mettre l'intégrité physique ou la vie d'autrui en péril. Par chance, aucun accident n'est survenu, en dépit du danger important créé.

Même à admettre qu'il allait chercher sa compagne enceinte et souffrant de maux de ventre sur son lieu de travail, il a agi par convenance personnelle, et son mobile demeure égoïste. Aucune urgence médicale ne justifiait de prendre un tel risque, étant relevé que son amie exerçait à l'hôpital, où elle pouvait consulter le cas échéant.

La collaboration, de même que la prise de conscience, de l'appelant ont été contrastées. Au bénéfice du doute, on ne saurait retenir qu'il a désigné de mauvaise foi son ami lors de son audition à la police – ce dernier ayant également indiqué être l'auteur de l'infraction à teneur du rapport de police et aucun élément n'indiquant qu'il avait eu connaissance de la demande d'entraide avant de se dénoncer par courrier au MP. Il n'a toutefois pas hésité à se retrancher derrière des excuses peu sérieuses, qu'il persiste à plaider, sous la plume de son conseil, en appel, ce qui suggère que sa prise de conscience demeure largement inachevée, en dépit des regrets exprimés.

Sa situation personnelle, plutôt bonne, n'explique pas ses agissements, en particulier pas la grossesse de sa compagne qui aurait plutôt imposé la prudence. Il ne saurait non plus invoquer son jeune âge, alors qu'il avait 30 ans au moment des faits et était titulaire du permis de conduire depuis plus de dix ans.

L'appelant n'a ni antécédent, ni fait l'objet d'une condamnation postérieurement aux faits, ce qui a toutefois un effet neutre sur la fixation de la peine.

L'appelant plaide en vain qu'il risque, à teneur de la loi, un retrait de permis d'un à deux ans (art. 16c al. 2 let. abis LCR). La procédure administrative a été suspendue jusqu'à droit connu dans la présente cause, de sorte que l'on ne saurait tenir compte d'une sanction de nature extra-pénale qui n'a pas encore été prononcée et contre laquelle il existe encore des voies de recours. Même à imaginer l'inverse, un tel retrait, même d'une durée de deux ans, ne saurait réprimer adéquatement les agissements de l'appelant, et cela, même s'il affirme utiliser sa voiture quotidiennement pour des déplacements professionnels et familiaux. Il ne soutient en effet pas qu'il ne pourrait pas se déplacer en transports publics, étant observé que sa compagne, bien qu'elle ne conduise pas d'ordinaire, dispose du permis de conduire.

2.7. Vu les circonstances du cas d'espèce, en particulier la prise de conscience très imparfaite de l'appelant, seule une peine privative de liberté permet de sanctionner de manière adéquate ses agissements (art. 41 al. 1 let. a CP).

Une peine privative de liberté de huit mois apparaît ainsi justifiée pour sanctionner les agissements de l'appelant.

2.8. L'octroi du sursis, dont la durée du délai d'épreuve de trois ans est adéquate, est acquis à l'appelant (art. 391 al. 2 CPP).

2.9. Malgré la gravité des faits et la prise de conscience imparfaite de l'appelant, il sera renoncé au prononcé d'une amende à titre de sanction immédiate (art. 42 al. 4 CP). Le prononcé d'une peine privative de liberté de huit mois avec sursis apparaît, en effet, suffisant à titre de prévention spéciale et pour attirer l'attention du prévenu, lequel est primo-délinquant, sur la gravité de ses agissements.

2.10. Partant, l'appel est partiellement admis.

Le jugement querellé sera réformé en ce sens.

3. L'appelant, qui n'obtient que partiellement gain de cause, supportera 60% des frais de la procédure envers l'État, dont un émolument d'arrêt de CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP ; art. 14 al. 1 let. e du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale), le solde demeurant à charge de l'État.

Vu l'issue de la procédure d'appel, la répartition des frais de la procédure sera confirmée (art. 428 al. 3 CPP ; art. 426 al. 1 CPP)

 

4. 4.1. Malgré l'invitation qui lui a été faite, le conseil de l'appelant n'a pas déposé d'état de frais pour la procédure d'appel. Il convient dès lors de statuer ex aequo et bono.

L'activité du précité en appel a consisté pour l'essentiel en la rédaction, par une avocate-stagiaire, d'un mémoire d'appel de 14 pages (quelque 12 pages de texte), le reste de l'activité déployée (annonce et déclaration d'appel) étant couvert par le forfait.

4.2. En conclusion, la rémunération sera arrêtée à CHF 713.90 correspondant à
cinq heures d'activité au tarif de CHF 110.-/heure (CHF 550.-) plus la majoration forfaitaire de 20% (CHF 110.-) et la TVA au taux de 8.1% (CHF 53.90).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1614/2023 rendu le 12 décembre 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/8288/2021.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de violation fondamentale des règles de la circulation routière (art. 90 al. 3 et 3ter LCR).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de huit mois (art. 40 CP).

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à
trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ de ce que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Prend acte de ce que le Tribunal de police a arrêté les frais de la procédure préliminaire et de première instance à CHF 1'609.-, y compris un émolument complémentaire de jugement de CHF 600.-, et les met à charge de A______.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'355.-, y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'200.-.

Met 60% de ces frais, soit CHF 813.- à la charge de A______ et laisse le solde de ces frais à la charge de l'État.

Prend acte de ce que le Tribunal de police a arrêté à CHF 1'475.50 l'indemnité due à
Me B______, défenseur d'office de A______, pour la procédure préliminaire et de première instance (art. 135 CPP).

Arrête à CHF 713.90, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______, pour la procédure d'appel.


 

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Service des automobiles et de la navigation (SAN) du canton de Vaud, à l'Office cantonal de la population et des migrations et au Service cantonal des véhicules.

La greffière :

Aurélie MELIN ABDOU

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'609.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

80.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'200.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'355.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'964.00