Skip to main content

Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

1 resultats
P/18780/2021

AARP/387/2023 du 17.10.2023 sur JTCO/22/2023 ( PENAL ) , ADMIS

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18780/2021 AARP/387/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 17 octobre 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, Pays-Bas, comparant par Me B______, avocate,

appelante,

 

contre le jugement JTCO/22/2023 rendu le 17 février 2023 par le Tribunal correctionnel,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 17 février 2023, par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) l'a reconnue coupable d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c et d et al. 2 let. a LStup) et de délit à la loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux (art. 86 al. 1 let. a LPTh). Le TCO l'a condamnée à une peine privative de liberté de deux ans, sous déduction de 139 jours de détention avant jugement, au bénéfice du sursis (délai d'épreuve : trois ans). En outre, le TCO a ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans, rejeté ses conclusions en indemnisation et mis 1/8ème des frais à sa charge.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement et à son indemnisation pour la détention injustifiée à concurrence de CHF 31'020.- avec intérêts à 5% dès le 30 janvier 2022.

b. Selon l'acte d'accusation du 17 octobre 2022, il est reproché à A______ (ch. 1.3.1.) de s'être, à tout le moins du 16 novembre 2021 au 21 novembre 2021, date de son arrestation, de concert avec C______, adonnée à un important trafic de stupéfiants et de KAMAGRA, organisé depuis les Pays-Bas et la Belgique, dans le but d'écouler de la drogue sur le territoire suisse, à Genève, sur instructions de D______, et d'autres personnes non identifiées, notamment les surnommés "E______", "F______" et "G______ ", et plus particulièrement d'avoir :

- importé sans droit de la France vers la Suisse une quantité indéterminée de stupéfiants dans le but de les vendre, mais à tout le moins la quantité de stupéfiants découverte sur la personne de C______ lors de leur interpellation le 21 novembre 2021 et dont le détail est listé dans l'acte d'accusation ;

- vendu sans droit une quantité indéterminée de stupéfiants, en effectuant, à tout le moins, huit livraisons, notamment une livraison à H______ portant sur un gramme de méthamphétamine pour un montant de CHF 100.- le 21 novembre 2021, en se chargeant de conduire le véhicule automobile de marque I______, modèle 1______, loué à son nom à la société J______, afin que C______ effectue les livraisons de stupéfiants ;

- entreposé, de concert avec C______, dans la chambre d'hôtel "K______", à L______, en France, chambre qu'elle avait louée à son nom et qu'elle occupait avec C______, à tout le moins les stupéfiants et médicaments non autorisés listés dans l'acte d'accusation, lesquels étaient destinés à la vente et ont été découverts par les autorités françaises lors de la perquisition du 23 [recte : 21] novembre 2021 ;

- agi avec la circonstance aggravante qu'elle savait ou ne pouvait ignorer que les quantités de drogue qu'elle a vendues, détenues et transportées, sont de nature à mettre en danger la santé et la vie de nombreuses personnes, vu les quantités retrouvées et le taux de pureté.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Selon le rapport du 22 novembre 2021, dans le cadre d'une enquête sur un réseau de trafiquants de stupéfiants actif à Genève, la police a observé C______ et A______ du 17 au 21 novembre 2021, jour de leur interpellation.

Le premier jour, ils ont observé C______ se rendre au contact de A______. Le duo s'est rendu à la place des Alpes où la précitée est restée en attente pendant que C______ est monté dans un véhicule qui l'a déposé dans une autre rue avant de repartir. Puis, C______ a rejoint A______ et ils sont montés à bord d'un véhicule I______/1______ noir. Plus tard, le duo est entré dans l'hôtel M______.

Le 18 novembre 2021, la police a observé les précités se déplacer toute la journée à bord du véhicule susmentionné. À trois reprises, une première fois aux alentours de 16h30, une seconde fois à – approximativement - 19h45, et une troisième fois à 21h15, le duo s'est rendu à des adresses où C______ est entré seul dans des allées avant d'en ressortir et de remonter dans le véhicule. La première fois, C______ est resté "environ 5 minutes", les deux autres fois "quelques minutes". Dans la soirée, le duo s'est également rendu au guichet n°5 de N______ de O______ [GE], lequel fait également office de P______ [transferts d'argent internationaux].

Le 19 novembre 2021, les observations ont permis de constater que le fonctionnement du duo était le même, à l'exception du fait que c'est C______ qui était au volant de la voiture. Le premier arrêt a eu lieu à 16h15 et les deux autres dans la foulée. Les arrêts de C______ avaient duré "quelques minutes".

Le 20 novembre 2021, le duo a agi de manière analogue aux jours précédents. Le premier arrêt a été observé à 11h20, le second dans la foulée et le dernier "plus tard dans l'après-midi". À nouveau, ces haltes duraient "quelques minutes".

Le 21 novembre 2021, A______ a déposé C______ à la rue 2______ puis elle s'est stationnée à proximité. C______ est entré dans l'allée du n° 10 de la rue précitée et est allé au contact d'un homme, ils se sont séparés après quelques secondes et le dernier est monté dans les étages. C______ a été interpellé au moment où il sortait de l'allée. A______, qui attendait dans le véhicule, a également été interpellée.

a.b. Une photographie de A______, prise par la police le 17 novembre 2021, est jointe au rapport de renseignements du 18 janvier 2022. On l'observe devant l'entrée de l'hôtel M______ avec, à la main, une valise noire à roulettes, poignée grise. Elle porte un sac jaune dans l'autre main. Derrière elle, un individu – photographié de dos et porteur d'une doudoune noire – se dirige également vers l'entrée de l'hôtel en possession d'une valise noire à roulettes et d'un sac noir et blanc. À l'appui de la photographie, la police a constaté dans son rapport que A______ était entrée dans l'hôtel M______ avec une valise "à l'apparence similaire à celle dans laquelle la drogue saisie a été retrouvée".

a.c. Q______, l'inspecteur ayant mené les observations policières et rédigé les rapports y relatifs, entendu par le Ministère public (MP) le 15 septembre 2022, a déclaré que les adresses où s'étaient rendus C______ et A______ correspondaient à des adresses de livraison où vivaient des clients toxicomanes, la précitée restait dans le véhicule durant les transactions. Concernant la durée des transactions, il a d'abord mentionné des "passages dans les allées" de "45 secondes" puis "de moins de cinq minutes". Quant au rôle occupé par A______, il a déclaré qu'elle "[était] un peu l'inconnue du dossier" précisant que l'analyse de la téléphonie n'avait rien donné la concernant, qu'elle n'avait pas été observée en train de livrer des stupéfiants mais que, par opposition, ses explications n'étaient pas convaincantes. À la question de savoir si la position occupée par A______ lui permettait de voir la destination de son fils lors des transactions, il a répondu que "cela dépendait des arrêts, dans certains cas oui dans d'autres non" et il a précisé que, lors de l'interpellation, A______, restée dans la voiture, aurait pu voir la destination soit "l'endroit où [était] parti son fils".

b.a. Lors de la fouille complète de C______, le jour de son interpellation, la police a découvert, caché dans son slip, un sachet en plastique contenant divers stupéfiants ainsi qu'une importante somme d'argent, soit CHF 2'920.50, en billets de banque.

b.b. Lors de sa fouille, A______ était en possession de CHF 7.50 et EUR 631.12 (chiffre 4 de l'inventaire n° 3______).

c.a. La chambre d'hôtel occupée par C______ et A______ à la "K______", à L______ (France), a fait l'objet d'une perquisition le jour de leur interpellation.

Le procès-verbal de perquisition fait mention de la découverte, entre autres, des éléments suivants :

dans une trousse de toilette noire, posée sur la table de nuit : une pochette en papier N______ contenant des billets de banque en euros, soit 20 billets de EUR 100.-, trois billets de EUR 50.- et un billet de EUR 5.- ;

dans une valise noire de marque "R______", fermée par un cadenas, découverte dissimulée derrière l'armoire de la chambre : une grande quantité de produits stupéfiants et du matériel de conditionnement ;

dans une valise noire, sans marque, fermée par un cadenas, dans l'armoire : des vêtements pour homme.

dans la poche extérieure côté cœur d'une doudoune noire, dans l'armoire : un billet de CHF 10.-, neuf billets de CHF 200.- et 48 billets de CHF 100.-.

c.b. Une photographie de la valise ayant contenu la grande majorité des drogues retrouvées dans la chambre d'hôtel est jointe au rapport de renseignements établi par la Brigade des stupéfiants. Il s'agit d'une valise noire à roulettes sur laquelle une marque semble effectivement apposée, la qualité de la photographie ne permet toutefois pas d'identifier distinctement la marque en question.

c.c. L'inventaire des pièces fait état du séquestre d'une valise noire de marque R______ qui contenait des produits stupéfiants et d'un cadenas fermant une valise noire contenant des vêtements pour homme.

d. À teneur des analyses du CURML et du rapport de police y relatif, l'ADN de A______ n'a pas été retrouvé sur les stupéfiants et le matériel de conditionnement découverts dans la chambre d'hôtel où elle logeait avec son fils.

e. L'analyse de la téléphonie de A______, D______ et C______ a permis à la police d'arriver à la conclusion dans son rapport que les deux derniers étaient membres d'un réseau de trafiquants, auquel appartiendraient aussi S______ et T______. Toutefois, aucune mention n'est faite d'une éventuelle implication de A______, l'analyse de la téléphonie de celle-ci n'ayant apporté aucun élément probant.

f.a. Les autres protagonistes interpellés, soit T______, S______ et D______, ont déclaré – sur présentation de planches photographiques et en audience de confrontation – qu'ils ne connaissaient pas A______.

f.b. H______, U______, V______, W______ et X______, consommateurs de drogue entendus par la police, ont tous déclaré qu'ils ne connaissaient pas A______.

g.a. Le jour de son interpellation, C______ a immédiatement déclaré à la police que A______ était sa mère et qu'elle n'était pas impliquée dans le trafic de stupéfiants dont elle ignorait tout. Il s'était disputé avec sa petite amie quatre ou cinq jours avant et celle-ci avait décidé de rentrer en Hollande. Il avait donc contacté sa mère qui était venue pour l'aider à résoudre ses problèmes de couple mais cela n'avait pas fonctionné et sa petite amie était rentrée. Il avait demandé à sa mère de rester un peu plus longtemps avec lui et ils discutaient de ses plans pour l'avenir. Il avait réceptionné la valise contenant la drogue lorsqu'il était seul. Lors des transactions, il était avec sa mère mais il lui mentait en lui disant qu'il devait juste voir quelqu'un ou acheter des cigarettes. Sa mère n'avait pas touché la drogue de sorte qu'on ne retrouverait pas son ADN dessus.

g.b. Dans un courrier adressé à son frère Y______, quelques jours après son interpellation (le 26 novembre 2021), C______ lui écrivait, entre autres, "si tu parles à Maman, dis-lui que je prends tout sur moi, elle ne savait rien et peut dire ça – elle ne doit pas me protéger".

g.c. Lors de ses auditions subséquentes par le MP et le TCO, C______ a confirmé ses précédentes déclarations précisant que sa mère était venue voir les possibilités qu'ils avaient de s'installer à Genève. Cette dernière regardait aussi pour elle-même, elle était potentiellement intéressée par l'ouverture d'un commerce afin d'importer des produits des Pays-Bas en Suisse mais il n'y avait encore rien de concret. Concernant le transport de la valise contenant les stupéfiants jusqu'à la chambre d'hôtel K______, il avait utilisé sa précédente voiture de location de marque "Z______". Lors des transactions, il lui mentait en lui disant qu'il allait voir un courtier, qu'il avait rendez-vous pour un logement, qu'il allait acheter de la nourriture ou des cigarettes, dans ces cas-là il revenait effectivement avec de la nourriture ou des cigarettes. Sa mère restait alors dans la voiture et ne pouvait pas voir ce qu'il faisait. Elle n'avait pas de raison de s'étonner de la brièveté des visites car le motif pouvait varier "par exemple cela pouvait être d'aller chercher de la nourriture ou des cigarettes et à ce moment-là c'était court". Lorsqu'il disait avoir rendez-vous pour un appartement, sa mère lui demandait comment cela s'était passé et il inventait une réponse. Elle ne savait pas ce qu'il faisait en réalité et elle ignorait qu'il avait de la drogue sur lui. Dans la chambre d'hôtel, la valise contenant les stupéfiants était fermée à clés et elle n'était pas particulièrement visible. Quant au sac contenant les stupéfiants, il l'avait toujours sur lui, dans son short, de sorte que sa mère ne pouvait pas le voir. Il avait envoyé une lettre à son frère après son arrestation car il pensait que, comme toute mère, la sienne aurait pu être tentée de le protéger et il ne le souhaitait pas car il prenait entièrement ses responsabilités.

h. Dans le cadre de ses premières déclarations à la police, A______ a expliqué être arrivée à Genève le 18 novembre 2021 afin d'y rejoindre son fils, C______, et sa petite amie et de trouver un logement pour y vivre. Elle ignorait que son fils se livrait à un trafic de stupéfiants en ces lieux. Elle avait loué le véhicule I______/1______ noir et conduisait son fils, tous les jours, à des rendez-vous pour des visites d'appartements. Elle avait également réservé, à son nom, une chambre à l'hôtel K______ en France, honorée grâce à ses liquidités, mais elle ignorait que des drogues en grande quantité et de l'argent s'y trouvaient. Il était arrivé que son fils soit seul dans la chambre par moment, ils n'étaient pas tout le temps ensemble. Elle ne s'adonnait pas au trafic de stupéfiants et elle avait été choquée lors de son interpellation. Elle avait un billet de train pour retourner aux Pays-Bas le 22 novembre 2021 et elle devait ensuite revenir à Genève le 26 suivant car elle travaillait à 60%, soit trois jours par semaine. Les dépenses importantes engendrées par ce voyage à Genève avaient été honorées grâce à ses économies.

Dans ses auditions ultérieures au MP, A______ a déclaré qu'elle était venue en Suisse avec un business plan car elle s'était rendue compte que certains produits disponibles aux Pays-Bas ne l'étaient pas en Suisse et elle souhaitait les distribuer. Elle était également venue pour son fils qui rencontrait des problèmes avec sa petite amie et elle voulait arranger cela. Elle avait l'intention de s'installer à Genève avec son fils. Pour cela, elle avait effectué des demandes de visites d'appartements sur internet, les preuves se trouvaient sur son téléphone. Son fils cherchait des appartements de son côté et elle le véhiculait afin qu'il puisse les visiter. Il effectuait seul les visites, elle ne l'accompagnait pas car il s'agissait de ses propres rendez-vous et elle n'avait pas toujours la possibilité de garer la voiture à proximité. Ils avaient décidé de faire des visites chacun de leur côté. Les visites étaient rapides car elle attendait dans la voiture et le parking coûtait cher. Dans la valise en sa possession sur la photographie prise devant l'hôtel M______, il y avait les vêtements de son fils. S'agissant du contenu de la lettre du 26 novembre 2021 adressée par son fils aîné à son fils cadet, il ne la couvrait pas et il avait dit cela à son frère car il savait qu'en tant que mère elle aurait pu le protéger mais elle n'allait pas le faire car elle réprouvait son activité délictuelle.

Aux débats de première instance, elle a expliqué que sa venue à Genève se justifiait pour toutes les raisons mentionnées successivement dans la procédure. D'abord pour l'anniversaire de son fils, puis parce que les relations entre celui-ci et sa petite-amie étaient compliquées, mais aussi pour l'aider à chercher un appartement et alors ils avaient discuté de leur projet de commerce. S'agissant de la brièveté des visites, il n'était pas exact de dire qu'elles étaient de l'ordre de 45 secondes ou inférieures à cinq minutes, parfois elle descendait de la voiture et avait le temps "de fumer deux cigarettes". Il était possible que certaines visites n'aient duré que cinq minutes quand l'appartement ne plaisait pas à son fils d'après ce qu'il lui expliquait. Dans ses souvenirs, ils étaient en possession de deux valises, un grand sac de voyage et un certain nombre d'autres sacs. Elle n'avait pas posé de questions sur les bagages. La valise noire en sa possession devant l'hôtel M______ contenait des vêtements de son fils, elle ne se souvenait pas si la seconde valise noire était déjà en leur possession à l'hôtel M______. L'argent qui se trouvait dans sa trousse de toilette dans la chambre d'hôtel, soit environ EUR 2'000.-, lui appartenait. Elle était venue avec ses liquidités depuis la Hollande et ignorait pourquoi cet argent s'était retrouvé dans une pochette N______.

i. A______ a produit dans la procédure trois échanges d'emails, datant des 15 et 17 novembre 2021, concernant des recherches d'appartements à Genève ou à proximité pour des séjours d'environ un mois ou un peu plus.

C. a. Aux débats d'appel, A______ a confirmé ses précédentes déclarations et a contesté l'intégralité des faits qui lui étaient reprochés. Elle ignorait que son fils s'adonnait à un trafic de stupéfiants. Elle l'avait véhiculé dans le cadre de ses recherches d'appartement, c'est en tout cas ce que ce qu'il lui avait dit. Il lui avait montré des photos d'appartements sur son téléphone. Les logements qu'il lui disait visiter étaient petits, une ou deux pièces. En revenant à la voiture, il lui expliquait que l'appartement ne correspondait pas à ce qu'il recherchait et qu'il voulait continuer les visites. Durant les visites, elle restait dans la voiture et n'avait aucune idée de ce que son fils faisait en réalité. Elle n'avait pas constaté de stupéfiants en sa possession. Elle ignorait d'ailleurs la présence d'une grande quantité de drogue dans leur chambre d'hôtel.

En novembre 2021, lors de son voyage à Genève, elle avait un grand sac orange et bleu, son fils avait une valise noire à roulettes et ils avaient aussi plusieurs autres sacs. S'agissant de la valise en sa possession devant l'entrée de l'hôtel M______, il s'agissait probablement de la valise de la petite amie de son fils. Celle-ci et son fils logeaient ailleurs au préalable et il avait fallu transporter leurs affaires dans leur nouvel hôtel, elle avait aidé son fils à le faire pendant que sa petite amie était au travail. Dans son souvenir, le même jour, cette dernière était retournée aux Pays-Bas avec sa valise. La personne derrière elle sur la photographie, vêtue d'une doudoune noire, était son fils.

Lors de son arrivée à Genève, elle avait demandé à son fils quels étaient ses projets en s'installant ici et il avait suggéré d'ouvrir un commerce d'importation de produits du Surinam. À ce moment-là, il s'agissait simplement d'une idée. Si son fils souhaitait s'investir dans un tel projet alors elle voulait l'aider.

b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions mais précise que l'indemnisation sollicitée est réduite au montant de CHF 7'500.- correspondant au salaire qu'elle aurait pu toucher durant la période de sa détention.

Il fallait garder à l'esprit qu'elle était la mère de C______ et qu'on ne pouvait pas attendre d'elle le même degré d'attention et de suspicion qu'un tiers à l'égard de son fils, ce que celui-ci savait et dont il avait profité.

Dans ce dossier, il y avait une absence totale de son ADN ; elle n'avait pas touché la valise ni les stupéfiants et son fils le savait car il s'était évertué à tout lui cacher. À teneur de l'examen de la téléphonie, il n'y avait aucun élément la concernant, elle n'avait aucun lien avec le trafic. La police l'avait d'ailleurs exclue, à dessein, du schéma censé représenter les membres participants au trafic. De plus, aucun des consommateurs ne l'avait reconnue et les autres personnes impliquées dans le trafic avaient déclaré ne pas la connaître. Les observations policières étaient le seul élément qui la reliait avec les faits, d'ailleurs, les 18, 19 et 20 novembre, la police l'avait observée toute la journée et avait simplement constaté trois arrêts espacés de plus ou moins une heure, arrêts dont on ignorait d'ailleurs la durée étant seulement précisé "quelques minutes". À teneur de ces observations, elle était toujours à l'écart dans une voiture, elle se contentait de conduire et de rester éloignée.

Elle ne pouvait pas se douter des réelles activités de son fils. Les observations policières ne suffisaient d'ailleurs pas à retenir le contraire. Le dialogue avec son fils n'était pas toujours facile, ce dernier lui donnait des bribes d'information seulement. Il n'y avait rien de surprenant dans le fait de visiter trois appartements par jour, son fils restait quand même à chaque fois quelques minutes dans l'immeuble, ce qui peut paraître suffisant pour la visite de petits appartements. D'ailleurs, elle avait produit les preuves de ses recherches d'appartements des 15 et 17 novembre 2021. Dans ces conditions, rien ne permettait de s'écarter de ses déclarations. En outre, les observations policières ne précisaient pas si, de sa position, elle pouvait voir l'entrée et si son fils revenait directement à la voiture après la "visite" ou s'il passait au tabac d'abord. Son fils a déclaré lui avoir menti et a toujours été constant sur le fait qu'elle n'assistait pas aux transactions et qu'elle ne savait pas ce qu'il faisait. De surcroît, les stupéfiants étaient parfaitement dissimulés ; la valise les contenant était cachée derrière l'armoire de la chambre et dans le sac ouvert dans la chambre il n'y en avait aucun.

La lettre de son fils à son frère cadet ne prouvait rien, il ne voulait simplement pas qu'elle tente de le protéger, comme toute mère aurait pu être tentée de le faire, alors il précisait assumer entièrement ses responsabilités.

En outre, elle avait spontanément déclaré connaître D______ pour avoir déjà mangé avec lui or si elle était impliquée elle aurait pris le soin de dissimuler ce lien avec un autre membre du réseau, tout comme elle aurait fait attention de ne pas se trouver juste aux pieds des immeubles où les transactions avaient lieu.

Ainsi, elle avait fait preuve de naïveté, de négligence tout au plus, mais les éléments constitutifs objectifs et subjectifs des infractions reprochées n'étaient pas réunis de sorte qu'un acquittement devait être prononcé. La détention subie l'avait placée dans une situation économique catastrophique, dont elle subissait toujours les conséquences, et lui avait causé une profonde blessure psychologique. Pour ces raisons, une indemnisation de CHF 1'500.- par mois de détention, correspondant au gain manqué, était justifiée.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel.

De nombreux éléments démontraient l'implication de A______. La lettre envoyée par C______ à son frère quelques jours après l'arrestation était un premier indice, implicitement il passait par ce dernier pour dire à sa mère qu'elle devait déclarer ne rien savoir sur le trafic. Si tel avait été réellement le cas, une telle démarche n'était pas nécessaire. En outre, les adresses où s'étaient rendus A______ et son fils correspondaient aux adresses de livraison de stupéfiants. Son projet de vivre en Suisse n'était étayé par aucune pièce et après sa libération, subitement, elle ne voulait plus vivre en Suisse. S'il n'y avait pas eu l'arrestation, elle avait prévu de faire un aller-retour aux Pays-Bas, billet de train à l'appui, dont le but était manifestement l'importation de stupéfiants. A______ connaissait un autre membre impliqué dans le trafic. Le véhicule et la chambre d'hôtel étaient réservés à son nom. Elle s'était rendue à un guichet N______ qui était en réalité un guichet P______ et de l'argent avait été retrouvé dans sa trousse de toilette. Ses déclarations quant au contenu de la valise en sa possession devant l'hôtel M______ avaient été fluctuantes, devant le TCO il s'agissait des vêtements de son fils et devant la Cour de céans il était finalement question des affaires de la petite amie de ce dernier. Enfin, on ne pouvait rien retirer des déclarations des témoins, lesquels avaient déclaré qu'il n'y avait pas de femme dans le trafic alors qu'en réalité il était avéré qu'une femme au moins, AA_____, y avait bel et bien participé.

À l'aune de tous ces indices, A______ devait être déclarée coupable. La peine prononcée en première instance devait être confirmée au vu de la collaboration catastrophique de cette dernière, de la quantité importante de drogue retrouvée dans sa chambre d'hôtel, de la période pénale, certes courte mais intense, de sa situation personnelle qui était bonne au moment de son arrestation et pour le fait d'avoir agi de concert avec son fils.

D. A______, née le ______ 1970, de nationalité néerlandaise, est célibataire et mère de deux fils majeurs âgés respectivement de 19 et 23 ans. Depuis sa sortie de détention, elle n'a toujours pas de travail et est actuellement en formation afin de devenir travailleuse sociale.

E. Me B______, défenseure d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 17 heures et 45 minutes d'activité de collaboratrice, dont deux heures d'audience à la CPAR, cinq heures et 45 minutes d'examen du dossier et six heures et 40 minutes de préparation à l'audience.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse [Cst.] et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu (arrêts du Tribunal fédéral 6B_519/2018 du 29 août 2018 consid. 3.1 ; 6B_377/2018 du 22 août 2018 consid. 1.1).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 138 V 74 consid. 7 ; ATF 127 I 38 consid. 2a ; ATF 124 IV 86 consid. 2a).

2.2. L'art. 19 al. 1 LStup punit d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire celui qui aliène ou prescrit des stupéfiants, en procure de toute autre manière à un tiers ou en met dans le commerce (let. c), possède, détient ou acquiert des stupéfiants ou s'en procure de toute autre manière (let. d).

L'auteur de l'infraction est puni d'une peine privative de liberté d'un an au moins, cette sanction pouvant être cumulée avec une peine pécuniaire, s'il sait ou ne peut ignorer que l'infraction peut directement ou indirectement mettre en danger la santé de nombreuses personnes (art. 19 al. 2 let. a LStup).

La jurisprudence, rendue sous l'ancien droit mais qui reste applicable, a admis la qualité de coauteur de celui qui, comme conducteur, accomplit un trajet en voiture avec des personnes qui, de manière reconnaissable pour lui, font le parcours dans le seul but d'aller chercher, également dans son propre intérêt, des stupéfiants et de les ramener chez eux, et qui gardent la drogue sur eux, sans la cacher dans le véhicule (ATF 114 IV 162 consid. 1a).

L'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant. La négligence n'est pas réprimée (S. GRODECKI / Y. JEANNERET, Petit commentaire LStup – dispositions pénales, 2022, n. 101 et 104 ad art. 19).

2.3. Aux termes de l'art. 86 al. 1 let. a LPTh, est passible d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque, intentionnellement, fabrique, met sur le marché, utilise, prescrit, importe ou exporte des médicaments ou en fait le commerce à l’étranger sans l’autorisation nécessaire, en enfreignant les exigences et conditions liées à l’autorisation obtenue ou en enfreignant les devoirs de diligence visés aux art. 3, 7, 21, 22, 26, 29 et 42.

2.4. Selon l'art. 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait.

Il y a dol éventuel lorsque l'auteur, qui ne veut pas le résultat dommageable pour lui-même, envisage le résultat de son acte comme possible et l'accepte au cas où il se produirait (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3 ; 133 IV 9 = JdT 2007 I 573 consid. 4.1 ; 131 IV 1 consid. 2.2 ; 130 IV 58 consid. 8.2).

Pour déterminer si l'auteur s'est accommodé du résultat au cas où il se produirait, il faut se fonder sur les éléments extérieurs, faute d'aveux. Parmi ces éléments figurent l'importance du risque – connu de l'intéressé – que les éléments constitutifs objectifs de l'infraction se réalisent, la gravité de la violation du devoir de prudence, les mobiles, et la manière dont l'acte a été commis (ATF 125 IV 242 consid. 3c). Plus la survenance de la réalisation des éléments constitutifs objectifs de l'infraction est vraisemblable et plus la gravité de la violation du devoir de prudence est importante, plus sera fondée la conclusion que l'auteur s'est accommodé de la réalisation de ces éléments constitutifs, malgré d'éventuelles dénégations (ATF 138 V 74 consid. 8.4.1). Ainsi, le dol éventuel peut notamment être retenu lorsque la réalisation du résultat devait paraître suffisamment vraisemblable à l'auteur pour que son comportement ne puisse raisonnablement être interprété que comme une acceptation de ce risque (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_259/2019 du 2 avril 2019 consid. 5.1).

2.5.1. À titre liminaire, il sera rappelé que le fils de l'appelante, C______, évoluait dans un réseau de trafic de stupéfiants et qu'il a été déclaré coupable par le TCO – dans le jugement querellé – d'infraction grave à la LStup (art. 19 al. 1 let. c et d et al. 2 let. a), de délit à la LPTh (art 86 al. 1 let. a) et de consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup). Il n'a pas fait appel du jugement.

A______ est mise en cause pour avoir agi de concert avec son fils dans ce contexte-là. En effet, il est admis qu'elle a véhiculé ce dernier lors de transactions de produits stupéfiants durant la période du 17 au 21 novembre 2021 et qu'elle a réglé et occupé la chambre d'hôtel où étaient stockées les drogues. Le comportement adopté par l'appelante remplit de la sorte les éléments constitutifs objectifs des infractions en cause. Le point déterminant relève donc de la connaissance de ces faits par l'appelante, soit un élément propre à l'élément constitutif subjectif de l'intention.

En l'occurrence, l'appelante a toujours contesté les faits reprochés, affirmant ignorer les activités délictuelles de son fils et donc la véritable raison pour laquelle elle le véhiculait à différentes adresses à Genève. Elle ignorait également la présence de drogues dans la chambre d'hôtel qu'ils partageaient.

2.5.2. À la différence de l'instance précédente, la Cour de céans juge crédibles les explications de A______ concernant les raisons de sa venue en Suisse en novembre 2021. En effet, dès le début de la procédure, elle a affirmé avoir rejoint son fils, sur demande de ce dernier, lequel rencontrait des difficultés de couple avec sa petite amie, ainsi elle s'était rendue à Genève afin de tenter d'apaiser les choses entre eux. Puis, toujours sur demande de son fils, elle avait prolongé son séjour car celui-ci lui avait fait part de sa volonté de s'établir à Genève, elle souhaitait donc l'aider dans sa recherche de logement et voir les possibilités qu'ils avaient – elle y compris – de s'installer à Genève. C'est dans ce contexte-là, qu'ils avaient discuté du projet de commercialisation de produits originaires du Surinam qui représentait encore seulement une idée à ce stade. S'il est vrai que, maladroitement, l'appelante a mis, tantôt l'une, tantôt l'autre, de ces raisons en avant dans ses différentes auditions, force est d'admettre que dans l'ensemble ses explications quant à sa venue en Suisse sont cohérentes et qu'elles ne s'excluent pas les unes des autres. Au contraire, elles forment un ensemble cohérent justifiant sa venue en Suisse et le fait qu'elle avait l'intention d'y rester, à tout le moins quelques semaines dans un premier temps à teneur des emails produits en procédure. En outre, cette version des faits est accréditée par les déclarations de son fils tout au long de la procédure.

Également, la réservation d'un billet de train pour un aller-retour en Hollande du 22 au 26 novembre 2021 ne constitue pas un indice de l'implication de l'appelante dans le trafic de stupéfiants. Il n'est pas possible de déduire de cette réservation qu'elle avait l'intention d'importer des produits stupéfiants en Suisse depuis les Pays-Bas. À l'inverse, les explications fournies par l'appelante à ce sujet sont crédibles. En effet, à ce moment-là, le projet de s'installer en Suisse n'était encore qu'une esquisse de sorte qu'elle avait conservé son emploi aux Pays-Bas et qu'elle devait faire un aller-retour afin de s'y rendre.

Surtout, aucun élément matériel tangible au dossier ne permet de retenir l'implication de l'appelante dans le trafic de stupéfiants incriminé. Les clients consommateurs ont déclaré ne pas la connaître, idem pour les participants du réseau criminel auditionnés. L'analyse de la téléphonie a permis de relier les autres protagonistes de la procédure au trafic de stupéfiants mais n'a pas permis de conclure à une éventuelle implication de l'appelante. Aucun élément probant en lien avec le trafic n'a été mis en évidence la concernant. En outre, il n'y a aucune concordance entre son profil ADN et ceux prélevés sur les stupéfiants et le matériel de conditionnement saisis. D'ailleurs, interrogé sur le rôle de l'appelante dans le trafic de stupéfiants, l'inspecteur Q______ a déclaré "qu'elle était un peu l'inconnue du dossier".

L'appelante a toujours déclaré que la somme d'argent retrouvée dans sa trousse de toilette, dans la chambre d'hôtel en France, constituait ses économies et qu'elle était venue des Pays-Bas avec cet argent. S'il est vrai qu'il peut paraître suspect de retrouver cet argent dans une pochette N______, après son passage à un guichet N______ de O______ faisant office de P______ [transferts d'argent internationaux], ceci ne permet pas non plus d'aboutir à la conclusion que cet argent provenait du trafic de stupéfiants. D'ailleurs, les sommes d'argent retrouvées en possession de son fils et provenant du trafic de stupéfiants l'étaient toutes en francs suisses. Or, en l'occurrence, il est question de coupures en euros, représentant par ailleurs un montant vraisemblable pour une personne qui envisage de séjourner, à tout le moins, un mois à Genève.

Aussi, le courrier adressé par C______ à son frère cadet le 26 novembre 2021 ne saurait constituer un indice de l'implication de l'appelante dans le trafic de stupéfiants. Ce courrier pouvait être interprété de différentes manières.

Par opposition à ce qui précède, il est avéré que l'appelante a véhiculé son fils lors de transactions de stupéfiants durant la période du 17 au 21 novembre 2021. Toutefois, elle a toujours déclaré qu'elle pensait qu'il visitait des appartements et qu'elle l'attendait dans la voiture pendant ce temps-là, ce que les observations policières confirment. Le rapport de police ne donne aucune indication quant à la position exacte de la voiture de l'appelante au moment des transactions litigieuses et par conséquent on ignore si elle voyait ou non ce qu'il se passait. Lors de son audition, l'inspecteur Q______ a déclaré que, pour la transaction ayant précédé l'interpellation, l'appelante pouvait voir où son fils était allé. Mais ceci ne permet pas encore de dire qu'elle avait la possibilité de voir ce qui se passait concrètement dans le hall de l'immeuble, lieu de la transaction. Il n'en demeure pas moins que la durée des visites, sans que l'on puisse déterminer à teneur du dossier si elles duraient plutôt 45 secondes, quelques minutes ou environ cinq minutes, interpelle dans tous les cas et apparaît très brève pour des visites d'appartements, même petits. Il est indéniable que l'appelante a fait preuve de négligence en se contentant des explications données par son fils alors même qu'elles semblaient peu crédibles et en omettant de le questionner davantage sur ses visites d'appartements et la durée suspecte de celles-ci. Cependant, cet élément ne permet pas à lui seul d'admettre que l'appelante ait pu et dû envisager la possibilité que son fils était en train de se livrer à des activités illégales plutôt qu'à des visites d'appartements. S'agissant des heures des prétendues visites, la Cour de céans ne relève rien d'anormal qui aurait dû alerter l'appelante. En effet, la plupart des "visites" ont eu lieu en journée à l'exception de deux, à 19h45 respectivement 21h, mais qui pourraient s'expliquer par des contraintes d'horaires de locataires et/ou propriétaires qui feraient visiter leur appartement en personne sans passer par des régies professionnelles.

Il sied de relever que, lors de l'arrestation de C______, la police a retrouvé les stupéfiants dissimulés dans son caleçon. Ainsi, il n'est pas impossible que l'appelante ignorait la présence de stupéfiants sur la personne de son fils.

L'appelante et son fils étaient en possession de plusieurs bagages lors de leur séjour à Genève. C______ possédait notamment deux valises noires à roulettes, l'une contenant les produits stupéfiants, l'autre ses vêtements. La police a relevé dans son rapport que A______ était entrée dans l'hôtel M______ avec une valise "à l'apparence similaire à celle dans laquelle la drogue saisie a été retrouvée". Dans ces conditions, rien ne permet d'affirmer que la valise en possession de l'appelante sur la photographie devant l'hôtel M______ était celle contenant les stupéfiants et pas l'autre valise noire. D'ailleurs, l'appelante a déclaré, durant la procédure de première instance, que la valise en sa possession sur cette photographie contenait des vêtements de son fils, ce que celui-ci a confirmé. Dans tous les cas, quand bien même il eût été avéré qu'elle tirait la valise contenant les stupéfiants, ceci ne permet pas encore d'affirmer qu'elle en connaissait son contenu. On sait que plus tard, à L______ [France], C______ a pris soin de dissimuler la valise litigeuse, fermée à clé, derrière l'armoire de la chambre. Ainsi, le seul grief qui pourrait être formulé à l'égard de l'appelante serait de ne pas s'être enquise de la "disparition" d'une des deux valises noires entre leur arrivée à l'hôtel M______ et leur séjour dans l'hôtel suivant en France. Or il est possible qu'elle n'y ait même pas prêté attention, surtout dans la mesure où aucune de ces valises ne contenait ses affaires. À nouveau, seule une attitude négligente peut lui être reprochée à cet égard.

Le fait de fournir des explications peu convaincantes ne fait pas de l'appelante une coupable. Outre cet élément, les faits retenus à l'encontre de C______ et le contenu des observations policières ne suffisent pas non plus à établir que l'appelante était informée du trafic de stupéfiants mené par son fils, y compris le stockage de stupéfiants, et qu'elle l'a véhiculé en toute connaissance de cause, ni même que cela s'imposait à elle de manière si vraisemblable qu'elle ne pouvait l'ignorer.

Confrontée à l'absence d'éléments forts à charge, la Cour de céans estime qu'un doute insurmontable persiste quant à l'intention, lequel doit profiter à la prévenue, de sorte qu'elle sera acquittée des chefs d'infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c et d et al. 2 let. a LStup) et de délit à la loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux (art. 86 al. 1 let. a LPTh).

3. L'appel étant admis, il ne sera pas perçu de frais (art. 428 CPP a contrario).

4. 4.1. Selon l'art. 429 al. 1 let. b CPP, le prévenu acquitté, totalement ou en partie, a droit à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale.

Cette disposition vise essentiellement des pertes de salaires et de gains liées à l'impossibilité de réaliser une activité lucrative en raison du temps consacré à la participation aux audiences ou d'une mise en détention avant jugement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 4.1.1 non reproduit in ATF 142 IV 163 et les références).

L'évaluation du dommage économique se fait en application des règles générales en matière de responsabilité civile (art. 41 ss CO), applicables par analogie à la procédure pénale (N. OBERHOLZER, Grundzüge des Strafprozessrechts, 3e éd., Berne 2012, n° 1752, p. 617 ; R. WALLIMANN BAUR, Entschädigung und Genugtuung durch den Staat an unschuldig Verfolgte im ordentlichen zürcherischen Untersuchungs-verfahren, Thèse Zurich 1998, p. 110). Le dommage se définit comme la diminution involontaire de la fortune nette ; il correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant que ce même patrimoine aurait eu si l'événement dommageable ne s'était pas produit. Il peut se présenter sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif (ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_118/2016 du 20 mars 2017 consid. 5.1 ; 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 4.1.2 non reproduit in ATF 142 IV 163 et les références).

Il appartient au lésé de prouver non seulement l'existence et l'étendue du dommage, mais aussi le lien de causalité entre celui-ci et l'événement à la base de son action (arrêts du Tribunal fédéral 6B_118/2016 du 20 mars 2017 consid. 5.1 ; 6B_1026/2013 du 10 juin 2014 consid. 3.1).

Aux termes de l'art. 84 al. 1 CO, applicable également par analogie à la procédure pénale, le paiement d'une dette qui a pour objet une somme d'argent se fait en moyens de paiement ayant cours légal dans la monnaie due.

Si une partie requiert à tort une condamnation en francs suisses, alors que la prétention aurait dû être exprimée en monnaie étrangère, sa demande doit être rejetée. L’art. 84 al. 1 CO régit la monnaie de paiement de toutes les dettes d’argent, quelles que soient leurs causes ; les créances en réparation du dommage causé par un acte illicite sont ainsi également régies par cette disposition. La monnaie de paiement pour la réparation d'un dommage consécutif à un acte illicite est celle du lieu où le dommage est effectivement survenu. Le Tribunal fédéral a relevé que le fait pour la partie demanderesse de mentionner les divers postes de son dommage en monnaie étrangère, aux côtés des conclusions en paiement prises en francs suisses, n’autorisait pas le juge à s’écarter de ces conclusions et à leur substituer une condamnation en monnaie étrangère. La possibilité de choisir s'il veut payer dans la monnaie du contrat ou dans la monnaie du pays du lieu de paiement, prévue par l'art. 84 al. 2 CO, appartient uniquement au débiteur (AARP/132/2018 du 2 mai 2018 consid. 4.1.4 et AARP/267/2017 du 10 août 2017 consid. 3.1.3).

4.2. En l'occurrence, l'appelante a chiffré sa perte de gain à CHF 7'500.- soit le salaire qu'elle aurait pu toucher pendant sa détention avant jugement.

Cette conclusion, exprimée en francs suisse, est problématique dans la mesure où il n'est pas contesté que le salaire de l'appelante était dû en devise étrangère, soit en euros.

Il lui appartenait ainsi de chiffrer ses prétentions dans la devise due aux termes de l'art. 84 CO, les règles de droit civil sur le dommage s'appliquant par analogie à l'art. 429 al. 1 let. b CPP. Le Ministère public ayant conclu au rejet de l'appel, il n'est pas possible, à défaut d'éléments en ce sens, d'inférer d'un acquiescement du débiteur de s'acquitter de ce montant en francs suisses.

Surtout, s'il est établi que l'appelante a été empêchée de travailler durant sa détention, autre est la question de la détermination de ce dommage. Elle sollicite une indemnisation de CHF 7'500.-, correspondant au salaire non perçu durant sa détention, mais ne produit aucune pièce à l'appui de sa prétention. En effet, elle n'a déposé aucun justificatif permettant d'évaluer la perte salariale qu'elle aurait effectivement subie, ce malgré avoir été dument interpellée à ce sujet dans le cadre de sa convocation à l'audience par-devant la Cour de céans. Hormis ses propres déclarations en procédure sur le montant de ses revenus aucun élément probant ne ressort du dossier.

Pour ces raisons, il convient de rejeter la conclusion en indemnisation du dommage économique formulée par A______ sur la base de l'art. 429 al. 1 let. b CPP.

5. 5.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus : avocat stagiaire CHF 110.- (let. a) ; collaborateur CHF 150.- (let. b) ; chef d'étude CHF 200.- (let. c).

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

5.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3).

5.3. Le temps consacré à la consultation et à l'étude du dossier n'est pas compris dans la majoration forfaitaire et doit par conséquent être indemnisé en fonction du temps effectivement consacré (AARP/202/2013 du 2 mai 2013) pour autant que l'activité réponde à l'exigence de nécessité (ex. AARP/189/2016 du 28 avril 2016 consid. 6.3). D'autant plus de retenue s'imposera à cet égard que la constitution de l'avocat est ancienne de sorte qu'il est censé bien connaître la cause et/ou que le dossier n'a pas connu de développements particuliers (AARP/187/2016 du 11 mai 2016 ; AARP/54/2016 du 25 janvier 2016 consid. 5.3 ; AARP/295/2015 du 12 juillet 2015 consid. 8.3.2.1).

5.4. En application de ces principes, il convient de réduire certains postes de l'état de frais de Me B______ comme suit :

- le temps consacré à l'étude du dossier entre le 17 février 2023 et le 3 août 2023 sera ramené à deux heures, activité devant suffire à une collaboratrice, de surcroît constituée depuis le début de la procédure, vu le temps consacré à la préparation de l'audience qui sera admis dans son intégralité ;

- la durée de l'audience par-devant la Cour de céans sera ramenée à une heure et 20 minutes, temps effectif des débats.

Sa rémunération sera donc arrêtée à CHF 2'450.17 correspondant à 13 heures et 20 minutes d'activité au tarif de CHF 150.-/heure (CHF 2'000.-), plus la majoration forfaitaire de 10% (CHF 200.-), la vacation (CHF 75.-) et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% (CHF 175.17).

6. Si le motif du séquestre disparaît, le tribunal lève la mesure et restitue les objets et valeurs patrimoniales à l'ayant droit (art. 267 al. 1 CPP).

En l'espèce, en l'absence de lien avéré avec une infraction (art. 70 al. 1 CP a contrario), les sommes d'argent retrouvées en possession de l'appelante lors de son arrestation, figurant sous chiffre 4 de l'inventaire n° 3______, lui seront restituées.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTCO/22/2023 rendu le 17 février 2023 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/18780/2021.

L'admet.

Annule ce jugement en ce qui la concerne.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ d'infraction grave à la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c et d, et al. 2 let. a LStup) et de délit à la loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux (art. 86 al. 1 let. a LPTh).

Ordonne la levée des mesures de substitution.

Ordonne la libération des sûretés (art. 239 al. 1 let. a CPP).

Déboute A______ de ses conclusions en indemnisation (art. 429 al. 1 let. b CPP).

Ordonne la restitution à A______ des téléphones et cartes SIM figurant sous chiffres 8 à 10 de l'inventaire n° 4______ (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Ordonne la restitution à A______ des valeurs patrimoniales figurant sous chiffre 4 de l'inventaire n° 3______ (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Ordonne la restitution à A______ de la carte de crédit au nom de AB_____ figurant sous chiffre 2 de l'inventaire n° 3______ (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Ordonne la restitution à son ayant-droit du reçu de réservation de voiture J______, de la carte de la chambre d'hôtel et de la clé figurant sous chiffres 3, 5 et 6 de l'inventaire n° 3______ (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Prend acte de ce que les frais de première instance ont été arrêtés à CHF 51'013.05, comprenant un émolument de jugement de CHF 5'000.-.

Laisse la part de ces frais concernant A______, soit 1/8ème, à la charge de l'État.

Laisse l'ensemble des frais de la procédure d'appel à la charge de l'État.

Arrête à CHF 2'450.17, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseure d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel, au Secrétariat d'État aux migrations, à l'Office fédéral de la police, à l'Office cantonal de la population et des migrations et au Service de l'application des peines et mesures.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Gregory ORCI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).