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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/21977/2017

AARP/365/2023 du 18.09.2023 sur JTDP/1495/2022 ( PENAL ) , REJETE

Recours TF déposé le 24.11.2023, 6B_1307/2023
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21977/2017 AARP/365/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 18 septembre 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant par Me Cyril MIZRAHI, avocat, DROITS ÉGAUX AVOCATES, avenue Vibert 9, 1227 Carouge,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/1495/2022 rendu le 5 décembre 2022 par le Tribunal de police,

 

et

B______, comparant par Me C______, avocat,

D______, représenté par son curateur Me E______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 5 décembre 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnue coupable de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 al. 1 du Code pénal suisse [CP]) et condamnée à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à CHF 50.- l'unité, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans), ainsi qu'à une amende de CHF 600.- et à payer CHF 5'950.- à B______, au titre de juste indemnité pour ses frais de défense. Les frais de la procédure, qui s'élèvent au total à CHF 2'200.-, ont été mis à sa charge.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement.

b. Selon l'ordonnance pénale du 24 juin 2021 (maintenue sur opposition par ordonnance du 30 août 2021), il est reproché à A______ d'avoir, à Genève, entre mars 2016 et octobre 2017, refusé d'amener son fils mineur, D______, au Point Rencontre, ne respectant ainsi pas le droit de visite de son père, B______, fixé par arrêt de la Cour de justice du 24 avril 2015 à deux heures tous les 15 jours au dit lieu et devant être étendu après six mois, mettant de la sorte en danger le bon développement de l'enfant.

B______ a porté plainte pénale en raison de ces faits le 26 octobre 2017.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. A______ et B______ sont les parents de D______, né le ______ 2006. Ils se sont mariés en 2004, séparés en 2008 et ont divorcé en 2011. B______ n'a plus vu son fils depuis juillet 2011. A______ est mère de trois autres enfants, nés d'une précédente union.

a.b. Le divorce des époux a été prononcé le 29 septembre 2011 et la garde de D______ attribuée à A______ (JTPI/14647/2011 du 29 septembre 2011). Le conflit conjugal s'est largement matérialisé dans la question des relations personnelles entre B______ et son fils. L'appelante s'est opposée systématiquement aux décisions des autorités civiles déterminant le droit de visite de l'intimé, jusqu'au Tribunal fédéral. La question a fait un premier aller-retour entre le Tribunal de première instance et la Cour de justice, laquelle a exigé qu'une expertise familiale soit effectuée avant toute décision (ACJC/773/2012 du 25 mai 2012). Les juges ont relevé une "incompréhension totale et une profonde mésentente entre les parties" ainsi que la souffrance psychologique de l'enfant dans ce conflit. L'expertise familiale a été rendue le 7 octobre 2013 (cf. infra consid. B.b). À réception de l'expertise, le Tribunal de première instance a ordonné la reprise des relations personnelles entre B______ et son fils, à raison de deux heures tous les 15 jours durant les six premiers mois, dans un Point Rencontre, avant d'être étendu (JTPI/4863/2014 du 14 avril 2014), point confirmé par la Cour de justice (ACJC/459/2015 du 24 avril 2015), puis par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 5A_452/2015 du 20 novembre 2015).

a.c. Le jugement en force, le Service de protection des mineurs (SPMi) a établi un calendrier de droit de visite devant se dérouler dans un Point Rencontre à partir du 19 mars 2016.

a.d. En 2016, A______ n'a pas présenté son fils au Point Rencontre, refus qui a perduré en 2017 malgré sa condamnation à devoir respecter le dispositif de l'arrêt de la Cour du 24 avril 2015 (JTPI/3533/2017 du 13 mars 2017) et à s'acquitter d'une amende de CHF 1'000.- par jour d'inexécution si un droit de visite n'était pas organisé et concrètement exercé (amende d'ordre prononcée à hauteur de CHF 7'000.- par le Tribunal de première instance le 22 décembre 2017 [JTPI/17027/2017 du 22 décembre 2017]). Un nouveau calendrier de visite a été établi par le SPMi le 14 juillet 2017, prévoyant la première visite le 3 septembre 2017, visites à nouveau non honorées.

La mère a notamment invoqué auprès du SPMi les motifs suivants de la non présentation de l'enfant : vacances, calendrier du droit de visite non transmis et, principalement, refus de l'enfant.

a.e. En 2018, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (TPAE) a à nouveau ordonné la mise en œuvre de la reprise des relations personnelles entre B______ et son fils (DTAE/493/2018 du 26 janvier 2018).

b. À teneur de l'expertise familiale, l'état de santé de A______ avait été sérieusement affecté suite à sa séparation d'avec B______. Elle pouvait, "lorsqu'elle [était] débordée, avoir un rapport fragile à la réalité et mettre en œuvre des défenses de projection qui [pouvaient] engendrer des vécus de persécution. Les tests psychologiques [mettaient] aussi en évidence une gestion difficile de la pulsion agressive et une possible évacuation par projection sur ses enfants". Décrite comme collaborante et preneuse des aides médico-psychologiques pour elle et ses enfants, elle avait néanmoins arrêté le suivi à la Guidance Infantile lorsque la thérapeute avait évoqué un conflit de loyauté et essayé de mettre en place un travail de la parentalité. "Le dossier de la Guidance évoque des projections négatives massives et déformantes à l'encontre de D______" (expertise familiale du 7 octobre 2013, p. 26 s.).

Concernant D______, les experts ont retenu :

-        les diagnostics de "autre trouble du comportement et autre trouble émotionnel (F 98)" et de "perturbation de l'activité et de l'attention (F 90.0)" ; diagnostics qui étaient toujours d'actualité en 2018 lors de son hospitalisation (lettre de sortie du 27 décembre 2018 du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, ci-après : "lettre de sortie des HUG") ;

-        "la relation de D______ à son père est marquée par le clivage entre l'image d'un père "bon", protecteur et idéalisé qu'il a perdu, ce qui génère des sentiments d'abandon et de dévalorisation, et l'image d'un père "méchant" et destructeur, ce qui génère des sentiments de persécution chez D______. La relation de D______ à sa mère est caractérisée par des angoisses de séparation/perte liées tantôt aux vécus de menaces de Madame, tantôt au conflit de loyauté qui met l'enfant dans la situation pathogène de devoir choisir entre son père et sa mère, tantôt à la rupture des liens avec son père qui a représenté une expérience concrète et traumatique de séparation, tantôt aux difficultés de Madame de tolérer ses pulsions agressives et aux sentiments de culpabilité conséquents" ;

-        "la coupure des contacts entre D______ et son père provoque sans doute une diminution de l'angoisse chez la mère avec un bénéfice secondaire pour D______, car sa mère est plus disponible à ses besoins et moins projective" ;

-        "le manque de dialogue entre les deux parents est […] très néfaste et met l'enfant dans la condition d'être instrumentalisé par l'un ou l'autre parent. Tout moment agréable que l'enfant passe avec un de ses parents engendre de la confusion, des angoisses de perte de l'autre, des sentiments de frustration et colère, des comportements agressifs. D'autant plus que les deux parents ont tendance à projeter leurs vécus internes sur l'enfant et que l'enfant […] a tendance à s'identifier aux projections parentales. Le conflit entre les parents fait que les visites de Monsieur se passent dans un climat d'angoisse extrême. […] nous pouvons comprendre les réactions que D______ manifeste avant ou après les visites de son père. Ce conflit de loyauté constitue une entrave sévère aux processus de développement psychologique et de construction identitaire de l'enfant" ;

-        "la reprise des relations entre D______ et son père est fondamentale pour un bon développement psychoaffectif de l'enfant. Les séances de thérapie mettent en évidence la recherche de D______ d'une figure paternelle protectrice, et l'absence de son père peut sérieusement entraver sa construction identitaire et consolider des défenses psychologiques archaïques et pathogènes" ;

Les experts ont préconisé "la reprise d'un droit de visite de B______ avec son fils de manière progressive et dans un cadre protégé et, au préalable, un travail d'accompagnement thérapeutique pour les deux parents. La reprise des droits de visite de Monsieur aura sûrement comme conséquence de réactiver les angoisses de Madame et cela fera que Madame sera moins disponible psychiquement pour contenir les angoisses de D______ et qu'elle risque à son tour de projeter, de manière inconsciente, ses angoisses sur son fils. D______ va à nouveau être confronté à son conflit de loyauté et ses troubles émotionnels et comportementaux vont probablement s'exacerber. […] la reprise du droit de visite de Monsieur va fort probablement engendrer une péjoration dans l'immédiat de l'état de santé de D______ et de sa mère".

c. Devant le Ministère public (MP), A______ a déclaré que ce n'était pas elle mais son fils qui refusait l'exercice des relations personnelles avec son père : D______ "n'arrive pas à faire face. Il a un trouble du développement qui a été diagnostiqué en 2012. Il a ensuite eu un trouble envahissant du développement dès 2014. Depuis quelque temps, on lui a diagnostiqué un trouble autistique et de dysgraphie. […] Il a également un trouble d'hypersensibilité". La décision de mettre un terme au contact entre son fils et son ex-époux en 2011 avait été prise d'un commun accord avec le SPMi. D______ était "en souffrance avant et après chaque visite en 2011".

Elle était "prête à ce qu'on [l']aide" pour permettre à D______ de voir son père. Elle avait la crainte que B______ "s'enfuie avec [son] fils ou se comporte mal avec".

En première instance, A______ a confirmé avoir refusé de malmener son fils en le présentant contre son gré au Point Rencontre, même si de ce fait, elle n'avait pas respecté des décisions de justice et avait agi contrairement aux conclusions de l'expertise familiale. Les plaintes pénales déposées contre son ex-mari en relation avec les prétendues violences conjugales avaient été classées. A______ a maintenu que les violences physiques étaient avérées à tout le moins à l'encontre de l'un de ses enfants et qu'il y avait eu des violences psychiques.

d. B______ a expliqué avoir des contacts avec les professeurs de son fils qui l'informaient de son état de santé et lui transmettaient ses bulletins scolaires tous les trimestres.

e. Me E______ a été nommé curateur de représentation de l'enfant le 23 novembre 2017.

Entendu par le MP en 2019, il a indiqué que "l'enfant présent[ait] des troubles psychiques et chacun des parents […] des difficultés". La situation était complexe du point de vue psychologique. L'enfant refusait toujours de voir son père. Son état de santé évoluait de manière inquiétante. Il n'était pas en mesure d'indiquer si le refus émanait de la volonté propre de l'enfant ou s'il était induit par sa mère, que cela soit dans le souhait de punir son ex-époux ou parce qu'elle projetait sur son fils ses propres angoisses. D______ indiquait ne plus vouloir voir son père en raison des agissements de ce dernier, agissements qui seraient survenus avant la séparation, soit à un âge auquel ses souvenirs ne pouvaient remonter. Les événements relatés n'étaient pas proportionnés à sa décision de ne pas avoir de relation avec son père. Il avait mentionné que celui-ci avait pu "être méchant" avec sa mère ou qu'il avait menti.

f. Entendu en première instance, F______, fils aîné de A______, a déclaré n'avoir vécu qu'un seul « épisode de violence » avec B______ : en colère, il l'avait saisi par le bras, secoué et mis dans sa chambre. Il n'avait pas souvenir d'avoir assisté à des scènes de violence entre sa mère et son beau-père ou entre son beau-père et ses frères et sœurs. Entre la naissance de D______ et la séparation du couple, F______ avait entre 12 et 14 ans.

g.a. A______ a produit différents rapports établis par les médecins et thérapeutes en charge de D______, dont la période évaluée correspond à la période pénale :

-        rapport du centre de consultation spécialisé en autisme du 26 juillet 2017 : les médecins ont conclu à l'absence d'un tableau de type autistique ;

-        rapport d'évaluation de psychomotricité du 18 mars 2018 (évaluation du 24 janvier 2017 au 7 février 2017) : le diagnostic posé était : "TDAH [trouble du déficit de l'attention et d'hyperactivité]" et "trouble anxieux persist[ant], difficultés de sommeil et de relation avec les autres". D______ "présent[ait] des particularités pouvant faire penser à un trouble du spectre autistique. Malheureusement, le bilan n'[avait] pas pu valider objectivement ces impressions cliniques. En revanche, c'[était] un enfant qui présent[ait] certaines particularités sensorielles, des difficultés relationnelles importantes, ainsi qu'une rigidité de fonctionnement avec une difficulté à supporter les transitions" ;

-        attestation du 27 mai 2016 de G______, psychothérapeute en charge de D______ depuis février 2012 à raison d'une séance par semaine : "D______ souffr[ait] d'un "autre" trouble envahissant du développement, aggravé par un état de stress post-traumatique". Le garçon "rest[ait] en difficulté pour revoir son père. La représentation mentale (souvenir du père) rest[ait] traumatique. L'image fixe d'un père agressif qui [avait] fait du mal à lui, sa mère et sa fratrie rest[ait] vive. L'évocation d'un retour aux visites avec le père [était] source de régression, somatisation et désorganisation de son équilibre psychique en phase de consolidation. La reprise actuelle des droits de visite risqu[ait] d'aggraver cette symptomatologie et de pénaliser son développement psychique et son intégration familiale et scolaire". Ses conclusions sont similaires aux attestations établies les 9 mai 2014 et 2 septembre 2016 ; le psychothérapeute décrit la représentation de D______ de son père dans les mêmes termes : "la représentation mentale (souvenir du père) reste traumatique", "l'image fixe d'un père agressif qui a fait du mal à lui, sa mère et sa fratrie reste vive" ;

-        attestations des 30 août et 20 septembre 2017 de H______, pédopsychiatre : "les événements qui se sont produits il y a quelques années avec son père ont engendré chez [D______] d'importants symptômes traumatiques". D______ était "dans un conflit de loyauté important puisqu'il ne [voulait] pas mettre sa maman en difficulté face à la loi mais ne se [disait] pas prêt à revoir son père pour le moment". La docteure évoquait aussi la possibilité d'un trouble du spectre autistique léger, pouvant "engendrer d'importantes difficultés à supporter le changement et toute situation nouvelle".

g.b. A______ a également versé à la procédure des rapports de différents intervenants sociaux et médicaux, postérieurs à la période pénale, à teneur desquels on comprend que l'état de santé de D______ s'est détérioré avec des conséquences importantes sur sa scolarisation (déscolarisation de l'enfant).

En particulier, à teneur de la lettre de sortie du 27 décembre 2018 du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, "le sujet du père [était] sensible pour le patient qui tient un discours quasi adulte quant à ce sujet : il aurait maltraité sa mère et sa fratrie et n'aurait jamais été présent pour lui. Selon ses dires, le père montre que le plus important pour lui est une réconciliation avec lui mais [la mère] dit croire qu'il ment et qu'il ne s'intéresse pas vraiment à lui". Concernant la mère, les médecins relèvent : "nous sommes également frappés par l'omniprésence de la menace du père qui pourrait à tout moment se manifester à domicile pour faire du mal à la famille, kidnapper D______, etc. Mme dit qu'elle a encore besoin de l'appui de l'UIMPV [Unité Interdisciplinaire de Médecine et Prévention de la Violence] et [de l'association] I______ "comme si le traumatisme s'[était] passé hier". Nous faisons remarquer à la mère le côté quasi persécutoire de la menace du père" (lettre de sortie du 27 décembre 2018 du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent).

En mai 2023, un diagnostic de trouble du spectre autistique a été établi.

h. À teneur du courrier du SPMi du 8 janvier 2019, la santé psychologique du garçon s'était dégradée en été 2018, à l'approche de la rentrée au cycle d'orientation. Il avait été hospitalisé en Unité d'évaluation du 10 au 14 décembre 2018 et était sujet à d'importantes crises d'angoisse. Le SPMi avait "mis en suspens les questions relatives aux contacts avec Monsieur B______". Celui-ci avait apporté au SPMi deux lettres et un paquet qui n'avaient pas encore pu être remis à D______ au vu de son état de santé. B______ se tenait régulièrement informé de la situation de son fils.

La suspension a été confirmée par le TPAE dans son ordonnance du 26 septembre 2019, par laquelle il a ordonné aux parents d'entreprendre une thérapie de coparentalité, "vu la situation du mineur, son retrait du processus de reprise de lien avec son père mais également son parcours scolaire" (DTAE/7499/2019 du 26 septembre 2019).

i. Des attestations médicales antérieures à la période pénale figurent également dans le dossier de la procédure. En 2012, le Dr. J______, neuro-pédiatre, concluait que le garçon présentait des "troubles du comportement probablement secondaires aux difficultés familiales". Selon un rapport d'examen psychologique du 20 décembre 2012, D______ avait des difficultés comportementales depuis la crèche.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions.

c. B______ conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite son indemnisation pour les frais de défense encourus en appel, correspondant à 10h55 d'activité de son conseil, facturées CHF 350.-/heure.

d. Le curateur de représentation de D______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement.

e. Le MP conclut à la confirmation du jugement de première instance.

f. Les arguments plaidés seront discutés, dans la mesure de leur pertinence, au fil des considérants qui suivent.

D. A______ est née en 1965 en Espagne et a la nationalité suisse. Elle est divorcée et mère de quatre enfants.

Jusqu'en mars 2021, elle était responsable en ressources humaines auprès de K______ et percevait un salaire mensuel de CHF 9'909.- net. Elle est au bénéfice d'une rente invalidité à hauteur de 90% depuis le 1er octobre 2022. Le montant de sa rente ne figure pas au dossier. En sus, elle reçoit CHF 750.- au titre de contribution d'entretien du père de l'un de ses enfants et, selon ses dires, CHF 150.- de l'intimé, au lieu des CHF 600.- prévu par le jugement de divorce.

Son loyer s'élève à CHF 2'826.- par mois et ses primes mensuelles d'assurance-maladie obligatoire et complémentaire pour toute la famille à CHF 2'471.75 (subsides déduits). En première instance, elle a indiqué avoir des dettes d'impôts et de carte de crédit à hauteur de CHF 18'000.- environ.

Selon l'extrait de son casier judiciaire, A______ n'a pas d'antécédent.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. L'obligation de motiver, telle qu'elle découle du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 de la constitution fédérale de la Confédération suisse [Cst.] ; cf. aussi art. 3 al. 2 let. c et 107 CPP), est respectée lorsque le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents. La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 143 III 65 consid. 5.3 ;
142 I 135 consid. 2.1 ; 141 III 28 consid. 3.2.4 ; 139 IV 179 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_226/2019 du 29 mars 2019 consid. 2.1).

Une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à prendre (ATF 138 V 125 consid. 2.1 ; ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_868/2016 du 9 juin 2017 consid. 3.1).

Le droit d'être entendu porte avant tout sur les questions de fait (arrêts du Tribunal fédéral 6B_111/2017 du 17 octobre 2017 consid. 1.1 ; 6B_2/2014 du 26 juin 2014 consid. 2.1). De manière générale, en vertu de la règle jura novit curia, le juge n'a ainsi pas à soumettre à la discussion des parties les principes juridiques sur lesquels il va fonder son jugement. Les parties doivent cependant être entendues sur les questions de droit lorsque l'autorité concernée entend se fonder sur des normes légales dont la prise en compte ne pouvait pas être raisonnablement prévue, et dont les parties ne pouvaient supputer la pertinence (ATF 143 IV 469 consid. 2.1 ; ATF 130 III 35 consid. 5 ; ATF 128 V 272 consid. 5b/bb ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_279/2018 du 27 juillet 2018 consid. 3.1 ; 6B_111/2017 du 17 octobre 2017 consid. 1.1).

2.2. La défense soutient que le jugement de première instance consacrerait une violation du droit d'être entendu de la prévenue, ses principaux griefs n'ayant, selon elle, pas été traités par le premier juge ([1] les faits reprochés n'étaient pas réprimés par la loi, en particulier pas par l'art. 219 CP ; [2] l'état de santé de l'enfant n'avait pas été pris en considération).

Or, le jugement, dans sa partie "EN FAIT", fait expressément référence à l'état de santé de D______, en particulier tel qu'évalué dans l'expertise familiale (consid. g, p.4) ou rapporté par l'appelante (consid. r, p. 5). En outre, l'infraction reprochée était connue de la prévenue. Comme il sera développé ci-dessous, les refus fautifs de confier un mineur au détenteur du droit aux relations personnelles peuvent constituer une violation du devoir d'assistance et d'éducation de nature à mettre en danger le développement de l'enfant.

Partant, le jugement entrepris ne consacre aucune violation du droit d'être entendu de la prévenue, que ce soit sous l'angle de l'obligation de motiver ou du déni de justice.

3. 3.1. Le principe in dubio pro reo découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 Cst. et 10 al. 3 CPP. Il concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; 127 I 28 consid. 2a).

Ce principe signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence ou encore lorsqu'une condamnation intervient au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve. Le juge ne doit pas non plus se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 ; 127 I 38 consid. 2a).

3.2. L'art. 219 al. 1 CP punit celui qui aura violé son devoir d'assister ou d'élever une personne mineure dont il aura ainsi mis en danger le développement physique ou psychique, ou qui aura manqué à ce devoir.

3.2.1. Pour que cette disposition soit applicable, il faut d'abord que l'auteur ait eu envers une personne mineure un devoir d'assistance, c'est-à-dire de protection, ou un devoir d'éducation, soit d'assurer son développement, sur le plan corporel, spirituel et psychique. Cette obligation et, partant, la position de garant de l'auteur peut être fondée sur la loi, sur une décision de l'autorité ou sur un contrat, voire sur une situation de fait. Sont notamment considérés comme des garants les parents naturels (ATF 125 IV 64 consid. 1a).

3.2.2. Il faut ensuite que l'auteur ait violé son devoir d'assistance ou d'éducation ou qu'il ait manqué à ce devoir. Le comportement délictueux peut donc consister en une action ou en une omission ; dans le premier cas, l'auteur viole positivement son devoir, par exemple en maltraitant le mineur ou en l'exploitant par un travail excessif ou épuisant ; dans le second cas, l'auteur manque passivement à son obligation, par exemple en abandonnant l'enfant, en négligeant de lui donner des soins ou en ne prenant pas, face à un danger, les mesures de sécurité qui s'imposent (ATF 125 IV 64 consid. 1a).

3.2.3. La violation du devoir d'assistance ou d'éducation ou le manquement à ce devoir doit avoir eu pour effet de mettre en danger le développement physique ou psychique du mineur. L'infraction réprimée par l'art. 219 CP est un délit de mise en danger concrète. Il n'est donc pas nécessaire que le comportement de l'auteur aboutisse à un résultat, c'est-à-dire à une atteinte à l'intégrité corporelle ou psychique du mineur. La simple possibilité abstraite d'une atteinte ne suffit cependant pas ; il faut que cette atteinte apparaisse à tout le moins vraisemblable dans le cas concret (ATF 126 IV 136 consid. 1b).

En pratique, il sera souvent difficile de déterminer quand il y aura un risque pour le développement du mineur. Il sera en particulier difficile de distinguer les atteintes qui devront relever de l’art. 219 CP des traumatismes qui font partie de la vie de tout enfant. Vu l'imprécision de la disposition, la doctrine recommande de l'interpréter de manière restrictive et d'en limiter l'application aux cas manifestes. Des séquelles durables, d'ordre physique ou psychique, devront apparaître vraisemblables, de telle sorte que le développement du mineur sera mis en danger. Pour provoquer un tel résultat, il faudra normalement que l'auteur agisse de façon répétée ou viole durablement son devoir (arrêts du Tribunal fédéral 6B_457/2013 du 29 octobre 2013 consid. 1.2 ; 6B_539/2010 du 30 mai 2011 consid. 4.2).

Dans la mesure du possible, le père et la mère doivent faire tout ce qui est nécessaire afin de garantir l’épanouissement de l’enfant. Il s’ensuit qu’ils doivent s’efforcer de distinguer leur relation parentale conflictuelle, d’une part, et la relation parent-enfant, d’autre part. Ils doivent s’efforcer de maintenir l’enfant en dehors du conflit parental (arrêt du Tribunal fédéral 5A_616/2020 du 23 novembre 2020 consid. 2.1.1).

Il y a mise en danger concrète du développement du mineur notamment lorsque les parents qui, dans le cadre d’une séparation houleuse, impliquent leur enfant de manière grave, durable et répétée dans le conflit parental (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, N 14 ad art. 219). Ainsi, un conflit parental massif – à l’occasion duquel les enfants sont régulièrement exposés à des disputes, vociférations et intimidations – peut constituer une violation du devoir d’assistance et d’éducation de nature à mettre en danger le développement d’un mineur (arrêts de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois 228 du 13 novembre 2013 consid. 3.2.3 ; 291 du 15 septembre 2016 consid. 4.4.2).

3.2.4. Enfin, la réalisation de l’infraction suppose l’existence d’un lien de causalité entre la violation du devoir d’assistance ou d’éducation et la mise en danger du développement physique ou psychique du mineur (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, N 3 ad art. 219 CP).

3.2.5. Du point de vue subjectif, l’auteur peut avoir agi intentionnellement, auquel cas le dol éventuel suffit, ou par négligence (art. 219 al. 1 et 2 CP).

3.3.1. En l'espèce, les parents de D______ se sont séparés lorsque celui-ci était âgé de deux ans et il n'a plus vu son père depuis ses cinq ans. Lors de la période pénale, le garçon était âgé de 10-11 ans. Les ex-époux se sont très rapidement trouvés en conflit autour de leur enfant, en particulier s'agissant du droit de visite. L'enfant, plutôt que d'être protégé de ce conflit, s'est retrouvé au cœur de celui-ci et pris à partie. En conséquence, les visites du père entre 2008 et 2011 se sont déroulées dans un climat d'angoisse conséquent pour D______, expliquant les réactions importantes manifestées par l’enfant avant ou après celles-ci.

3.3.2. Il est incontesté que l'appelante avait un devoir d'assistance et d'éducation envers son fils mineur et assumait ainsi une position de garante à son égard. Ces devoirs sont d'ailleurs expressément mentionnés à l'art. 302 du Code civil suisse (CC), prévoyant notamment que les parents ont le devoir de favoriser et de protéger le développement corporel, intellectuel et moral de leur enfant.

En refusant de présenter son fils au Point Rencontre, la prévenue a fait obstacle à l'exercice du droit de visite du père sur son fils depuis 2011 et encore aujourd'hui. Elle ne pouvait en effet pas se défausser au motif que le garçon s'y oppose lui-même, ayant une obligation propre de collaborer activement à la reprise des visites. En outre, en agissant de la sorte, elle a augmenté le conflit de loyauté auquel fait face son enfant et induit chez ce dernier le refus de voir son père, comme il sera développé infra. Elle a ainsi violé ses obligations de parent titulaire du droit de garde pendant la période pénale (mars 2016 à octobre 2017), soit pendant 20 mois.

Ces comportements ont obligé le TPAE et les autorités civiles à intervenir régulièrement, notamment pour ordonner la reprise ou la mise en œuvre de la reprise des relations personnelles entre l'intimé et son fils, sans succès.

3.3.3. Or, l'état de santé de D______ est fragile depuis sa petite enfance. Il présentait des troubles du comportement depuis la crèche, probablement – à tout le moins partiellement – secondaires aux difficultés familiales, comme avancé en 2012 par le neuro-pédiatre de l'enfant. Au vu de cet équilibre psychique précaire, les experts ont insisté sur l'importance des relations entre père et fils pour assurer la construction identitaire de l'enfant. À défaut, le risque était sérieux que l'enfant consolide des défenses psychologiques archaïques et pathogènes, mais aussi que son développement psychologique soit entravé. Les différents rapports versés à la procédure montrent que ce risque s'est réalisé, l'état de santé du garçon s'étant encore détérioré dans les années qui ont suivi la période pénale, jusqu'au point où la mise en œuvre des relations personnelles père – fils a été mise de côté en 2019 (2018 ayant été marqué par une hospitalisation dans le service de psychiatrie des HUG et une importante descolarisation). Si cette dégradation ne saurait être imputée exclusivement à l'absence de relations personnelles avec son père, il n'en demeure pas moins que celle-ci a très certainement joué un rôle non négligeable, comme relevé à bon escient par les experts, et l'atteinte au développement psychique du garçon est vraisemblable.

3.3.4. Contrairement au point de vue qu'elle a continuellement fait valoir, l'appelante ne pouvait pas substituer sa propre appréciation ou celle des thérapeutes qu'elle avait choisis à celle des autorités de protection de l'enfant et des experts mandatés en empêchant l'exercice du droit de visite, motif pris de ses craintes au sujet du père de son enfant ou de l'état de santé de son fils.

Bien au contraire, comme discuté ci-dessus, le développement du mineur exigeait une reprise sans délai des contacts avec son père, même si cela devait entraîner, au début, une péjoration de ses troubles – péjoration provisoire, laquelle avait été envisagée et discutée par les experts. On ne voit d'ailleurs pas en quoi les troubles du mineur empêchaient celui-ci d'entretenir une relation avec son père, d'autant plus que les visites auraient dû avoir lieu dans un Point Rencontre et auraient été limitées, dans un premier temps, à deux heures toutes les deux semaines.

Le refus de l'enfant de voir son père paraît fondé sur des souvenirs qui ne peuvent être les siens en raison de son âge lors de la vie commune de ses parents. En outre, le garçon ne relate pas de souvenir précis mais une image d'un père qui mentait et qui avait pu "être méchant" avec sa maman (déclarations de son curateur de représentation, lettre de sortie des HUG). Cette représentation de son père (qualifié de "discours quasi adulte") a été induite par sa mère, laquelle a été fortement marquée par sa relation avec son ex-époux, et l'était encore en 2018, 10 ans après la rupture (lettre de sortie des HUG qui relève l'"omniprésence de la menace du père" et "le côté quasi persécutoire de la menace du père" dans le discours de l'appelante). La possibilité d'une évacuation par l'appelante de son vécu par projection sur ses enfants était déjà évoquée en 2013 dans l'expertise familiale. Partant, l'appelante ne saurait se retrancher derrière un refus de son enfant qu'elle a probablement contribué à induire.

Certes, la prévenue est sortie fragilisée psychologiquement de sa relation avec le père de son fils, relation, puis séparation qui l'ont placée dans une détresse profonde. Elle a sollicité l'appui de [l'association] I______, appui dont elle semblait toujours bénéficier pendant la période pénale. Les accusations de violence qu'elle reprochait à son ex-mari ont cependant été classées et le dossier de la procédure ne contient aucune indication laissant penser qu'un risque d'enlèvement était concret au cours de la période pénale. D'ailleurs, la situation de l'intimé en Suisse était stable. Il avait un emploi et était au bénéfice d'un permis C – ce qui est toujours le cas. En outre, le fils aîné de l’appelante a expressément déclaré au premier juge n'avoir pas souvenir de scène de violence à l'époque de la vie commune avec le père de D______, exposant avoir un seul souvenir d'un épisode le concernant, faisant plutôt penser à un excès de colère mal maîtrisé qu’à des violences systémiques au sein du cercle familial.

De la sorte, la prévenue ne saurait non plus invoquer la crainte d'une fuite avec son fils pour motiver son refus de le conduire au Point Rencontre. Il ne résulte pas non plus du dossier que l'exercice du droit de visite aurait mis directement en danger celui-ci.

3.3.5. Au vu de ce qui précède, il ne fait aucun doute que les actes de la prévenue, laquelle a privé son fils de père pendant une longue période de son enfance et l'a placé au cœur de son conflit avec son ex-mari, projetant ses propres angoisses sur son enfant, ont impacté le développement psychique du mineur, comme l'ont évoqué à maintes reprises les professionnels entourant la famille (SPMi, TPAE, experts, service de psychiatrie des HUG). Déjà en 2012, les juges soulevaient l'importance du conflit et ses répercussions sur l'enfant, qui n'ont fait que s'intensifier au cours des années suivantes.

L'appelante a ainsi illicitement empêché le père d'établir une relation personnelle avec son fils. Elle a agi intentionnellement, à tout le moins sous la forme du dol éventuel. Elle avait pleinement connaissance des conclusions des experts et devait tenir pour possible que son refus mette concrètement en danger le développement psychique de son enfant, mise en danger qu'elle a acceptée.

Même si l'expertise familiale date de deux ans avant la période pénale, elle conserve toute sa pertinence. Les troubles diagnostiqués à l'époque chez D______ sont les mêmes que ceux évoqués par les thérapeutes qui le suivent. Il en va de même des difficultés familiales et de leur origine, évoquées dans plusieurs autres éléments au dossier (lettre de sortie des HUG, déclarations du curateur de représentation, rapports médicaux et sociaux). Au surplus, l'avis des médecins de D______ ne saurait prévaloir sur une expertise familiale ordonnée par le juge, encore moins sur des décisions de justice, et ne permettait en aucun cas à la prévenue de passer outre son obligation de conduire son fils au Point Rencontre, et ce, même si celui-ci refusait de s'y rendre comme discuté ci-dessus.

3.3.6. Au vu de ce qui précède, les conditions objectives et subjectives de l'infraction de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 al. 1 CP) sont réalisées. Le verdict de culpabilité de l'appelante doit dès lors être confirmée et son appel rejeté.

3.3.7. Au surplus, il sera encore précisé que la défense soutient à tort que l'art. 219 CP n'appréhende pas les refus de confier un mineur au détenteur du droit aux relations personnelles. Les développements qui précèdent sont la démonstration que dans certaines circonstances une opposition du parent gardien au droit de visite peut constituer une violation du devoir d'assistance et d'éducation, ce que le Tribunal fédéral a d'ailleurs déjà eu l'occasion de confirmer, notamment dans son arrêt du 26 janvier 2022 (arrêt du Tribunal fédéral 6B_586/2021 du 26 janvier 2022 consid. 1.6).

Enfin, il sera relevé que, dans la jurisprudence dont se prévaut la défense, les juges fédéraux ont reproché à la cour cantonale une motivation insuffisante de la violation du devoir d’assistance ou d’éducation au sens de l’art. 219 CP, mais aucunement l’absence de base légale pour appréhender le refus fautif de confier un mineur au détenteur du droit aux relations personnelles (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1220/2020 du 1er juillet 2021 consid. 1.3).

4. 4.1. La violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 al. 1 CP) est sanctionnée d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

4.2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

4.2.2. Les faits ont été commis avant la modification du droit des sanctions au 1er janvier 2018. Le nouveau droit n'étant pas plus favorable au condamné, il sera fait application du droit en vigueur au moment des faits.

4.2.3. Conformément à l'art. 34 aCP, la peine pécuniaire ne peut excéder 360 jours-amende, le juge fixant leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). Un jour-amende est de CHF 3'000.- au plus. Le juge en arrête le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).

4.2.4. Aux termes de l'art. 42 al. 1 aCP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

Selon l'art. 42 al. 4 aCP, le juge peut prononcer, en plus du sursis, une amende selon l'art. 106 CP. Celle-ci entre en ligne de compte, lorsque le juge souhaite prononcer une peine privative de liberté ou pécuniaire avec sursis, mais qu'une sanction soit néanmoins perceptible pour le condamné, dans un but de prévention spéciale (ATF 135 IV 188 consid. 3.3 ; 134 IV 60 consid. 7.3.1). La sanction ferme accompagnant la sanction avec sursis doit contribuer, dans l'optique de la prévention tant générale que spéciale, à renforcer le potentiel coercitif de la peine avec sursis.

La peine prononcée avec sursis reste prépondérante, alors que l'amende est d'importance secondaire (ATF 134 IV 1 consid. 4.5.2). Pour tenir compte du caractère accessoire des peines cumulées, il se justifie en principe d'en fixer la limite supérieure à un cinquième, respectivement à 20%, de la peine principale. Des exceptions sont cependant possibles en cas de peines de faible importance, pour éviter que la peine cumulée n'ait qu'une portée symbolique (ATF 135 IV 188 consid. 3.4.4).

4.3. L'appelante ne conteste pas, à juste titre, la peine prononcée par le premier juge, au-delà de l'acquittement plaidé.

Tant la faute de l'appelante que les conséquences de ses actes sont importantes. Elle a pendant plusieurs années fait en sorte, avec succès, de séparer son fils du père de celui-ci, leur causant un tort certain et perturbant le développement psychique de l'enfant. Elle a fait fi des décisions de justice rendues, des recommandations des autorités de protection de l'adulte et de l'enfant, des conclusions de l'expertise familiale, persistant à s'opposer aux droits de visite du père de son enfant. La période pénale est importante (20 mois) et l'appelante a agi avec une grande détermination, pour ne pas dire obstination. Incapable de se remettre en question, elle a ignoré les multiples avertissements des autorités civiles et des experts.

Son mobile, égoïste, relève d'un sentiment déplacé d'exclusivité dans ses liens avec son garçon et de l'expression de la projection de son propre vécu et de ses propres angoisses sur son fils, au mépris du droit, essentiel, du père comme de l'enfant d'entretenir des relations personnelles.

Tant sa collaboration au cours de la procédure que sa prise de conscience sont inexistantes. La prévenue n'a pas exprimé de regrets et continue en appel à affirmer être persuadée avoir agi pour le bien de D______. La gravité des faits n'apparaît pas clairement à la prévenue qui ne reconnaît pas les conséquences qu'a pu avoir son comportement sur le développement psychique de son enfant.

Sa situation personnelle ne justifie pas ses agissements. Il faut néanmoins tenir compte de ce qu'elle a été considérablement affectée par sa relation puis sa rupture avec le père de son fils.

L'appelante n'a pas d'antécédent, facteur neutre sur la peine.

Au vu de ce qui précède, une peine de 60 jours-amende est appropriée pour sanctionner l'infraction à l'art. 219 CP. Le montant du jour-amende, arrêté à CHF 50.- par le premier juge, est adéquat au regard de la situation financière de la prévenue.

L'octroi du sursis est acquis à l'appelante (art. 391 al. 2 CPP), de sorte qu'il sera confirmé, de même que la durée du délai d'épreuve fixée à trois ans.

Le prononcé d'une amende immédiate, non contesté au-delà de l'acquittement plaidé, se justifie dans un but de prévention spéciale. L'appelante persiste à nier sa culpabilité et ne semble pas prendre la mesure de ses agissements. Le montant fixé en première instance correspond à la limite supérieure de 20% de la peine qui lui a été infligée et sera confirmé.

4.4. Il résulte de ce qui précède que le jugement de première instance sera intégralement confirmé.

5. L'appelante, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP), qui comprennent un émolument de décision de CHF 1'500.-. L'émolument complémentaire de jugement arrêté à CHF 600.- par le TP suivra le même sort.

Il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de première instance.

6. Vu l'issue de l'appel, les conclusions en indemnisation de l'appelante seront rejetées (art. 429 CPP).

7. 7.1. Selon l'art. 433 al. 1 let. a CPP, applicable en appel par le renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause. Tel est le cas si ses prétentions civiles sont admises et/ou lorsque le prévenu est condamné (ATF 139 IV 102 consid. 4.1 et 4.3).

Ladite indemnité concerne les dépenses pour un avocat de choix (ATF 138 IV 205 consid. 1). En particulier, les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates (ATF 139 IV 102 consid. 4.3).

7.2. La note d'honoraires déposée par le conseil de B______ pour la procédure d'appel sera réduite, celle-ci paraissant excessive, son mémoire d'appel n'excédant pas huit pages. Le dossier d'appel, peu volumineux, ne posait pas de difficulté particulière et était censé connu et maîtrisé de l'avocat puisque plaidé récemment en première instance. Aussi, il convient de retenir que seules 6h00 étaient nécessaires à la prise de connaissance du dossier, à la gestion de la procédure d'appel et à la rédaction du mémoire de réponse, d'où une indemnité de CHF 2'261.70 (TVA comprise).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1495/2022 rendu le 5 décembre 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/21977/2017.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'715.-, qui comprennent un émolument d'arrêt de CHF 1'500.-.

Met l’émolument complémentaire de jugement de première instance de CHF 600.- à la charge de A______.

Condamne A______ à verser à B______, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits en appel, CHF 2'261.70 (TVA comprise) (art. 433 et 436 CPP).

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

" Déclare A______ coupable de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 50.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 600.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de six jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Condamne A______ à verser à B______ CHF 5'950.-, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'600.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP) ".

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

2'200.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

140.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

État de frais

CHF

75.00

Émolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'715.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'915.00