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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/20098/2021

AARP/315/2023 du 31.08.2023 sur OPMP/11400/2021 ( REV )

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/20098/2021 AARP/315/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 31 août 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant en personne,

demanderesse en révision,

 


contre l'ordonnance pénale OPMP/11400/2021 rendue le 17 décembre 2021 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

défendeur en révision.


EN FAIT :

A.           a. Par courrier du 29 mai 2023 adressé au Ministère public (MP), transmis le 8 juin 2023 à la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) comme objet de sa compétence, A______ demande que la "décision" rendue à son encontre soit révisée parce qu'elle n'a "vraiment pas commis [une] infraction de conduite sous retrait de permis".

Elle joint à son envoi une liasse de documents pour démontrer qu'elle a été empêchée de se présenter devant le MP à la suite de son opposition à la "décision de retrait de permis" (ndr : l'ordonnance pénale rendue à son encontre le 17 décembre 2021). Elle venait de prendre connaissance de la "décision de retrait de son permis de conduire" (ndr : l'ordonnance pénale précitée). Elle avait, d'une part, été en vacances avec sa fille à l'étranger du 2 au 15 août 2022 et subi, d'autre part, un "grand retard dans le traitement de [s]on courrier pour des raisons familiales", notamment parce qu'elle avait dû s'occuper de son père, souffrant d'une dépression chronique, puis de sa mère. Elle a produit à cet égard des justificatifs de voyage de son père, venu [de] B______ [France] par avion le jeudi matin du 15 septembre 2022, puis s'étant ensuite rendu, le lendemain après-midi, jusqu'à F______ [France] par train. Elle avait dû "rester à ses côtés et [s']occuper de lui afin de lui redonner de l'intérêt à la vie", ayant dû mettre la sienne "entre parenthèse" à ces fins.

Selon l'e-mail que A______ a adressé le 26 janvier 2023 à C______, sergent-chef à la police genevoise, alors qu'elle était convoquée le lendemain en vue d'être entendue, selon le mandat de comparution, comme prévenue d'"usage abusif du permis de conduire suite à la décision de la direction générale des véhicules du 04.11.2022 ordonnant le dépôt de [son] permis", la "décision de retrait de permis" (ndr : l'ordonnance pénale susvisée) avait été prise à la suite de deux excès de vitesse commis les 19 et 20 février 2021 par l'ami à qui elle avait prêté son véhicule, elle-même se trouvant alors sous retrait de permis pour la période allant du 25 janvier au 24 mai 2021. Or, l'ami en question, D______, entendu en septembre 2022 par le "Tribunal" (ndr : le MP), avait reconnu les faits.

Elle n'avait pas pu joindre à temps le "Tribunal" (ndr : le MP) afin de "convenir d'un jour pour être entendue", et celui-ci avait pris la "décision du retrait" (ndr : une ordonnance sur opposition, suite à son défaut du 15 septembre 2022, rendue le 20 septembre 2022), "ce qui a[vait] enclenché tout ceci". Lorsqu'elle l'avait découvert, elle avait pris contact avec E______, greffière (ndr : celle-ci faisant partie du greffe des procédures de masse (GPM) au MP), qui lui avait demandé de rassembler toutes les preuves de "cette (sic) empêchement".

b. Le 17 décembre 2021, A______ a été condamnée par le MP pour conduite sous retrait, refus ou interdiction d'utilisation du permis de conduire (art. 95 al. 1 let. b de la loi sur la circulation routière [LCR]) à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à CHF 50.-, sans révocation du sursis accordé le 23 novembre 2016 par le Ministère public de Neuchâtel, frais de la procédure à sa charge.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Selon le rapport de renseignements de la police routière du 10 septembre 2021, deux dépassements excessifs de la vitesse, constatés par radar, ont été commis par le conducteur du véhicule immatriculé GE 1______, le premier de 20 km/h en date du 19 février 2021, à 17h53, sur la route de Collex à la hauteur du numéro ______ en direction de la route des Fayards, là où la vitesse est limitée à 40 km/h, le deuxième de 18 km/h le lendemain, à 21h57, sur l'avenue Louis-Casaï n°______ en direction de l'aéroport, où la vitesse est limitée à 50 km/h.

A______, détentrice du véhicule, faisait l'objet, au moment des faits, d'un retrait de son permis de conduire, mesure prononcée le 25 novembre 2020 pour une durée de quatre mois, exécutoire dès le 25 janvier 2021, prise à la suite d'un excès de vitesse de 22 km/h commis le 22 avril 2020 sur l'avenue Louis-Casaï également en direction de l'aéroport.

Convoquée par la police le 1er juillet 2021 pour son audition prévue le 25 août suivant, A______ ne s'est pas présentée.

La police a joint à son rapport les ordonnances pénales dressées par le Service des contraventions (SDC) à la suite des deux excès de vitesse en cause, chacun ayant été sanctionné d'une amende de CHF 400.-, plus émolument.

b.a. Par courrier du 26 octobre 2021, le MP a informé A______ de l'ouverture d'une procédure pénale à son encontre du chef de conduite sous retrait, refus ou interdiction d'utilisation du permis de conduire (art. 95 al. 1 let. b LCR) pour avoir circulé au volant de son véhicule, les 19 et 20 février 2021, alors que son permis de conduire lui avait été retiré.

Un délai d'un mois lui a été laissé pour se déterminer, sans que celui-ci n'ait été utilisé.

b.b. Le 17 décembre 2021, le MP a rendu l'ordonnance pénale en cause (cf. supra let. A.b.).

c. À l'appui d'un courrier du 27 décembre 2021, A______ a formé opposition. Elle avait expliqué au SDC ne pas avoir été la conductrice de son véhicule lors des excès de vitesse en cause, l'ayant prêté à D______ durant toute la période où elle n'avait pas le droit de conduire. On pouvait d'ailleurs apercevoir le précité sur les photographies prises par les radars, lesquelles devaient être versées au dossier à décharge. Le SDC lui avait signifié qu'elle recevrait un courrier pour dénoncer le conducteur, ce qui n'avait pas encore été le cas, raison pour laquelle elle se disait surprise par la "décision du Tribunal" à son encontre.

d. Les photographies prises par les radars ont été apportées à la procédure le 13 janvier 2022. Le véhicule de A______ a été "flashé" de l'arrière et l'on n'aperçoit pas son conducteur.

e. Le 13 janvier 2022 également, le SDC a confirmé au MP que les amendes infligées à la suite des ordonnances pénales qu'il avait rendues suite aux excès de vitesse commis, avaient été payées.

f. Par courriers sous plis simples du 30 juin 2022, le MP a convoqué à son audience du 12 août 2022 D______ ainsi que A______, laquelle ne s'est pas présentée.

D______, entendu en qualité de personne appelée à donner des renseignements et rendu attentif à ses droits et devoirs, a déclaré que A______ était une amie de longue date, dont il était "très très" proche, étant souvent chez elle, alors qu'il s'occupait parfois de sa fille. Il leur arrivait de partir ensemble en vacances. Il ne savait pas pourquoi A______ n'avait pas comparu. Il était bien l'auteur des excès de vitesse commis les 19 et 20 février 2021, la précitée lui ayant prêté son véhicule durant plusieurs mois dans la mesure où elle faisait l'objet d'une mesure de "suspension" de son permis de conduire. A______ avait payé les amendes et il les lui avait remboursées.

g.a. A______ a été convoquée par le MP, par pli recommandé du 12 août 2022, notifié le 15 août suivant à 10h38 (selon suivi des envois de la Poste suisse), à une nouvelle audience fixée le 15 septembre 2022, à laquelle elle ne s'est pas présentée, sans être excusée.

Une ordonnance sur opposition constatant son défaut a été rendue le 20 septembre suivant, l'opposition étant réputée retirée. Celle-ci a été notifiée à A______ sous pli simple.

g.b. L'ordonnance pénale du 17 décembre 2021 est entrée en force le 24 octobre 2022.

C. a. Devant la CPAR, A______ conclut implicitement à l'annulation de l'ordonnance pénale OPMP/11400/2021 rendue à son encontre le 17 décembre 2021.

b. Le MP conclut à l'irrecevabilité de la demande de révision dès lors que A______ n'invoquait aucun fait ou moyen de preuve nouveaux dans sa demande, lesquels auraient permis de revenir sur sa condamnation.

c. A______, par courrier du 24 août 2023, souligne, pièces à l'appui, qu'elle ne se trouvait pas en Suisse du 12 au 20 février 2021, s'étant alors rendue en Algérie avec sa fille et étant revenue à Genève à la date précitée, son vol ayant atterri à 21h55, ce qui prouvait ses dires, soit qu'elle n'était pas au volant de son véhicule tel que retenu dans l'ordonnance pénale du 17 décembre 2021.

Elle avait pensé que son "innocence avait été déterminée lors de la 1ère Audience à laquelle [elle n'avait] pu [s]e rendre dues aux circonstances" dont elle avait fait part dans son précédent courrier du 29 mai 2023.

EN DROIT :

1. 1.1. La CPAR est l'autorité compétente en matière de révision (art. 21 al. 1 let. b du Code de procédure pénale suisse [CPP] cum art. 130 al. 1 let. a de la Loi d'organisation judiciaire [LOJ]).

1.2. L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d'en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné.

Les faits ou moyens de preuves sont nouveaux lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit (ATF 137 IV 59 consid. 5.1.2 ; 130 IV 72 consid. 1). Les faits et moyens de preuve sont sérieux lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 145 IV 197 consid. 1.1 ; 137 IV 59 consid. 5.1.4 ; 130 IV 72 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_731/2013 du 28 novembre 2013 consid. 3.1.2).

1.3. La demande en révision en raison de faits ou de moyens de preuve nouveaux n'est soumise à aucun délai (art. 411 al. 2 in fine CPP).

1.4. L'art. 412 CPP prévoit que la juridiction d'appel examine préalablement la demande de révision en procédure écrite (al. 1). Elle n'entre pas en matière si la demande est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé (al. 2).

La procédure de non-entrée en matière de l'art. 412 al. 2 CPP est en principe réservée à des vices de nature formelle. Il est toutefois également possible de prononcer une décision de non-entrée en matière lorsque les motifs de révision invoqués sont manifestement non vraisemblables ou infondés (ATF 143 IV 122 consid. 3.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1122/2020 du 6 octobre 2021 consid. 2.2.2 ; 6B_1197/2020 du 19 juillet 2021 consid. 1.1) ou encore lorsque la demande de révision apparaît abusive (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1122/2020 précité consid. 2.2.2 ; 6B_813/2020 du 22 juillet 2020 consid. 1.1). Le refus d'entrer en matière s'impose alors pour des motifs d'économie de procédure, car si la situation est évidente, il n'y a pas de raison que l'autorité requière des déterminations (art. 412 al. 3 CPP) pour ensuite rejeter la demande (art. 413 al. 1 CPP ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_32/2022 du 5 mai 2022 consid. 1.4 ; 6B_1122/2020 précité consid. 2.2.2 ; 6B_1197/2020 précité consid. 1.1).

1.5. Selon la jurisprudence constante, la nullité absolue ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement décelables et pour autant que sa constatation ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit (ATF 148 IV 445 consid. 1.4.2; ATF 147 IV 93 consid. 1.4.4; ATF 147 III 226 consid. 3.1.2; ATF 146 I 172 consid. 7.6; ATF 145 IV 197 consid. 1.3.2; ATF 145 III 436 consid. 4; ATF 144 IV 362 consid. 1.4. 3; ATF 138 II 501 consid. 3.1; ATF 138 III 49 consid. 4.4.3 ; ATF 137 I 273 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_244/2022 du 1er mars 2023 consid. 2.1 ; 6B_192/2021 du 27 septembre 2021 consid. 2.2 ; 6B_692/2017 du 13 avril 2018 consid. 2).

Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire. L'illégalité d'une décision ne constitue pas par principe un motif de nullité ; elle doit au contraire être invoquée dans le cadre des voies ordinaires de recours (ATF 130 II 249 consid. 2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_192/2021 du 27 septembre 2021 consid. 2.2 ; 6B_667/2017 du 15 décembre 2017 consid. 3.1). Entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité appelée à statuer, ainsi qu'une erreur manifeste de procédure (ATF 145 IV 197 consid. 1.3.2 ; ATF 143 III 495 consid. 2.2 ; ATF 138 II 501 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_667/2017 précité consid. 3.1).

Dans le domaine du droit pénal, la sécurité du droit revêt une importance particulière. On ne saurait ainsi admettre facilement la nullité de décisions entrées en force (ATF 149 IV 9 consid. 6.2 ; 148 IV 445 consid. 1.4.2 ; ATF 145 IV 197 consid. 1.3.2).

2. En l'espèce, la demande en révision apparaît mal fondée, dans la mesure où aucun fait nouveau et sérieux, non connu de la demanderesse, n'a été allégué par elle, outre ses explications relatives à son absence aux audiences du MP des 12 août et 15 septembre 2022.

Certes, vu l'absence de la demanderesse, non excusée, à l'audience du 15 septembre 2022, le MP était en droit de rendre une ordonnance au sens de l'art. 355 al. 2 CPP en constatant le retrait – fiction valant (cf. ATF 142 IV 158 consid. 3.1 et 3.5) – de l'opposition, réputée retirée, puisque la demanderesse avait été précédemment atteinte par le pli l'informant de sa convocation.

Cela étant, après l'audition de D______, le MP ne pouvait s'affranchir d'une confrontation avec la demanderesse, qui, dans son courrier d'opposition, avait précisément amené les éléments à charge concernant le précité, lesquels l'innocentaient. En outre, la demanderesse n'avait pas manifesté son désintérêt pour la procédure, ce que viennent renforcer les raisons pour lesquelles elle n'avait apparemment pas été en mesure de se présenter à l'audience du MP (cf. la fiction légale du retrait ne peut s'appliquer que si l'on peut déduire de bonne foi du défaut non excusé un tel désintérêt ; ATF 146 IV 130 consid. 1.1.1).

En procédant de la sorte, c'est-à-dire en rendant immédiatement une ordonnance sur défaut, laquelle entraînerait, à terme, l'entrée en force de l'ordonnance pénale, valant jugement (cf. art. 354 al. 3 CPP), le MP a fait fi des principes généraux et cardinaux de la procédure pénale, singulièrement ceux figés à l'art. 10 CPP consacrant le respect de la présomption d'innocence : il n'a pas apprécié les éléments de preuves qu'il avait recueillis et qui auraient dû le conduire, à la suite de la confrontation ordonnée, à libérer la demanderesse des charges d'infraction à l'art. 95 al. 1 let. b LCR pour les deux occurrences retenues dans l'ordonnance pénale, ce qui heurte le sentiment de justice.

Partant, la nullité de l'ordonnance sur opposition, suite à défaut, du 20 septembre 2022 doit être constatée et l'affaire renvoyée au MP, l'examen par ses soins d'un juste motif au sens de l'art. 205 al. 2 CPP, tel qu'avancé par la demanderesse à la suite de sa non-comparution du 15 septembre 2022, n'apparaissant dès lors plus nécessaire.

3. La partie dont l'appel est irrecevable est considérée comme ayant succombé et supporte, en principe, les frais de la procédure envers l'État, y compris un émolument de jugement (art. 428 CPP).

Vu les circonstances, il y a lieu de laisser les frais de la procédure en révision à la charge de l'État.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare irrecevable la demande en révision formée par A______ contre l'ordonnance pénale OPMP/14400/2021 rendue le 27 décembre 2021 par le Ministère public dans la procédure P/20098/2021.

Constate la nullité de l'ordonnance sur opposition, suite à défaut, rendue par le Ministère public le 20 septembre 2022.

Renvoie la cause au Ministère public.

Laisse les frais de la procédure en révision à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, à l'Office cantonal de la population et des migrations ainsi qu'à l'Office cantonal des véhicules.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Vincent FOURNIER

e.r. Catherine GAVIN

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière pénale.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.