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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/24065/2021

AARP/32/2023 du 08.02.2023 sur JTDP/677/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 13.03.2023, 6B_369/2023
Recours TF déposé le 13.03.2023, 7B_67/2023
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24065/2021 AARP/32/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 26 janvier 2023

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/677/2022 rendu le 10 juin 2022 par le Tribunal de police,

 

et

A______, domicilié c/o B______, ______ [GE], comparant par Me C______, avocate,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, le Ministère public (MP) appelle du jugement du 10 juin 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) a déclaré A______ coupable de séjour illégal du 21 décembre 2013 au 26 juin 2018 (art. 115 al. 1 let. b la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration [LEI]) et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation du 10 juin 2015 au 26 juin 2018 (art. 115 al. 1 let. c LEI), mais a classé la procédure du chef d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation pour la période du 21 décembre 2013 au 9 juin 2015 et l'a acquitté des chefs de séjour illégal pour la période du 27 juin 2018 au 21 décembre 2020, d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation pour la période du 27 juin 2018 au 21 décembre 2020, de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 22 al. 1 du Code pénal [CP] cum 118 al. 1 LEI) et de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP).

Le TP a condamné A______ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.- le jour, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 450.- à titre de sanction immédiate (peine privative de liberté de substitution de 15 jours) et au paiement de la moitié des frais de procédure, le solde étant laissé à la charge de l'Etat.

Le MP entreprend partiellement ce jugement, concluant à ce que A______ soit reconnu coupable de faux dans les titres, de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités, ainsi que de séjour illégal et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation pour la période complète allant du 21 décembre 2013 au 21 décembre 2020 et requiert une peine pécuniaire de 150 jours-amende à CHF 50.-, avec sursis, délai d'épreuve de trois ans, et une amende de CHF 1'500.-, à titre de sanction immédiate, avec une peine privative de liberté de substitution de 15 jours.

b. Selon l'ordonnance pénale du 21 mai 2021, il est reproché à A______ d'avoir :

-        dans le cadre d'une demande d'autorisation de séjour "Papyrus" déposée le 8 juin 2018 auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM), produit des documents falsifiés dans le but d'obtenir une autorisation de séjour, à savoir un extrait du compte individuel AVS, ainsi que des certificats de salaire et des bulletins de salaire pour une activité déployée auprès de la société D______ SARL entre 2008 et 2011, ainsi qu'une fausse adresse de domiciliation ;

-        dans les mêmes circonstances, tenté d'induire en erreur l'OCPM en lui donnant de fausses indications sur les entreprises qui l'employaient, dans le but d'obtenir frauduleusement une autorisation pour lui-même, étant précisé qu'aucune autorisation ne lui a été délivrée à ce jour ;

-        entre le 21 décembre 2013, soit la fin de la période pénale atteinte par la prescription, et le 21 décembre 2020, date de l'envoi du courrier du MP, séjourné en Suisse, plus particulièrement à Genève, sans être au bénéfice des autorisations de séjour valables et exercé des activités lucratives sur le territoire suisse auprès de diverses sociétés alors qu'il était démuni des autorisations nécessaires.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, né le ______ 1987, de nationalité kosovare, a déposé une demande d'autorisation de séjour auprès de l'OCPM dans le cadre de l'opération dite "Papyrus" le 27 juin 2018.

Il a indiqué, dans son formulaire de demande, séjourner à Genève depuis le 12 novembre 2007 et a produit plusieurs documents en lien avec sa situation, dont notamment :

-        deux contrats de travail avec la société D______ SARL, l'un du 7 janvier 2008 pour un engagement en qualité de nettoyeur et l'autre du 29 janvier 2010 pour celui en qualité de manœuvre/aide-plâtrier ;

-        des fiches de salaires de D______ SARL, avec déductions des cotisations sociales et impôts à la source de janvier 2008 à mars 2011.

Ces documents étaient établis au nom de A______, à l'adresse rue 1______ no. ______, [code postal] Genève.

Il a également fourni un extrait du compte individuel de la caisse cantonale genevoise de compensation, selon lequel il a cotisé d'octobre à décembre 2013 et en octobre 2014 comme employé de E______ SA, de mai 2014 à décembre 2016 comme employé de F______ SA, de février à juin 2017 et en décembre 2017 comme employé de G______ SARL et de [l'entreprise] H______ de février à juin 2017. Cet extrait lui avait été remis par courrier du 4 juin 2018 de l'Office cantonal des assurances sociales (OCAS).

b. Par courrier du 27 août 2019, l'OCPM lui a réclamé des documents complémentaires et a également émis des interrogations quant aux cotisations AVS de son ancien employeur D______ SARL, lesquelles ne figuraient pas sur l'extrait de compte individuel.

Par pli du 12 septembre 2019, A______ a expliqué avoir travaillé pour D______ SARL durant les années 2008 à 2011, alors qu'il venait d'arriver en Suisse, ne parlait pas français et n'avait aucun moyen de s'assurer que son employeur avait effectivement rempli ses obligations de paiement en faveur de la caisse AVS.

Il a produit quatre certificats de salaires annuels de la société D______ SARL pour les années 2008 à 2011, comprenant les déductions des cotisations sociales.

c. Le 21 novembre 2019, l'OCPM a dénoncé A______ au MP vu les documents produits en lien avec sa demande d'autorisation qui apparaissaient comme étant mensongers. L'extrait du compte individuel AVS ne correspondait pas aux certificats et bulletins de salaire que l'intéressé avait produits pour l'activité déployée auprès de D______ SARL entre 2008 et 2011. Ainsi, l'OCPM estimait que, soit les documents produits étaient des faux émis par A______ afin de "justifier" la durée de son séjour et son intégration professionnelle en Suisse en vue de l'obtention d'un titre de séjour, soit D______ SARL avait soustrait indûment des cotisations sociales en indiquant, à tort, qu'elles avaient été versées aux organisations concernées.

d. Selon extrait du Registre du commerce, D______ SARL a été active dans le domaine du bâtiment, notamment la pose de faux-plafonds, de 2005 à 2015, année de sa radiation d'office en application de l'art. 938a al. 1 de l'ancien Code des obligations [aCO], pour défaut d'activité et d'actifs réalisables. Ses représentants étaient I______ et J______, seul le premier disposant du pouvoir de signature.

e. Le 11 septembre 2020, dans le cadre d'une autre procédure (P/2______/2019), K______ a été entendu en qualité de prévenu en lien avec divers dossiers "Papyrus" pour lesquels il aurait fourni des faux documents contre rémunération.

Interrogé sur le cas de A______, K______ a indiqué que l'adresse rue 1______ no. ______, [code postal] Genève était la sienne et qu'il était possible qu'il eût mis son adresse à disposition de l'intéressé en tant que domiciliation, comme il l'avait fait pour d'autres personnes. Sur présentation d'une planche photographique, il n'a toutefois pas reconnu A______.

f. A______ n'a été entendu ni par la police ni par le MP, avant le prononcé de l'ordonnance pénale valant acte d'accusation du 21 mai 2021.

g. Le 17 septembre 2021, l'OCPM a informé A______ de son intention de refuser d'accéder à sa requête du 27 juin 2018 au motif qu'il avait été condamné par ordonnance pénale du 21 mai 2021 pour avoir fourni des documents falsifiés et tenté d'induire en erreur leur service. L'OCPM préavisait ainsi négativement son dossier auprès du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM).

h. À l'audience de jugement, A______ a admis séjourner en Suisse sans autorisation depuis 2007. Il avait déposé une demande "Papyrus" à l'OCPM le 27 juin 2018, de sorte que, dans son esprit, il était légitimé à rester en Suisse jusqu'à ce qu'une décision soit prise. Il n'était pas sûr d'avoir l'autorisation de travailler. Il avait fait plusieurs demandes en ce sens à l'OCPM lorsqu'il travaillait pour F______ SA, mais n'avait reçu aucune réponse. Il confirmait avoir travaillé pour toutes les entreprises figurant sur son extrait de compte individuel AVS.

Il avait également travaillé de manière salariée, de 2008 à 2011, pour D______ SARL. Les certificats et bulletins de salaire produits à l'OCPM étaient ainsi, "à [s]a connaissance", des vrais. Les documents lui avaient été remis par L______, son ancien patron auprès de D______ SARL. À l'époque de son arrivée en Suisse, ce qui l'intéressait était d'avoir un travail et de percevoir un salaire pour pouvoir vivre. Il avait réalisé, à réception des documents, qu'il n'avait pas été déclaré à l'AVS. Il avait alors téléphoné à L______ qui avait prétendu ne pas savoir ce qu'il s'était passé.

Il avait réellement vécu au no. ______ rue 1______ à Genève et contestait avoir payé pour utiliser cette adresse comme lieu de domiciliation.

C. a.a. À l'appui de son appel, le MP a produit, sans que A______ ne s'y oppose, un rapport de renseignements du 7 juillet 2022 établi dans le cadre d'une procédure parallèle P/3______/2020, ainsi que le rapport du 7 décembre 2020 qui y était annexé.

a.b. À teneur du rapport du 7 décembre 2020, la police avait mis en évidence que la société D______ SARL ressortait dans les documents produits à l'appui de très nombreuses demandes d'autorisation de séjour dans le cadre de l'opération "Papyrus". L______ agissait en tant que directeur de fait de cette société, sans toutefois être inscrit au Registre du commerce.

a.c. Selon le rapport du 7 juillet 2022, de nombreuses personnes entendues ont admis que des documents qu'ils avaient produits dans leur demande d'autorisation en lien avec leur activité pour D______ SARL étaient erronés et leur avaient été fournis par M______ ou par L______.

Le matériel informatique appartenant à M______ a fait l'objet d'une analyse par la police, dont il ressort qu'il contenait de très nombreux documents au nom de la société D______ SARL, utilisés dans 22 dossiers de demande "Papyrus" potentiellement frauduleux. Parmi ceux-ci figuraient des contrats de travail, lettres de licenciement et certificats de salaire de ladite société, identiques à ceux produits dans le dossier de A______, où seuls le nom de l'employé et les dates changeaient. Renseignement pris auprès de l'OCAS, seulement trois personnes avaient pourtant été enregistrées comme employés de la société entre 2005 et 2015, dont L______.

Parmi les étrangers ayant produit ces documents à l'appui de leur demande "Papyrus", N______, O______, P______, Q______, R______, S______, T______, U______ et V______ ont reconnu avoir obtenu des documents falsifiés au nom de D______ SARL. Selon les métadonnées retrouvées dans le matériel informatique de M______, les documents en question ont été créés entre 2014 et 2019.

W______, gendre de L______, a expliqué à la police avoir bien travaillé pour D______ SARL de 2008 à 2011. Les contrats de travail et certificats de salaire, fournis par M______ avaient un contenu erroné (taux d'activité, 13ème salaire, cotisation sociales, ). Selon l'analyse informatique, le contrat de travail, prétendument signé le 3 février 2007, avait été créé le 11 octobre 2017.

Le contrat de travail au nom de A______, daté du 7 janvier 2008, également retrouvé dans les dossiers informatiques de M______, a été créé le 7 juin 2018, dans un document nommé "contrat de travail – 2008 A______". Plusieurs autres documents contenaient le mot "A______" dans leur nom de fichier, notamment :

-        le contrat de travail du 1er janvier 2009 au nom de X______, créé le 31 décembre 2012, sous "contrat de travail – 2008 A______"

-        le contrat de travail du 6 janvier 2014 au nom de Y______, créé le 16 juin 2018, sous "contrat de travail – 2014 A______"

-        le contrat de travail du 8 janvier 2008 au nom de T______, créé le 5 septembre 2019, sous "contrat de travail – 2008 A______"

-        le contrat de travail du 5 janvier 2009 au nom de U______, créé le 31 décembre 2011, sous "contrat de travail – 2010 A______".

b. À l'audience d'appel, A______ a eu l'occasion de s'exprimer sur les faits reprochés et sur les rapports de renseignements nouvellement produits par le MP.

Il a maintenu avoir travaillé pour la société D______ SARL de 2008 à 2011. Il ne connaissait pas M______; uniquement L______ qui était le chef de D______ SARL avec lequel il avait eu des contacts durant son emploi auprès de cette société.

Parmi les personnes ayant produit des documents similaires aux siens, en lien avec leur activité pour D______ SARL, il a indiqué connaître uniquement W______ et X______, qui avaient été ses collègues au sein de la société F______ SA. Il n'avait pas d'explication quant au fait que des documents avaient été créés bien après la fin des rapports de travail allégués, dont son propre contrat de travail, et que de nombreuses personnes entendues avaient admis que les documents produits étaient mensongers.

Il a persisté dans ses explications pour le surplus. Il pensait être en droit de séjourner et travailler en Suisse suite au dépôt de sa demande d'autorisation de séjour "Papyrus", bien qu'il ne se fût pas renseigné à ce sujet. Il estimait remplir les conditions d'obtention d'une telle autorisation. L'OCPM lui avait du reste fourni des attestations de résidence certifiant sa présence à Genève, dont une, datée du 18 décembre 2018, figurait au dossier.

c. Le MP persiste dans ses conclusions.

L'extrait de compte individuel AVS de A______ montrait que celui-ci avait travaillé en Suisse à partir de 2013. Aucun élément ne permettait de prouver sa présence et son activité dans ce pays pour les années précédentes, nécessaires à l'admission de sa demande "Papyrus". Conscient de cela, A______ avait cherché à "combler les trous" par le biais de documents falsifiés. Vu le rapport de renseignements du 7 juillet 2022, il était désormais établi que A______ avait, en 2018, eu recours à un faussaire en la personne de M______, afin de lui fournir des contrats de travail, fiches de salaire et certificats de salaires ne correspondant pas à la réalité, documents qui revêtaient une force probante accrue puisqu'ils étaient propres à lui permettre de prétendre à l'obtention d'une autorisation de séjour. A______ s'était ainsi rendu coupable de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités et de faux dans les titres. Dans ces circonstances, il devait également être reconnu coupable de séjour et travail illégaux durant toute la période non atteinte par la prescription.

d. A______, par la voix de son conseil, conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

Le rapport de renseignements du 7 juillet 2022 produit en appel ne suffisait pas à ébranler les motifs avancés par le premier juge pour l'acquitter de faux dans les titres et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités. Il n'avait été mis en cause par aucun des faussaires entendus dans les procédures parallèles. Rien ne venait contredire qu'il avait réellement travaillé pour D______ SARL entre 2008 et 2011. En dehors du contrat de travail de 2008, aucun des autres documents produits à l'appui de sa demande n'avait été retrouvé dans le matériel informatique de M______. Certains documents d'autres personnes enregistrés sous "A______" avaient été créés en 2011, 2012 ou 2014, soit avant l'annonce de l'opération "Papyrus", ce qui excluait qu'ils eussent été créés dans l'unique but de les produire à l'appui d'une telle demande. Il n'était d'ailleurs pas exclu que son contrat de travail authentique eut été utilisé pour servir de modèle pour la création de faux documents pour d'autres personnes. Si certains documents avaient été falsifiés au nom de D______ SARL, cela n'impliquait pas que tous les documents issus de cette société étaient faux, dès lors qu'elle avait existé pendant une dizaine d'années et dû avoir des employés, fusse de manière non-déclarée. D'ailleurs, il ressortait du rapport de renseignements du 7 décembre 2020 que L______ s'occupait de la gestion des travailleurs de la société, ce qui corroborait ses propres déclarations.

Les autorités administratives avaient toléré son séjour en Suisse depuis le dépôt de sa demande en juin 2018. L'OCPM lui fournissait des attestations de résidence qui démontraient cette tolérance, dans l'attente d'une décision. L'exercice d'une activité lucrative dans le pays étant l'une des conditions d'obtention d'une autorisation de séjour au titre de l'opération "Papyrus", l'OCPM était ainsi conscient qu'il travaillait en Suisse sans être, en l'état, au bénéfice des autorisations nécessaires. Il pouvait ainsi, de bonne foi, penser qu'il était en droit de séjourner et travailler en Suisse, à compter du dépôt de sa demande auprès des autorités compétentes.

Il convenait en outre de lui accorder une indemnité pour ses frais de défense dans la procédure d'appel se montant à CHF 4'717.35, pour un total de 12 heures et 9 minutes d'activité de son conseil à un tarif horaire de CHF 350.-, 3% de frais divers et TVA inclus.

D. A______ est marié et père de trois enfants mineurs. Son épouse l'ayant rejoint en Suisse en 2014, leurs trois enfants sont nés à Genève. Actif en tant que peintre-plâtrier, il réalise un salaire de CHF 5'000.- à CHF 5'500.- brut par mois. Son épouse, femme au foyer, n'a pas de revenu. Son loyer est de CHF 550.- et ses primes d'assurance-maladie s'élèvent, pour la famille, à CHF 937.-. Il ne paie pas d'impôts.

Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, A______ a été condamné le 24 avril 2013 par le Ministère public du canton du Jura/Porrentruy à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.-, assortie du sursis et délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 180.- pour séjour illégal.

EN DROIT :

1. L'appel du MP est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

3. 3.1.1. Le comportement frauduleux à l'égard des autorités au sens de l'art. 118 al. 1 LEI prévoit que quiconque induit en erreur les autorités chargées de l'application de la présente loi en leur donnant de fausses indications ou en dissimulant des faits essentiels et, de ce fait, obtient frauduleusement une autorisation pour lui ou pour un tiers ou évite le retrait d'une autorisation est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Le résultat de l'infraction se produit lorsque l'autorisation de séjour est accordée. À défaut, il s'agit d'une tentative. L'infraction doit être intentionnelle (M.S. NGUYEN / C. AMARELLE [éds], Code annoté de droit des migrations, vol. II, Loi sur les étrangers [LEtr], Berne 2017, ch. 2.2 n. 10 ad art. 118).

3.1.2. L'art. 251 ch. 1 CP sanctionne le comportement de celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.

La notion de titre est définie à l'art. 110 al. 4 CP. Seuls les documents destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique sont concernés. Le caractère de titre d'un écrit est relatif. Ainsi, certains de ses aspects peuvent être propres à prouver certains faits, alors que d'autres ne le sont pas (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 6 ad art. 251).

Le législateur réprime deux types de faux dans les titres : le faux matériel et le faux intellectuel. Leur utilisation est également considérée comme une infraction. On parle de faux matériel lorsque le véritable auteur du titre ne correspond pas à l'auteur apparent (ATF 129 IV 130 consid. 2.1, JdT 2005 IV 118). Autrement dit, le faussaire crée un titre qui trompe sur l'identité de celui dont il émane en réalité. Commet un faux intellectuel, celui qui aura constaté ou fait constater faussement un fait ayant une portée juridique. Le faux intellectuel se rapporte ainsi à l'établissement d'un titre authentique (réalisé par l'auteur apparent), mais mensonger du fait que le contenu réel et le contenu figurant dans le titre ne concordent pas. Comme le simple mensonge écrit n'est pas répréhensible, même en présence d'un titre, il faut que celui-ci ait une valeur probante plus grande qu'en matière de faux matériel, pour que le mensonge soit punissable comme faux intellectuel (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], op. cit., n.  34 ad art. 251).

De jurisprudence constante, un contrat conclu en la forme écrite simple, dont le contenu est faux, ne peut en principe pas faire l'objet d'un faux intellectuel dans les titres, faute de valeur probante accrue, dans la mesure où il n'existe pas de garanties spéciales selon lesquelles les déclarations concordantes des parties correspondent à leur volonté réelle (ATF 146 IV 258 consid. 1.1). Par ailleurs, plusieurs arrêts ont considéré qu'un certificat de salaire, respectivement un décompte de salaire, au contenu inexact ne constituait pas un titre (cf. ATF 118 IV 363 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_473/2016 du 22 juin 2017 consid. 4.2.1 ; 6B_72/2015 du 27 mai 2015 consid. 1.5 ; 6B_382/2011 du 26 septembre 2011 consid. 2.1 ; 6B_827/2010 du 24 janvier 2011 consid. 4.5.2 ; 6B_101/2009 du 14 mai 2009 consid. 3.3 ; 6S.423/2003 du 3 janvier 2004 consid. 4.3). De même, un contrat de travail simulé pour obtenir une attestation de séjour a été jugé comme n'ayant pas une valeur probante accrue (arrêt du Tribunal fédéral 6B_72/2015 du 27 mai 2015 consid. 1.5 et 1.6, cité dans l'ATF 146 IV 258 consid. 1.2.6).

Dans toutes les variantes envisagées, l'infraction est intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs objectifs, y compris sur le fait que le document ne correspond pas à la vérité et qu'il a une valeur probante. Le dol éventuel est suffisant. L'élément subjectif de l'infraction requiert, dans tous les cas, l'intention de tromper autrui pour se procurer ou procurer à un tiers un avantage illicite, ou causer un préjudice (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI, op. cit., n. 46 et 48 ad art. 251).

3.1.3. Il y a concours réel entre l'art. 251 CP et l'art. 118 LEI si le comportement frauduleux à l'égard des autorités a été réalisé à l'aide de documents falsifiés (M.S. NGUYEN / C. AMARELLE [éds], Code annoté de droit des migrations, vol. II, Loi sur les étrangers [LEtr], Berne 2017, ch. 3 ad art. 118 p. 1335).

3.2.1. En l'espèce, les éléments produits en appel sont de nature à modifier l'appréciation des faits reprochés à l'intimé au sujet des documents déposés à l'appui de sa demande d'autorisation de séjour.

En effet, avec le premier juge, la CPAR considère que les déclarations de K______ dans une procédure parallèle ne permettaient pas, à elles seules, de fonder l'accusation envers l'intimé d'avoir produit des documents falsifiés à l'appui de sa demande auprès de l'OCPM.

Les éléments ressortant du rapport de renseignements du 7 juillet 2022 attestent en revanche de ce que le contrat de travail, produit par l'intimé à l'appui de sa demande "Papyrus", présent dans les fichiers informatiques de M______, alors qu'il avait prétendument été signé le 7 janvier 2008, est en réalité issu d'un document créé le 7 juin 2018, soit peu avant le dépôt de la demande auprès de l'OCPM du 27 juin 2018, ce qui tend à démontrer qu'il a été créé spécifiquement dans ce but.

Le fait que de nombreux autres mis en cause ont admis que les contrats de travail avec D______ SARL, confectionnés par M______ et retrouvés également dans son matériel informatique, étaient mensongers, vient corroborer cette thèse, ce d'autant plus que les contrats en question ont une teneur identique à ceux produits par l'intimé. Alors qu'il affirme avoir travaillé pendant trois ans pour D______ SARL, l'intimé ne cite que le nom de L______, comme étant la seule personne avec qui il aurait eu des contacts au sein de l'entreprise. Les autres noms dont il s'est souvenu étant ceux de ses collègues lors de son activité pour F______ SA, de 2014 et 2016 selon son extrait de compte AVS. C'est également dans ce cadre qu'il a notamment admis avoir fait la connaissance de W______, gendre de L______, alors qu'ils sont supposés avoir tous deux travaillé pour D______ SARL de 2008 à 2011, vu les documents produits aux autorités. W______ a d'ailleurs admis avoir présenté des documents falsifiés.

L'adresse fournie aux autorités par l'appelant apparaît de surcroît fausse. Il est en effet pour le moins douteux que l'appelant ait vécu, à l'époque du dépôt de sa demande d'autorisation de séjour, précisément dans le même immeuble que K______, qui a admis avoir permis à diverses personnes d'utiliser son adresse personnelle et n'a pas exclu avoir pu en faire de même s'agissant de l'appelant, quand bien même il ne l'a pas reconnu sur planche photographique.

Il est ainsi établi à satisfaction de droit que l'intimé n'a pas réellement travaillé à Genève pour D______ SARL entre 2008 et 2011 et qu'il a tenté de tromper l'OCPM en mentant à ce sujet, dans le but d'obtenir une autorisation de séjour en Suisse. Dans la mesure où l'OCPM n'a finalement pas octroyé une telle autorisation, l'infraction en est restée au stade de la tentative.

L'intimé sera ainsi reconnu coupable de tentative de comportement frauduleux envers les autorités au sens de l'art. 118 al. 1 LEI.

3.2.2. Cela étant, les éléments du dossier ne permettent pas de savoir si le contrat de travail est un faux créé de toutes pièces par M______ (faux matériel dès lors que l'intéressé n'apparait pas autorisé à représenter la société à teneur du Registre du commerce) ou s'il a réellement été émis par D______ SARL mais avec un contenu mensonger, auquel cas il conviendrait de l'examiner sous l'angle du faux intellectuel. Or, dans cette dernière hypothèse, un contrat de travail ne jouit pas d'une valeur probante accrue. Il en va de même des certificats de salaire annuels et des bulletins mensuels, au vu de la jurisprudence citée. Ces documents ne sont dès lors pas constitutifs de faux intellectuels au sens de l'art. 251 ch. 1 CP, s'agissant de simples écrits mensongers. Cette dernière hypothèse, plus favorable à l'intimé en vertu du principe in dubio pro reo, sera retenue.

Aucun élément ne permet en revanche de retenir que l'extrait de compte individuel AVS serait mensonger, ce document ayant été joint au courrier de l'OCAS, daté du même jour.

L'acquittement de l'intimé du chef de faux dans les titres sera ainsi confirmé.

4. 4.1.1. Se rend coupable de violation de l'art. 115 al. 1 LEI, quiconque contrevient aux dispositions sur l'entrée en Suisse prévues à l'art. 5 LEI (let. a), y séjourne illégalement (let. b) ou exerce une activité lucrative sans autorisation (let. c).

4.1.2. En principe, l'étranger entré légalement en Suisse pour un séjour temporaire qui dépose ultérieurement une demande d'autorisation de séjour durable doit attendre la décision à l'étranger (art. 17 al. 1 LEI). Cela vaut aussi pour l'étranger résidant illégalement en Suisse qui tente de légaliser son séjour par le dépôt ultérieur d'une demande d'autorisation de séjour durable (ATF 139 I 37 consid. 2.1). Selon le message du Conseil fédéral, le requérant ne peut pas se prévaloir, déjà durant la procédure, du droit de séjour qu'il sollicite ultérieurement, à moins qu'il ne remplisse "très vraisemblablement" les conditions d'admission (FF 2002 3469 ss, p. 3535).

4.1.3. Le séjour illégal est un délit continu. L'infraction est achevée au moment où le séjour prend fin (ATF 135 IV 6 consid. 3.2).

L'infraction peut être à nouveau commise si, après avoir été jugé pour de tels faits, le condamné poursuit ou renouvelle son séjour illégal en Suisse. La condamnation en raison de ce délit opère une césure, de sorte que le fait pour le prévenu de perpétuer sa situation irrégulière après le prononcé d'un premier jugement constitue un acte indépendant permettant une nouvelle condamnation pour la période non couverte par la première décision (principe ne bis in idem ; ATF 135 IV 6 consid. 3.2).

En cas de travail par intermittence auprès de différents employeurs, les interruptions de travail et la pluralité d'employeurs empêchent la qualification de délit continu. Un tel comportement constitue une succession de différents actes délictueux (arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2012 du 24 janvier 2013 consid. 1.5).

4.1.4. Aux termes de l'art. 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l'erreur était évitable.

Pour qu'il y ait erreur sur l'illicéité, il faut que l'auteur ne sache ni ne puisse savoir que son comportement est illicite. L'auteur doit agir alors qu'il se croyait en droit de le faire. Il pense, à tort, que l'acte concret qu'il commet est conforme au droit (ATF 141 IV 336 consid. 2.4.3 ; 138 IV 13 consid. 8.2). Tel est le cas s'il a des raisons suffisantes de se croire en droit d'agir (ATF 128 IV 201 consid. 2), une raison de se croire en droit d'agir étant "suffisante" lorsqu'aucun reproche ne peut lui être adressé parce que son erreur provient de circonstances qui auraient pu induire en erreur tout homme consciencieux (ATF 98 IV 293 consid. 4a; cf. FF 1999 p. 1814).

La tolérance constante de l'autorité administrative ou pénale à l'égard d'un comportement illicite déterminé peut, dans certains cas, constituer une raison suffisante de se croire en droit d'agir (ATF 91 IV 201 consid. 4). Cependant, le simple fait que l'autorité n'intervienne pas ne suffit pas pour admettre l'existence d'une erreur de droit (arrêts du Tribunal fédéral 6B_716/2018 du 23 octobre 2018 consid. 1.1 et les références ; 6S.46/2002 du 24 mai 2002 consid. 4b = SJ 2002 I 441).

4.2.1. Il est établi, et admis par celui-ci, que l'intimé a séjourné et travaillé sur le territoire suisse sans être au bénéfice des autorisations nécessaires. Il a néanmoins été acquitté du chef de séjour et travail illégal pour la période postérieure au dépôt de sa demande de régularisation "Papyrus", en raison du fait qu'il aurait pu, de bonne foi, se sentir fondé à vivre et travaillé à Genève dans l'attente d'une décision, au vu de la tolérance de l'OCPM.

Pourtant, après le dépôt de ladite demande, la situation administrative de l'intimé était inchangée, sa demande de régularisation étant à l'examen. Il admet ne pas s'être renseigné sur son droit à séjourner en Suisse dans l'attente d'une décision sur l'éventuel octroi d'une autorisation de séjour. L'attestation de résidence de l'OCPM ne mentionne aucune autorisation de séjour, ni de travail, même temporaire, mais se contente d'indiquer que le prévenu réside à Genève, ce qui ne suffit pas pour valider la présence en Suisse de l'intimé.

Etant désormais établi que l'intimé a tenté de tromper les autorités en les induisant en erreur sur sa présence et son activité en Suisse de 2008 à 2011, l'intimé savait parfaitement qu'il ne remplissait pas les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour. Dans ces circonstances, il ne saurait se prévaloir d'une quelconque erreur sur l'illicéité, ni se prévaloir des attestations de résidence reçues pour invoquer le principe de bonne foi des autorités. Il était parfaitement conscient de résider de manière illégale à Genève et ne pas avoir le droit d'y exercer une activité lucrative, mais l'a fait néanmoins, en espérant que sa duperie ne soit pas découverte.

L'intimé avait ainsi conscience et volonté de séjourner illégalement sur le territoire suisse et d'y exercer une activité sans autorisation, ce durant l'entier de la période pénale, soit du 21 décembre 2013 au 21 décembre 2020. Il sera reconnu coupable pour ces faits. Le jugement querellé sera ainsi modifié en ce sens.

L'exercice illégal d'une activité lucrative sur le territoire suisse n'étant pas un délit continu, contrairement au séjour illégal, le délai de prescription de sept ans (art. 97 al. 1 let. d CP) a été atteint pour les faits antérieurs au 10 juin 2015. Le classement prononcé par le premier juge pour ces faits sera confirmé.

5. 5.1.1. Le comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 118 al. 1 LEI) est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Le séjour illégal et le travail sans autorisation (art. 115 al. 1 let. b et c LEI) sont réprimés par une peine privative de liberté d'un an au plus ou une peine pécuniaire.

5.1.2. Les comportements dont l'appelant est reconnu coupable sont intervenus tant sous l'égide de l'ancien que du nouveau droit des sanctions, entré en vigueur au 1er janvier 2018.

Puisque les infractions commises avant cette date entrent en concours réel parfait avec celles réalisées a posteriori, une peine d'ensemble doit être fixée en fonction du nouveau droit (cf. R. ROTH / L. MOREILLON [éds], Code pénal I : art. 1-100 CP, Bâle 2009, n. 19 ad art. 2 ; M. DUPUIS et al., op. cit., n. 20 ad art. 2 ; M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER [éds], Basler Kommentar, Strafrecht I, 4ème éd., Bâle 2018, n. 10 ad art. 2).

5.2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

5.2.2. Si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (art. 49 al. 1 CP).

La fixation d'une peine d'ensemble en application du principe de l'aggravation suppose, à la différence de l'absorption et du cumul des peines, que le tribunal ait fixé (au moins de manière théorique) les peines (hypothétiques) de tous les délits (ATF 144 IV 217 consid. 3.5.3).

5.2.3. La peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende, le juge fixant leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (art. 34 al. 1 CP). Un jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus. Exceptionnellement, si la situation personnelle et économique de l'auteur l'exige, il peut être réduit à CHF 10.-. Le juge en arrête le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).

5.2.4. Aux termes de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis - ou du sursis partiel -, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 ; 134 IV 1 consid. 4.2.2).

Selon l'art. 42 al. 4 CP, le juge peut prononcer, en plus du sursis, une amende selon l'art. 106 CP. Celle-ci entre en ligne de compte en matière de délinquance de masse, lorsque le juge souhaite prononcer une peine privative de liberté ou pécuniaire avec sursis, mais qu'une sanction soit néanmoins perceptible pour le condamné, dans un but de prévention spéciale (ATF 135 IV 188 consid. 3.3. ; 134 IV 60 consid. 7.3.1). Pour tenir compte du caractère accessoire des peines cumulées, il se justifie en principe d'en fixer la limite supérieure à un cinquième, respectivement à 20 %, de la peine principale (ATF 135 IV 188 consid. 3.4.4.).

5.3. En l'espèce, la faute de l'appelant n'est pas négligeable. En fournissant de faux renseignements et en produisant des documents mensongers aux autorités compétentes dans le but d'obtenir un titre de séjour et/ou de travail, il a porté atteinte à la confiance que l'administration est en droit d'attendre de l'administré ainsi qu'à la bonne foi dans les rapports entre celui-ci et l'État. Le fait que la commission de l'infraction de comportement frauduleux à l'égard des autorités en est restée au stade de la tentative n'est dû qu'à des circonstances indépendantes de la volonté de l'intimé, si bien qu'il n'en sera tenu compte que dans une faible mesure dans la fixation de la peine.

Il a persisté à séjourner et travailler sur le territoire suisse sans bénéficier des autorisations nécessaires, ce dont il avait parfaitement conscience, et ce durant de nombreuses années.

Les mobiles de l'intimé résident de manière générale dans son intérêt personnel à demeurer en Suisse par convenance personnelle, son mépris des autorités et des lois en vigueur qu'il a tenté de détourner.

Sa situation personnelle n'explique ni n'excuse ses actes. Il avait la possibilité de subvenir à ses besoins légalement au Kosovo, pays où il a tout d'abord laissé son épouse, avant que celle-ci ne le rejoigne en 2014.

Sa collaboration a été mauvaise, vu ses affirmations répétées quant au fait qu'il avait travaillé pour D______ SARL, même au stade de la procédure d'appel, où il a pourtant été confronté aux éléments matériels démontrant le contraire.

Sa prise de conscience est inexistante, puisqu'il a persisté à contester l'illicéité de son séjour et de son activité rémunérée en Suisse, de même que la fourniture des fausses informations à l'OCPM dans le cadre de sa demande "Papyrus", malgré les éléments du dossier.

Il a un antécédent spécifique pour infractions à la LEI.

Il y a concours d'infractions passibles du même genre de peine. Le prononcé d'une peine pécuniaire, par opposition à une peine privative de liberté, est acquis à l'intimé dès lors que cette sanction apparait suffisante pour prévenir une récidive et, ainsi, garantir la sécurité publique, étant précisé que l'appelant ne le conteste pas.

L'infraction de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités est objectivement la plus grave. Elle commanderait à elle seule une peine pécuniaire de 90 jours-amende. Cette peine doit être étendue de 20 jours-amende pour le séjour illégal (peine hypothétique de 40 jours-amende) et 20 jours-amende pour le travail sans autorisation (peine hypothétique de 40 jours-amende). En définitive, le prononcé d'une peine pécuniaire de 130 jours-amende apparaît juste et adéquat.

Le montant du jour-amende de CHF 30.- l'unité, jugé adéquat, sera quant à lui confirmé, puisqu'en adéquation avec la situation personnelle et financière de l'appelant (art. 34 al. 1 CP).

Le sursis, dont les conditions sont remplies, est acquis à l'intimé dans la mesure où l'appelant ne le conteste pas. Le délai d'épreuve de trois ans est adéquat et sera confirmé.

L'appelant ne sera en revanche pas suivi concernant le prononcé d'une amende à titre de sanction immédiate, en sus de la peine pécuniaire avec sursis. Le prononcé d'une peine pécuniaire seule, même avec sursis, apparait en effet déjà suffisante au titre de la prévention spéciale, sans oublier que la présente condamnation aura également des répercussions sur la situation administrative en Suisse du prévenu.

6. L'appel du MP est partiellement admis, l'intimé succombe dans la même mesure et supportera ainsi les deux tiers des frais de la procédure d'appel, comprenant un émolument de CHF 1'200.-, le solde étant laissé à la charge de l'État (art. 428 CPP).

Vu l'issue de l'appel, la répartition des frais de procédure préliminaire et de première instance sera modifiée dans la mesure du verdict de culpabilité de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités finalement prononcé. La mise à la charge du prévenu de ces frais sera ainsi de deux tiers, au lieu de la moitié prononcée par le premier juge, soit CHF 684.- (art. 426 et 428 al. 3 CPP).

7. L'indemnisation allouée à l'intimé au titre de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, qui demeure dans la mesure où il bénéficie encore d'un classement et d'un acquittement partiel, sera réduite, tant pour la procédure de première instance que pour la procédure d'appel, de deux tiers, par parallélisme avec la décision sur les frais (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_548/2018 du 18 juillet 2018 consid. 1.1.2 ; 6B_1238/2017 du 12 avril 2018 consid. 2.1).

Pour la procédure de première instance, l'indemnité allouée avait été de CHF 251.30 (moitié de CHF 502.60). Pour la procédure d'appel, il a déposé un état de frais faisant état d'un total de 12 heures et 9 minutes d'activité au tarif de CHF 350.- l'heure. Les 3% de "frais divers" facturés ne seront en revanche pas pris en compte, faute de justifications.

L'indemnité due sera partant arrêtée à CHF 1'694.20 (soit 1/3ème de CHF 4'579.95 [CHF 4'252.50 + la TVA au taux de 7.7%, en CHF 327.45] + 1/3ème de CHF 502.60).

Conformément à l'art. 442 al. 4 CPP, cette indemnité sera compensée, à due concurrence, avec les frais de procédure mis à la charge de l'intimé.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par le Ministère public contre le jugement JTDP/677/2022 rendu le 10 juin 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/24065/2021.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 22 al. 1 CP et 118 al. 1 LEI), de séjour illégal du 21 décembre 2013 au 21 décembre 2020 (art. 115 al. 1 let. b LEI) et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation du 10 juin 2015 au 21 décembre 2020 (art. 115 al. 1 let. c LEI).

Classe la procédure du chef d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation pour les faits du 21 décembre 2013 au 9 juin 2015 (art. 97 al. 1 let. d CP).

Acquitte A______ du chef de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 130 jours-amende (art. 34 al. 1 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.- (art. 34 al. 2 CP).

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans
(art. 42 al. 1 et 44 al. 1 CP).

Avertit A______ de ce que, s'il devait commettre une nouvelle infraction durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ aux deux tiers des frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent dans leur globalité à CHF 1'026.- (art. 426 al. 1 CPP et 9 al. 1 let. d RTFMP) et en laisse le solde à la charge de l'Etat (art. 423 CPP).

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'735.-, y compris un émolument de CHF 1'500.-.

Met deux tiers de ces frais, soit CHF 1'156.65 à la charge de A______, et laisse le solde de ces frais à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'Etat, une indemnité de CHF 1'694.20 pour les dépenses occasionnées par l'exercice de ses droits de procédure, (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Rejette ses conclusions en indemnisation pour le surplus.

Compense à due concurrence la créance de l'Etat portant sur les frais de la procédure avec l'indemnité accordée (art. 442 al. 4 CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, à l'Office cantonal de la population et des migrations et au Secrétariat d'Etat aux migrations.

 

La greffière :

Andreia GRAÇA BOUÇA

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'026.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

80.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

80.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'735.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'761.00