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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/7979/2021

AARP/322/2022 du 02.11.2022 sur JTDP/656/2022 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : FIXATION DE LA PEINE
Normes : LEI.115; CP.47
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7979/2021 AARP/322/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 2 novembre 2022

 

Entre

A______, sans domicile fixe, comparant par Me B______, avocate, ______, Genève,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/656/2022 rendu le 9 juin 2022 par le Tribunal de police,

 

et

C______ SA, partie plaignante,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 9 juin 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) a classé la procédure s'agissant du vol d'importance mineure, l’a déclaré coupable de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b loi sur les étrangers et l'intégration [LEI]) et de non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI) et l’a condamné à une peine privative de liberté de 60 jours, sous déduction de deux jours de détention avant jugement.

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant au prononcé d’une peine clémente, avec suite de frais.

b. Les ordonnances pénales du 15 avril et du 19 août 2021 reprochaient à A______ un séjour illégal en Suisse d’une durée de quatre mois ; le TP a toutefois réduit la période pénale à une durée d’un mois, soit du 17 juillet au 17 août 2021. Il lui était également reproché de s’être trouvé le 17 août 2021, aux environs de 15h15, à la place 1______, à Genève, alors qu'il faisait l'objet d'une interdiction de pénétrer dans le canton valable pour une durée de 12 mois à partir du 15 avril 2021, date à laquelle cette interdiction lui a été notifiée.

Les faits de la cause ne sont pas contestés par l’appelant et correspondent au résumé ci-dessus. Il est dès lors renvoyé au jugement de première instance (art. 82 al. 4 du code de procédure pénale suisse [CPP]).

B. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions. Il était venu en Suisse pour se rendre à des entretiens médicaux et des opérations programmées, et rendre visite à ses deux enfants. Il n’avait donc pas agi dans un but égoïste. Il ignorait qu’il pouvait obtenir un sauf-conduit. Sa venue avait été motivée par son état de santé et sa situation personnelle.

Il fallait donc fixer la peine en tenant compte de la motivation de ses actes et de l’effet de la peine sur son avenir.

c. Le MP conclut à la confirmation du jugement entrepris, à la motivation duquel il renvoie. Le TP avait retenu, au bénéfice du doute, que l’appelant pouvait se croire en droit de séjourner pendant trois mois en Suisse, et l’avait donc acquitté d’une partie des faits reprochés. Cela étant, l’appelant ne pouvait manifestement pas prétendre ignorer qu’il ne pouvait pas rester en Suisse au-delà de cette période et que la peine prononcée était adéquate.

C. a. A______ est né le ______ 1975, de nationalité algérienne, au bénéfice d'un titre de séjour italien délivré pour membre de la famille d’un ressortissant de l’Union (émis en 2018 et valable jusqu’en octobre 2022). Il est marié et son épouse vit en Italie. Il se dit père de deux enfants, âgés de neuf et deux ans et demi (étant précisé que selon les dates qu’il a indiquées sur la fiche de renseignement personnels, sa fille serait née en ______ 2018 et donc âgée en réalité de trois ans et demi lors des débats de première instance), lesquels vivraient avec leur mère à Genève.

Selon ses dires, mécanicien de profession, il est sans emploi en raison de problèmes de santé. Au moment de l’audience du TP, il vivait à D______[France], où il habitait en échange de quelques heures de ménage et d’une aide sur un marché. Il réalisait un revenu annuel d'environ CHF 5'000.- et donnait CHF 150.- par mois pour l'entretien de ses enfants. Il rencontrait des problèmes de santé et devrait subir à nouveau une opération.

b. A teneur de l’extrait de son casier judiciaire, le prévenu a été condamné à dix reprises à Genève entre 2012 et 2019, essentiellement pour des infractions à la LEI ainsi que des infractions contre le patrimoine et en matière de stupéfiants. Sa dernière condamnation remonte au 7 mai 2019, date à laquelle le TP l’a condamné à une peine privative de liberté de 60 jours et à une amende de CHF 100.-, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), délit et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c et 19a LStup).

D. Me B______, défenseure d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, deux heures d’activité de cheffe d’étude.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

2.2. D'après l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il y a plusieurs peines identiques lorsque le tribunal prononce dans le cas d'espèce, pour chaque norme violée, des peines du même genre (méthode concrète) ; le fait que les dispositions pénales applicables prévoient, de manière abstraite, des peines d'un même genre ne suffit pas (ATF 138 IV 120 consid. 5.2 p. 122 ss).

Pour satisfaire à cette règle, le juge, dans un premier temps, fixera la peine pour l'infraction la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il doit augmenter la peine de base pour tenir compte des autres infractions en application du principe de l'aggravation (Asperationsprinzip) (ATF 144 IV 313, consid. 1.1.2 ; ATF 144 IV 217 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1216/2017 du 11 juin 2018 consid. 1.1.1), en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1175/2017 du 11 avril 2018 consid. 2.1 in medio ; 6B_688/2014 du 22 décembre 2017 consid. 27.2.1).

2.3. En l’espèce, l’appelant a démontré avoir des rendez-vous médicaux à Genève, produisant des pièces des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) confirmant l’existence de diverses consultations ou interventions en ambulatoire. Celles-ci ne justifiaient toutefois pas un séjour de plusieurs mois à Genève, étant relevé que l’intéressé n’explique pas pourquoi il ne pourrait pas recevoir les soins en cause à son domicile italien plutôt qu’à Genève. Il produit certes une attestation d’un médecin selon laquelle il devrait pouvoir « rester à l’hôtel pour effectuer des douches » (sic !) ; cette attestation ne justifie toutefois pas un séjour de longue durée à Genève, mais plutôt la nécessité d’un lieu de vie bénéficiant d’un minimum d’hygiène, dont il pourrait tout autant bénéficier en Italie (voire en France puisqu’il semble y résider désormais). Ces pièces tendent en réalité à démontrer que l’intéressé préfère rester à Genève, au besoin dans des conditions précaires, profitant des infrastructures sociales, plutôt que de se rendre en Italie où réside son épouse et où il est au bénéfice d’une autorisation de séjour en bonne et due forme. Il a d’ailleurs expressément admis au TP que les services sociaux (sans indiquer lesquels) prenaient en charge son logement genevois à l’hôtel.

Il allègue également entretenir des relations personnelles avec ses deux enfants, au sujet desquels il ne fournit que très peu d’indications : il a expliqué au TP avoir un fils de neuf ans et une fille de deux ans et demi à Genève, dont la mère serait au bénéfice de prestations de l’Hospice général et à laquelle il affirme verser CHF 150.- par mois pour subvenir aux besoins de leurs enfants. La décision d’interdiction d’accès au centre-ville du 15 avril 2021 figurant au dossier mentionne expressément que l’intéressé peut demander des sauf-conduits pour voir son fils (sans mentionner sa fille, ce qui soulève un doute sur la réalité de l’existence de celle-ci), tout en précisant que l’intéressé est attribué par l’autorité administrative à un autre canton et ne dispose ainsi d’aucun droit de séjour à Genève. L’appelant n’a fourni aucune indication sur la fréquence de ses relations personnelles avec ses enfants et ne vivait pas avec ses enfants ; il a fourni pour adresses celle d’un hôtel voire celle d’une connaissance sans lien avec sa famille. Sa contribution à leur entretien est faible et n’est pas démontrée. Au surplus, il pouvait parfaitement exercer son droit aux relations personnelles à D______[France], ville frontière où il dit résider désormais, et ainsi respecter l’interdiction de pénétrer dans le canton.

Ainsi, l’appelant savait pertinemment qu’il n’avait aucun droit de séjour à Genève et a choisi, par pure convenance personnelle, d’y rester, manifestement plus pour profiter de la générosité des prestations offertes aux personnes dans sa situation que pour voir ses enfants, dont il n’est pas capable de donner l’âge exact. C’est le lieu de relever que les institutions sociales qui lui ont prêté assistance n’ont pas vocation à s’assurer que leurs bénéficiaires ne contreviennent pas à la loi en s’adressant à elles et en séjournant à Genève pour s’y faire soigner ; il ne peut donc rien tirer du fait que les HUG ou des services sociaux lui ont porté secours.

Son intention délictuelle doit donc être qualifiée de forte.

Sa situation personnelle n’explique ni ne justifie ses actes, étant relevé qu’il pouvait librement circuler entre la Suisse (hors Genève), la France et l’Italie, pays dans lequel il bénéficie d’un statut légal. Son attention avait été attirée, au moment de la décision d’interdiction de territoire cantonal, sur la possibilité d’obtenir un sauf-conduit ; c’est dès lors en vain qu’il conteste avoir connu cette possibilité. Les multiples rendez-vous médicaux dont il a bénéficié, ainsi que la prise en charge financière de certaines de ces prestations, démontrent qu’il était en mesure d’effectuer des démarches administratives simples, et qu’il pouvait donc respecter l’interdiction et solliciter au besoin les sauf-conduits nécessaires. Il a jeté son dévolu sur la Suisse et particulièrement sur Genève, alors qu’il dispose de liens en Italie, où il affirme par ailleurs travailler au bénéfice d’une formation. Il n’avait donc aucune raison, sinon la facilité, de rester à Genève.

Enfin, ses multiples condamnations antérieures démontrent qu’il avait parfaitement connaissance de l’illicéité de son séjour en Suisse, et n’a pas hésité à récidiver.

La collaboration de l’appelant est sans particularité, voire mauvaise, dans la mesure où il a refusé de répondre aux questions de la police lors de sa première interpellation et a fait défaut à plusieurs convocations au TP et au MP. Ses nombreux antécédents sont pour la plupart spécifiques. Le prononcé d’une peine pécuniaire n’entre pas en ligne de compte au vu de son statut précaire, de l’absence de revenus réguliers et des condamnations antérieures qui démontrent son imperméabilité à la sanction.

L’infraction abstraitement la plus grave au vu de la peine menace est la violation de l’art. 119 LEI, laquelle, au vu de l’attitude de l’appelant, entraîne à elle seule une peine de base de deux mois, laquelle devrait en principe être aggravée pour tenir compte du séjour illégal. La Cour de céans est toutefois liée par l’interdiction de la reformatio in peius (art. 391 al. 2 CPP). La peine privative de liberté de deux mois prononcée par le premier juge apparaît ainsi particulièrement clémente et doit être confirmée.

L’appel doit donc être intégralement rejeté.

3. L’appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP).

4. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me B______, défenseure d'office de l’appelant, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale.

La rémunération de Me B______ sera partant arrêtée à CHF 480.- correspondant à deux heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure plus la majoration forfaitaire de 20%.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/656/2022 rendu le 9 juin 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/7979/2021.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'135.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.-.

Arrête à CHF 480.-, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseure d'office de A______.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

Classe la procédure s'agissant du vol d'importance mineure (art. 139 ch. 1 CP cum 172ter CP) (art. 329 al. 5 CPP).

Déclare A______ coupable de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et de non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 60 jours, sous déduction de 2 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

Ordonne la restitution à C______ SA de la casquette figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 2______ du 13 avril 2021 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Fixe à CHF 1'640.05 l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 931.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.-, arrêtés à CHF 400.- (art. 426 al. 1 CPP)."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'Etat aux migrations et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Julia BARRY

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'531.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'135.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'666.00