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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/1497/2021

AARP/272/2022 du 06.09.2022 sur JTDP/563/2022 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : PORNOGRAPHIE;INTERDICTION D'EXERCER UNE PROFESSION
Normes : CP.197.al4; CP.67.al3
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/1497/2021 AARP/272/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 6 septembre 2022

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/563/2022 rendu le 18 mai 2022 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 18 mai 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de pornographie (art. 197 al. 4 et al. 4 2ème phrase du Code pénal [CP]), condamné à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 30.- l'unité, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans), et a ordonné l'interdiction à vie à A______ d'exercer une activité professionnelle ou non professionnelle impliquant des contacts réguliers avec des mineurs, frais de la procédure à sa charge.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement avec suite de frais à la charge de l'État. Subsidiairement, en cas de condamnation, il plaide à ce qu'il soit renoncé à l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou non professionnelle impliquant des contacts réguliers avec des mineurs.

b. Selon l'acte d'accusation du 18 octobre 2021, il est reproché à A______ d'avoir, les 17 et 19 avril 2020, depuis son domicile sis chemin 1______ no. ______ à C______ [GE], diffusé sur Facebook auprès de ses contacts une vidéo mettant en scène un petit garçon pénétrant un autre avec son sexe, étant précisé qu'il a diffusé la vidéo les 17 et 19 avril 2020 via les noms d'utilisateur "D______" et "E______".

B. La Chambre pénale d’appel et de révision (CPAR) se réfère aux faits retenus par le TP (art. 82 al. 4 CPP), seule l’interprétation de la condition subjective de l'infraction et la clause d'exception de la mesure de l'art. 67 CP étant contestées en appel, et rappelle au surplus ce qui suit :

a. Entendu par la police, A______ a d'emblée indiqué qu'il était possible qu'il ait diffusé la vidéo à caractère pédopornographique, mais uniquement "dans le but de dénoncer cela et pas autre chose". Référence faite à ce genre de vidéo, il a d'abord indiqué "On en voit, ça arrive, on en voit plein. Ça vient de partout". Il a ensuite expliqué que lorsqu'il recevait des vidéos comme celle-ci, il les supprimait, mais il arrivait également qu'il les renvoie, de manière scandalisée, à ses amis sur Facebook afin de dénoncer leur contenu, au même titre que les images de "guerre".

Il ne se souvenait pas de la vidéo litigieuse, précisant qu'il n'avait pas de groupe d'amis ou des connaissances qui lui envoyaient ce type de vidéos. Il ne pouvait pas contrôler tout ce qu'il recevait et n'avait pas conscience de l'illégalité de la détention ou de la diffusion de vidéos à caractère pédopornographique, ce qu'il avait appris seulement "par la suite".

Il avait le souvenir que certains de ses comptes Facebook avaient été bloqués, sans savoir pour quelle raison. Il n'était pas attiré sexuellement par les enfants et adolescents.

b. Devant le Ministère public (MP), A______ a expliqué qu'il n'avait aucun souvenir d'avoir mis la vidéo litigieuse sur Facebook. Il a toutefois indiqué par la suite qu'il était possible qu'il ait diffusé la vidéo en avril 2020. Cela faisait toutefois quatre ou cinq ans qu'il n'avait plus utilisé Facebook et il ne comprenait pas comment cela se faisait que la vidéo ait pu être diffusée en 2020. Lorsque le MP lui a indiqué que les faits reprochés concernaient le fait d'avoir diffusé la vidéo et non de l'avoir reçue, il a répondu qu'il s'excusait d'avoir diffusé la vidéo "à [s]on insu, sans le savoir". Il lui arrivait parfois de diffuser des vidéos sans les regarder. Cela ne lui ressemblait pas d'avoir diffusé une telle vidéo, dès lors que cela ne faisait pas partie de son éducation.

Il a ajouté à deux reprises que dans sa culture (ndr : en référence à ses liens avec le Maroc), "quand c'est un enfant, on en rigole ( ) alors qu'ici c'est un scandale", avant de préciser qu'il ne parlait pas de pénétration, ce qui l'horrifiait.

Interrogé sur les deux captures d'écran figurant à la procédure, il a répondu qu'il s'agissait de choses visibles "partout" et qui arrivaient sur les comptes sans explications. Après avoir indiqué qu'il n'avait jamais reçu des vidéos de ce genre sur Facebook, il est revenu sur ses propos et a expliqué qu'il lui arrivait de recevoir des vidéos de cet ordre-là, mais sans qu'il le demande.

Il s'excusait sincèrement s'il avait publié "quelque chose" en ligne, dont il ne connaissait pas les limites. Il ne l'aurait jamais fait s'il avait été mis au courant du fait que cela pouvait représenter un danger.

c. En première instance, A______ a contesté les déclarations faites à la police selon lesquelles il lui arrivait de mettre sur sa page Facebook des vidéos à caractère pédopornographique pour les dénoncer.

Il n'avait pas visualisé le contenu de la vidéo incriminée. Il supprimait les vidéos choquantes ou de violence et de guerre, précisant qu’il n’en avait jamais reçu à caractère pédopornographique. À la police, il avait répondu aux questions en ayant en tête des vidéos avec des scènes violentes et non avec des contenus pédopornographiques.

Il n'avait aucune explication sur la diffusion de la vidéo via son compte Facebook et son adresse électronique. Lorsqu'il recevait des vidéos, il pensait qu'elles étaient correctes et il lui arrivait de les faire circuler. Il était donc possible qu'il ait envoyé la vidéo litigieuse sans la visionner et sans faire attention.

Il confirmait qu'il y avait une différence de culture entre la Suisse et le Maroc, dans la mesure où, au Maroc, lorsqu'un enfant joue avec son sexe, les gens en rigolent, contrairement aux Suisses qui sont scandalisés. Il avait grandi dans cette ambiance-là.

Il n'avait plus aucun compte Facebook depuis deux ans. Il apprécierait pouvoir accompagner ses petits-enfants lors des sorties scolaires.

d. Selon le rapport de renseignements de la Brigade des mœurs, une visualisation sommaire du contenu du téléphone portable de A______ a été effectuée en marge de son audition à la police, laquelle n'a apporté aucun élément utile.

e. A______ a produit plusieurs attestations établies par des clubs de football, dont celle du Football Club (FC) F______ indiquant qu'il avait été en charge de la coordination des séances de l'école de football pour des enfants de 5 à 7 ans au cours des saisons 2020-21 et 2021-22 et celle du FC G______ à teneur de laquelle il avait été responsable des équipes juniors de 16 à 20 ans pour les saisons 1990 à 1994 et les catégories d'enfants de 12 à 13 ans et 16 à 17 ans durant la saison 2017 à 2018.

C. a. La CPAR a ordonné la procédure écrite avec l'accord des parties.

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions, tout en ajoutant que si une interdiction d'activité au sens de l'art. 67 CP devait être prononcée, il conviendrait de la limiter à cinq ans.

Il ne contestait pas que les éléments objectifs de l'infraction à l'art. 197 al. 4 CP étaient réalisés, tels que retenus par le TP, mais estimait que l’on ne pouvait pas suivre le raisonnement du premier juge s’agissant de l’intention. Aucun élément au dossier ne permettait en effet d'établir qu'il avait conscience du caractère pédopornographique de la vidéo transférée, même sous la forme du dol éventuel. Rien n'indiquait qu'il l'avait vue avant de la diffuser, alors qu'il avait déclaré tant au MP qu'au TP avoir toujours ignoré son contenu. Quant à ses propos à la police, ils faisaient référence à des vidéos choquantes de violence ou de guerre et non à des vidéos pédopornographiques. Il était également possible que ses comptes Facebook avaient été bloqués pour des contenus violents, mais non en lien avec des enfants. Enfin, au vu de son âge, il était plausible qu'il ne maîtrisait pas totalement les réseaux sociaux.

Si le verdict de culpabilité devait être confirmé, l'interdiction d'exercer une activité au sens de l'art. 67 CP serait néanmoins disproportionnée. La gravité du cas n'était pas établie d'un point de vue subjectif, A______ pouvant être condamné, tout au plus, par dol éventuel. Bien que la peine maximale de l'art. 197 al. 4 CP est une peine privative de liberté de cinq ans au plus, le TP n'avait retenu qu'une peine pécuniaire et avait renoncé à prononcer une amende à titre de sanction immédiate. Durant l'instruction, le MP n'avait pas non plus requis de mesures de substitution à son encontre. A______ n'a pas d'antécédent, n'utilise plus Facebook depuis plusieurs années, est au bénéfice d'une excellente réputation au regard des attestations au dossier et a effectué avec succès, à titre bénévole, les fonctions d'entraîneur et de formateur dans des clubs de football durant plus de 40 ans. Pareille interdiction l'empêcherait de continuer à entraîner de jeunes joueurs de football.

c. Le MP et le TP concluent au rejet de l'appel, se référant au jugement entrepris.

D. A______, né le ______ 1954 au Maroc, est arrivé en Suisse en 1982 où il a acquis la nationalité en 2011. À teneur du jugement entrepris, il est marié et père de sept enfants dont trois à charge. Retraité, il est au bénéfice d'une rente AI qui s'élève à CHF 2'800.- par mois ainsi que d'allocations familiales à hauteur de CHF 1'500.- par mois. Il a des dettes qui s'élèvent à environ CHF 60'000.-.

Selon ses dires, il a été entraîneur de football, certifié [par les associations] H______, I______ et J______, durant 45 ans, et ce "dans presque tous les clubs de football de Genève". Il n'entraîne plus depuis 2020, mais reste disponible en cas de proposition concrète. Pour le surplus, il travaille bénévolement à K______ depuis plus de 15 ans et gère des apprentis adultes. Depuis les années 80, il a accompagné plusieurs jeunes, un rôle qui le passionne.

Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, il n'a pas d'antécédent.

E. Me B______, défenseure d'office de A______, dépose une note de frais de CHF 556.45 en lien avec la procédure d'appel, comptabilisant, sous des libellés divers, 45 minutes d'activité de cheffe d'étude et 3h20 de stagiaire, y compris la TVA.


 

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La CPAR limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence ; lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40 et les arrêts cités) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1145/2014 du 26 novembre 2015 consid. 1.2 et 6B_748/2009 du 2 novembre 2009 consid. 2.1).

2.2. Aux termes de l'art. 197 al. 4 CP, est punissable quiconque fabrique, importe, prend en dépôt, met en circulation, promeut, expose, offre, montre, rend accessible, met à disposition, acquiert, obtient par voie électronique ou d'une autre manière ou possède des écrits, des enregistrements sonores ou visuels, des images, d'autres objets ou des représentations pornographiques ayant notamment comme contenu des actes d'ordre sexuel non effectifs (1ère phrase) ou effectifs (2ème phrase) avec des mineurs.

Sur le plan subjectif, il est nécessaire que l’auteur agisse intentionnellement. L’intention doit notamment porter sur le caractère pornographique de l’objet ou de la représentation en question. En ce qui concerne la pornographie dure, la jurisprudence n’exige pas de l’auteur un dessein de transmettre la pornographie dure à autrui. Il suffit que l’auteur accomplisse un des comportements typiques prévu par la loi, même s’il n’agit qu’en vue de son usage personnel. Le dol éventuel suffit (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 39-41 ad art. 197 et les références citées).

2.3.1. La CPAR constate que l'appelant, qui ne le conteste pas, a bien commis, sur le plan objectif, les faits énoncés dans l'acte d'accusation constitutifs d'infraction à l'art. 197 al. 4 CP.

Tel que relevé par le TP, il est en effet établi à teneur des éléments matériels du dossier, en particulier des rapports NCMEC, que le prévenu a distribué et mis à la disposition de plusieurs personnes, le 17 avril 2020 à 14h21, respectivement le 19 avril 2020 à 14h27, via les comptes Facebook "D______" et "E______", dont il est l'utilisateur, une vidéo, sur laquelle un petit garçon pénètre un autre enfant, laquelle est sans conteste de nature pédopornographique.

2.3.2. L'appelant conteste en revanche avoir agi intentionnellement, arguant qu'il n'y a aucun élément au dossier permettant de retenir qu'il avait conscience du caractère pédopornographique de la vidéo transférée, même sous la forme du dol éventuel.

Une telle justification ne résiste cependant pas à l’examen. Lorsqu'il a visionné une capture d’écran de la vidéo incriminée à la police, l’appelant a d'emblée indiqué qu'il était possible qu'il l'ait diffusé dans le but de dénoncer ces faits, élément qui traduit qu’il avait agi consciemment. Il a poursuivi en expliquant qu’il ne se rappelait plus de la vidéo au motif qu’il en voyait "plein" sur Facebook et que cela le choquait, concédant ainsi qu’il avait connaissance de ces images. Il a enfin admis qu’il lui arrivait de renvoyer à ses amis, sur ce même réseau social, des vidéos du même type sur le plan de leur contenu, ce qui corrobore l'action de diffuser qui lui est reprochée.

Au vu de ce qui précède, l’appelant ne saurait donc être suivi, sauf à faire abstraction des déclarations susmentionnées, lorsqu'il a soutenu ultérieurement au MP, puis en première instance, avoir envoyé la vidéo à son insu et sans l'avoir visionnée. Cette thèse se heurte également au fait qu'il l’a diffusée à deux reprises et avec deux comptes différents, ce qui anéanti l’hypothèse plaidée selon laquelle il aurait agi par inadvertance. L’appelant ne saurait prétendre par ailleurs que ses explications à la police ne concernaient pas des vidéos à caractère pédopornographique, mais uniquement circonscrites à des contenus violents et de guerre, dans la mesure où ses propos répondaient spécifiquement aux questions de l'inspecteur qui, photographie à l’appui, a insisté sur la teneur pédopornographique des images en cause.

Pour le surplus, le blocage de certains autres comptes Facebook de l’appelant sont des indices supplémentaires, mis dans le contexte du cas d'espèce, laissant supposer qu’il rediffusait des contenus illicites et confortant sa propension à commettre ce type de comportement. Quant à ses déclarations sur la différence de perception culturelle s’agissant d’actes impliquant des enfants, outre qu'elles tranchent avec le constat que l'appelant vit en Suisse depuis de très nombreuses années, elles ne peuvent qu’interpeller en ce qu'elles banalisent gravement ce genre de scènes, sinon se comprendre en lien avec la diffusion, en toute conscience, de la vidéo incriminée, trahissant une fois encore qu’il ne pouvait ignorer son contenu. Le comportement de l'appelant ne saurait être enfin remis en cause par son âge et sa maîtrise des réseaux sociaux, tel qu'invoqué au stade de l'appel, alors qu'il ressort de ses déclarations qu'il rediffusait sans difficulté les vidéos qu'il souhaitait prétendument dénoncer.

Dans ces circonstances, la CPAR est d’avis que les explications subséquentes et contradictoires de l'appelant au MP et devant le TP représentent une version édulcorée des faits et n'emportent pas la conviction, étant relevé que celui-ci était assisté de son avocate à partir de l'audience au MP et forcément conscient des enjeux. Du point de vue subjectif, l'appelant ne pouvait ainsi qu'avoir conscience du caractère illicite de ses agissements, à tout le moins par dol éventuel, tout comme de l’aspect pédopornographique de la vidéo.

Partant, il sera retenu que l'infraction à l'art. 197 al. 4 CP est consommée et l'appel rejeté.

3. L’infraction de pornographie au sens de l’art. 197 al. 4 CP est passible d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

3.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1 p. 19 ss ; 129 IV 6 consid. 6.1 p. 20 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_660/2013 du 19 novembre 2013 consid. 2.2).

3.1.2. Conformément à l'art. 34 CP, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende, le juge fixant leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). Un jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus. Le juge en arrête le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).

3.1.3. Aux termes de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).

3.2. En l'espèce, la faute de l'appelant est importante. Il a diffusé à deux reprises une vidéo à caractère pédopornographique, à l'aide de deux comptes Facebook différents, participant à la propagation, via un réseau social touchant un grand nombre de personnes, d'images ayant pour contenu des actes d’ordre sexuel entre mineurs.

Le mobile de l'appelant réside de manière générale en un mépris des lois en vigueur, outre l'absence de considération pour la dignité et la sécurité des enfants, objets de représentation pédopornographique et que cette industrie exploite.

Sa collaboration à la procédure est globalement mauvaise. S'il a admis un certain nombre d'éléments devant la police, tout en restant flou sur ses souvenirs, il s'est ensuite rétracté devant le MP et le TP, indiquant ne pas avoir visionné la vidéo, ce qu'il a également persisté à plaider en l'appel.

Sa prise de conscience est nulle. Certes, il a exprimé sa désapprobation pour les vidéos à caractère pédopornographique, admettant leur gravité, mais il a également maintenu jusqu'en appel des considérations d'ordre culturel s'agissant d'actes impliquant des enfants, ce qui permet de dire qu'il n'a pas pris conscience du caractère répréhensible de ses actes.

Sa situation personnelle ne présente aucune particularité, tandis que la longue expérience avec des enfants dont il se prévaut dans le milieu du football aurait permis d'attendre de sa part une attention particulière pour la protection des mineurs, le dissuadant in fine d'agir de la sorte.

L'absence d'antécédent a un effet neutre sur la fixation de la peine.

En l’espèce, bien que la CPAR considère qu'une peine plus lourde que celle décidée par le TP eût pu être prononcée, celle-ci ayant pu être portée à un minimum de 180 unités, de même qu'une amende à titre de sanction immédiate au vu de sa prise de conscience nulle, l'interdiction de la reformatio in pejus, en l'absence d'appel du MP, limite la peine à prononcer à la quotité retenue par le TP. Le prononcé d’une peine pécuniaire de 100 jours-amende et le bénéfice du sursis sont donc acquis à l’appelant, tout comme le montant du jour-amende, établi à CHF 30.-, et le délai d’épreuve fixé à trois ans.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé.

4. 4.1.1. Selon l'art. 67 al. 3 CP, s'il a été prononcé contre l'auteur une peine ou une mesure prévue aux art. 59 à 60, 63 ou 64 CP, notamment pour pornographie (let. d ch. 2), le juge lui interdit à vie l'exercice de toute activité professionnelle et de toute activité non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs.

Il n'est pas requis de peine minimale. L'interdiction ne suppose aucun pronostic défavorable. Peu importe, par ailleurs, que l'infraction ait été commise ou non dans l'exercice de l'activité professionnelle ou non professionnelle organisée à interdire. Si les conditions évoquées sont remplies, le juge devra prononcer l'interdiction à vie d'exercer une telle activité (Message du 3 juin 2016 relatif à la modification du code pénal et du code pénal militaire, FF 2016 5945-5946, ch. 2.1 [ci-après : FF 2016]).

4.1.2. Aux termes de l'art. 67 al. 4bis CP, dans les cas de très peu de gravité, le juge peut exceptionnellement renoncer à prononcer une interdiction d'exercer une activité au sens des al. 3 ou 4 lorsqu'elle ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres infractions passibles de cette même mesure. Le juge ne peut cependant le faire si l'auteur a été condamné pour des infractions aux art. 182, 189, 190, 191 ou 195 CP ou s'il est pédophile conformément aux critères de classification internationalement reconnus.

L'introduction de l'art. 67 al. 4bis CP, constitue une clause d'exception à l'interdiction, tenant compte de l'exigence de proportionnalité ancrée dans la Constitution (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER (éds), BSK StGB/JStG, 4ème éd., Bâle 2018, n. 87 ad art. 67). Il s'agit d'éviter que le juge n'ordonne une interdiction à vie dans des cas de très peu de gravité où l'auteur n'est pas pédophile et ne risque pas de commettre à nouveau l'une des infractions sexuelles visées (FF 2016 5950, ch. 2.1).

Les conditions permettant de ne pas interdire systématiquement à vie l'exercice d'une activité sont très strictes. Il faut à la fois qu'il s'agisse d'un cas de très peu de gravité et que l'interdiction ne paraisse pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres infractions passibles de la même mesure. Ainsi, ne sont pas concernés par l'interdiction uniquement les cas objectivement et subjectivement mineurs. Il convient d'être très strict en la matière, autrement dit de recourir à la clause d'exception avec la plus grande retenue. On considèrera par exemple comme infraction sexuelle de très peu de gravité, du fait de la légèreté de la peine abstraite qui leur est attachée, les désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel (art. 198 CP) ou l'exhibitionnisme (art. 194 CP), par exemple si le juge prononce dans un cas concret une peine de peu de jours-amende avec sursis. D'autres infractions sexuelles exposant leur auteur à des peines plus lourdes pourront aussi, dans certains cas, être considérées comme étant de très peu de gravité, notamment les actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP), par exemple si le juge prononce dans un cas concret une peine de peu de jours-amende avec sursis, notamment lorsque le juge relativise fortement la culpabilité de l'auteur et prononce une peine légère suite à une appréciation globale de l'infraction commise et de la situation de l'auteur, tenant compte par exemple de la gravité de la lésion, du caractère répréhensible de l'acte, du lien entre la victime et l'auteur, ainsi que des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier (FF 2016 5948, ch. 2.1).

Une interdiction ne paraît pas nécessaire si un pronostic suggère que rien ne permet de craindre une récidive. Comme pour le sursis à l'exécution de la peine (art. 42 al. 1 CP), la question de l'utilité ou non d'une interdiction quant au risque de récidive doit être tranchée par le juge sur la base d'une appréciation globale. Tous les éléments exploitables par les techniques de pronostic doivent être pris en compte. Outre les circonstances de l'infraction, on considérera les antécédents et la réputation de l'auteur, ainsi que tous les éléments pouvant fournir des indications fiables sur son caractère et sur les succès d'une mise à l'épreuve. L'évaluation du risque de récidive doit comprendre un examen aussi complet que possible de la personnalité de l'auteur (FF 2016 5948, ch. 2.1).

Même si les conditions sont remplies, la renonciation à l'interdiction, à titre exceptionnel, dépend de l'appréciation du juge (FF 2016 5949 ch. 2.1).

4.2. L'appelant a été reconnu coupable de pornographie dure ayant pour contenu des actes d’ordre sexuel avec des mineurs, soit une infraction qui entraîne en principe l'interdiction à vie d'exercer une activité avec des mineurs au sens de l'art. 67 al. 3 CP. Il convient toutefois de déterminer si la clause d'exception de l'art. 67 al. 4bis CP peut trouver application, étant relevé que l'infraction commise n'entre pas dans le cadre de la liste des infractions exclues à ce titre (art. 67 al. 4bis let. a CP).

En l’espèce, la CPAR relève à charge que l'appelant a été condamné à une peine pécuniaire de 100 jours-amende, laquelle aurait pu être portée à 180 unités et à une amende à titre de sanction immédiate sans la limitation de la reformatio in pejus (cf. supra consid. 3.2.), ce qui n'est pas négligeable. À cela s’ajoute que le partage en faveur d'un grand nombre de personnes d’une vidéo à caractère pédopornographique ne peut être considéré comme un cas de peu de gravité, étant rappelé que l’appelant a agi à deux reprises avec des comptes différents, augmentant de facto le cercle de personnes recevant les images incriminées.

Il sied par ailleurs de tenir compte de la situation de l’appelant au moment de la commission de l’infraction, dans la mesure où celui-ci était lui-même père de sept enfants et qu’il avait exercé un rôle d’éducateur pour enfants dans le milieu du football durant de très nombreuses années. Il n’a pas hésité non plus à relever et à confirmer une prétendue différence culturelle entre la Suisse et le Maroc, jusqu’en appel encore, au sujet de l’interprétation de la vidéo, alors même que le contenu univoque de la scène représente un petit garçon pénétrant un autre avec son sexe. Il aurait été toutefois attendu de la part d’un père de famille et/ou de tout éducateur qu’il s’abstienne de diffuser pareille vidéo, sinon la dénonce immédiatement auprès des autorités, respectivement qu’il ne tente pas de la banaliser par ce genre de considérations, ce qui dénote une prise de conscience nulle bien qu’il ait reconnu la gravité des faits. Or, la CPAR estime que l’ensemble de ces éléments alourdit considérablement l’appréciation globale du contexte entourant l’infraction, ce qui renforce la gravité du cas.

Au surplus, au moment de statuer sur la clause d’exception, à laquelle il doit être fait recours avec la plus grande retenue au sens des principes énoncés supra, il doit être observé que les éléments au dossier ne permettent pas d’apprécier totalement le risque de récidive de l’appelant. Ce ne sont en tous les cas pas quelques attestations de clubs de football ni son absence d'antécédents qui seraient propres à le circonscrire.

Dans ces conditions, si l’appelant n’a certes pas d’antécédent et a bénéficié de l’octroi d’un sursis à sa peine, ces seuls éléments ne suffisent néanmoins pas, selon le principe de proportionnalité, à justifier l’application de la clause d’exception de l'art. 67 al. 4bis CP, l'absence de mesures de substitution en cours de procédure n'étant pas non plus déterminante. En effet, au vu des éléments qui précèdent, au premier rang desquels la gravité de l’infraction et les circonstances l’entourant, la balance des intérêts en cause penche en faveur de l'intérêt public présidant à son interdiction d’exercer toute activité avec des mineurs, étant rappelé son absence de prise de conscience, sa situation personnelle qui le rend susceptible d’entrer en contact avec des mineurs dans le cadre de ses activités, en particulier dans des clubs de football, et son âge déjà avancé (ndr : 68 ans).

L'appel sera ainsi rejeté sur ce point.

5. 5.1. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure d'appel envers l'État (art. 428 CPP), comprenant un émolument de CHF 1'500.-.

5.2. La répartition des frais de procédure en première instance n'a, quant à elle, pas à être revue (art. 428 al. 3 CPP).

6. 6.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique. Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus : avocat stagiaire CHF 110.- (let. a) ; chef d’étude CHF 200.- (let. c).

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2), de même que d'autres documents ne nécessitant pas ou peu de motivation ou autre investissement particulier en termes de travail juridique, telle la déclaration d'appel (ordonnance de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2014.51 du 21 novembre 2014 consid. 2.1).

6.2. Considéré globalement, l'état de frais satisfait les exigences légales et jurisprudentielles, hormis le temps consacré à la rédaction de la déclaration d'appel qui sera écarté dès lors qu'il est couvert par le forfait pour les activités diverses.

En conclusion, l'indemnité due à MB______ sera arrêtée à CHF 620.40, correspondant à 3h d'activité au tarif de CHF 110.-/heure (CHF 330.-) et 45 minutes d’activité au tarif horaire de CHF 200.- (CHF 150.-), plus la majoration forfaitaire de 20% (CHF 96.-) et la TVA (CHF 44.40).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/563/2022 rendu le 18 mai 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/1497/2021.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'655.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Arrête à CHF 640.40, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseure d'office de A______.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de pornographie (art. 197 al. 4 et al. 4 2ème phrase CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 100 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Interdit à A______, à vie, d'exercer une activité professionnelle ou non professionnelle impliquant des contacts réguliers avec des mineurs (art. 67 al.3 CP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'043.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Fixe à CHF 4'073.20 l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP). "

Notifie le présent arrêt aux parties.

 

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Service de l'application des peines et mesures.

 

La greffière :

Dagmara MORARJEE

 

Le président :

Gregory ORCI

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'643.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

80.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'655.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'298.00