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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/19169/2020

AARP/214/2022 du 11.07.2022 sur JTDP/1513/2021 ( PENAL ) , REJETE

Recours TF déposé le 26.08.2022, rendu le 28.09.2023, ADMIS
Descripteurs : DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LCR;IN DUBIO PRO REO;CONCOURS D'INFRACTIONS
Normes : LCR.91A.al1; LCR.55.al1; CP.106; CP.49.al1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19169/2020 AARP/214/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 11 juillet 2022

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1513/2021 rendu le 1er décembre 2021 par le Tribunal de police,

 

et

 

A______, domicilié ______, comparant en personne,

 

intimé.


EN FAIT :

A. a.a. En temps utile, le Ministère public (MP) appelle du jugement du 1er décembre 2021, par lequel le Tribunal de police (TP) a acquitté A______ du chef d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 de la loi sur la circulation routière [LCR]) et l'a condamné à une amende de CHF 600.- (peine privative de liberté de substitution de six jours) pour violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR) et violation des obligations en cas daccident (art. 92 al. 1 LCR), frais de la procédure à sa charge.

a.b. Le MP entreprend partiellement ce jugement et conclut à la condamnation de A______ du chef d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire et à ce qu'il soit condamné à une peine pécuniaire de 100 jours-amende, à CHF 190.- l'unité, avec sursis pendant trois ans, à une amende de CHF 3'800.-, à titre de sanction immédiate, et à une amende contraventionnelle de CHF 2060.-, ainsi quaux frais de la procédure.

b. Selon l'ordonnance pénale du 26 mars 2021, valant acte d'accusation, il est reproché ce qui suit à A______ :

Le 9 septembre 2020, aux environs de 22h20, sur le boulevard Emile-Jaques-Dalcroze, alors qu'il quittait de manière inattentive une place de stationnement en épi au volant de son véhicule, il a percuté un potelet avec son pare-chocs avant gauche, avant de heurter avec son pare-chocs arrière le flanc gauche d'un autre véhicule, causant ainsi des dégâts matériels. Après avoir constaté ces derniers, il a quitté les lieux, sans remplir ses devoirs en cas daccident, se dérobant ainsi aux mesures permettant de déterminer son incapacité de conduire, et ce alors qu'il ne pouvait ignorer au vu des circonstances que ces mesures auraient été diligentées au moment où les autorités se seraient rendues sur place.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Selon le rapport de renseignements du 27 septembre 2020, dans les circonstances précitées le 9 septembre 2020, vers 22h20, au Boulevard Emile-Jaques-Dalcroze no. ______, A______ a enclenché la marche arrière de sa voiture pour quitter sa place de stationnement en épi, sans respecter une distance latérale suffisante, de façon à heurter avec son pare-chocs avant gauche un potelet situé à 1.80 mètre du bord du trottoir. Après être descendu de son véhicule pour constater les dégâts, il a poursuivi sa manœuvre, sans précaution, et a percuté, avec son pare-chocs arrière, le flanc gauche d'un autre véhicule correctement stationné. Il est, à nouveau, descendu de sa voiture afin de constater les dégâts sur les deux automobiles, puis a quitté les lieux. Selon les constatations de la police, la route était sèche, en descente, et la visibilité nocturne était normale. Les images de vidéosurveillance de l'accident, annexées au rapport, confirment le déroulement des faits.

b. Entendu durant la procédure préliminaire, A______ a admis les faits, reconnaissant sa responsabilité, à l'exception de la dérobade. Il s'était stationné en début de soirée pour rejoindre une amie afin de pique-niquer au jardin Anglais. Ils avaient tous deux bu du B______ [marque de soda], de l'eau et une bière de 3dl chacun. Il n'était pas fatigué et n'avait ni consommé de stupéfiants, ni pris de médicaments. En sortant de sa place de parc, il était en pleine discussion avec la passagère, si bien qu'il avait été distrait. Il avait légèrement touché le potelet, sans penser pour autant l'avoir endommagé, ainsi qu'un véhicule lorsqu'il avait reculé. Les avertisseurs de sa voiture ne s'étaient pas enclenchés. Il était sorti pour constater les éventuels dommages mais comme il n'y avait que peu de dégâts, il était reparti. Il ne se souvenait pas avoir commis des dégradations sur le potelet. La portière du véhicule stationné avait été légèrement emboutie. Il aurait dû prévenir la police et regrettait son geste. Cela n'était pas dans ses habitudes d'agir ainsi. Il avait par la suite effectué toutes les démarches nécessaires. Il n'avait eu aucune intention de se soustraire à un quelconque test. La police ne l'avait d'ailleurs pas contacté le soir des faits. Il n'avait aucun antécédent judiciaire et eu aucun autre accident de circulation routière.

Au TP, il a réitéré n'avoir eu aucune raison de se soustraire à une prise de sang. Il était apte à conduire. Il a reconnu à nouveau son tort pour ne pas avoir appelé la police ou laissé ses coordonnées au lésé. Il n'avait mis personne en danger dans la mesure où il était seul sur les lieux. Il avait eu son permis de conduire à l'âge de 18 ans et n'avait commis aucune infraction depuis lors. La sanction était sévère par rapport à l'acte commis.

C. a. En appel, A______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris. Il avait été distrait lorsqu'il avait pris le volant, raison pour laquelle il y avait eu deux "touchettes", coup sur coup. Il était en train de vivre la fin d'une relation sentimentale avec la passagère de sorte que leur conversation l'avait perturbé. Il avait bu une canette de bière vers 19h, puis un B______. Il a reconnu son erreur pour ne pas avoir laissé ses coordonnées, ce qui devait être attribué à son état d'esprit particulier à ce moment-là. Cette attitude ne correspondait pas à sa personnalité, étant d'habitude responsable vu sa profession d'enseignant. L'éventualité que, ce faisant, il pouvait se soustraire à un contrôle d'alcoolémie ne l'avait pas effleuré. Il regrettait son unique erreur. La condamnation requise était excessive.

b. Pour le MP, A______ avait effectué deux "touchettes", puis vérifié l'état des dégâts avant de repartir sans procéder à aucun signalement. Au vu des circonstances de l'accident, la dérobade devait être retenue. La conversation animée était imputable au prévenu puisqu'il ne s'agissait pas d'une cause totalement indépendante du conducteur.

D. A______, né le ______ 1981 à Genève, est de nationalité suisse, célibataire et sans enfants. Il vit seul et travaille en qualité d'enseignant pour un salaire mensuel d'environ CHF 7'500.-. Son loyer s'élève à CHF 1'900.- par mois et sa prime mensuelle d'assurance-maladie, complémentaire comprise, à CHF 500.-.

Il n'a aucun antécédent judiciaire.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP. Il concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; 127 I 28 consid. 2a).

Ce principe signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence ou encore lorsque le juge le condamne au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve. Le juge ne doit pas non plus se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 ; 127 I 38 consid. 2a).

2.1.2. Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). Il doit forger sa conviction sur la base de tous les éléments et indices du dossier. Le fait que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit insuffisant ne doit ainsi pas conduire systématiquement à un acquittement. La libre appréciation des preuves implique que l'état de fait retenu pour construire la solution doit être déduit des divers éléments et indices, qui doivent être examinés et évalués dans leur ensemble (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1169/2017 du 15 juin 2018 consid. 1.1 ; 6B_608/2017 du 12 avril 2018 consid. 3.1).

2.1.3. Le principe de l'appréciation libre des preuves interdit d'attribuer d'entrée de cause une force probante accrue à certains moyens de preuve, comme des rapports de police. On ne saurait toutefois dénier d'emblée toute force probante à un tel document. Celui-ci est en effet, par sa nature, destiné et propre à servir de moyen de preuve, dans la mesure où le policier y reproduit des faits qu'il a constatés et il est fréquent que l'on se fonde, dans les procédures judiciaires, sur les constatations ainsi transcrites (arrêts du Tribunal fédéral 6B_753/2016 du 24 mars 2017 consid. 1.2 et les références ; 6B_146/2016 du 22 août 2016 consid. 4.1).

3. 3.1.1. Aux termes de l'art. 91a al. 1 LCR, est punissable quiconque, en qualité de conducteur d'un véhicule automobile, s'oppose ou se dérobe intentionnellement à une prise de sang, à un contrôle au moyen de l'éthylomètre ou à un autre examen préliminaire réglementé par le Conseil fédéral, qui a été ordonné ou dont le conducteur devait supposer qu'il le serait, ou quiconque s'oppose ou se dérobe intentionnellement à un examen médical complémentaire ou fait en sorte que des mesures de ce genre ne puissent atteindre leur but.

Comme sous l'ancien art. 91 al. 3 LCR, la dérobade est liée à la violation des devoirs en cas d'accident. Toutes les règles de comportement en cas d'accident ne fondent pas, en cas de violation, une condamnation pour dérobade aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire. Celle-là est circonscrite à la violation des règles de comportement prescrites afin d'élucider les causes de l'accident et ainsi, le cas échéant, à déterminer l'état du conducteur (ATF 126 IV 53 consid. 2a). En effet, ce n'est qu'en cas d'accident, où des éclaircissements sur le déroulement des événements s'avèrent nécessaires, que l'on peut dire que le conducteur devait s'attendre avec une haute vraisemblance à ce qu'une mesure visant à établir son alcoolémie soit ordonnée (cf. ATF 126 IV 53 consid. 2a p. 55 s. ; 142 IV 324 consid. 1.1.1 p. 326 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_801/2014 du 2 décembre 2014 consid. 3.1 ; 6B_17/2012 du 30 avril 2012 consid. 3.2.1 et 6B_168/2009 du 19 mai 2009 consid. 1.2). Les éléments constitutifs de la dérobade sont ainsi au nombre de deux : (1) l'auteur doit violer une obligation d'aviser la police en cas d'accident, alors que cette annonce est destinée à l'établissement des circonstances de l'accident et est concrètement possible ; (2) l'ordre de se soumettre à une mesure d'investigation de l'état d'incapacité de conduire doit apparaître objectivement comme hautement vraisemblable au vu des circonstances. Déterminer si une prise de sang aurait été ordonnée avec une haute vraisemblance est fonction des circonstances concrètes. Celles-ci ont trait d'une part à l'accident, sa gravité ainsi que la manière dont il s'est déroulé, et d'autre part à l'état et au comportement du conducteur tant avant l'accident qu'après celui-ci, jusqu'au dernier moment où l'annonce aurait pu être faite (arrêt du Tribunal fédéral 6B_17/2012 du 30 avril 2012 consid. 3.2. et références citées). Ainsi, il faut analyser l'ensemble des circonstances concrètes de nature à amener un policier attentif à soupçonner que l'usager de la route était pris de boisson. Constituent notamment de tels indices les activités de l'auteur avant l'accident (participation à une fête, consommation d'alcool), voire même ses antécédents routiers. En l'absence de signes d'ivresse et de dégâts importants, les circonstances de l'accident tiennent un rôle déterminant pour apprécier la haute vraisemblance de la prise de sang, respectivement du contrôle au moyen de l'éthylomètre, car en pareil cas, plus l'accident peut s'expliquer par des circonstances indépendantes du conducteur – conditions climatiques, configuration des lieux –, moins on saurait conclure à une haute vraisemblance (arrêt du Tribunal fédéral 6B_927/2014 du 16 janvier 2015 consid. 2.1).

3.1.2. Conformément à l'art. 55 al. 1 LCR, les conducteurs de véhicules, de même que les autres usagers de la route impliqués dans un accident peuvent être soumis à un alcootest. Depuis l'entrée en vigueur de cette disposition le 1er janvier 2005, il est possible d'ordonner une telle investigation même en l'absence de tout soupçon préalable. Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2008, l'art. 10 al. 1 de l'ordonnance sur le contrôle de la circulation routière du 28 mars 2007 (OCCR ; 741.013) permet à la police de procéder de manière systématique à des tests préliminaires pour déterminer s'il y a eu consommation d'alcool. En considération de cette évolution législative, il y a de manière générale lieu de s'attendre à un contrôle de l'alcoolémie en cas d'accident, sous réserve que celui-ci soit indubitablement imputable à une cause totalement indépendante du conducteur (ATF 142 IV 324 consid. 1.1.2 et 1.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_730/2019 du 9 août 2019 consid. 2.1 et les références citées). À titre d'exemple, le Tribunal fédéral a jugé que les circonstances de l'accident ne pouvaient pas être considérées comme banales dans le cas où le conducteur percute un sanglier sans qu'aucun élément particulier n'explique la collision. Dans une telle configuration, l'ordre de se soumettre à un contrôle de l'alcoolémie apparaissait comme hautement vraisemblable (ATF 142 IV 324 précité consid. 1.3 p. 327). 

3.1.3.1. Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (arrêts du Tribunal fédéral 6B_158/2019 du 12 mars 2019 consid. 1.1.1 ; 6B_384/2015 du 7 décembre 2015 consid. 5.3). Tel est le cas lorsque le conducteur connaissait les faits fondant son obligation d'avertir la police et la haute vraisemblance de l'ordre de prise de sang et que l'omission de l'annonce à la police – qui était sans autre possible – ne peut raisonnablement s'expliquer que par l'acceptation du risque d'une entrave à la prise de sang (ATF 131 IV 36 consid. 2.2.1 p. 39). Il n'est ainsi pas déterminant que l'auteur se soit senti ou non en incapacité de conduire ou qu'il soit finalement constaté qu'il se trouvait dans cet état (ATF
105 IV 64 consid. 2 p. 65 ; arrêt 6B_158/2019 précité consid. 1.1.1 et les références citées).

Il y a dol éventuel lorsque l'auteur, qui ne veut pas le résultat dommageable pour lui-même, envisage le résultat de son acte comme possible et l'accepte au cas où il se produirait. Le dol éventuel peut aussi être retenu lorsque l'auteur accepte par indifférence que le danger créé se matérialise ; le dol éventuel implique ainsi l'indifférence de l'auteur quant à la réalisation de l'état de fait incriminé. Le dol éventuel ne suppose pas nécessairement que la survenance du résultat soit très probable, mais seulement possible même si cette possibilité ne se réalise que relativement rarement d'un point de vue statistique (ATF 131 IV 1 consid. 2.2 p. 4 s.).

3.1.3.2. En ce qui concerne la preuve de l'intention, le juge doit, en principe, se fonder sur les éléments extérieurs. Parmi ces éléments figurent l'importance du risque – connu de l'intéressé – que les éléments constitutifs objectifs de l'infraction se réalisent, la gravité de la violation du devoir de prudence, les mobiles et la manière dont l'acte a été commis. Plus la survenance de la réalisation des éléments constitutifs objectifs de l'infraction est vraisemblable et plus la gravité de la violation du devoir de prudence est importante, plus on s'approche de la conclusion que l'auteur s'est accommodé de la réalisation de ces éléments constitutifs. Ainsi, le juge est fondé à déduire la volonté à partir de la conscience lorsque la survenance du résultat s'est imposée à l'auteur avec une telle vraisemblance qu'agir dans ces circonstances ne peut être interprété raisonnablement que comme une acceptation de ce résultat (ATF 133 IV 222 consid. 5.3 p. 225 s. ; 125 IV 242 consid. 3c p. 252).

3.2.1. Il est établi et non contesté que l'intimé a causé des dommages matériels en sortant de sa place de parc. Dans la mesure où il a reconnu avoir violé son obligation d'aviser la police, voire le lésé, en cas d'accident, il reste à examiner si l'ordre de se soumettre à une mesure d'investigation de l'état d'incapacité de conduire apparaissait objectivement comme hautement vraisemblable au vu des circonstances et si l'intimé en était conscient.

Il ressort du dossier et notamment des images de vidéosurveillance que l'accident était de peu de gravité, aucun blessé n'étant à déplorer. Les dégâts occasionnés par l'intimé sont mineurs et ont été établis principalement grâce aux aveux de ce dernier ; aucune photographie attestant des dommages ne figure à la procédure. Même si la visibilité nocturne était bonne, le potelet était situé au bord de la route, à l'angle de la place de parc, et à hauteur du véhicule de l'intimé de sorte qu'un heurt ne paraît pas inconcevable. Certes, l'intimé manœuvre sa voiture de façon à toucher ce potelet, puis, le véhicule stationné derrière lui, alors qu'il lui suffisait de reculer pour se placer sur la route. Cela étant, il ne ressort pas de son état ou de son comportement qu'il présentait un quelconque signe d'incapacité de conduire dans la mesure où il ne titubait pas et est sorti, à deux reprises, de son véhicule pour constater les dégâts occasionnés de manière méticuleuse. Après avoir heurté le potelet, il n'est pas surprenant qu'il se soit d'ailleurs concentré sur l'avant de sa voiture afin d'éviter à nouveau cet objet, si bien qu'il n'a pas été attentif au véhicule stationné derrière lui, ce qu'il a admis. Même s'il n'est pas en soi déterminant que le conducteur se soit senti ou non en incapacité de conduire ou qu'il soit finalement constaté qu'il se trouvait dans cet état, les éventuels signes d'ivresse décelés font partie d'un faisceau d'indices pour retenir la haute vraisemblance de l'ordre de se soumettre à une mesure d'investigation de l'état d'incapacité de conduire dans la mesure où, si la police avait été dépêchée sur les lieux, elle se serait fondée sur ces mêmes constatations. Il sied de relever que les faits se sont en plus déroulés en milieu de semaine (mercredi), que l'intimé ne revenait pas d'une soirée festive mais d'un pique-nique au bord du lac en compagnie d'une seule personne et qu'il a spontanément admis avoir consommé une bière quelques heures auparavant.

À cela s'ajoute que, tout au long de la procédure, l'intimé a été constant et crédible dans ses déclarations. Il n'a pas cherché à se défendre et a admis l'intégralité des faits reprochés, à l'exception de la dérobade. Il ressort des images de vidéosurveillance qu'il était bien en discussion avec la passagère. Faute de témoignage de cette dernière durant la procédure et dès lors qu'aucun autre élément au dossier ne vient contredire les propos de l'intimé, sa version reste crédible. Ainsi, même si l'intimé a violé ses devoirs en cas d'accident, rien ne permet de retenir qu'il a agi dans le but de se soustraire à un contrôle d'alcoolémie.

Au vu des circonstances, il ne peut donc être retenu avec certitude qu'une mesure d'investigation de l'état d'incapacité de conduire de l'intimé apparaissait objectivement comme hautement vraisemblable, et ce malgré l'évolution législative. Au demeurant, ni le dossier ni les antécédents inexistants de l'intimé ne permettent de retenir qu'il a sciemment, même par dol éventuel, quitté les lieux dans le but de se soustraire à un contrôle d'alcoolémie, ayant de surcroît toujours contesté ce fait, alors qu'il a admis le reste des infractions reprochées. Il existe en tout état un doute à ce sujet, qui doit lui profiter.

Le cas d'espèce diffère, en cela, de celui invoqué notamment par le MP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_730/2019 du 9 août 2019), dans lequel le prévenu n'avait pas ressenti le heurt lors de l'accident et avait quitté les lieux, après avoir pris langue avec l'épouse du propriétaire du véhicule lésé, alors que celle-ci l'avait enjoint de rester sur place pour constater les dégâts. Elle avait observé que le prévenu était fortement aviné et éprouvait des difficultés à articuler, ainsi qu'à redémarrer son véhicule, la police ayant recherché l'individu directement après les faits.

Partant, cette jurisprudence n'est pas de nature à modifier la solution retenue par le premier juge, laquelle ne prête pas le flanc à la critique.

Le jugement entrepris sera confirmé et l'appel rejeté sur ce point.

4. 4.1.1. La violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR) et la violation des obligations en cas d'accident (art. 92 al. 1 LCR) sont toutes deux passibles d'une amende.

4.1.2. Aux termes de l'article 106 al. 3 CP, le juge fixe l'amende et la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise. Un jour de peine privative de liberté de substitution (art. 106 al. 2 CP) correspond schématiquement à CHF 100.- d'amende (ROTH / MOREILLON (éds), Code pénal I : art. 1-100 CP, Bâle 2009, N 19 ad art. 106). L'art. 47 CP, applicable par le renvoi de l'art. 104 CP, précise que le juge tient compte des antécédents et de la situation personnelle de l'auteur ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). Le juge doit ensuite, en fonction de la situation financière de l'auteur, fixer la quotité de l'amende de manière qu'il soit frappé dans la mesure adéquate (ATF 129 IV 6 consid. 6.1 ;
119 IV 330 consid. 3). La situation économique déterminante est celle de l'auteur au moment où l'amende est prononcée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_547/2012 du 26 mars 2013 consid. 3.4 et les références citées).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

4.1.3. Selon l'article 106 CP, sauf disposition contraire de la loi, le montant maximum de l'amende est de CHF 10'000.- (al. 1). Le juge prononce dans son jugement, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus (al. 2).

4.1.4. À teneur de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine. Si les sanctions envisagées concrètement ne sont pas du même genre, elles doivent être prononcées cumulativement (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1 p. 316).

4.2.1. Il sera tenu compte, pour la fixation de l'amende, de la faute non négligeable du prévenu, celle-ci ne devant pas être minimisée dans la mesure où il a violé plusieurs règles de la circulation routière. Il n'a pas pris toutes les mesures qui s'imposaient pour éviter les heurts et n'a délibérément pas respecté ses devoirs en cas d'accident. Si la manœuvre du prévenu n'a heureusement eu que des conséquences mineures, elle reste néanmoins dangereuse dès lors qu'il n'a pas prêté une attention particulière à son environnement et aurait pu, de ce fait, blesser une personne. Il a ainsi porté atteinte à la sécurité sur les routes.

Il était conscient qu'il n'était pas en droit de quitter les lieux sans avertir la police ou la personne lésée après l'accident causé. Il a ainsi agi par pure convenance personnelle et au mépris de la législation en vigueur, faisant fi de ses devoirs et de la sécurité d'autrui et faisant primer ses intérêts sur ceux du lésé, ce qui relève du mobile égoïste.

Sa collaboration et sa prise de conscience sont bonnes. Il a directement admis les faits, à l'exception de ceux pour lesquels il n'a pas été condamné, et n'a pas cherché à minimiser ses actes. Il semble être conscient des dangers créés par sa conduite et regretter son comportement.

Sa situation personnelle au moment des faits peut expliquer partiellement ses gestes, sans toutefois les justifier. Il n'a pas d'antécédents, ce qui a toutefois un effet neutre sur la peine.

4.2.2. Les deux infractions reprochées à l'intimé sont chacune passibles d'une amende. Eu égard au concours entre celles-ci et à la mise en danger abstraite en l'espèce, il sera retenu que l'infraction la plus grave commise est la violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR), qui commande à elle seule une amende de base de CHF 400.-. Il convient d'aggraver cette amende de CHF 200.- (peine hypothétique d'à tout le moins CHF 400.-) pour l'infraction à l'art. 92 al. 1 LCR. La peine d'ensemble de CHF 600.- prononcée par le premier juge s'avère donc adéquate et sera confirmée. La peine privative de liberté de substitution de six jours le sera également. L'appel est ainsi intégralement rejeté.

5. Vu l'issue de la procédure, les frais d'appel seront laissés à la charge de l'État (art. 428 CPP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par le Ministère public contre le jugement JTDP/1513/2021 rendu le 1er décembre 2021 par le Tribunal de police dans la procédure P/19169/2020.

Le rejette.

Laisse les frais de la procédure d'appel à la charge de l'État de Genève.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Acquitte A______ d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 LCR).

Déclare A______ coupable de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR) et de violation des devoirs en cas d'accident (art. 92 al.1 LCR).

Condamne A______ à une amende de CHF 600.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 6 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 651.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP). "

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et à l'Office cantonal des véhicules.

La greffière :

Andreia GRAÇA BOUÇA

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

e.r. Pierre BUNGENER


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.