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Décisions | Tribunal pénal

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P/6385/2023

JTDP/491/2025 du 22.04.2025 sur OPMP/375/2024 ( OPOP ) , JUGE

Normes : CP.123
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre 19


22 avril 2025

 

MINISTÈRE PUBLIC

Monsieur B______, partie plaignante

contre

Monsieur A______, né le ______ 1960, domicilié ______[GE], prévenu, assisté de Me C______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public, par ordonnance pénale maintenue, conclut à un verdict de culpabilité d'A______ du chef de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 al. 1 CP), à sa condamnation à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 300.-, assortie du sursis avec un délai d'épreuve à 3 ans et à une amende de CHF 1'800.- à titre de sanction immédiate et à sa condamnation au paiement des frais de la procédure.

B______ conclut à un verdict de culpabilité de A______.

A______, par la voix de son conseil, conclut à son acquittement et persiste dans ses conclusions en indemnisation et à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'Etat.

*****

Vu l'opposition formée le 26 janvier 2024 par A______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 11 janvier 2024;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 30 janvier 2024;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 11 janvier 2024 et l'opposition formée contre celle-ci par A______ le 26 janvier 2024.

et statuant à nouveau :

EN FAIT

A. Par ordonnance pénale du 11 janvier 2024, valant acte d'accusation, il est reproché à A______ d'avoir, à la rue ______ à Genève, le 15 mars 2023 vers 9h30, claqué la portière avant gauche du véhicule utilitaire immatriculé GE 1______ alors que B______, employé de la société D______ SA, s'installait au volant de celui-ci et d'avoir ainsi heurté le bras et la jambe gauche de B______, lui causant de la sorte des douleurs au triceps, ainsi qu'au tibia gauche, mais également un état anxieux réactionnel et un arrêt de travail du 15 au 27 mars 2023, attesté par certificat médical.

Le Ministère public (MP) a qualifié ces faits de lésions corporelles simples au sens de l'art. 123 ch. 1 al. 1 CP.

B. Les éléments pertinents ressortent de la procédure.

a.a. B______ a déposé plainte à la police le 15 mars 2023 contre A______.

Ce matin-là, B______, employé de D______ SA, avait stationné le véhicule de la société immatriculé GE 1______ à l'angle entre la rue _____ et le ______[GE], dans le but de faire une livraison sur un chantier. L'avant du véhicule empiétait légèrement sur l'entrée du garage voisin, mais les véhicules pouvaient passer. Puis, il avait reçu un appel de son patron lui disant qu'il devait déplacer le véhicule alors qu'il se trouvait dans le magasin Denner, avec ses collègues, pour y acheter à manger. Après s'être rendu rapidement sur le lieu du stationnement, il avait constaté la présence de trois personnes et s'était spontanément excusé avant de leur dire qu'il allait enlever son véhicule. Le monsieur plus âgé, soit A______ – dont il avait entendu qu'il avait beaucoup de conflits avec les employés du chantier –, lui avait directement répondu qu'il allait crever tous les pneus des véhicules stationnés-là et qu'il allait brûler le camion, étant précisé que les deux autres personnes étaient compréhensives et n'avaient pas pris part au conflit. B______ avait ensuite regagné son véhicule mais avait rouvert la portière en constatant que son rétroviseur était rabattu, afin de le remettre correctement. A______ lui avait alors dit de rentrer dans son véhicule, de dégager et l'avait poussé dans le dos avec sa main. Alors que B______ était à moitié dans son véhicule, A______ avait claqué la porte, laquelle avait heurté son bras et sa jambe du côté gauche, ce qui lui avait fait ressentir des douleurs au niveau du triceps gauche et vers le tibia du même côté. Enfin, A______ avait tiré violemment le rétroviseur, ce qui l'avait complètement détruit, précisant qu'il (le plaignant) avait déjà essayé de le réparer avec du fil de fer. Il était alors parti avec son camion sans rien dire.

a.b. B______ a remis à la police une vidéo de l'altercation, laquelle a été filmée par un de ses collègues, ainsi que des photos des dégâts du véhicule précité.

Il a également transmis un constat médical du 17 mars 2023 du Dr E______ dont il ressort que B______ présente un état anxieux réactionnel suite à une agression et un certificat médical attestant d'une incapacité de travail à 100% entre le 15 mars 2023 et le 27 mars 2023.

a.c. Les séquences suivantes ressortent de la vidéo qui dure 17 secondes et qui a été prise en vue aérienne depuis le haut de l'échafaudage:

-        A______, B______ et une troisième personne (les mains dans les poches) se tiennent debout à côté de la camionnette stationnée et dont la portière avant (côté conducteur) est ouverte;

-        A______ crie à B______: "Maintenant vous dégagez" en ouvrant plus grand la portière avec sa main gauche;

-        B______ est sur le point de monter à l'intérieur du véhicule avant de dire quelque chose et de redescendre quand A______, toujours la main gauche sur la portière, lui répond en criant "Non, vous dégagez maintenant" tout en poussant avec sa main droite B______ dans le dos en direction du véhicule (la portière étant toujours ouverte), bousculant ce dernier par son geste;

-        B______ fait un signe de la main pour vraisemblablement montrer le rétroviseur, à quoi A______ répond "J'en ai rien à foutre, vous dégagez, je vais vous le remettre moi le rétro" et ferme la portière en la poussant alors que B______ est en train de s'installer dans le véhicule, tient la portière de sa main gauche et accompagne le mouvement crée par la poussée (les pieds de B______ ne sont plus visibles à ce moment-là);

-        la scène se termine par un coup donné par A______ de sa main droite sur le rétroviseur, qui se déboite vers l'avant, puis ce dernier recule en disant "Allez dégage".

b. F______, administrateur de D______ SA, a déposé plainte contre A______ pour les dommages causés au véhicule précité, étant précisé que le MP n'est pas entré en matière sur ces faits (dommages à la propriété) par ordonnance du 22 juin 2023.

c. Il ressort du rapport de renseignements du 17 mars 2023 que B______ et F______ ont été déclarés en contravention par téléphone pour le stationnement sur une ligne interdisant l'arrêt et pour la partie saillante de l'aile avant droite du véhicule non conforme.

d. Entendu par la police le 17 mars 2023 en qualité de prévenu, A______ a déclaré qu'il était le patron de G______ SA. Le 15 mars 2023, une camionnette s'était stationnée devant l'entrée des véhicules de son garage. Il avait appelé à deux reprises le numéro de téléphone figurant sur le véhicule, car les ouvriers n'étaient pas sur le chantier. Un ouvrier était finalement arrivé – sans qu'il soit en mesure de quantifier le temps écoulé – en fumant une cigarette et avait indiqué qu'il était possible de passer. Cet ouvrier voulait monter dans son véhicule, mais avait dit qu'il devait remettre son rétroviseur. A______ lui avait dit qu'il allait le remettre, ce qu'il n'avait pas pu faire dès lors qu'il tenait avec du fil de fer. Il reconnaissait lui avoir dit que "s'il remettait son véhicule ici, [il] lui pétai[t] les pneus", sans avoir été agressif et avoir fermé la porte du véhicule, mais sans le toucher. Confronté à la vidéo, il n'avait rien à en dire et avait ajouté "C'est ça molester ? Si ce n'est pas un truc monté…Comme par hasard, il y en a un qui filme". Enfin, il dénonçait les stationnements sauvages à la rue du Lac et reconnaissait que si sa réaction n'avait pas été bonne, il restait humain et n'en pouvait plus de cette situation.

e.a. Par courrier de son conseil du 24 août 2023, A______ a demandé le classement de la procédure, aucune infraction ne pouvant lui être reprochée, notamment aux motifs que;

·         les faits s'inscrivaient dans un contexte de stationnements sauvages bloquant l'entrée des véhicules et la visibilité dans la rue ______[GE] (entrée et sortie du garage G______); que plusieurs échanges étaient intervenus entre A______ et D______ SA à ce sujet;

·         le 15 mars 2023, c'était à son interlocuteur au téléphone (vraisemblablement le patron) qu'il avait dit qu'il "pét[erait] les pneus" et non à B______ directement, contestant également avoir déclaré qu'il voulait "brûler le camion";

·         B______ était arrivé, entre dix et quinze minutes après le téléphone, avec une attitude désinvolte sans présenter d'excuse, tentant d'argumenter qu'il ne dérangeait pas et que les véhicules pouvaient passer;

·         légitimement agacé, il avait demandé à B______ de "dégager" et l'avait légèrement poussé dans le dos;

·         les images de la vidéo démontraient que B______ était complètement installé au volant du véhicule avant que la portière ne soit fermée sans que le bras ou la jambe ne se trouvent encore à l'extérieur et, enfin

·         l'altercation n'avait donné lieu à aucune atteinte attestée médicalement.

e.b. Plusieurs photographies montrant des véhicules stationnés sur la ligne jaune continue, devant les échafaudages installés par l'entreprise D______ SA, ont été produites à l'appui de ce courrier. S'agissant particulièrement du véhicule de D______ stationné à cet endroit, les photographies ont été prises le 15 mars 2023 à 9h04 et 9h07.

f. Devant le MP le 16 octobre 2023, A______ a confirmé ses déclarations faites à la police et s'est référé à son courrier du 24 août 2023, réitérant les mêmes explications notamment qu'il n'avait pas touché B______ avec la portière. Questionné sur le coup donné au rétroviseur, visible sur la vidéo, il a répondu que c'était une question d'interprétation et que la scène enregistrée n'était qu'une partie de la situation.

g.a. En audience de confrontation le 10 janvier 2024, B______ a confirmé sa plainte et ses déclarations faites à la police, précisant qu'il n'avait rien contre A______, mais que celui-ci lui avait mal parlé alors que lui-même s'était excusé. Il ne le connaissait pas ni ne l'avait jamais vu. C'était la première fois qu'il se rendait sur ce chantier et par la suite, il avait entendu qu'il y avait eu des problèmes avec d'autres personnes qui y travaillaient. Il confirmait que son patron lui avait téléphoné pour qu'il déplace le véhicule. Il était sûr qu'A______ lui avait dit qu'il allait lui "péter les pneus". Sur la pression de ce dernier, il avait voulu remettre le rétroviseur en place et monter dans son véhicule. A______ lui avait alors dit "Non c'est moi qui ouvre" et l'avait poussé au moment où il montait dans le véhicule ce qui lui "a[vait] tapé dans le pied". Il a déclaré "il y a plein d'autres endroits où ça m'a tapé mais c'est sur le pied que j'ai senti le plus".

Questionné au sujet du certificat médical versé à la procédure, il a confirmé qu'il était mal et qu'il pensait chaque fois à ce monsieur, n'ayant jamais vécu de situation semblable depuis quinze ans qu'il était en Suisse. Pour le surplus, il se référait à ses précédentes déclarations.

C.a. A l'audience de jugement du 11 avril 2025, A______ a confirmé son opposition et ses précédentes déclarations. Il contestait entièrement les faits, concédant toutefois qu'il s'était emporté au moment où B______ était ressorti de son véhicule pour remettre le rétroviseur, reconnaissant avoir poussé la portière et précisant que les faits avaient duré 30 minutes en tout. Il maintenait toutes les explications fournies au sujet du déroulement des faits et de l'attitude désinvolte du plaignant. B______ était arrivé 25 minutes après les téléphones, "la cigarette au bec" en disant que sa camionnette ne gênait pas.

Enfin, il sollicitait une indemnité de CHF 9'855,81 pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

b. B______ a confirmé sa plainte et ses précédentes déclarations. Il n'était pas d'accord avec les dires du prévenu. Ce dernier avait attendu maximum 15 minutes, car ils étaient partis chercher des boissons chez Denner. En arrivant sur les lieux, il s'était excusé et avait dit qu'il enlèverait tout de suite le véhicule. Les personnes qui avaient filmé la scène n'étaient pas ses collègues, mais des employés d'une autre entreprise. Il avait eu mal à la jambe après que la portière s'était fermée, mais pas ailleurs. Confronté à ses précédentes déclarations à ce sujet, il a répondu que ce qu'il avait déclaré devant le MP "existait" et que "c'était il y a longtemps". Enfin, il n'attendait rien de la procédure, si ce n'était la justice.

c. Entendu en qualité de témoin, H______, fils de A______, a déclaré qu'il était présent le jour des faits. Il confirmait que la camionnette garée entravait l'accès au garage, qu'ils avaient attendu un long moment - sans pouvoir toutefois quantifier la durée - jusqu'à ce que le conducteur arrive. Avec son père, ils avaient signifié "plus ou moins calmement" au monsieur qu'il ne pouvait pas se mettre là. Ce monsieur n'en avait rien à faire, avait un sandwich à la main ou sortait du café. Ils s'étaient énervés un peu car il ne s'était pas excusé et ils en avaient marre que des corps de métier se garent à cet endroit. Le monsieur était ensuite monté dans sa voiture et avait voulu en redescendre. Son père avait alors refermé la porte et le monsieur était reparti sans rien dire. Enfin, le témoin n'avait pas connaissance d'une vidéo et n'avait pas le souvenir d'avoir vu son père pousser le plaignant dans le dos, car les faits remontaient à deux ans. Il se souvenait l'avoir vu donner un coup dans le rétroviseur (ou plutôt le pousser), lequel tenait par du scotch.

D. A______, né le ______ 1960 à Genève, de nationalité suisse et italienne est marié et père de deux enfants majeurs. Il travaille comme administrateur de deux sociétés et gagne CHF 191'000.- brut par an. Son loyer s'élève à CHF 1'280.- par mois et son assurance maladie ainsi que celle de son épouse à CHF 23'544.- par an. Ses impôts s'élèvent à CHF 70'000.- par année. Il a des dettes hypothécaires de CHF 974'257.- conjointement avec son épouse et ils paient CHF 23'744.- par an d'intérêts hypothécaires. Sa fortune s'élève à CHF 428'383.-.

Il n'a pas d'antécédent judiciaire en Suisse.

EN DROIT

Culpabilité

1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (RS 0.101; CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 Cst et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1; ATF 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2c et 2d).

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a; 124 IV 86 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2c).

1.2. L'art. 123 CP sanctionne quiconque fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé qui ne peut être qualifiée de grave au sens de l'art. 122 CP.

L'art. 123 CP protège l'intégrité corporelle et la santé tant physique que psychique. Les lésions corporelles sont une infraction de résultat qui implique une atteinte importante aux biens juridiques ainsi protégés (arrêt du Tribunal fédéral 6B_492/2008 du 19 mai 2009 consid. 2.1 et les références citées). À titre d'exemples, la jurisprudence cite tout acte qui provoque un état maladif, l'aggrave ou en retarde la guérison, comme les blessures, les meurtrissures, les écorchures ou les griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (ATF 134 IV 189 consid. 1.1 et les arrêts cités).

L'art. 123 CP protège non seulement l'intégrité corporelle et la santé physique, mais aussi la santé psychique (cf. supra, consid. 1.1; ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 26). Pour qu'il y ait lésions corporelles, il n'est donc pas nécessaire que la victime ait subi une atteinte à son intégrité physique; une atteinte psychique peut suffire à la réalisation de l'infraction. Pour justifier la qualification de lésions corporelles, l'atteinte doit toutefois revêtir une certaine importance. Afin de déterminer ce qu'il en est, il y a lieu de tenir compte, d'une part, du genre et de l'intensité de l'atteinte et, d'autre part, de son impact sur le psychisme de la victime. Une atteinte de nature et d'intensité bénignes et qui n'engendre qu'un trouble passager et léger du sentiment de bien-être ne suffit pas. En revanche, une atteinte objectivement propre à générer une souffrance psychique et dont les effets sont d'une certaine durée et d'une certaine importance peut être constitutive de lésions corporelles. S'agissant en particulier des effets de l'atteinte, ils ne doivent pas être évalués uniquement en fonction de la sensibilité personnelle de la victime; il faut bien plutôt se fonder sur les effets que l'atteinte peut avoir sur une personne de sensibilité moyenne placée dans la même situation. Les circonstances concrètes doivent néanmoins être prises en considération; l'impact de l'atteinte ne sera pas nécessairement le même suivant l'âge de la victime, son état de santé, le cadre social dans lequel elle vit ou travaille, etc. (ATF 139 IV 189 consid. 1.4).

1.3. A teneur de l'art. 126 al. 1 CP, quiconque se livre sur une personne à des voies de fait qui ne causent ni lésion corporelle ni atteinte à la santé est, sur plainte, puni d’une amende.

Les voies de fait se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 119 IV 25 consid. 2a; ATF 117 IV 14 consid. 2a).

Ont notamment été qualifiés de voies de fait : une gifle, un coup de poing ou de pied, de fortes bourrades avec les mains ou les coudes (arrêts du Tribunal fédéral 6B_693/2017 du 24 août 2017 consid. 2.1 ; 6B_1009/2014 du 2 avril 2015 consid. 4.2).

Comme les notions de voies de fait et d'atteinte à l'intégrité corporelle, qui sont décisives pour l'application des art. 123 et 126 CP, sont des notions juridiques indéterminées, une certaine marge d'appréciation est reconnue au juge du fait car l'établissement des faits et l'interprétation de la notion juridique indéterminée sont étroitement liés (ATF 134 IV 189 consid. 1.3. pp. 191-192 ; 119 IV 25 consid. 2a p. 27 et les arrêts cités).

2.1. En l'espèce, le Tribunal tient pour établi, sur la base des éléments au dossier, notamment la vidéo et les photographies, ainsi que les déclarations du prévenu et de la partie plaignante, que le 15 janvier 2023 avant 9h30, B______ a stationné son véhicule de service immatriculé GE 1______ sur une ligne jaune continue à la rue ______[GE] devant un échafaudage de chantier – soit un endroit régulièrement utilisé par les corps de métier à tort – et que l'avant du véhicule empiétait sur l'entrée du garage appartenant au plaignant.

Il est également établi que la partie plaignante s'est absentée et a été appelée par son patron afin de venir déplacer le véhicule. Sans que l'on puisse déterminer avec exactitude le temps écoulé jusqu'au retour de la partie plaignante (élément sans pertinence au demeurant), les déclarations étant contradictoires sur ce point – le prévenu n'ayant pas pu l'estimer au départ, puis l'ayant estimé à 10-15 minutes au MP, enfin à 25-30 minutes aux débats tandis que la partie plaignante a indiqué être revenue rapidement et le témoin ayant fait état d'un long moment qu'il n'a pas su quantifier –, il est établi qu'une altercation est survenue entre le prévenu et B______ au retour de ce dernier.

Le prévenu a admis s'être emporté, avoir légèrement poussé le plaignant dans le dos, lui avoir crié de dégager et avoir refermé la portière de son véhicule. Or, il ressort de la vidéo qu'il minimise ses actes. En effet, la vidéo montre un prévenu agité, qui crie, dont les propos empreints de violence sont audibles depuis un échafaudage, alors que le plaignant a l'air calme, ses propos étant inaudibles. Le prévenu s'en prend au plaignant alors que ce dernier montre clairement son intention de déplacer le véhicule. Il le pousse énergiquement – et non légèrement – dans le dos, puis referme la portière pendant que ce dernier tire vraisemblablement la portière de son côté également. Les déclarations du plaignant viennent corroborer ces faits, étant toutefois rappelé qu'ayant lui-même produit la vidéo à la police, il apparaît logique que ses déclarations concordent avec le contenu de la vidéo. Enfin, il importe peu que l'attitude du plaignant ait ou non été désinvolte, ce qui ne ressort au demeurant pas de la vidéo, ni que celui-ci ait commis une infraction en matière de circulation routière, étant à cet égard relevé que le plaignant a dûment été sanctionné d'une contravention pour le stationnement sur ligne jaune continue. En effet, rien de tout cela n'autorisait le prévenu à se comporter comme il l'a fait, ce d'autant moins que le plaignant n'est en rien responsable des désagréments que subit le prévenu dans l'exploitation de son garage, élément qui ne justifiait pas non plus son comportement.

Les déclarations du témoin – qui est le fils du prévenu – n'ont qu'une portée probante relative quant au déroulement des faits, en tant qu'elles s'écartent de ce qui ressort de la vidéo figurant au dossier et apparaissent calquées sur celles du prévenu.

2.2. Reste à déterminer si le plaignant a subi une quelconque lésion en lien avec cette altercation. Le prévenu a contesté avoir occasionné une quelconque lésion au plaignant. Pour sa part, le plaignant a varié. Dans ses premières déclarations, il a mentionné des douleurs au niveau du triceps gauche et vers le tibia du même côté. En audience de confrontation, il a indiqué avoir été tapé au niveau du pied, où la douleur avait été la plus forte ainsi qu'à "plein d'autres endroits", sans que ses déclarations ne permettent de déterminer si c'est en étant poussé dans le dos ou alors qu'il était déjà dans son véhicule qu'il a ressenti ces douleurs. Enfin, aux débats, il a déclaré avoir eu mal à la jambe uniquement et confronté à ses précédentes déclarations a confirmé l'exactitude de ces dernières.

Le Tribunal relève en premier lieu que le constat médical produit – établi deux jours après les faits – mentionne "un état anxieux réactionnel suite à une agression" – laquelle n'est ni décrite, ni datée – à l'exclusion d'une quelconque lésion ou douleur physiques. Par ailleurs, ce constat médical a été établi deux jours après les faits.

En second lieu, il n'est pas établi par le plaignant – et apparaît au demeurant totalement invraisemblable – qu'une portière de véhicule, même violemment fermée sur un bras et/ou une jambe sans occasionner de lésion, puisse conduire à une atteinte psychique à la santé et à un arrêt de travail prolongé, ce d'autant moins que le plaignant, en tant qu'ouvrier de chantier, présente une certaine résistance physique.

En troisième lieu, il ressort de la vidéo qu'au contraire, la portière ne s'est pas fermée sur le bras du plaignant mais qu'il a accompagné le mouvement de fermeture de la porte avec sa main qui tenait la portière. Il n'apparaît pas vraisemblable non plus que le geste du prévenu aurait pu atteindre le plaignant à la jambe, dès lors qu'au moment de la fermeture de la porte ce dernier se trouvait entièrement à l'intérieur du véhicule et il ne ressort pas non plus des images vidéo que la fermeture de la portière du véhicule aurait été entravée par la présence d'un obstacle tel qu'une jambe, ce que viennent corroborer les déclarations fluctuantes du plaignant quant à la partie de son corps qui lui aurait provoqué des douleurs.

2.3. En conséquence, il ne peut être retenu que le plaignant a subi une quelconque lésion, ni même une atteinte dépassant ce qui est socialement toléré, étant précisé qu'un certificat médical établi deux jours après les faits n'est pas suffisant pour établir une relation de causalité entre ceux-ci et les constatations médicales établies. Le comportement du prévenu n'est dès lors pas constitutif de lésions corporelles simples.

Les faits ne sont pas davantage constitutifs de voies de fait, faute qu'il puisse être établi, au-delà de tout doute raisonnable, que le prévenu a porté un coup au plaignant, fût-ce au moyen de la portière du véhicule et en l'absence de douleur établie que le plaignant aurait eu à subir.

Le prévenu sera acquitté de lésions corporelles simples.

Frais et indemnité

3.1. A teneur de l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l’objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s’il a, de manière illicite et fautive, provoqué l’ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.

À cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte. Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais ou le refus d'une indemnité, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 119 Ia 332 consid. 1b).

Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête (ATF 116 Ia 162 consid. 2c).

L'art. 429 al. 1 let. a CPP prévoit que si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'autorité pénale peut réduire ou refuser l'indemnité ou la réparation du tort moral lorsque le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure (art. 430 al. 1 let. a CPP).

Cette disposition est le pendant de l'art. 426 al. 2 CPP en matière de frais. Une mise à charge des frais selon l'art. 426 al. 1 et 2 CPP exclut en principe le droit à une indemnisation. La question de l'indemnisation doit être tranchée après la question des frais (arrêts du Tribunal fédéral 6B_548/2018 du 18 juillet 2018 consid. 1.1.2 ; 6B_385/2017 du 5 décembre 2017 consid. 2.1).

Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation. Il en résulte qu'en cas de condamnation aux frais, il n'y a pas lieu d'octroyer de dépens ou de réparer le tort moral (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_548/2018 du 18 juillet 2018 consid. 1.1.2 ; 6B_385/2017 du 5 décembre 2017 consid. 2.1).

3.2. En l'espèce, le prévenu réclame une indemnité pour ses frais de défense de CHF 9'855.81 correspondant à 35h48 d'activité de son conseil depuis 2023.

A______ – fortement agacé par les nuisances subies régulièrement dans le cadre de l'exploitation de son entreprise en raison des chantiers avoisinants qui, dans une rue étroite, entravent l'accès par sa clientèle à son garage, en particulier lorsque des véhicules de chantier sont mal stationnés – s'est emporté à l'endroit du plaignant, ce qu'il a concédé aux débats. Cet emportement s'est traduit par un comportement particulièrement véhément de sa part à l'égard du plaignant – que le prévenu ne connaissait pas et qui ne saurait être tenu pour responsable de l'ensemble des désagréments précités – consistant en des menaces de "crever" les pneus du véhicule conduit par le plaignant, un langage particulièrement familier lorsqu'il a intimé au plaignant de "dégager" et des gestes déplacés, puisque le prévenu a énergiquement poussé le plaignant dans le dos en direction du poste de conduite de son véhicule, avant d'asséner un violent coup sur le rétroviseur de la portière gauche qu'il a ainsi à tout le moins déboité puis de claquer la portière du véhicule dans lequel le plaignant avait tout juste pris place avec l'intention de quitter les lieux. Par ces comportements successifs, dictés par une volonté de se faire lui-même justice, le prévenu a manifesté un mépris certain à l'égard du plaignant, comportements qui, au demeurant étaient inutiles et injustifiés, dès lors que le plaignant était déterminé à déplacer son véhicule.

Au vu de l'attitude du prévenu, le plaignant était fondé tant à se sentir atteint dans sa personnalité (art. 28 CC) que troublé dans sa possession (art. 926 et 928 CC) et, partant, à porter plainte, ce qui ne saurait lui être reproché. Le MP était également fondé, au vu du certificat médical produit par le plaignant, à engager à information pénale.

Partant, il se justifie de laisser à la charge du prévenu les frais de la procédure et de lui refuser toute indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP.

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Acquitte A______ de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 al. 1 CP).

Condamne A______ au paiement des frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'174.-, y compris un émolument de jugement de CHF 400.- (art. 426 al. 1 CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 430 al. 1 let. a CPP).

Ordonne la communication du présent jugement au Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

 

La Greffière

Juliette STALDER

Le Président

Niki CASONATO

 

Voies de recours

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit peut également contester son indemnisation en usant du moyen de droit permettant d'attaquer la décision finale, la présente décision étant motivée à cet égard (art. 135 al. 3 et 138 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

600.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

75.00

Frais postaux (convocation)

CHF

28.00

Emolument de jugement

CHF

400.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

21.00

Total

CHF

1174.00, à la charge de A______

==========

 

Notification à A______, via son conseil
Notification à B______
Notification au Ministère public
par voie postale