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Décisions | Tribunal pénal

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P/13484/2022

JTDP/945/2023 du 17.07.2023 sur OPMP/7444/2022 ( OPOP ) , JUGE

Normes : LEI.117; LEI.117
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre 21


17 juillet 2023

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

Madame X______, née le ______ 1983, domiciliée ______, prévenue, assistée de Me Lionel HALPERIN


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité pour les faits visés dans son ordonnance pénale, à ce que X______ soit condamnée à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 160.- le jour, avec sursis et délai d'épreuve fixé à 3 ans, à une amende de CHF 3'840.- à titre de sanction immédiate et aux frais de la procédure.

X______, par la voix de son Conseil, conclut principalement à son acquittement, subsidiairement à l'exemption de toute peine, plus subsidiairement encore au prononcé d'une amende et conclut à l'octroi d'une indemnisation au titre de l'art. 429 CPP.

*****

Vu l'opposition formée le 12 septembre 2022 par X______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 22 août 2022;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 9 novembre 2022;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

EN FAIT

A. Par ordonnance pénale du 22 août 2022, valant acte d'accusation, il est reproché à X______ d'avoir, à Genève, en sa qualité d'associée gérante de A______ Sàrl, employé plusieurs livreurs qui ne disposaient pas des autorisations requises, soit B______ entre le 15 janvier 2021 et le 25 février 2021, C______ entre le 1er septembre 2020 et le 30 septembre 2020, D______ entre le 11 janvier 2021 et le 31 janvier 2021, E______, entre le 1er novembre 2020 et le 28 février 2021 et F______, entre le 2 mai 2020 et le 30 juin 2021, faits qualifiés d'emploi d'étrangers sans autorisation au sens de l'art. 117 al. 1 de la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (RS 142.20; LEI).

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure:

a.a. Par courrier du 16 juin 2022, le Service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (PCTN) a dénoncé au Ministère public le comportement adopté par X______, en sa qualité d'associée gérante de la société A______ Sàrl. Cette société, inscrite au Registre du commerce depuis le ______ 2018, avait pour but les conseils et prestations de services aux entreprises dans les domaines de la stratégie, de la gestion, de la finance, des ressources humaines et du marketing ainsi que le placement privé de personnel et la location de services.

Le PCTN reprochait à X______, en sa qualité d'employeur, d'avoir engagé, en qualité de livreurs, B______, ressortissant de Guinée, entre le 15 janvier 2021 et le 25 février 2021, C______, ressortissant du Kosovo, entre le 1er septembre 2020 et le 30 septembre 2020, D______, ressortissant de Colombie, entre le 11 janvier 2021 et le 31 janvier 2021, E______, ressortissant du Kosovo, entre le 1er novembre 2020 et le 28 février 2021 et F______, ressortissant du Kosovo, entre le 2 mai 2020 et le 30 juin 2021, lesquels ne disposaient pas d'autorisation d'exercer une activité lucrative en Suisse. Les charges sociales avaient toutefois été prélevées et rétrocédées. Ces personnes avaient été payées à l'heure.

a.b. A l'appui de sa dénonciation, le PCTN a produit les procès-verbaux des auditions de X______ du 19 mai 2022 ainsi que différentes pièces transmises par la précitée relatives aux personnes susvisées, à savoir des attestations d'assurance AVS respectivement des accusés de réception pour une annonce de collaboration de la Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des Entreprises Romandes (FER CIAM), des fiches de salaire, des relevés d'heures ainsi que le titre de séjour français d'E______.

Selon les explications de X______:

-         B______ avait travaillé sur appel pour A______ Sàrl entre le 15 janvier 2021 et le 1er février 2021 pour un total de 60 heures 23. Il avait perçu à ce titre un salaire total de CHF 1'505.25. G______ SA l'avait recruté et mis au travail sans consulter A______ Sàrl, puis avait demandé à cette dernière de procéder au paiement du salaire. Vu l'activité réalisée, A______ Sàrl n'avait eu d'autre choix que de payer B______ et de l'annoncer comme employé à la FER CIAM. En date du 4 février 2021, B______ avait fourni à A______ Sàrl son titre de séjour, soit un permis L, lequel avait expiré le 4 juillet 2019 et à teneur duquel il n'était pas autorisé à pratiquer une activité lucrative, ainsi qu'une attestation de l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) d'attente d'octroi ou de renouvellement de son autorisation de séjour. A la lecture de ces documents, A______ Sàrl avait immédiatement mis fin à son contrat;

-         C______ avait travaillé pour A______ Sàrl un total de 39 heures 35 entre le 30 août 2020 et le 1er octobre 2020 et avait perçu à ce titre un salaire total de CHF 980.98. G______ SA l'avait recruté et mis au travail sans consulter A______ Sàrl, puis lui avait demandé de procéder au paiement du salaire. Vu l'activité réalisée, A______ Sàrl n'avait eu d'autre choix que de payer le précité et de l'annoncer comme employé à la FER CIAM. La société avait mis fin à son contrat dès qu'elle s'était aperçue que C______ ne disposait pas de permis de travail;

-         F______ avait travaillé pour A______ Sàrl sur appel entre le 2 mai 2020 et le 25 juin 2021 pour un total de 375 heures 09 et avait perçu à ce titre un salaire total de CHF 9'571.26. F______ avait fourni à A______ Sàrl une attestation de l'OCPM datée du 24 juin 2019, indiquant qu'il était dans l'attente d'une décision définitive sur l'octroi ou la prolongation de son autorisation de séjour. La société avait tenté pendant plusieurs mois d'accompagner le précité dans l'obtention de son permis B, sans succès. Elle avait dès lors mis un terme à son contrat. Depuis lors, elle avait appris l'existence du formulaire M, tamponné par l'OCPM, lequel permettait de s'assurer que la personne engagée était autorisée à pratiquer une activité lucrative pendant le processus de renouvellement ou d'obtention de son permis, formulaire dont elle ignorait l'existence au moment de l'engagement d'F______. Cela faisait désormais partie des documents requis d'un futur collaborateur, si ce dernier n'était pas en possession d'un permis valable;

-         E______ avait travaillé pour A______ Sàrl entre le 31 octobre 2020 et le 27 janvier 2021 durant un total de 195 heures 93 et avait perçu à ce titre un salaire total de CHF 5'083.55. Il avait fourni à la société un titre de séjour français. Sur la base de ce document, A______ Sàrl avait fait une demande à l'OCPM, qui avait été refusée. Elle avait dès lors mis un terme à ce contrat de travail. Elle ne pouvait expliquer comment E______ avait pu travailler dans l'intervalle. Les titres de séjours suisses et français se ressemblant énormément, il était possible qu'une erreur ait été commise lors de l'inscription, dans le fichier de la société, des documents fournis par E______. Ainsi, il était possible que ce dernier ait été inscrit comme autorisé à pratiquer une activité lucrative sans attendre une décision de l'autorité;

-         D______ avait travaillé au total 16 heures 72 pour A______ Sàrl entre le 13 janvier 2021 et le 10 février 2021 et avait perçu à ce titre un salaire total de CHF 417.90. G______ SA l'avait recruté et mis au travail sans consulter la société susvisée, puis lui avait demandé de procéder au paiement du salaire. Vu l'activité réalisée, A______ Sàrl n'avait eu d'autre choix que de payer D______ et de l'annoncer comme employé à la FER CIAM.

a.c. Le PCTN a également transmis au Ministère public un courrier du 31 mai 2022 qui lui avait été adressé par X______, pour le compte de A______ Sàrl. La précitée expliquait que si certains employés n'avaient jamais fourni une preuve de permis de travail valable, elle n'avait cependant pas eu l'intention d'employer des personnes en situation irrégulière. Ces cas étaient au demeurant isolés, étant rappelé que A______ Sàrl avait employé plus de 824 personnes en 2020. Dans les cas des employés "loués" chez G______ SA, le nombre d'engagements par mois avait été très important et avait engendré un travail administratif conséquent. A l'époque des faits, l'organisation de A______ Sàrl, qui avait récemment commencé son activité, avait été moins efficace que par la suite. En outre, elle avait fait face à quelques problèmes avec G______ SA, qui n'attendait pas le terme du processus d'engagement pour intégrer les livreurs dans les plannings. Au vu des heures effectivement travaillées par les employés, A______ Sàrl n'avait eu d'autre choix que de les payer, étant précisé que leur contrat avait été immédiatement résilié.

Depuis lors, elle avait signifié à G______ SA qu'un livreur ne pouvait pas débuter son activité avant que le contrat de travail et les formalités légales et administratives aient été réglées par A______ Sàrl. Elle n'avait plus rencontré de problème depuis lors et faisait tout son possible pour respecter en permanence les dispositions légales. Par ailleurs, depuis l'année 2021 et le constat de certaines erreurs, elle avait modifié l'organisation interne et le système de paiement des salaires, afin d'éviter qu'une personne puisse débuter son activité avant la remise d'un titre de séjour et d'un permis de travail valides. Elle avait également mis en place un système d'alertes lorsque les permis de travail arrivaient à échéance pour les personnes en poste. Enfin, la collaboration entre A______ Sàrl et G______ SA avait été clarifiée.

b.a. Invitée par le Ministère public à se déterminer par écrit sur les faits qui lui étaient reprochés, X______ a indiqué, par courrier du 22 juillet 2022 rédigé sous la plume de son Conseil, que A______ Sàrl avait été créée notamment dans le but de permettre la régularisation de la situation, parfois précaire, des personnes actives dans le domaine de la livraison à domicile. A______ Sàrl avait employé environ 400 personnes jusqu'en 2020. La période 2020-2021 avait fait l'objet d'une forte expansion, en raison de la pandémie et des multiples confinements. Entre mars 2020 et juillet 2021, la société avait eu plus de 1'000 nouveaux employés. X______ reconnaissait que les cautèles mises en place à cette époque pour garantir à la fois un emploi rapide et le respect des dispositions légales applicables avaient pu, à quelques rares occasions, ne pas suffire et que la situation de certains employés était "passée entre les mailles du filet", étant précisé qu'il s'agissait d'un nombre très limité de personnes concernées par la dénonciation au vu du nombre de nouveaux employés de la société en un peu plus d'une année. Il s'agissait en outre du début de l'activité de la société. Depuis, les mécanismes de vérification avaient été améliorés. Si des erreurs avaient vraisemblablement été commises, elle n'avait nullement eu l'intention d'employer des personnes au noir et avait mis un terme à l'emploi de celles-ci dès qu'elle avait réalisé leurs situations irrégulières. L'ensemble des cotisations sociales de ces personnes avaient en outre été déclaré et payé aux autorités compétentes, ce qui attestait que son intention n'avait pas été d'employer des personnes en situation irrégulière.

Pour le surplus, selon X______, les personnes visées par la dénonciation pouvaient être séparées en deux catégories, soit celles engagées directement par G______ SA et celles liées à des erreurs commises au sein de A______ Sàrl.

B______, C______ et D______ appartenaient à la première catégorie. G______ SA avait mis ces employés au travail immédiatement, sans attendre la validation de A______ Sàrl, étant précisé que le recrutement s'était fait à travers une application contrôlée par G______ SA. Ces personnes ayant effectivement travaillé, A______ Sàrl avait considéré qu'il était important qu'elles soient rémunérées pour le travail accompli et avait décidé de payer les heures effectuées, malgré leur situation irrégulière en Suisse. Il avait été rappelé depuis à G______ SA qu'elle ne devait pas faire travailler un employé avant que les vérifications nécessaires aient été effectuées par A______ Sàrl. Il n'y avait plus eu de problème par la suite. En outre, dans la mesure où l'Office cantonal de l'emploi avait récemment informé A______ Sàrl que cette manière de recruter n'était pas compatible avec la location de service, les processus d'engagement avaient été modifiés.

F______ et E______ appartenaient à la seconde catégorie. F______ avait fourni une attestation de l'OCPM indiquant qu'il était dans l'attente d'une décision définitive sur l'octroi ou la prolongation de son autorisation de séjour. A______ Sàrl avait pensé que ce document était suffisant pour permettre à un collaborateur de travailler, dans l'attente de ladite décision. Lors d'un entretien avec l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT), X______ avait été informée que tel n'était pas le cas. Elle avait alors appris qu'il était possible de faire tamponner un formulaire M par l'OCPM afin de s'assurer que la personne était autorisée à travailler pendant le processus de renouvellement ou d'obtention du titre de séjour. Depuis lors, ce formulaire était systématiquement demandé. Le contrat de travail d'F______ avait été immédiatement résilié dès la décision de refus de l'OCPM. E______, pour sa part, avait fourni un titre de séjour français à A______ Sàrl, avec lequel une demande de permis de travail avait été sollicitée, sans succès, auprès de l'OCPM, de sorte que le contrat de travail avait été immédiatement résilié. E______ avait néanmoins travaillé dans l'intervalle. Elle ne pouvait apporter d'explication à ce sujet, mais l'hypothèse principale était que les titres de séjour français et suisses se ressemblant, une erreur avait été commise lors de l'inscription dans le logiciel des documents fournis par E______ lors de son engagement. Suite à cette découverte, l'attention de tous les collaborateurs avait été attirée sur cette distinction.

b.b. Deux titres de séjour ont été produits par X______ à l'appui de son courrier d'observations, celui d'E______, français, ainsi que celui de B______, suisse. Les deux documents présentent des similarités certaines.

c. Entendue par le Ministère public en date du 4 novembre 2022, X______ a confirmé la teneur de son courrier du 22 juillet 2022. Elle n'avait pas eu l'intention d'employer des personnes "au noir". Durant l'année en question, la société, qui n'était gérée que par trois personnes, avait eu 1'200 nouveaux collaborateurs.

Il y avait, d'une part, le cas de trois personnes mises au travail par G______ SA sans vérification de leur statut. Elle a précisé qu'un livreur souhaitant travailler pour la société susvisée faisait la demande directement à travers le site de G______ SA. Par la suite, G______ SA envoyait à A______ Sàrl les potentiels nouveaux livreurs et cette dernière procédait aux contrôles puis établissait les contrats. Il était toutefois arrivé à quelques reprises que G______ SA fasse travailler des personnes avant d'envoyer leurs dossiers, de sorte que A______ Sàrl n'avait pas été informée. G______ SA avait ensuite envoyé une liste des heures effectuées par les employés et A______ Sàrl devait calculer les salaires. Sur la liste, certains noms inconnus s'étaient distingués des autres. A______ Sàrl avait dès lors pris contact avec ces personnes afin qu'elles lui remettent les documents nécessaires. A ce moment, A______ Sàrl avait constaté qu'elles n'avaient pas les autorisations pour travailler en Suisse. La société avait tout de même souhaité les rémunérer pour le travail effectué. Elle avait ainsi établi un contrat de travail pour les heures travaillées avant de les informer qu'elles ne pouvaient pas travailler en Suisse. Les contrats de ces personnes avaient été résiliés dès ce moment. Elle-même n'avait eu aucun contrôle sur ce qu'il s'était passé avant de recevoir la liste des heures effectuées par les livreurs de G______ SA en vue du paiement de leurs salaires.

S'agissant des deux autres personnes engagées "directement" par A______ Sàrl, il n'y avait eu aucune intention d'employer des personnes non titulaires d'une autorisation de travail. Si tel avait été le cas, il n'y aurait pas eu uniquement deux cas sur les 1'200 nouveaux collaborateurs durant cette période. X______ n'avait pas traité directement les cas en question, même si elle avait conscience qu'ils relevaient de sa responsabilité de cheffe d'entreprise. S'agissant d'F______, il avait fourni une attestation de l'OCPM confirmant qu'il était dans l'attente d'une décision définitive sur l'octroi ou la prolongation de son autorisation de séjour. A______ Sàrl avait eu de nombreux employés au bénéfice d'un permis de séjour en attente de renouvellement, lesquels lui avaient présenté ce même document de l'OCPM. Ainsi, elle avait pensé qu'F______ était autorisé à travailler en Suisse. Cela étant, malgré de nombreuses relances de A______ Sàrl, F______ n'avait pas fourni de documents attestant que la procédure de renouvellement était toujours en cours, de sorte qu'un terme avait été mis à son contrat. Elle a encore expliqué qu'F______ n'avait pas travaillé de manière continue pour A______ Sàrl. Après son retour au sein de la société, celle-ci avait rapidement réalisé qu'F______ ne pouvait lui fournir les documents sollicités, raison pour laquelle il avait été licencié.

E______ avait transmis à A______ Sàrl un titre de séjour français. Il s'agissait de l'époque à laquelle les permis B biométriques avaient été introduits en Suisse. La personne qui avait traité ce dossier avait dû confondre le titre de séjour d'E______ avec un permis B biométrique suisse, eu égard à la ressemblance entre les deux documents et à la masse des dossiers à traiter. Ses collaboratrices avaient rapidement réalisé qu'il s'agissait d'un titre de séjour français. Elles avaient alors contacté E______ et sollicité un permis G auprès de l'OCPM. Une nouvelle erreur avait été commise à ce moment, dans la mesure où le précité avait été autorisé à continuer à travailler dans l'attente de l'octroi du permis. X______ n'avait elle-même pas été informée de cela. Elle a précisé qu'à l'époque, ses collaboratrices n'avaient jamais déposé une demande de permis G basée sur un titre de séjour européen – elles avaient l'habitude de traiter les dossiers de ressortissants européens – et qu'elles n'avaient pas réalisé que dans un tel cas, la personne concernée ne pouvait pas travailler dans l'intervalle. Une dizaine de jours plus tard, lorsqu'elle s'était rendue compte de cette erreur, elle avait contacté E______ et avait mis un terme à son contrat.

X______ a ajouté que dans tous les cas, elle n'avait pas attendu l'intervention de l'OCIRT pour réagir. L'office avait constaté que le nécessaire avait été fait préalablement à son intervention. A______ Sàrl avait procédé à un licenciement collectif au mois d'août 2022. Elle n'avait plus d'employés livreurs. Des désaccords étaient survenus avec G______ SA et il était possible que A______ Sàrl mette fin à son activité.

C.a. Lors de l'audience de jugement, X______ n'a pas contesté que B______, C______, D______, E______ et F______ avaient été employés par A______ Sàrl alors qu'ils n'avaient pas d'autorisation de travail. Elle n'avait toutefois pas eu l'intention d'engager les précités sans les autorisations nécessaires.

"99 %" des employés de A______ Sàrl étaient destinés à travailler pour G______ SA. Lorsqu'un livreur souhaitait travailler pour G______ SA, il téléchargeait l'application de cette dernière société. G______ SA remplissait ensuite un fichier avec les noms des personnes à engager et donnait les coordonnées de A______ Sàrl aux futurs employés, tout en leur indiquant que la société susvisée allait s'occuper des contrats et des papiers. La règle en vigueur était que personne ne devait commencer à travailler tant que A______ Sàrl n'avait pas validé les engagements. Durant la période du COVID, des managers de G______ SA avaient cependant mis au travail des employés avant de prévenir A______ Sàrl, ce qui avait été le cas de B______, C______ et D______.

Le Tribunal lui ayant fait remarquer qu'il était pour le moins peu commun que les employés de A______ Sàrl, société de placement de personnel, soient directement recrutés par la société faisant appel à ses services, soit en l'occurrence G______ SA, X______ a simplement répondu que depuis les faits, l'Office cantonal de l'emploi avait informé A______ Sàrl qu'il était attendu de celle-ci qu'elle recrute elle-même ses employés. A la question de savoir pour quelles raisons A______ Sàrl avait accepté d'engager des personnes ayant travaillé pour G______ SA alors qu'elles étaient démunies d'autorisation de travail, plutôt que de refuser cet engagement et de laisser G______ SA se débrouiller avec la situation, elle a expliqué que le moment du paiement des salaires était un moment délicat, car il fallait rémunérer 800 personnes, étant précisé que seules trois personnes s'occupaient de la gestion au sein de A______ Sàrl. Il était arrivé que des employés "passent entre les gouttes". L'attention de G______ SA avait été attirée sur la situation. A la question de savoir si les salaires étaient payés avant ou après la constatation que les employés avaient travaillé sans autorisation, elle a d'abord répondu que les salaires étaient versés au préalable, avant de déclarer que cela dépendait des cas. Elle ne s'était pas personnellement occupée de tous les cas. Le Tribunal lui ayant demandé s'il n'était pas risqué pour A______ Sàrl de confier à une société tierce la tâche de gérer les premières étapes du processus de recrutement de ses propres employés, elle a répondu que ladite société venait d'être créée à l'époque des faits. Les collaborateurs de A______ Sàrl avaient cherché à améliorer le système qui avait été mis en place.

Le Tribunal lui ayant encore fait remarquer que le premier cas de travail au noir concernait C______, cas survenu au mois de septembre 2020, et lui ayant demandé si A______ Sàrl avait réagi auprès de G______ SA après celui-ci, elle a répondu que l'une de ses collaboratrices, H______, avait appelé les managers de G______ SA pour les rappeler à l'ordre. Elle a précisé que la précitée, âgée de 68 ans, était procédurière et qu'elle avait dit aux jeunes managers de G______ SA ce qu'ils devaient faire.

X______ a confirmé ses explications relatives au cas d'E______, en lien avec l'existence d'une confusion entre le permis de séjour français produit et un permis B suisse. E______ avait été mis au travail, mais elle-même n'avait pas été mise au courant. C'était H______ qui s'était occupée de ce cas.

Interrogée sur d'éventuelles relances effectuées par A______ Sàrl en lien avec la preuve du droit de séjour en Suisse d'F______, X______ a expliqué que dans leurs fichiers de gestion des employés, des relances de ces derniers étaient prévues. Ainsi, trois ou quatre relances avaient été faites à F______, en vain. C'était également H______ qui s'était occupée de ce cas, laquelle avait probablement dû prendre contact avec l'OCPM à un certain moment. Le Tribunal lui ayant rappelé qu'F______ avait travaillé pendant plus d'un an avant que son contrat ne soit résilié, X______ a expliqué que la procédure pouvait être très longue et que le fait que cela prenne du temps n'avait pas été alarmant "au début". F______ avait ensuite été relancé.

X______ a encore répété que A______ Sàrl s'était rendu compte de l'existence des problèmes avant l'intervention de l'OCIRT. Des mesures avaient été prises, dont certaines en commun avec G______ SA. La quantité de travail de A______ Sàrl avait été inversement proportionnelle à celle du reste de la population pendant la pandémie. Deux collaboratrices avaient commencé à travailler le 1er juin 2020. En plus de devoir rattraper le travail en retard, il avait fallu former ces nouvelles employées. X______ a ajouté que l'existence d'une condamnation sur son casier judiciaire, respectivement l'absence d'un certificat de bonne vie et mœurs, pourrait rendre impossible la reprise d'une activité de location de services.

b. X______ a produit deux attestations écrites.

b.a. La première a été rédigée par H______, responsable des ressources humaines au sein de A______ Sàrl entre les mois de mai 2020 à novembre 2022. Il en ressort que depuis sa création, la société n'avait cessé de croitre. Entre 2020 et 2021, elle avait engagé plus de 1'000 nouveaux employés. La société avait établi et instruit des règles précises à respecter par les employés. Cela étant, il s'était avéré qu'une infime partie d'entre eux avaient violé le droit suisse et contourné les règles internes en étant engagés par la société malgré leur situation irrégulière en Suisse. Entre 2020 et 2021, A______ Sàrl avait engagé par erreur deux employés en situation irrégulière. Le premier avait soumis à l'appui de son dossier une attestation de l'OCPM qui confirmait qu'il était dans l'attente de recevoir une décision définitive relative à l'octroi ou à la prolongation de son autorisation de séjour. A______ Sàrl avait pensé qu'un tel document était suffisant. L'OCIRT les avait informés par la suite que tel n'était pas le cas et qu'un formulaire M tamponné par l'OCPM était nécessaire. Depuis lors, la société avait procédé par la voie de l'obtention d'un tel formulaire. Le deuxième employé disposait d'un permis de séjour français. A______ Sàrl avait ultérieurement constaté que les permis de séjour français et suisse se ressemblaient énormément. Il était ainsi probable qu'une erreur ait été commise au moment de l'inscription de ce collaborateur dans le logiciel de la société.

b.b. La deuxième attestation a été rédigée par ______, responsable des ressources humaines au sein de A______ Sàrl de juillet 2020 à janvier 2022. Son activité s'était principalement rapportée à la gestion des employés de la société, ce qui englobait le recrutement des employés, la gestion de leur rémunération et le dépôt d'éventuelles demandes de permis de travail. Lorsque la société recevait des dossiers de candidature de nouveaux employés, son équipe vérifiait premièrement si la personne disposait d'un permis de travail valable en Suisse. Entre juillet 2020 et janvier 2022, son activité avait été particulièrement dense compte tenu du grand nombre de dossiers de candidatures reçus, soit près de mille.

A______ Sàrl avait recruté notamment des collaborateurs engagés par G______ SA. Les postulations s'effectuaient sur le site de cette dernière. G______ SA soumettait ensuite à A______ Sàrl les dossiers de collaborateurs en vue d'éventuels engagements. Une fois les dossiers validés, A______ Sàrl préparait les contrats de travail. Il était arrivé à quelques reprises que G______ SA ait engagé, au nom de A______ Sàrl, des collaborateurs et les mette au travail sans l'en informer. A______ Sàrl avait appris l'existence de ces activités lorsque G______ SA lui avait envoyé les relevés d'activité des collaborateurs en vue du paiement des salaires. A trois reprises, la société avait découvert des personnes engagées et mises en activité alors qu'elles ne disposaient pas de permis de travail. Face à cette situation problématique, A______ Sàrl avait décidé de rémunérer ces collaborateurs et de mettre fin immédiatement à leur activité. Si ces dossiers avaient été soumis par G______ SA avant la prise d'activité par les employés, A______ Sàrl ne les aurait pas engagés compte tenu de leur situation irrégulière.

D.a. X______ est née le ______ 1983 à Genève et est ressortissante suisse. Elle est célibataire et a un enfant âgé de 17 ans. Son activité pour A______ Sàrl a pris fin le 31 décembre 2022. Elle est désormais directrice de la société ______ SA, active dans le domaine de la livraison. Son activité actuelle ne lui rapporte à ce jour aucun revenu et elle n'a pas d'autre source de revenu. Elle possède toutefois des participations dans d'autres sociétés. Il ressort de son profil LINKEDIN et du registre du commerce qu'elle a été la fondatrice, propriétaire et administratrice avec signature individuelle de G______ SA, société créée en 2012. Elle indique toutefois ne plus avoir de lien avec cette société. Elle est propriétaire de sa maison, dont la valeur d'achat s'élève à CHF 2'800'000.-. Elle rembourse des intérêts hypothécaires, lesquels ont augmenté, sans certitude, à 1.5%. Elle n'a pas d'autre dette. Ses primes d'assurance maladie s'élèvent à CHF 346.65 et celles de son fils à CHF 120.- par mois. Sa fortune mobilière s'élève à environ CHF 900'000.-, dont environ CHF 500'000.- en placements. Elle est également propriétaire d'un appartement à Megève dont la valeur d'achat s'élève à CHF 300'000.-.

b. A teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, X______ n'a pas d'antécédent.

 

EN DROIT

1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence garantie par l'art. 6 § 2 CEDH et, sur le plan interne, par l'art. 32 al. 1 Cst. et l'art. 10 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2c et 2d). Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a; 124 IV 86 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2c).

Il n'est pas contraire à la présomption d'innocence d'acquérir une conviction de culpabilité sur la base d'un faisceau d'indices, à moins que cette appréciation ne soit arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_918/2010 du 14 mars 2011 consid. 1.2).

2.1.1. Quiconque, intentionnellement, emploie un étranger qui n'est pas autorisé à exercer une activité lucrative en Suisse ou a recours, en Suisse, à une prestation de services transfrontaliers d'une personne qui n'a pas l'autorisation requise est puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire. Dans les cas graves, la peine sera une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire (art. 117 al. 1 LEI).

2.1.2. La notion d'employeur au sens de l'art. 117 al.1 LEI est autonome. Elle est plus large que celle du Code des obligations et englobe l'employeur de fait (ATF 128 IV 170 consid. 4.1, in JdT 2004 IV 89; arrêt du Tribunal fédéral 6B_815/2009 du 18 février 2010 consid. 2.3). Celui qui bénéficie effectivement des services d'un travailleur – soit d'une personne chargée de pourvoir à l'accomplissement de certaines tâches au sein d'un ménage, d'une entreprise ou d'un service public – est un employeur, nonobstant l'intervention d'un intermédiaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_357/2009 du 16 novembre 2009 consid. 5.2). Est déjà un employeur celui qui occupe en fait un étranger dans son entreprise, sous sa surveillance et sous sa propre responsabilité et, par conséquent, qui en accepte les services (ATF 99 IV 110 consid. 1 à 3). Il n'est pas nécessaire que l'auteur ait la compétence de donner des instructions à ce travailleur étranger. Il suffit qu'il entre dans ses attributions de décider qui peut, ou non, participer à l'exécution de la tâche et que sa décision conditionne l'activité lucrative de l'intéressé (ATF 137 IV 159 consid. 1.4 = JdT 2012 IV 107; ATF 128 IV 170 consid. 4.2).

2.1.3. Selon l'art. 91 al. 1 LEI, avant d'engager un étranger, l'employeur doit s'assurer qu'il est autorisé à exercer une activité lucrative en Suisse en examinant son titre de séjour ou en se renseignant auprès des autorités compétentes.

L'employeur ne peut s'exonérer de cette obligation de diligence en se réfugiant derrière une éventuelle tromperie de tiers. Il appartient à chaque employeur de procéder au contrôle. La simple omission de procéder à l'examen du titre de séjour ou de se renseigner auprès des autorités compétentes constitue déjà une violation du devoir de diligence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_357/2009 du 16 novembre 2009 consid. 5.1 et 5.3).

2.1.4. En matière de permis de travail pour frontaliers, les ressortissants d'un Etat non membre de l'UE/AELE sont soumis à des restrictions relatives au marché du travail (priorité des travailleurs suisses et ressortissants de l'UE/AELE, contrôle des conditions de salaire et de travail). L'autorisation de travail frontalière (permis G) est liée à un employeur déterminé. Dans le cas d'une activité salariée, il appartient à l'employeur d'effectuer les démarches nécessaires de demande de permis de travail. L'employeur est tenu au courant de la suite donnée à sa demande dans un délai de 6 à 8 semaines. Dans l'intervalle, le candidat n'est pas autorisé à travailler (https://www.ge.ch/demander-permis-travail-frontalier/je-suis-ressortissant-etat-hors-ue-aele).

2.1.5 L'infraction n'est réalisée que si l'employeur a agi intentionnellement, ce qui comprend le dol éventuel (arrêt du Tribunal fédéral 6B_184/2009 du 20 mai 2009 consid. 1.2.2).

Il y a dol éventuel lorsque l'auteur, qui ne veut pas le résultat dommageable pour lui-même, envisage le résultat de son acte comme possible et l'accepte au cas où il se produirait (ATF 137 IV 1 consid, 4.2.3; ATF 133 IV 9 = JdT 2007 1 573 consid.; ATF 131 IV 1 consid. 2.2; ATF 130 IV 58 consid. 8.2).

Parmi les éléments extérieurs permettant de conclure que l'auteur s'est accommodé du résultat dommageable pour le cas où il se produirait figurent notamment la probabilité, connue par l'auteur, de la réalisation du risque et l'importance de la violation du devoir de prudence. Plus celles-ci sont grandes, plus sera fondée la conclusion que l'auteur, malgré d'éventuelles dénégations, avait accepté l'éventualité de la réalisation du résultat dommageable (ATF 138 V 74 consid. 8.4.1). Ainsi, le dol éventuel peut notamment être retenu lorsque la réalisation du résultat devait paraître suffisamment vraisemblable à l'auteur pour que son comportement ne puisse raisonnablement être interprété que comme une acceptation de ce risque (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3; ATF 133 IV 222 consid.; arrêt du Tribunal fédéral 6B 670/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.3).

2.1.6. Si l'auteur agit par négligence, il est puni d'une amende de 20'000 francs au plus (art. 117 al. 3 LEI).

Agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle (art. 12 al. 3 CP).

2.2.1. En l'espèce, il ressort des informations transmises par l'Office cantonal de l'inspection et des relations de travail, des documents produits par la prévenue et des déclarations de cette dernière que A______ Sàrl, dont la prévenue est associée gérante unique avec signature individuelle, a bien employé B______, ressortissant guinéen, C______, F______ et E______, tous trois ressortissants kosovars, ainsi que D______, ressortissant colombien, à différentes périodes situées entre le 2 mai 2020 et le 30 juin 2021. Il est également établi par le dossier, et non contesté par la prévenue, qu'aucune de ces cinq personnes n'était au bénéfice d'une autorisation de travail en Suisse pendant sa période d'activité pour A______ Sàrl.

Tous les éléments constitutifs objectifs de l'infraction prévue à l'art. 117 al. 1 LEI sont ainsi réalisés, en relation avec les cinq employés précités.

2.2.2.1. En ce qui concerne l'élément subjectif, le Tribunal relève, s'agissant de B______, C______ et D______, que la prévenue soutient n'avoir eu aucun contrôle sur les évènements avant de recevoir, de G______ SA, la liste des heures effectuées par les précités en vue du paiement de leurs salaires. A cet égard, il y d'abord lieu de souligner le caractère pour le moins inhabituel, voire incongru, du processus de recrutement mis en place, puisque les employés de A______ Sàrl, société de placement de personnel, étaient recrutés directement, qui plus est via une application en ligne, par la société faisant appel à ses services, soit en l'occurrence G______ SA. Or, cette délégation, à tout le moins partielle, de la tâche de recruter son propre personnel à sa future cliente, impliquait déjà, pour A______ Sàrl, une certaine prise de risque quant à la conformité des processus au regard de la législation, en particulier relative au travail au noir. Ce risque était d'autant plus grand que le type d'activité dont il est question, soit celle de livreur à temps partiel, ne nécessitait aucune qualification particulière ni entretien d'embauche à proprement parler, de sorte qu'elle était susceptible d'attirer du personnel peu qualifié, notamment des travailleurs dépourvus de situation administrative en Suisse, ce que la prévenue ne pouvait raisonnablement ignorer. A cet égard, il sera rappelé que la prévenue avait elle-même été, précédemment, la directrice de G______ SA pendant plusieurs années, société qu'elle a fondé et dirigé dès 2012.

Par ailleurs, et principalement, le Tribunal relève que du propre aveu de la prévenue, et ainsi que cela ressort des attestations produites par celle-ci, A______ Sàrl a eu connaissance du fait que les trois employés précités étaient dépourvus d'autorisation de travail en Suisse, au moment où elle a reçu les relevés d'activité de G______ SA. Malgré la connaissance de cette information, alors qu'elle aurait pu refuser d'engager ce personnel en laissant G______ SA gérer la situation, la prévenue a néanmoins décidé que A______ Sàrl établirait des contrats de travail à postériori et rémunérerait ces trois personnes pour la courte durée durant laquelle elles avaient travaillé. Ce faisant, A______ Sàrl, soit pour elle la prévenue, a librement choisi de ratifier les agissements de G______ SA et d'engager les employés en question, quand bien même il a immédiatement été mis fin à leurs contrats, alors que rien ne l'y obligeait d'un point de vue juridique.

Il sera encore relevé que les faits ne concernent pas qu'un unique employé mais qu'ils se sont produits à trois reprises entre les mois de septembre 2020 et de février 2021, A______ Sàrl ayant à chaque fois cautionné le comportement adopté par G______ SA. Dès lors, c'est bien avec conscience et volonté que la prévenue a engagé ces trois employés démunis d'autorisation de travail.

Ce faisant, elle s'est rendue coupable d'infraction à l'art. 117 al. 1 LEI en relation avec ces trois employés.

2.2.2.2. S'agissant ensuite d'F______, il ressort des déterminations écrites et des déclarations de la prévenue que celle-ci avait conscience du fait que le précité était dans l'attente d'une décision quant à son autorisation de séjour, respectivement la prolongation de cette dernière, au moment où il a été engagé par A______ Sàrl au mois de mai 2020. A cet égard, il peut être relevé qu'au moment de l'engagement de l'intéressé, l'attestation établie par l'OCPM était déjà ancienne, puisqu'elle datait du 24 juin 2019, soit de près d'une année. A______ Sàrl a néanmoins engagé le précité sans procéder à la moindre vérification auprès de l'autorité administrative. Par ailleurs, alors que selon ses propres déclarations, en particulier devant le Ministère public, la prévenue s'était inquiétée de la légalité de la situation, étant relevé que plusieurs relances ont été adressées à F______, en vain, pour qu'il démontre la légalité de son séjour, ce dernier est toutefois demeuré employé de A______ Sàrl pendant plus d'une année, soit jusqu'au 30 juin 2021. A teneur du dossier, durant cette même période, A______ Sàrl ne s'est jamais adressée à l'OCPM pour s'enquérir de la situation de son employé.

Ainsi, compte tenu d'une part de la connaissance du fait que l'intéressé ne disposait pas, au moment de son engagement, d'une autorisation de séjour et, d'autre part, du fait qu'il a été employé pendant plus d'une année sans que son droit au séjour ne soit rendu vraisemblable, la prévenue n'a pu qu'envisager et accepter que A______ Sàrl employait un travailleur démuni d'autorisation de travail.

Ainsi un verdict de culpabilité pour infraction à l'art. 117 al. 1 LEI sera rendu sur ce point également.

2.2.2.3. S'agissant enfin d'E______, le Tribunal considère qu'il n'est pas exclu que, lors de l'engagement du précité, une confusion soit survenue entre son permis de séjour français pour ressortissant non européen et un permis B biométrique suisse.

Il est davantage problématique qu'après la découverte de cette erreur et le dépôt d'une demande de permis G, A______ Sàrl ait immédiatement mis au travail l'intéressé avant d'obtenir une réponse de l'OCPM, ce qui n'était pas possible compte tenu de la nationalité kosovare de celui-ci. Quand bien même la survenance d'une seconde erreur pour ce même employé apparait quelque peu étonnante, il n'est cependant pas exclu que les personnes ayant déposé la demande de permis aient pensé que l'employé en question était autorisé à travailler dans l'attente d'une réponse, comme c'est le cas pour les ressortissants de l'UE/AELE. Il n'est pas non plus possible d'exclure que la prévenue ait ignoré, à l'époque, la situation relative à cet employé.

Cela étant, étant rappelé qu'elle a elle-même indiqué que A______ Sàrl n'employait, à l'époque que trois personnes au niveau administratif, dont deux venaient d'être engagées, et compte tenu du grand nombre d'employés recrutés pendant cette même époque, une négligence de la prévenue doit être retenue, dans la mesure où il lui incombait d'organiser sa société de manière à éviter la survenance d'une telle erreur, qu'il s'agisse du nombre d'employés, respectivement des marches à suivre en terme de demandes de permis de travail.

Ainsi, une infraction par négligence au sens de l'art. 117 al. 3 LEI sera retenue sur ce point.

3.1.1. Le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP).

3.1.2. Sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (art. 34 al. 1 CP). En règle générale, le jour-amende est de 30 francs au moins et de 3000 francs au plus. […] Il fixe le montant du jour amende selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (art. 34 al. 2 CP).

Sauf disposition contraire de la loi, le montant maximum de l'amende est de 10 000 francs (art. 106 al. 1 CP). Le juge prononce dans son jugement, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus (art. 106 al. 2 CP). Le juge fixe l'amende et la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (art. 106 al. 3 CP).

3.1.3. Si la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine (art. 52 CP).

3.1.4. Lorsque l'auteur a réparé le dommage ou accompli tous les efforts que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour compenser le tort qu'il a causé, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine s'il encourt une peine privative de liberté d'un an au plus avec sursis, une peine pécuniaire avec sursis ou une amende, si l'intérêt public et l'intérêt du lésé à poursuivre l'auteur pénalement sont peu importants, et si l'auteur a admis les faits (art. 53 CP).

Il n'est pas nécessaire que l'auteur répare entièrement le dommage. Il suffit qu'il entreprenne tous les efforts que l'on peut exiger de lui, en tenant compte de ses possibilités et de ses limites. Il appartient à l'autorité compétente de déterminer si l'auteur a fourni les efforts nécessaires au regard de l'ensemble des circonstances, notamment de sa culpabilité et de sa situation financière. Elle dispose à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_34/2012 du 4 juin 2012, consid. 1.2 et références citées). Selon le Tribunal fédéral, pour bénéficier d'un classement ou d'une exemption de peine, le prévenu doit démontrer par la réparation du dommage qu'il assume ses responsabilités et reconnaît notamment le caractère illicite ou du moins incorrect de son acte (arrêt du Tribunal fédéral 6B_152/2007 du 13 mai 2008, consid. 5.2.3).

3.1.5. Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP). Si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 3 CP).

3.2. En l'espèce, la faute de la prévenue n'est pas négligeable. Elle a fait preuve, à plusieurs reprises, de légèreté, sans égard pour les règles instituées en matière de droit des étrangers.

Sa collaboration à la procédure est moyenne. Si elle ne conteste pas la matérialité des faits, elle en conteste toutefois tout caractère pénal. Dans cette mesure la prise de conscience n'apparait pas réellement entamée. La prévenue n'a pas véritablement présenté d'excuses ou fait part de regrets. Il sera relevé que les charges sociales des employés ont été payées. Il y a concours entre les infractions commises.

La situation personnelle de la prévenue n'excuse pas ses actes.

Il n'y a pas de place pour l'application de l'art 52 CP, encore moins pour celle de l'art. 53 CP. A cet égard, compte tenu d'une part de ses dénégations quant au caractère pénal de ses actes et, d'autre part, de la répétition des infractions au cours de la période pénale, la faute de la prévenue ne peut être qualifiée de légère et il ne saurait être retenu qu'elle a réparé le dommage ou accompli tous les efforts que l'on pouvait raisonnablement attendre d'elle pour compenser le tort causé.

Ainsi, s'agissant des délits, elle sera condamnée à une peine pécuniaire de 50 jours-amende. Le montant du jour-amende sera fixé à CHF 100.- le jour, pour tenir compte de sa situation financière, en particulier de sa fortune conséquente, malgré l'absence alléguée de revenus. La prévenue sera mise au bénéfice du sursis dont les conditions sont indiscutablement réalisées, avec un délai d'épreuve de 3 ans. Le prononcé d'une contravention, à titre de sanction immédiate conjointement au sursis, n'apparait pas nécessaire.

La prévenue sera toutefois condamnée à une amende de CHF 1'000.- s'agissant de la contravention commise. Une peine privative de liberté de substitution de 10 jours sera prononcée pour le cas où, de manière fautive, elle ne paierait pas l'amende.

4.1. Si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

4.2. En l'espèce, compte tenu du verdict de culpabilité, les conclusions en indemnisation seront rejetées.

5.1. Le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné (art. 426 al. 1 CPP).

5.2. En l'espèce, au vu du verdict de culpabilité, les frais de la procédure seront mis à la charge de la prévenue, mais arrêtés pour tenir compte du fait qu'elle obtient gain de cause s'agissant de la peine prononcée par Ministère public dans son ordonnance pénale.

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 22 août 2022 et l'opposition formée contre celle-ci par X______ le 12 septembre 2022.

et statuant contradictoirement :

Déclare X______ coupable d'infraction à l'art. 117 al. 1 de la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) et d'infraction à l'art. 117 al. 3 de la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI).

Condamne X______ à une peine pécuniaire de 50 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 100.-.

Met X______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit X______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne X______ à une amende de CHF 1'000.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 10 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Rejette les conclusions en indemnisation de X______ (art. 429 CPP).

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'126.-, y compris un émolument de jugement de CHF 500.-, frais arrêtés à CHF 800.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Carole PERRIERE

Le Président

Christian ALBRECHT

 

 

Vu le jugement du 17 juillet 2023;

Vu l'annonce d'appel formée par X______ par pli du 25 juillet 2023, reçu le 26 juillet 2023 (art. 82 al. 2 let. b CPP);

Vu l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale prévoyant, dans un tel cas, que l'émolument de jugement fixé est en principe triplé (RTFMP; E 4.10.03);

Attendu qu'il se justifie de mettre à la charge de X______ un émolument complémentaire;

LE TRIBUNAL DE POLICE

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 1'000.-.

Condamne X______ à payer à l'Etat de Genève l'émolument complémentaire fixé à CHF 1'000.-.

 

La Greffière

Carole PERRIERE

Le Président

Christian ALBRECHT

 

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

Etat de frais

Frais de l'ordonnance pénale

CHF

510.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

45.00

Frais postaux (convocation)

CHF

14.00

Emolument de jugement

CHF

500.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

7.00

Total

CHF

1'126.00, arrêtés à CHF 800.-.

==========

Emolument de jugement complémentaire CHF 1'000.-

==========

Total des frais CHF 2'126.00

 

Restitution de valeurs patrimoniales et/ou d'objets

Lorsque le présent jugement sera devenu définitif et exécutoire, il appartiendra à l'ayant-droit de s'adresser aux Services financiers du pouvoir judiciaire (finances.palais@justice.ge.ch et +41 22 327 63 20) afin d'obtenir la restitution de valeurs patrimoniales ou le paiement de l'indemnité allouée, ainsi que, sur rendez-vous, au Greffe des pièces à conviction (gpc@justice.ge.ch et +41 22 327 60 75) pour la restitution d'objets.

 

 

Notification à X______, soit pour elle son Conseil
Par voie postale

Notification au Ministère public
Par voie postale