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Décisions | Tribunal pénal

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P/7795/2022

JTDP/902/2023 du 06.07.2023 ( PENAL ) , JUGE

Normes : CP.197; LStup.19a; CP.197
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

 

Chambre 12


6 juillet 2023

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

Monsieur X_____, né le _____1997, domicilié A_____ Genève, prévenu, assisté de Me B_____


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à la culpabilité de X_____ des chefs de pornographie et de contravention à la LStup, au prononcé d'une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 30.- le jour, assortie du sursis, le délai d'épreuve devant être fixé à 3 ans et à une interdiction à vie d'exercer toute activité professionnelle et non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs.

Me B_____, conseil de X_____, ne s'oppose pas à un verdict de culpabilité. Il s'en rapporte à justice quant à la peine, celle-ci devant être assortie du sursis. Il s'oppose à la mesure requise.

***

EN FAIT

A.a. Par acte d'accusation du 5 décembre 2022, il est reproché à X_____ de s'être rendu coupable de pornographie au sens de l'art. 197 al. 4 et 5 CP pour avoir, à Genève, à une date indéterminée durant les vacances de noël 2021, pris en dépôt sur l'application TELEGRAM, pour sa propre consommation, deux photos à caractère pédopornographique mettant en scène des garçons nus avec le sexe en érection, puis d'avoir, le 9 janvier 2022, à 12h07, via son compte XA_____ sur l'application SNAPCHAT, intentionnellement mis à disposition de tierces personnes lesdites photos.

b. Il lui est également reproché une consommation de stupéfiants au sens de l'art. 19a ch. 1 LStup pour avoir, à Genève, à des dates indéterminées au cours de l'été 2021, fumé des joints de marijuana.

B. Le Tribunal tient pour établis les faits pertinents suivants:

a. Les faits tels que décrits dans l'acte d'accusation sont admis par le prévenu (B-7 à B-9, C-3) et établis sur la base des photographies au dossier (B-19, B-25) et du rapport de l'Office fédéral de la police du 18 janvier 2022 (B-23). Ce dernier a été dressé suite au signalement fait par la plateforme SNAPCHAT, le 10 janvier 2022, à travers le National Center for Missing and Exploited Children (NCMEC), pour diffusion, via le compte "XA______" exploité par X_____, de deux images à caractère pédopornographique représentant deux jeunes garçons nus en train de se prendre en photo avec le sexe en érection.

b. X_____ a en substance expliqué avoir reçu lesdites photographies de la part d'un inconnu sur la plateforme TELEGRAM et les avoir conservées durant deux ou trois jours, avant de les transférer à deux interlocuteurs inconnus via SNAPCHAT. Il avait agi de la sorte afin d'appâter et conquérir la confiance d'hommes plus âgés ayant une perversion pour les jeunes garçons, sans être lui-même sexuellement attiré par les mineurs. Ayant subi du harcèlement à l'école et refoulé son homosexualité durant plusieurs années, il éprouvait un plaisir particulier à connaître les fantasmes les plus cachés et interdits des hommes qu'il rencontrait sur internet. Il avait découvert ce penchant durant l'été 2021, lors d'une rencontre virtuelle avec un homme âgé de cinquante ans, dont il avait compris, au fil de leur discussion, qu'il était pédophile. Ce constat l'avait choqué, mais il avait tout de même été captivé par le discours de cet homme. Quelques mois plus tard, souhaitant retrouver la même montée d'adrénaline, il était retourné sur la plateforme en ligne, dans l'espoir d'apprendre d'autres secrets, voire d'actes graves cachés par ses interlocuteurs. C'était à ce moment qu'il avait partagé les photos incriminées. Le fait de communiquer avec des hommes qui, tout comme lui, n'assumaient pas leur homosexualité, l'avait réconforté et fait sentir moins seul. Au moment des faits, il se trouvait en effet dans un état de mal-être généralisé. Il consommait passablement d'alcool et de marijuana et s'était isolé socialement. Lorsqu'il avait reçu les photographies incriminées, il n'avait pas été particulièrement choqué, puisqu'il lui était arrivé, en tant que mineur, de prendre des photos à caractère sexuel de lui-même. Avec le recul, il réalisait que l'échange de telles images encourageait des comportements dangereux et contribuait au "fléau" de la pédophilie.

c. X_____ a entrepris un suivi au sein du cabinet de la Dresse C_____, psychiatre à Paris, le 25 juin 2022 (C-11).

Il s'est également soumis à une expertise psychiatrique privée réalisée par le Dr D_____, à Genève. À teneur du rapport d'expertise du 27 février 2023, aucun trouble mental limitant et notamment aucun trouble de type pédophile n'avait été mis en évidence chez X_____. Sa dépendance à l'alcool, tout comme celle au cannabis, ne l'empêchaient pas de réussir ses projets de vie, de sorte qu'elles n'étaient pas limitantes. Bien que sa consommation de ces substances avait pu émousser sa capacité volitive et cognitive, il était impossible d'évaluer sa capacité de discernement au moment des faits. L'expertisé avait exprimé des remords mais donnait l'impression de ne pas avoir cerné toutes les conséquences liées à l'utilisation des photographies pédopornographiques. Si ses échanges sur les réseaux sociaux semblaient être davantage motivés par la recherche de secrets que par la pédophilie elle-même, une certaine confusion semblait subsister, chez l'expertisé, entre les actes de pédopornographie reprochés et son homosexualité.

C.a. À l'audience de jugement, X_____ a réitéré ses aveux ainsi que les explications fournies durant l'instruction. Il a ajouté que ses rencontres avec les deux médecins psychiatres lui avaient fait du bien. Il avait entrepris un sevrage d'alcool, de cannabis et de tabac. Il n'avait, jusque-là, pas réalisé que sa consommation, bien que réduite, demeurait problématique. Il ne ressentait désormais plus le besoin d'être suivi sur le plan psychologique, ce d'autant plus que la planification de nouveaux rendez-vous était devenue compliquée. Il n'était, au demeurant, pas intéressé à entreprendre des activités professionnelles ou associatives avec des mineurs.

b. E_____, mère du prévenu, a décrit son fils comme étant un jeune homme très sensible et discret mais aucunement déviant. Elle a ajouté qu'à la réception du mandat de comparution, celui-ci s'était effondré. Ils en avaient passablement discuté en famille et mis en place les mesures nécessaires pour que son fils ne se sente pas jugé. Celui-ci avait été soulagé de pouvoir se confier, ce qui avait par ailleurs eu pour effet d'assainir leurs dynamiques familiales.

D. X_____, ressortissant suisse, est né le _____1997 à Genève. Il est célibataire, sans enfant. Il travaille en qualité de designer à Paris et réalise un revenu moyen d'EUR 2'300.- bruts par mois. Son loyer s'élève à EUR 700.- et il n'a pas d'assurance maladie complémentaire.

L'extrait de son casier judiciaire suisse est vierge.

 

EN DROIT

1.1.1.      Aux termes de l'art. 197 al. 4 CP, quiconque fabrique, importe, prend en dépôt, met en circulation, promeut, expose, offre, montre, rend accessible, met à disposition, acquiert, obtient par voie électronique ou d’une autre manière ou possède des objets ou représentations visés à l’al. 1, soit notamment des images ou autres objets pornographiques, ayant comme contenu des actes d’ordre sexuel avec des animaux, des actes de violence entre adultes ou des actes d’ordre sexuel non effectifs avec des mineurs, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. Si les objets ou représentations ont pour contenu des actes d’ordre sexuel effectifs avec des mineurs, la sanction est une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire.

1.1.2.      Selon l'al. 5 de cette même disposition, quiconque consomme ou, pour sa propre consommation, fabrique, importe, prend en dépôt, acquiert, obtient par voie électronique ou d’une autre manière ou possède des objets ou représentations visés à l’al. 1, ayant comme contenu des actes d’ordre sexuel avec des animaux, des actes de violence entre adultes ou des actes d’ordre sexuel non effectifs avec des mineurs, est puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire. Si les objets ou représentations ont pour contenu des actes d’ordre sexuel effectifs avec des mineurs, la sanction est une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire.

1.1.3.      Par mineur, on entend toute personne de moins de 18 ans (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1260/2017 du 23 mai 2018 consid. 2. 1; Message concernant l'approbation de la convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels [convention de Lanzarote] et sa mise en œuvre [modification du code pénal] du 4 juillet 2012, FF 2012 7095, ch. 2.6.3.2).

1.1.4.      Selon la jurisprudence, il faut entendre, s'agissant de la notion d'acte d'ordre sexuel, une activité corporelle sur soi-même ou sur autrui qui tend à l'excitation ou à la jouissance sexuelle de l'un des participants au moins. L'acte doit avoir un caractère sexuel, selon une appréciation objective, et il doit être tenu compte de l'âge de la victime. En conséquence, la notion d'actes d'ordre sexuel doit être interprétée plus largement, pour toutes les infractions contre l'intégrité sexuelle, lorsque la victime est un enfant (ATF 125 IV 62, cité dans l'ACJP/131/2010 de la Chambre pénale de Genève du 17 mai 2010, consid. 3.3.2).

1.1.5.      Dans son arrêt 6B_1260/2017 du 23 mai 2018, le Tribunal fédéral a confirmé le caractère pédopornographique au sens de l'art. 197 al. 5 CP s'agissant de trois photographies représentant deux adolescents avec le sexe en érection, dont l'un se masturbe (arrêt cité consid. 2.3).

1.1.6.      L'interdiction de la pornographie pédophile vise à permettre le libre développement des enfants et des jeunes, mais aussi à empêcher les consommateurs adultes d'imiter ou de transformer ce qui se passe en réalité, et ainsi à les protéger d'effets corrupteurs À cet égard, cette disposition constitue une infraction abstraite de mise en danger (ATF 131 IV 16 consid. 1.2).

1.1.7.      La teneur de l'art. 197 CP a changé avec effet au 1er juillet 2014 afin de rendre le droit suisse compatible avec la Convention de Lanzarote (Message concernant l'approbation de la convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels [convention de Lanzarote] et sa mise en œuvre [modification du code pénal] du 4 juillet 2012, FF 2012 7051). Pour l'essentiel, le nouveau droit étend la punissabilité à des actes qui ne tombaient jusque-là pas sous le coup de la loi pénale, tels que la consommation de représentations de pornographie dure sans téléchargement, et prévoit une distinction, quant à la peine, selon que les actes sexuels commis dans le cadre des représentations concernées sont effectifs ou non.

Le texte révisé des art. 197 al. 4 et 5 CP apporte une nuance importante, en optant pour un mode de classification fondé sur le dessein de diffusion. Ainsi, les mêmes comportements tombent sous le coup de l'art. 197 al. 5 CP (cas atténué) s'ils sont commis aux fins de consommation propre, ou de l'art. 197 al. 4 CP dans les autres cas.

1.1.8.      Le Tribunal fédéral a jugé que, lorsqu'elle a pour objet une représentation pornographique, la possession doit s'entendre de manière analogue à celle du droit civil de l'art. 919 CC. Toute personne qui a la maîtrise effective d'une image informatique et la volonté d'exercer cette maîtrise doit être considérée comme possesseur. Tel est d'abord le cas de celui qui a procédé à la sauvegarde d'images sur son propre support de données - disque dur de son ordinateur ou disque compact - car il peut alors consulter à nouveau ces images à loisir (ATF 137 IV 208 in JdT 2012 IV 144).

1.1.9.      L'art. 197 al. 8 CP prévoit qu'un mineur de plus de 16 ans qui produit, possède ou consomme, avec le consentement d'une autre personne mineure, des objets ou des représentations au sens de l'al. 1 qui les impliquent, n'est pas punissable. Cette réserve prend en compte le phénomène du « sexting », soit l'auto-enregistrement à caractère pornographique et le transfert ultérieur du fichier capturé (TRECHSEL/BERTOSSA, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 3e éd., 2018, n° 18b ad art. 197 CP). Dès lors que des adolescents peuvent se livrer à des actes sexuels sur eux-mêmes ou avec des partenaires consentants pour autant que la différence d'âge ne dépasse pas trois ans (art. 187 al. 2 CP), il ne peut être question ni de protéger leur développement, ni de lutter contre l'exploitation d'enfants-acteurs (CAMBI FAVRE-BULLE, Commentaire romand, Code pénal II, art. 111-392 CP, n° 50 ad art. 197 CP).

1.1.10.  Sur le plan subjectif, il est nécessaire que l'auteur agisse intentionnellement. L'intention doit notamment porter sur le caractère pornographique de l'objet ou de la représentation en question (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1260/2017 du 23 mai 2018 consid. 2. 1; ATF 99 IV 57, JdT 1974 IV 34). Le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1260/2017 du 23 mai 2018 consid. 2. 1; ATF 99 IV 57, JdT 1974 IV 34).

1.1.11.  Aux termes de l'art. 19a ch. 1 LStup, celui qui, sans droit, aura consommé intentionnellement des stupéfiants ou celui qui aura commis une infraction à l'art. 19 pour assurer sa propre consommation est passible de l'amende.

1.2.1. En l'espèce, s'agissant des actes de pornographie reprochés, il est admis et établi que le prévenu a pris en dépôt, puis mis à disposition de tiers deux photographies représentant des pré-adolescents nus avec le sexe en érection, soit des images de mineurs objectivement de nature à provoquer l'excitation sexuelle.

La sauvegarde de telles images, ne saurait-ce que pour une courte durée de deux ou trois jours, rentre expressément dans le cadre visé par l'art. 197 CP, tout comme leur transmission à des tiers.

Le fait que le prévenu ait enregistré et transmis des images pédophiles aux simples fins d'appâter des hommes d’âge mûr et pervers ne saurait exclure sa culpabilité, dans la mesure où l'art. 197 al. 4 et 5 CP vise précisément à lutter contre l'exploitation d'enfants-acteurs, comme c'est le cas en l'espèce, même s'il s'agit d'une photographie prise par les mineurs eux-mêmes. Peu importe donc que le prévenu ait agi dans le but d'assouvir un désir d'excitation sexuelle par la simple découverte de faits graves et sordides concernant ses interlocuteurs, du moment où, pour ce faire, il a utilisé des images pédopornographiques explicitement visées par cette disposition.

Les faits se distinguent également des amours juvéniles visés par l'art. 197 al. 8 CP, dès lors qu'il ne s'agit, en l'occurrence, pas d'une relation de type « sexting » entretenue entre deux personnes mineures mais bel et bien de l'utilisation d'images pédopornographiques, par des hommes majeurs, à des fins d'excitation ou de jouissance sexuelle.

Au vu de ce qui précède, le prévenu sera reconnu coupable de pornographie au sens de l'art. 197 al. 4 et 5 CP.

1.2.2. Le prévenu sera également reconnu coupable de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup) pour avoir régulièrement consommé des joints de cannabis, conformément à ce qui ressort de l'établissement des faits.

2.1.1. Selon l'art. 47 al. 1 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir.

La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP).

2.1.2. Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP).

2.2.1. En l'espèce la faute du prévenu est importante. Il n'a pas hésité à utiliser des sites internet dans le but d'enregistrer puis diffuser des photographies contenant de la pornographie enfantine. Si le prévenu n'est certes pas l'auteur desdites photos, il n'en est pas moins le consommateur et a participé à leur diffusion. Dans cette mesure, il alimente la production de telles images.

Son mobile est égoïste, à savoir une forme d'assouvissement de ses désirs sexuels et la recherche d'émotions fortes.

Les enjeux de protection de la norme enfreinte sont fondamentaux, soit la protection des plus jeunes et l'interdiction de leur exploitation.

La collaboration à la procédure du prévenu est bonne, dès lors qu'il a immédiatement admis les faits reprochés.

Sa prise de conscience et certes ébauchée mais demeure imparfaite, dans la mesure où il persiste à justifier ses agissements, notamment par le besoin de ne plus se sentir marginalisé et de savoir qu'il n'est pas le seul porteur d'un secret.

Le prévenu n'a pas d'antécédents, facteur neutre dans la fixation de la peine.

Selon la systématique de la loi, la peine pécuniaire doit d'abord être envisagée.

Au vu des éléments qui précèdent, le prévenu sera condamné à une peine pécuniaire de 80 jours-amende. Le montant du jour-amende sera arrêté à CHF 50.- pour tenir compte de la situation financière du prévenu.

Le pronostic n'étant pas défavorable, la peine sera assortie du sursis complet et le délai d'épreuve sera fixé à 3 ans.

La consommation de stupéfiants sera, quant à elle, réprimée par le biais d'une amende de CHF 100.-.

3.1.1. Selon l'art 123c Cst, accepté en votation populaire le 18 mai 2014 et entré en vigueur le même jour, quiconque est condamné pour avoir porté atteinte à l’intégrité sexuelle d’un enfant ou d’une personne dépendante est définitivement privé du droit d’exercer une activité professionnelle ou bénévole en contact avec des mineurs ou des personnes dépendantes.

3.1.2. Selon l'art. 67 al. 3 let. d ch. 2 CP, mettant en œuvre la disposition constitutionnelle précitée et entré en vigueur le 1er janvier 2019, s’il a été prononcé contre l’auteur une peine ou une mesure prévue aux art. 59 à 61, 63 ou 64 pour pornographie au sens de l’art. 197 al. 4 ou 5, si les objets ou représentations avaient comme contenu des actes d’ordre sexuel avec des mineurs, le juge lui interdit à vie l’exercice de toute activité professionnelle et de toute activité non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs.

3.1.3. Selon l'art. 67 al. 4bis CP, dans les cas de très peu de gravité, le juge peut exceptionnellement renoncer à prononcer une interdiction d’exercer une activité au sens des al. 3 ou 4 lorsqu’elle ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres infractions passibles de cette même mesure. Il ne peut le faire si l’auteur a été condamné pour traite d’êtres humains (art. 182), contrainte sexuelle (art. 189), viol (art. 190), actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191) ou encouragement à la prostitution (art. 195) (let. a), ou qu’il est pédophile conformément aux critères de classification internationalement reconnus (let. b).

Selon le message du Conseil fédéral du 3 juin 2016 (FF 2016 5947 ss), les conditions permettant de ne pas interdire systématiquement à vie l’exercice d’une activité restent très strictes. Il faut à la fois qu’il s’agisse d’un cas d’infraction sexuelle de très peu de gravité et que l’interdiction ne paraisse pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres infractions passibles de la même mesure. L’ajout de l’adverbe « exceptionnellement » souligne le fait que l’interdiction systématique à vie devra être la règle. Cette clause d’exception est conforme à l’objectif des auteurs de l’initiative. Avant la votation, ceux-ci ont précisé que l’interdiction à vie d’exercer une activité visait les cas de pédophilie et non les amours adolescentes. Comme le veut le principe d’égalité devant le droit, la clause d’exception s’applique aussi à des cas similaires, de très peu de gravité, s’ils remplissent les conditions, notamment s’ils ne relèvent pas de la pédophilie. La nouvelle formulation précise que les cas doivent être de très peu de gravité. Ainsi, ne sont pas concernés par l’interdiction uniquement les cas objectivement et subjectivement mineurs. Il convient d’être très strict en la matière, autrement dit de recourir à la clause d’exception avec la plus grande retenue. On considèrera par exemple comme infraction sexuelle de très peu de gravité, du fait de la légèreté de la peine abstraite qui leur est attachée, les désagréments causés par la confrontation à un acte d’ordre sexuel (art. 198 CP) ou l’exhibitionnisme (art. 194 CP). Mais d’autres infractions sexuelles exposant leur auteur à des peines plus lourdes pourront aussi, dans certains cas, être considérées comme étant de très peu de gravité, notamment lorsque le juge relativise fortement la culpabilité de l’auteur et prononce une peine légère suite à une appréciation globale de l’infraction commise et de la situation de l’auteur. Même si les conditions sont remplies, la renonciation à l’interdiction, à titre exceptionnel, dépend de l’appréciation du juge. Le juge pourra renoncer à prononcer une interdiction d’exercer une activité par exemple dans les cas suivants:

– Une personne de 20 ans a des contacts sexuels consentis avec une autre de 15 dans le cadre d’une relation amoureuse (exemples: baisers avec la langue; infraction commise: actes d’ordre sexuel avec des enfants au sens de l’art. 187, al. 1, CP);

– Un buraliste vend une revue pour adultes à un mineur (infraction commise: pornographie au sens de l’art. 197, al. 1, CP);

– Un groupe WhatsApp de jeunes, qui ont entre 15 ans et plus de 18 ans partagent par exemple une vidéo à caractère pornographique filmée par des participants à ce groupe de moins de 16 ans. Dans ce cas, tous les participants, indépendamment de leur âge, sont condamnables pour pornographie au sens de l’art. 197, al. 5, CP, pour autant qu’ils n’aient pas effacé immédiatement la vidéo, mais l’aient conservée sur leurs téléphones (possession de représentations à caractère pédopornographique);

– Autre exemple où le juge pourra appliquer la clause d’exception: en 2014, une femme a été condamnée par ordonnance pénale pour acte d’ordre sexuel avec des enfants (art. 187, al. 1, CP) parce que, sans protester, elle s’est laissée caresser par son époux de manière lascive et ostensible devant leur nourrice qui était mineure.

La clause d’exception doit permettre d’éviter que le principe de proportionnalité ne soit violé de manière choquante, en l’occurrence que le juge ordonne une interdiction à vie dans des cas de très peu de gravité où l’auteur n’est pas pédophile et ne risque pas de commettre à nouveau l’une des infractions sexuelles visées. La let. b, ajoutée au moment du projet, garantit que, indépendamment de la nature et de la gravité de l’infraction commise, les auteurs reconnus pédophiles conformément à des critères de classifications internationales ne pourront pas bénéficier de la clause d’exception. Par principe, les auteurs pédophiles devront être condamnés à une interdiction à vie. Conformément à ce qu’admettent les milieux scientifiques aujourd’hui, cette règle est fondée sur le principe que la pédophilie est incurable (voir ch. 1.2.5).

3.2.1. En l'espèce, les faits de pornographie sont postérieurs au 1er janvier 2019 et ont notamment comme contenu des actes d'ordre sexuel avec des mineurs. Une interdiction à vie d'exercice de toute activité professionnelle et de toute activité non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs doit donc en principe être prononcée.

3.2.2. Le prévenu n'a pas commis l'une des infractions figurant à l'art. 67 al. 4bis let. a. La question de savoir s'il est pédophile au sens de l'art. 67 al. 4bis let. b peut en revanche demeurer ouverte, dès lors qu'il ne remplit en tout état manifestement pas les conditions très strictes de la clause d'exception.

En effet, la faute du prévenu, qui a diffusé intentionnellement des vidéos à caractère pédophiles pour appâter, selon ses propres termes, des hommes d’âge mûr et pervers, n'est pas de très peu de gravité. Le Tribunal n'a pas fortement relativisé la culpabilité du prévenu, bien au contraire, puisqu'il l'a qualifiée d'importante. La motivation du prévenu ne saurait d'ailleurs être comparée ni avec les amours adolescentes ni avec les autres exemples cités par le Conseil fédéral dans son message, situations dans lesquelles le prononcé d'une mesure d'interdiction à vie serait manifestement disproportionné. Enfin, même si cette mesure peut objectivement être considérée comme lourde, le Tribunal est lié par le choix de politique pénale du constituant souverain, tel que mis en œuvre par le pouvoir législatif. Ainsi, le Tribunal considère que les conditions d'application de la clause d'exception ne sont pas réunies et prononcera par conséquent l'interdiction à vie conformément à la loi.

4. Vu le verdict condamnatoire prononcé à son encontre, le prévenu sera condamné aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'005.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Vu l’annonce d’appel du prévenu à l’origine du présent jugement motivé, ce dernier sera condamné à un émolument complémentaire de jugement de CHF 600.- (art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale RTFMP; E 4.10.03).

***

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Déclare X_____ coupable de pornographie (art. 197 al. 4 et 5 CP) et de contravention à la LStup (art. 19a ch. 1 LStup).

Condamne X_____ à une peine pécuniaire de 80 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 50.-.

Met X_____ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit X_____ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne X_____ à une amende de CHF 100.- (art. 106 CP et 19a ch. 1 LStup).

Prononce une peine privative de liberté de substitution d'un jour.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Interdit à vie à X_____ l'exercice de toute activité professionnelle et de toute activité non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs (art. 67 al. 3 CP).

Condamne X_____ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'005.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Séverine CLAUDET

Le Président

Antoine HAMDAN

 

 

Vu l'annonce d'appel formée par X_____, laquelle entraîne la motivation écrite du jugement (art. 82 al. 2 lit. b CPP).

LE TRIBUNAL DE POLICE

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Condamne X_____ à payer à l'Etat de Genève l'émolument complémentaire fixé à CHF 600.-.

La Greffière

Séverine CLAUDET

 

Le Président

Antoine HAMDAN

 

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

560.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

60.00

Frais postaux (convocation)

CHF

28.00

Emolument de jugement

CHF

300.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

7.00

Total

CHF

1005.00

Emolument complémentaire

CHF

600.00

Total

CHF

1605.00

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