Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/505/2025 du 25.09.2025 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/307/2025-CS DCSO/505/25 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 25 SEPTEMBRE 2025 |
Plainte 17 LP (A/307/2025-CS) formée en date du 27 janvier 2025 par A______ LIMITED, représenté par Me Damien CAND, avocat.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :
- A______ LIMITED
c/o Me CAND Damien
Gillioz Dorsaz & Associés
Rue du Général-Dufour 11
Case postale 5840
1211 Genève 11.
- B______ SA, EN LIQUIDATION
c/o OFFICE CANTONAL DES
FAILLITES
Route de Chêne 54
Case postale
1211 Genève 6.
- Office cantonal des poursuites.
A. a. B______ SA (ci-après B______) est une société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève, ayant son siège route 1______ no. ______, [code postal] C______ (GE), et pour but tous investissements dans les domaines financier et immobilier, du commerce du vin et de produits de luxe, notamment la fourniture de tous conseils, services et accompagnement d'entrepreneurs chinois souhaitant investir en Europe.
b. A______ LTD (ci-après A______) est une société incorporée à Hong Kong.
c. A______ allègue que B______ serait actionnaire unique de D______ SA (ci-après D______), société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève, ayant son siège route 2______ no. ______, [code postal] C______, ayant pour but l'acquisition, la construction, la détention et la revente de biens immobiliers et propriétaire de deux immeubles situés route 1______ nos. ______, parcelles n° 3______ et 4______ de la commune de C______ acquis en 2016 au prix de 13'000'000 fr. Elle souligne que les administrateurs de cette société sont les mêmes que ceux de B______.
d. A______ a requis deux poursuites à l'encontre de B______, n° 5______ et n° 6______ pour des montants de respectivement 17'340'592 fr. et 807'898 fr., en remboursement d'un prêt de 19'090'000 dollars états-uniens qu'elle lui avait octroyé en 2022 et dont les fonds avaient été versés sur un compte auprès de E______.
B______ ayant formé opposition aux commandements de payer, A______ en a obtenu la mainlevée et requis la continuation de la poursuite le 24 septembre 2024, de sorte que l'Office a notifié à la débitrice deux comminations de faillite le 8 octobre 2024.
e. A______ a requis le 7 novembre 2024 la faillite de B______. Elle a préalablement conclu à ce qu'il soit immédiatement procédé à l'inventaire des biens de la citée et à ce qu'il soit fait interdiction à B______ de transférer le produit de l'aliénation des actions de D______ sur un compte situé à l'étranger en cas de vente.
f. Par ordonnance du 7 novembre 2024, le Tribunal de première instance (ci-après le Tribunal) a fait droit à la requête préalable en inventaire, mais rejeté celle visant à l'interdiction de disposer du produit de l'aliénation des actions de D______.
g. L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office genevois) a procédé à l'inventaire des biens de B______ le 13 novembre 2024.
Il a constaté que celle-ci ne disposait d'aucuns locaux, ni d'aucuns biens à la route 1______ no. ______, mais uniquement d'une boîte-aux-lettres. Il a en revanche découvert que la société avait à tout le moins des locaux et peut-être un véhicule dans le canton de Vaud, au Centre commercial F______ à G______.
Il a par conséquent délégué le 11 décembre 2024 à l'Office des poursuites du district de G______ (ci-après l'Office vaudois) l'établissement de l'inventaire.
Ce dernier a procédé à l'inventaire le 13 décembre 2024 et en a transmis le procès-verbal à l'Office genevois. Il y figure essentiellement du matériel de bureau de peu de valeur, un véhicule estimé à 30'000 fr. et de l'argent liquide pour un montant de l'ordre de 2'600 fr.
L'Office genevois a établi le procès-verbal d'inventaire final n° 7______ à l'attention du Tribunal le 9 janvier 2025, qui en a notifié copie à A______ le 15 janvier 2025.
h. Le Tribunal a prononcé la faillite de B______ le 20 février 2025.
B. a. Par acte expédié le 27 janvier 2025 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre le procès-verbal d'inventaire du 9 janvier 2025, concluant à ce qu'il soit ordonné à l'Office de le compléter en y intégrant l'intégralité des actifs de B______, notamment des participations, des créances et avoirs bancaires.
Elle s'étonnait en substance que l'Office n'ait pas trouvé trace des actions de D______, ni d'un compte bancaire auprès de E______ sur lequel le montant du prêt dont elle tentait d'obtenir le remboursement avait été versé. Elle reprochait à l'Office de ne pas s'être montré suffisamment diligent dans la recherche des actifs de la débitrice, notamment en interrogeant ses organes, en se faisant remettre sa comptabilité ou en effectuant des recherches bancaires.
b. Dans ses observations du 4 mars 2025, B______ ne conteste pas le caractère lacunaire de l'inventaire du 9 janvier 2025 en tant qu'il ne mentionnait que ses actifs tangibles et non pas ses actifs immatériels, ce dont elle avait averti l'huissier de l'Office vaudois. Ce dernier aurait toutefois soutenu qu'il ne devait s'intéresser qu'aux actifs corporels, l'Office de Genève étant compétent pour les actifs immatériels. Elle était à disposition pour procéder à l'inventaire desdits actifs.
c. L'Office s'est déterminé le 6 mars 2025, concluant à ce que la plainte soit déclarée sans objet, la faillite de B______ ayant été prononcée dans l'intervalle. Il n'était de ce fait plus compétent pour établir un inventaire, seul l'Office des faillites l'étant dans le cadre de l'administration de la faillite.
d. A______ a répliqué le 14 mars 2025 que la plainte conservait un objet en ce sens que s'il devait se confirmer que l'inventaire était incomplet une plainte pénale pourrait être déposée au sens de l'art. 323 al. 3 CP. En outre, si des actifs avaient été aliénés ou dépréciés par la B______ entre l'établissement de l'inventaire et la faillite, il en découlerait également des conséquences pénales pour les organes de B______, ainsi des conséquences civiles pour l'Etat de Genève en cas de préjudice subi par la créancière. Il persistait par conséquent un intérêt à l'établissement d'un inventaire précis pour A______.
e. L'Office a dupliqué le 26 mars 2025, persistant à considérer que la plainte n'avait plus d'objet, ce d'autant plus que même s'il avait encore la compétence de procéder à un inventaire, celui-ci interviendrait après le prononcé de la faillite et ne pourrait par conséquent avoir le moindre effet en termes d'interdiction de disposer de ses biens de B______ avant le prononcé de sa faillite.
f. La Chambre de surveillance a informé les parties par avis du 16 avril 2025 que la cause était gardée à juger.
1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est a priori recevable à ces égards.
2. 2.1.1 Il n'y a pas lieu d'entrer en matière – faute d'intérêt concret du plaignant – sur des plaintes formulées dans le seul but de faire constater qu'un organe de poursuite a, en agissant ou en omettant d'agir, violé ses obligations
(ATF 99 III 58).
La plainte de l'art. 17 LP sert à corriger un vice dans la procédure d'exécution forcée. Lorsque, par cette voie, le plaignant entend seulement faire constater l'acte illicite de l'Office en vue d'obtenir la réparation de son dommage dans un procès en responsabilité contre le canton, voire même obtenir directement cette réparation, sa plainte est irrecevable (ATF 138 III 265 consid. 3.2; ATF 118 III 1 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_312/2012 du 18 juillet 2012 consid. 5).
2.1.2.1 En application des art. 162 et 170 LP, le juge de la faillite peut ordonner préalablement toutes mesures conservatoires qu’il estime nécessaires dans l’intérêt des créanciers, notamment qu'il soit dressé inventaire des biens du débiteur.
Aux termes de l'art. 164 LP, le débiteur est tenu, sous menace des peines prévues par la loi (art. 169 CP), de représenter en tout temps, en nature ou en valeur, les biens inventoriés, à l’exception de ce que le préposé pourra lui avoir abandonné pour son entretien et celui de sa famille. Le préposé attire expressément l’attention du débiteur sur ses obligations ainsi que sur les conséquences pénales de leur inobservation.
Le devoir de maintenir la valeur des objets inventoriés, sous la menace des sanctions pénales de l’art. 169 CP et de l’évident corollaire des contraventions prévues à l’art. 323 ch. 1 et 3 CP, est l’élément caractéristique des effets de l’inventaire. L’efficacité de la dissuasion de nature pénale est subordonnée à la condition que le préposé informe explicitement le poursuivi de son devoir, le rendant attentif aux conséquences pénales au cas où il ne s’y conformerait pas (Jaques/Cometta, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2025, n° 1 ad art. 164 LP).
2.1.2.2 A teneur de l'art. 221 LP, dès que l’office des faillites a reçu communication de l’ouverture de la faillite, il procède à l’inventaire des biens du failli et prend les mesures nécessaires pour leur conservation. Cet inventaire a pour but et conséquence d’énumérer et d’établir les biens et les droits que la masse considère comme appartenant au failli et tend à assurer la conservation du patrimoine du failli. Il se distingue de l’éventuel inventaire conservatoire préalable au sens des art. 162 ss et 170 LP – qu'il remplacera. Ce dernier peut toutefois servir de base à son établissement (Vouilloz, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2025, n° 1 et 2 ad art. 221 LP).
2.2 En l'espèce, la plaignante demande que l'Office des poursuites complète a posteriori un inventaire conservatoire préalable au prononcé de la faillite. Or, l'Office des poursuites n'est plus compétent pour établir un inventaire conservatoire préalable à la faillite une fois que cette dernière est prononcée – seul l'Office des faillites est dès lors compétent pour établir l'inventaire de la faillite ou prendre toute autre mesure en vue de la conservation des biens du failli. De surcroît, une telle mesure n'aurait aucune portée, puisqu'elle ne permettrait plus d'imposer à la faillie de représenter les biens inventoriés dans la faillite, cette dernière ayant été prononcée avant que l'inventaire conservatoire n'ait été complété. Il n'existe par conséquent aucun intérêt à ce complètement. En définitive, la plaignante reconnaît qu'elle ne poursuit désormais plus qu'un seul objectif : faire constater par la Chambre de céans le fait que l'Office n'aurait pas complètement établi l'inventaire conservatoire en violation de son devoir de diligence aux fins d'anticiper une démarche en responsabilité. La Chambre n'a toutefois pas à entrer en matière sur un tel moyen.
La plainte sera par conséquent déclarée irrecevable, faute d'objet et d'intérêt.
3. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).
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La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare irrecevable la plainte de A______ LTD contre le procès-verbal d'inventaire conservatoire n° 7______ établi le 9 janvier 2025 par l'Office cantonal des poursuites à l'encontre de B______ SA.
Siégeant :
Monsieur Jean REYMOND, président; Messieurs Alexandre BÖHLER et Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.
Le président : La greffière :
Jean REYMOND Véronique AMAUDRY-PISCETTA
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.