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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3817/2024

DCSO/87/2025 du 20.02.2025 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Délégation; vente; enlèvement
Normes : LP.4; LP.283; LP.120
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3817/2024-CS DCSO/87/25

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 20 FEVRIER 2025

 

Plainte 17 LP (A/3817/2024-CS) formée en date du 18 novembre 2024 par A______ SA, représentée par Me Michel BOSSHARD, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 20 février 2025
à :

-       A______ SA

c/o Me BOSSHARD Michel

Eardley Avocats

Rue De-Candolle 16

1205 Genève.

- B______ SA

c/o Me JATON Jean-Noël

Etude Schmidt, Jaton & Ass.

Av. Général Guisan 64

Case postale 7399

1002 Lausanne.

- Office cantonal des poursuites.

 


EN FAIT

A.           a. A______ SA, qui a son siège dans le canton de Genève, fait l'objet de plusieurs poursuites en validation d'inventaire engagées dans le canton de Vaud par la société B______ SA, lesquelles ont trait à des loyers impayés et à des indemnités pour occupation illicite en lien avec des locaux situés à C______ (VD).

b. Le 5 avril 2024, B______ SA a requis de l'Office des poursuites du district de D______ [VD] la vente des objets frappés par le droit de rétention, selon inventaires nos 1______ du 24 septembre 2019, 2______/3______ du 13 février 2020, 4______ du 15 juillet 2020 et 5______ du 24 novembre 2020.

B______ SA faisait valoir que les oppositions formées par A______ SA aux commandements de payer, poursuites nos 6______, 7______, 8______, 9______, 10______ et 11______, avaient été levées par jugement du Tribunal des baux du canton de Vaud du 14 juillet 2022, confirmé sur ce point par arrêt du Tribunal cantonal vaudois du 28 mars 2024.

Le 24 juin 2024, B______ SA a informé l'Office des poursuites du district de D______ de ce que le Tribunal fédéral avait rejeté la requête d'effet suspensif formée par A______ SA dans le cadre du recours que cette dernière avait interjeté à l'encontre de l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois du 28 mars 2024.

c. Par six requêtes datées du 2 octobre 2024, une pour chacune des poursuites concernées (nos 10______, 11______, 7______, 6______, 8______ et 9______) l'Office des poursuites du district de D______ a délégué à l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) la vente aux enchères des biens inventoriés qui se trouvaient dans les locaux de A______ SA, rue 12_____ no. ______, [code postal] E______ [GE]. Les requêtes, qui listent les objets concernés par la demande d'entraide, indiquaient que A______ SA avait déplacé dans le canton de Genève des biens inventoriés par l'Office des poursuites du district de D______.

d. Par courrier recommandé du 17 octobre 2024, l'Office a informé A______ SA que l'enlèvement des objets saisis dans les poursuites engagées par B______ SA nos 10______, 11______, 7______, 6______, 8______ et 9______, interviendrait le 31 octobre 2024 dans la journée. Par avis séparé du même jour, envoyé par pli simple, l'Office a avisé A______ SA de la date, heure et lieu de l'enlèvement.

e. Par courrier du 29 octobre 2024, A______ SA a sollicité de l'Office notamment le report de l'enlèvement. Elle a exposé à cette occasion que la procédure était en cours devant le Tribunal fédéral et qu'elle préparait une demande d'effet suspensif. Elle a produit un avis de réception par le Tribunal fédéral du recours qu'elle avait formé contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois du 28 mars 2024.

f. Le 4 novembre 2024, l'Office a adressé à A______ SA, par pli simple et pli recommandé, un nouvel avis d'enlèvement pour le 18 novembre 2024.

B. a. Par acte déposé le 18 novembre 2024, A______ SA a formé plainte contre l'avis d'enlèvement du 4 novembre 2024, dont elle a requis l'annulation.

Elle expose que les poursuites nos 6______, 7______, 8______, 9______, 10______ et 11______ mentionnées par l'Office sur l'avis d'enlèvement ne correspondaient pas aux poursuites diligentées dans le canton de Vaud et qu'elle ne s'était jamais vu signifier, que ce soit par un office vaudois ou genevois, de commandements de payer dans ces poursuites. Si l'Office agissait sur délégation de l'Office des poursuites du district de D______, alors la délégation n'était pas valable, A______ SA n'ayant jamais été domiciliée dans le "F______" [région du canton de Vaud]. De plus, elle n'avait pas été informée de la délégation et l'Office outrepassait le cadre de la délégation, qui était limitée à un constat des biens inventoriés.

A______ SA a sollicité l'octroi de l'effet suspensif à sa plainte.

b. Dans sa détermination sur effet suspensif datée du 20 novembre 2024, l'Office a exposé avoir agi sur délégation de l'Office des poursuites de D______ et a rappelé le déroulement de la procédure, tout en indiquant qu'il avait sursis à exécuter l'enlèvement.

c. Par décision du 27 novembre 2024, la Chambre de céans a refusé l'effet suspensif à la plainte en tant qu'elle portait sur l'enlèvement des actifs saisis mais l'a accordé en ce sens qu'il était interdit à l'Office de procéder à la réalisation forcée des biens jusqu'à droit connu sur la plainte.

d. Aux termes de sa réponse du 9 décembre 2024, B______ SA a rappelé que l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois du 28 mars 2024 était exécutoire, suite au refus du Tribunal fédéral d'accorder l'effet suspensif au recours de A______ SA. Or, cet arrêt levait définitivement les oppositions formées par A______ SA dans huit poursuites (dont les six concernées par la procédure de délégation). C'était donc de manière téméraire que A______ SA soutenait dans sa plainte que les poursuites visées par l'avis d'enlèvement ne correspondaient à celles diligentées dans le canton de Vaud. Pour le surplus, la procédure n'était entachée d'aucune irrégularité. La plainte était irrecevable subsidiairement infondée.

e. L'Office a observé que la plainte était tardive et donc irrecevable, A______ SA n'ayant pas agi dans les dix jours dès la notification du premier avis d'enlèvement du 17 octobre 2024. La délégation en tant que telle décidée par l'Office des poursuites du district de D______ ne pouvait pas être contestée devant la Chambre de surveillance du canton de Genève, s'agissant d'un acte émanant d'un Office d'un autre canton. L'avis d'enlèvement était conforme à la demande de délégation qui tendait à la vente des objets inventoriés et reprenait les numéros de poursuites indiquées dans les requêtes de délégation.

f. Le rapport de l'Office et la détermination de B______ SA ont été communiqués à A______ SA le 17 décembre 2024. Sur ce, l'instruction de la cause a été close.

EN DROIT

1. 1.1 Lorsque l'exécution d'un acte de poursuite est, en application de l'art. 4 al. 1 LP, déléguée par l'office conduisant la poursuite à l'office territorialement compétent pour procéder à cet acte, c'est l'autorité de surveillance dont dépend l'office délégué qui est compétente pour connaître d'une plainte relative à cette exécution (Möckli, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, N 11 ad art. 4 LP).

1.2 En tant qu'elle est dirigée contre l'avis d'enlèvement, soit contre l'exécution par l'Office, en qualité d'office délégué au sens de l'art. 4 al. 1 LP, d'une opération à laquelle il a été requis de procéder en application de cette disposition par l'OP du district de D______, en sa qualité d'office conduisant les poursuites, la Chambre de surveillance, autorité de surveillance de l'Office (art. 6 LaLP), est donc bien compétente pour en connaître.

2. 2.1 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP). Il en va autrement

2.2 En l'espèce, la plainte apparaît tardive, dès lors qu'elle a été formée plus de dix jours après la prise de connaissance par la plaignante du premier avis d'enlèvement du 17 octobre 2024, qu'elle a bien reçu puisqu'elle a sollicité de l'Office un report de délai. Le second avis d'enlèvement n'a fait que modifier la date d'exécution de la mesure mais pas le contenu de celle-ci. La question de la recevabilité de la plainte souffre de rester indécise, vu l'issue de la procédure.

3. 3.1.1 Aux termes de l'art. 283 LP, le bailleur de locaux commerciaux peut requérir l'office, même sa poursuite préalable, de le protéger provisoirement dans son droit de rétention. L'Office dresse alors inventaire des objets soumis au droit de rétention et assigne au bailleur un délai pour requérir la poursuite en réalisation de gage.

Les biens inventoriés dans le cadre de la prise d'inventaire restent en principe en mains du débiteur qui n'a plus le droit de les déménager; le bailleur n'a la possibilité d'obtenir l'enlèvement immédiat de ceux-ci que s'il rend vraisemblable qu'il y a péril en la demeure et que cette mesure est nécessaire pour assurer les droits constitués en sa faveur (art. 283 al. 2 et 98 al. 3 LP).

3.1.2 Selon la jurisprudence, une application par analogie de l'art. 98 LP à la procédure de prise d'inventaire pour sauvegarder les droits de rétention du bailleur (art. 283 LP) n'entre en considération qu'à partir du moment où celle-ci a atteint un stade qui peut être comparé à la saisie lors d'une poursuite ordinaire.

Hormis le cas de l'acceptation du commandement de payer, la saisie ne peut être exécutée que lorsque l'opposition a été levée, en d'autres termes lorsqu'un juge a examiné la réalité de la prétention qui fonde la poursuite (même si cet examen n'est pas complet en ce qui concerne la saisie provisoire). Il doit en aller de même pour l'établissement d'un inventaire de rétention dans la poursuite en validation. Dans ce cas aussi, l'art. 98 LP n'est applicable qu'après la levée d'une éventuelle opposition (ATF 127 III 111 in SJ 2001 I p. 314, consid. 3).

3.1.3 Une fois la vente requise, l'Office des poursuites avise le débiteur de la réquisition de réaliser (art. 120 LP; cf. formulaire officiel n° 28) et l'informe, au moins trois jours à l'avance, des lieu, jour et heure des enchères.

Le débiteur est aussi informé de la date de l'enlèvement des objets (cf. formulaire officiel n° 28). L'office, peut, lorsqu'il donne avis de l'enlèvement de l'objet qui doit être réalisé, signifier au poursuivi – éventuellement au moyen d'une formule toute prête – qu'il doit assister personnellement à l'opération, ou faire en sorte que l'opération puisse avoir lieu même en son absence, et assortir cette injonction de la commination des peines prévues à l'art. 292 CP (Gilliéron, Commentaire, n° 9 ad art. 120 LP).

3.2 En l'espèce, l'Office des poursuites de D______ a délégué à l'Office la réalisation forcée d'objets inventoriés dans le canton de Vaud mais se trouvant dans le canton de Genève, sur la base de l'art. 4 al. 1 LP. Ce procédé n'est pas critiquable, étant précisé que d'éventuels griefs dirigés contre les actes effectués par l'Office des poursuites de D______, en lien notamment avec l'enregistrement de la réquisition de vente ou la requête de délégation ne sont pas du ressort de la Chambre de céans et sont donc irrecevables. Aussi, la plaignante ne saurait contester devant la Chambre de céans le fait que l'Office des poursuites de D______ ne l'aurait pas avisée de la délégation, ou le fait que la délégation ne serait pas valable.

C'est à tort que la plaignante soutient que la demande d'entraide était limitée à la constatation par l'Office des biens inventoriés et n'autorisait pas l'enlèvement des objets. En effet, les six requêtes de délégation indiquent expressément qu'elles tendent à ce que l'Office vende sans retard des objets inventoriés dans le canton de Vaud et déplacés à Genève. Or, l'enlèvement des objets saisis constitue un acte préparatoire à la vente forcée, lequel est du reste expressément mentionné dans le formulaire officiel n° 28 relatif à l'avis de réception de la réquisition de réaliser. Le procédé de l'Office, qui a avisé la plaignante qu'il allait procéder à l'enlèvement des objets saisis, n'est pas critiquable.

Le grief de la plaignante selon lequel les numéros de poursuites mentionnés dans l'avis d'enlèvement querellé ne correspondraient pas aux numéros des commandements de payer à l'origine des poursuites engagées dans le canton de Vaud par la poursuivante frise la témérité, dès lors que l'avis d'enlèvement reprend les six numéros de poursuites indiqués dans les requêtes de délégation, qui correspondent aux poursuites indiquées dans les réquisitions de vente.

Enfin, la plaignante ne fait valoir aucune violation par l'Office des règles de la LP relatives à la procédure de réalisation.

En tous points mal fondée, la plainte sera donc rejetée.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 18 novembre 2024 par A______ SA contre l'avis d'enlèvement de l'Office cantonal des poursuites du 4 novembre 2024, dans le dossier n° 13______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Messieurs Alexandre BÖHLER et Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente : La greffière :

Verena PEDRAZZINI RIZZI Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.